La séance est ouverte à vingt et une heure.
Je salue mes collègues de la commission de la défense et espère qu'ils ont tous pu mettre à profit les deux précédentes semaines de suspension de travaux. Pour ma part, j'ai eu l'occasion de rencontrer les forces françaises présentes au Niger et au Sénégal.
Monsieur le délégué général, nous avons plaisir à vous recevoir à nouveau à l'Assemblée et j'en profite pour vous remercier de l'accueil qui nous a été fait par vos équipes à Biscarosse sur le site de DGA Essais de missiles (DGA EM). Nous avons ainsi découvert une infrastructure exceptionnelle et des personnels pleinement engagés. Nous mesurons mieux le travail effectué par ces derniers et l'énergie qu'ils déploient, malgré des contraintes fortes liées à leur charge de travail. Nous sommes ressortis de cette visite avec une grande fierté d'être Français, d'autant plus qu'un tir de missile M51 a été effectué avec succès quelques semaines après notre visite, à la mi-avril.
Chers collègues, nous attaquons aujourd'hui notre dernière semaine d'auditions relatives à la loi de programmation militaire (LPM), que les commissions des finances et des affaires étrangères examinent également pour avis cette semaine. Pour notre part, nous examinerons le texte sur le fond dès mardi prochain et la conférence des présidents a inscrit la LPM au calendrier de la séance publique du lundi 22 mai jusque possiblement au vendredi 2 juin. Nous disposerons donc de deux semaines pour examiner le texte en séance publique. Un premier galop d'essai intervient dès aujourd'hui à l'occasion du débat proposé par le Modem concernant le rapport sur l'exécution de la LPM existante.
Le projet de LPM 2024-2030 intervient dans un contexte de profonde transformation de la DGA, symbolisée par une nouvelle stratégie et un nouveau logo, sur fond de transition vers une économie de guerre. Comment cette transformation de la DGA contribuera-t-elle à la transformation de nos armes promue par le projet de LPM ?
La DGA et l'état-major des armées définissent la feuille de route pour les futures capacités de nos armées. Vous reviendrez certainement à ce titre sur les priorités capacitaires retenues par ce projet de LPM et vous nous confierez certainement votre avis sur les conséquences de l'étalement prévu sur certains programmes. Enfin, vous évoquerez peut-être également un sujet qui vous tient à cœur : les priorités en matière d'innovation, qui constituent un des points forts de la LPM, avec 10 milliards d'euros de besoins programmés. D'autres programmes sont également menés à l'échelle interministérielle, je pense notamment à France 2030.
Avant de vous céder la parole, je vous indique que nous accueillons ce soir dans le public six jeunes ingénieurs de l'armement. Nous étions allés à leur rencontre le 6 janvier dernier sur le site de l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) à Saclay et il nous semblait intéressant de leur proposer d'assister à cette audition. Je souhaite à cette occasion les remercier d'avoir choisi de devenir ingénieur de l'armement. Ce midi, j'ai d'ailleurs déjeuné avec l'actuel PDG d'EDF, ancien ingénieur de l'armement. Cet exemple atteste que les compétences développées pour être ingénieur de l'armement permettent de construire une expertise qui peut être valorisée dans bien des domaines.
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui et vous remercie de faire la promotion des carrières au sein de la DGA. Comme vous le savez, la question des ressources humaines est un sujet de préoccupation constante, notamment afin de pouvoir attirer les plus jeunes. Nous pourrons d'ailleurs en discuter si vous le souhaitez.
La LPM constitue l'outil indispensable à la programmation de notre système de défense, nécessaire au besoin des forces et à la préparation de l'avenir. Cet outil nous offre une visibilité partagée entre forces, DGA et industrie, pour les sept prochaines années au moins.
La loi de programmation militaire nous permet de piloter, avec cohérence, le fonctionnement et l'évolution d'ensemble de notre système de défense. Nos discussions interviennent après une LPM 2019-2025 qui constituait déjà un effort majeur et dont vous venez de discuter dans l'hémicycle. Cette LPM proposait une trajectoire financière déjà en forte hausse, avec 295 milliards d'euros alloués. Pour la première fois, cette LPM a été exécutée à l'euro près, ce qui a renforcé significativement la crédibilité de cet exercice de programmation.
Nous veillerons à assurer cette même exécution à l'euro près pour la période 2024-2030. Cette nouvelle LPM représente un effort financier inédit proposé à la représentation nationale, pour finir de reconstruire, pour transformer et préparer l'avenir. En termes de méthode, cette LPM a été bâtie dans une coopération franche, une communauté de destins, entre la DGA et l'état-major des armées (EMA) sous l'égide du ministre des armées. Je suis sincèrement convaincu qu'elle répond au modèle et au format des armées proposé par l'EMA et retenu par le Ministre et le Président de la République.
La LPM vise à garantir notre autonomie stratégique, à assurer nos engagements au titre de notre statut d'allié et de membre de l'Union européenne et de l'OTAN, et porte l'ambition d'une France puissance d'équilibres. Les priorités politiques et militaires qui en découlent sont les suivantes : d'une part, garantir la crédibilité dans la durée de la dissuasion nucléaire, clef de voûte de notre outil de défense ; et d'autre part, transformer nos armées pour conserver notre supériorité opérationnelle et être en mesure de faire face à l'ensemble des menaces actuelles et futures, y compris dans les nouveaux espaces de conflictualité. Le rôle de la DGA consiste donc à fournir à nos armées les moyens de remplir leurs missions actuelles et futures.
