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Intervention de Nicolas Chamussy

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 11h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Nicolas Chamussy, directeur général de Nexter :

Depuis plusieurs années, avec la crise Covid-19, la crise d'approvisionnement des matières premières, la crise d'approvisionnement des composants électroniques et la crise énergétique, les industriels ont tous mis en place, avec le concours de la DGA, des observatoires de nos fournisseurs les plus critiques. Chez Nexter, nous en suivons plus de 600 de manière plus spécifique, que l'on aide de la meilleure manière possible au plan de la trésorerie, mais aussi en achetant des matériels en avance de phase : nous avons par exemple acheté des ébauchés de tubes ou de corps d'obus, y compris sans client identifié. De même, nous achetons parfois de la matière première en avance de phase pour aider nos partenaires industriels : quelques jours après le 24 février 2022, nous avons acheté plusieurs centaines de tonnes de poudre en avance de phase. Cela permet d'aider nos partenaires industriels, sachant que cette question nous taraude tous les jours : si l'on n'aide pas notre chaîne de fournisseurs, l'on ne fournira plus de CAESAR, de Scorpion, de munitions, et nous ne parviendrons plus à soutenir les forces, qui ont besoin de nos capacités industrielles pour les aider.

Je reviens à présent sur la notion d'économie de guerre. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il existe une très forte impulsion politique pour que l'industrie passe en économie de guerre afin d'aider l'Ukraine dans la durée et de nous préparer nous-mêmes à un conflit majeur. J'en rappellerai les trois composantes : une économie de guerre signifie produire plus vite, produire davantage et être plus souverain.

Concernant la nécessité de produire plus vite, je prendrai l'exemple des canons CAESAR. Avant le déclenchement des opérations, le cycle de production s'étalait entre vingt-quatre et trente mois. Nous sommes désormais à un cycle de dix-sept mois pour les CAESAR 6x6 équipant les forces françaises. Pour ce faire, nous avons priorisé les activités chez nous et chez nos fournisseurs et effectué des achats anticipés de matières premières, de composants électroniques et de produits semi-finis.

Pour le produire plus, je rappelle que nous étions, en fin d'année 2021, sur une cadence historique moyennée de l'ordre de deux CAESAR par mois. En fin d'année 2023, nous serons passés à six par mois, puis à huit par mois dans le courant de l'année 2024 – nous sommes en train d'effectuer les derniers réglages. Nous avons multiplié par quatre la cadence de livraison des CAESAR. Lorsque je dis « nous », je ne parle pas seulement de Nexter, mais aussi de l'ensemble de la chaîne industrielle, de la DGA et des forces, dans le cadre d'un continuum entre l'industrie et l'État. Nous avons aussi augmenté les capacités de production de munitions, sujet sur lequel je reviendrai en répondant à la question François Cormier-Bouligeon.

Être plus souverain est enfin une exigence forte que nous avons bien prise en compte, même si dans les faits, 95 % de notre chaîne de fournisseurs est localisée sur le territoire national. Notre densité de souveraineté industrielle était déjà très forte. L'exemple typique fut la relocalisation partielle de la filière poudre, dont nous sommes partie prenante.

Voici donc les trois têtes de chapitre de l'économie de guerre aux yeux de Nexter : produire plus vite, produire plus, être plus souverain, avec les exemples associés sur les CAESAR et les munitions. Je pense que nous sommes au rendez-vous. Cela dit, à ce jour, l'effort de mobilisation reste très largement autofinancé. Nous atteignons la limite haute, et cet autofinancement s'arrête où débute l'impératif de bonne gestion des entreprises privées que nous sommes. C'est un cycle de discussions permanent entre nous et l'État.

Pour terminer sur l'économie de guerre, je souhaiterais qu'elle emporte une véritable dimension transformationnelle et qu'elle change profondément les fondamentaux sur lesquels la BITD est fondée depuis plusieurs décennies. Il sera nécessaire que cette logique s'inscrive dans le long terme et fasse l'objet d'un partage des risques adapté entre l'État et l'industrie. Nous en discutons régulièrement, et je pense que cette LPM, avec toutes les dispositions qu'elle prévoit, est un élément extrêmement important.

Concernant spécifiquement les munitions, notre outil industriel munitionnaire est très orienté sur la production de munitions d'artillerie et de char, soit plutôt du gros calibre. Je puis vous confirmer que cet outil tourne à pleine cadence. Dès le début du mois de mars 2022, nous avons acheté énormément d'ébauchés de corps d'obus, de la poudre, des explosifs. Dans ce domaine, nous étions sur une base de production en France et en Italie de l'ordre de 60 000 obus par an. C'est à peu près l'étiage auquel nous sommes actuellement. Nous allons ajouter 50 % de capacités, conformément à nos engagements et grâce à des investissements industriels. Nous avons acheté des machines et des mètres carrés, constitué des stocks et même embauché du personnel que nous avons commencé à former. D'ailleurs, sur ce type de métier, en particulier pour les populations coulant l'explosif dans les obus, il n'existe pas d'école de formation française à proprement parler. La meilleure école, c'est chez Nexter, avec le compagnonnage. Comme je l'ai par ailleurs écrit au commissaire Thierry Breton, nous avons mis en place un plan pour doubler à nouveau nos capacités à horizon 2025. Je vous confirme donc que ce plan existe. En revanche, nous avons atteint la limite de ce que nous pouvions autofinancer. Nous allons désormais devoir nous coordonner avec l'État, ainsi qu'avec la Commission européenne, qui fait montre d'un intérêt tout à fait particulier sur le secteur munitionnaire.

J'en arrive à la question du char lourd et du MGCS, qui a fait l'objet de discussions industrielles. Comme vous le savez, nous avons finalisé un accord industriel en fin d'année dernière, qui permet de lancer les étapes suivantes du programme MGCS. Le ministre Sébastien Lecornu a récemment échangé sur ce point avec son homologue allemand, et nous devrions obtenir quelques informations dans les prochaines semaines. Le programme MGCS reste en ligne de mire pour la préparation d'un programme de char de combat en coopération avec l'Allemagne. Le ministre s'est lui-même exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet. D'une manière ou d'une autre, une solution intermédiaire devra être trouvée pour succéder au char Leclerc, solution qui s'impose petit à petit du fait du contexte ukrainien et de l'arrivée de chars avec de nouvelles capacités. Comme vous le savez, nous avons proposé le concept Enhanced Main Battle Tank (E-MBT), qui est un char capitalisant sur les compétences et les acquis, en Allemagne et en France, du groupe KNDS auquel Nexter appartient. Présenté au salon Eurosatory en 2022, ce concept fait clairement partie des solutions envisagées en réponse à la demande du ministre de trouver, quoi qu'il arrive, une solution intermédiaire.

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