Je reviendrai d'abord sur les questions du rapporteur relatives à l'export. Nexter est une entreprise employant 4 500 salariés et dégageant un peu plus de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires, avec 40 à 50 % de notre activité réalisée à l'export. Ainsi, l'export est absolument fondamental, avec notamment la perspective de contrats d'État à État allégés, que nous appelons tous de nos vœux.
Vous connaissez probablement le contrat capacités motorisées (CaMo), qui a été établi dans le cadre d'un accord intergouvernemental entre la France et le Royaume de Belgique, par lequel la Belgique va acquérir ou a déjà acquis des CAESAR, des Griffon, des Jaguar, des Serval, etc. D'un point de vue industriel, ce type de contrat présente plusieurs avantages évidents. D'abord, il nous donne de la visibilité. Ensuite, les commandes passées par la Belgique concernent les mêmes matériels que les commandes passées par la France, nonobstant quelques équipements spécifiques, ce qui présente évidemment un intérêt pour les maîtres d'œuvre que nous sommes et pour notre chaîne de fournisseurs sur le territoire national. Par ailleurs, au-delà des aspects industriels, l'alignement des modèles d'armée que sous-tend cet accord est extrêmement important. Les modèles de formation seront les mêmes, et les personnels seront formés selon les mêmes méthodes. De plus, les régiments utilisant ces matériels seront pareillement structurés, que ce soit en nombre de personnes ou de servants de pièces. Le système de soutien sera également mutualisé, tout en garantissant l'autonomie stratégique des deux pays. Il s'agit de montants relativement significatifs pour Nexter, portés par un contrat dont l'importance réside surtout, au-delà de l'aspect industriel, dans ses conséquences en termes d'alignement des pays et pour le Soft Power de la France. Je pense que ce type de modèle mérite d'être pérennisé et déployé, et nous savons d'ailleurs que le Luxembourg souhaiterait à son tour bénéficier du même type de schéma. Nous appelons donc absolument de nos vœux ce type de partenariat industriel et étatique, qui dépasse la seule question de l'export.
Concernant l'article 24, la réserve industrielle et plus spécifiquement les sujets de ressources humaines, je rappellerai d'abord que la vitalité de notre industrie et notre capacité à livrer les matériels sont directement liées au capital humain et à la capacité à maintenir et à développer des compétences, dont certaines sont très rares et longues à acquérir. Pour vous donner un ordre de grandeur, la montée en cadence impulsée par le programme Scorpion à Roanne et la croissance marquée de Nexter depuis plusieurs années ont conduit à une augmentation de nos effectifs d'environ 1 000 personnes depuis 2017, soit 20 à 25 % des effectifs, ce qui est absolument significatif, y compris pour ce que cela induit en termes de formation des personnels, de formation aux questions de sécurité, d'apprentissage des métiers.
Or la capacité à recruter reste pour nous tous un point de vigilance, notamment pour des raisons géographiques, puisque nous sommes positionnés dans des bassins d'emploi – Roanne, Bourges, etc. – parfois complexes. Elle est aussi un point de vigilance en raison de la rareté de compétences sur certains métiers : soudeurs, usineurs, assembleurs, peintres, métiers liés à la pyrotechnie, à la cybersécurité, etc. La résistance que nous pouvons offrir à nos soldats si leur véhicule roule sur un engin explosif repose en grande partie, au-delà de la qualité de conception, sur la capacité de soudure.
La pyrotechnie constitue également, au plan des compétences, un métier tout à fait particulier. Au moins six mois sont nécessaires pour former un opérateur par le biais du compagnonnage, tandis que trois à quatre ans de formation sont requis pour former un référent capable d'encadrer une équipe de manière autonome. Il s'agit bien de métiers très spécifiques à long cycle de formation, dont nous devons absolument nous préoccuper. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un campus pyrotechnique du futur à Bourges, étant entendu que nous avons besoin – comme nos partenaires de MBDA – de pyrotechniciens.
Je me permettrai une petite incidence sur la réserve industrielle citoyenne, qui m'est particulièrement chère, puisque j'avais rédigé, il y a un peu plus d'un an, dans un grand quotidien de la presse économique française, un éditorial proposant la création de cette réserve industrielle citoyenne, sur un mode quelque peu particulier. Il s'agissait en effet de proposer à différents professionnels d'effectuer une à trois semaines de période de réserve chez les industriels de défense, sur le modèle de la réserve opérationnelle, pour que ces personnes commencent à acquérir des tours de main ainsi qu'un affectio societatis. Il ne s'agissait pas d'en faire des pyrotechniciens ou des soudeurs du jour au lendemain, mais si nous devions passer en économie de guerre, comme c'est le cas en ce moment, nous disposerions au moins d'une ressource sur le territoire national qui pourrait être mobilisée et utilisée – au sens noble du terme – bien plus rapidement que si nous devions recommencer un cycle de formation de A à Z.
Si j'avais davantage de temps, j'aurais volontiers répondu aux questions relatives au MGCS, à l'économie de guerre et à la souveraineté.