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Intervention de Éric Béranger

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 11h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Éric Béranger, président-directeur général de MBDA :

Je reviendrai d'abord sur la dépendance, l'export et la manière dont l'État peut nous aider ou nous aide déjà. Comme le soulignait Pierre Éric Pommellet, nous nous inscrivons dans le cadre d'un dialogue permanent avec l'État. Celui-ci est totalement au cœur de toute exportation, puisque la fabrication et/ou la vente d'armes sont interdites par la loi. De fait, nous agissons systématiquement par dérogation, a fortiori dans le cadre de nos activités à l'export. Nous dialoguons de manière très intime avec l'État, qui dispose effectivement de leviers d'action en termes de lissage de capacités de production. Dans le cas de MBDA, cela nous conduit à réfléchir à la manière dont nous pouvons satisfaire les besoins de l'État français au fil des années, de sorte que nous puissions parallèlement livrer plus ou moins vite des clients à l'export.

L'aspect gouvernement à gouvernement est également un élément très important de compétitivité de l'équipe France. Nous sommes beaucoup plus forts dès lors que nous parvenons à jouer en tant qu'équipe France, ce qui est de plus en plus important dans le contexte hyperconcurrentiel auquel nous sommes confrontés. Pour ne citer que quelques exemples récents de réussite de MBDA et de l'équipe France, je mentionnerais notamment les Émirats arabes unis, ainsi que la Grèce avec Naval Group. Quoi qu'il en soit, dans certains cas, la capacité à obtenir des contrats de gouvernement à gouvernement devient de plus en plus importante pour remporter ces compétitions export. Il s'agit d'ailleurs d'un outil que les États-Unis utilisent à profusion. Le groupe MBDA est lui-même engagé dans des compétitions qui risquent de lui échapper si nous ne parvenons pas à adopter une démarche analogue en France.

Comme certains l'ont déjà souligné, les compétences et le recrutement constituent des enjeux absolument majeurs. Le terme de "ressources" est très souvent associé aux ressources financières, mais la ressource humaine est assurément la plus importante. En l'occurrence, les enjeux en termes de ressources humaines sont absolument conséquents, dans la mesure où notre industrie fait appel à des compétences très pointues, que nous devons non seulement être capables de recruter, mais que nous devons aussi continuer à former et à entretenir. Pour sa part, MBDA envisage de recruter 850 personnes – voire un millier – sur l'exercice 2023. Il s'agit d'un effort très significatif, puisque nous devrons nécessairement intégrer et former ces nouvelles recrues.

À cet égard, il me semble que la représentation nationale a un rôle très important à jouer s'agissant des discours sur les activités de défense, sur l'importance de la défense nationale aux fins de garantir la sécurité. Il est extrêmement important, via ce genre de débat, de mieux faire connaître et comprendre ces aspects auprès de nos jeunes et de la population, et de valoriser l'image de la défense et de l'industrie de défense pour nous aider à mieux recruter.

Concernant la réserve industrielle, MBDA dispose de compétences très pointues. Cette réserve industrielle peut donc faire sens sur certaines activités, mais probablement de manière plus marginale que chez certains de mes collègues.

S'agissant de l'article 24, il me semble légitime que l'État s'assure, face aux enjeux de sécurité internationale, de la capacité des industriels à augmenter les volumes et/ou les rythmes de production. Néanmoins, de nombreux éléments restent à discuter pour clarifier la manière dont l'État souhaiterait mettre en œuvre ces actions, qui sera sûrement précisée dans différents décrets d'application. En tant qu'industriels, notre souhait est d'être associés très étroitement à cette mise en œuvre. L'un de mes collègues mentionnait précédemment le sujet des clients à l'export. De fait, l'export est important en termes de constitution de volants d'activité nous permettant ensuite de servir les besoins français. Il s'agit donc d'un enjeu stratégique, qui n'est pas seulement commercial. À cet égard, nous devrons veiller à la manière dont seront perçues les dispositions prises par l'État français. Si un client export considère que contracter avec un industriel français le met à risque et crée une incertitude insupportable en termes de livraison, il aura plutôt tendance à considérer plus favorablement des offres concurrentes. Nous devrons donc être extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ces dispositions, en clarifiant certains sujets dans le cadre de ce dialogue permanent avec l'État.

J'aborderai enfin la question des coopérations. MBDA est l'essence même d'une coopération fonctionnelle avec le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne, qui se traduit dans des contrats de coopération. Sans cette coopération, la France n'aurait pas accès à l'ensemble du spectre d'armement que MBDA peut délivrer aux armées françaises. Cette coopération est absolument fondamentale, d'autant qu'elle n'empêche aucunement de préserver, au niveau national, des capacités de réalisation de nos armements. Par exemple, près de 90 % de l'activité de MBDA à destination des armées est fournie au niveau national. Nous disposons d'ailleurs d'un socle de fournisseurs capables de réaliser tout ce qui est nécessaire pour le national, et bien entendu, la dissuasion ne repose que sur des activités de production nationales.

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