Outre les programmes de la dissuasion, cette action passe par trois vecteurs principaux :
- les programmes à effets majeur (PEM), c'est-à-dire la soixantaine de grands projets les plus structurants pour les forces, qui représentent environ 100 milliards d'euros dans cette LPM ;
- les études amont, soit les crédits alloués à la préparation de l'avenir et à l'innovation, qui s'élèvent à 7 milliards d'euro contenus dans le patch de 10 milliards d'euros dédiés à la défense ;
- les autres opérations d'armement (AOA) s'élèvent à 13 milliards d'euros et recouvrent des opérations diversifiées, comme les commandes de stocks de munitions ou les commandes de radios.
L'agrégat équipement atteint au total 268 milliards d'euros dans cette LPM.
Je souhaite également évoquer plus en détail quelques éléments prégnants du point de vue de la DGA, en commençant par la dissuasion. Le contexte du conflit en Ukraine et le comportement de la Russie nous rappelle en effet la réalité et la nécessité de la dialectique nucléaire et donc la pertinence pour la France de disposer de sa propre dissuasion. Ainsi, le ministre des armées a bien rappelé durant son audition que cette LPM s'appuyait sur l'héritage de notre modèle de défense.
La dissuasion est probablement notre héritage le plus solide, mais également le fondement de la création de la DGA en 1961. Lorsque j'étais venu vous en parler il y a quelques mois, j'avais d'ailleurs réaffirmé l'importance de cette mission dans ma vision stratégique. À ce titre, je me réjouis que certains d'entre vous aient pu visiter notre centre DGA Essais de missiles à Biscarosse, où vous avez pu voir in situ ce que signifie réellement de disposer d'une dissuasion nucléaire crédible. L'île du Levant constitue en outre un site particulièrement intéressant de ce point de vue.
La modernisation de nos deux composantes vise à pérenniser la crédibilité de la dissuasion et répond au principe de stricte suffisance. En LPM 2024-2030, elle se matérialise particulièrement par les éléments suivants :
- la poursuite des travaux sur les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engin (SNLE) de troisième génération ;
- la mise en service du M51.3 doté de la future tête nucléaire océanique et la préparation du M51.4 ;
- le renouvellement de la composante nucléaire aéroporté avec l'ASN4G, dont le lancement de la phase de réalisation aura lieu en 2025.
Ensuite, la LPM 2024-2030 fait également apparaître de nouveaux objets ambitieux pour répondre aux menaces actuelles et futures, dans tous les espaces et tous les champs de la conflictualité.
Dans l'espace, il convient de relever une très nette accélération de notre ambition au sein de cette LPM. Je pense notamment au programme à effet majeur (PEM) ARES qui vise à disposer en 2025 d'un démonstrateur de capacité d'action dans l'espace. Il comporte plusieurs composantes, notamment YODA, un projet d'innovation dont je vous avais parlé et qui devient un démonstrateur de nos capacités de sécurisation de nos actifs dans l'espace en orbite géostationnaire. La surveillance spatiale est également concernée à travers le système GRAVES NG. Enfin, le système de commandement des opérations spatiales (C4OS), incluant une brique d'intelligence artificielle, est rendu possible par cette LPM, pour une mise en service en 2027.
En défense sol-air, le retour d'expérience (RETEX) du conflit en Ukraine a remis les enjeux de la défense sol-air (DSA) sur le devant de la scène. Il est bien pris en compte dans cette LPM qui prévoit en 2030 vingt-quatre plateformes terrestres MISTRAL ; huit tourelles MISTRAL pour la DSA très courte portée navale et le développement de moyens terrestres blindés dédiés à la lutte anti-drones (douze plateformes en 2030). Sur la DSA courte portée terrestre nous menons également des efforts particuliers avec le VL MICA, notamment pour répondre aux besoins de la sécurisation des Jeux olympiques 2024.
Dans le cyberespace et les champs immatériels, nous réalisons un très gros effort financier, avec un patch à 4 milliards d'euros, soit 300 % d'augmentation, dans le but de mener à bien les actions suivantes :
- conserver la souveraineté des équipements de cryptographie pour protéger nos communications régaliennes ;
- adapter la lutte informatique défensive aux nouvelles menaces et l'étendre aux systèmes d'armes et à l'écosystème du ministère, c'est-à-dire la base industrielle et technologique de défense (BITD) et les fournisseurs ;
- développer l'arsenal de lutte informatique offensive pour tenir dans la durée d'une confrontation ;
- industrialiser la lutte informatique d'influence pour faire face au foisonnement des réseaux sociaux.
La LPM prévoit également une accélération dans le domaine de la maîtrise des fonds marins, avec l'acquisition des premières capacités propres du ministère des armées, notamment le développement d'une filière industrielle souveraine, en s'appuyant sur le dispositif France 2030.
La LPM poursuit les travaux sur les grands projets structurants : le porte-avions nouvelle génération (PANG) ; le démonstrateur du système de combat aérien du futur (SCAF) et le programme Scorpion. Elle vient aussi renforcer plusieurs segments préexistants comme le programme Parade de lutte anti-drones (LAD), soit 15 systèmes en 2030 ; la LAD navale (20 systèmes en 2030) et un patch drone ambitieux à 5 milliards d'euros, qui double le budget alloué sur la période 2019-2025, dans le but de développer des capacités de drones sur tout le spectre, notamment les munitions téléopérées, le système Euromale et les drones Patroller.
Le ministre des armées, sur proposition de l'EMA et de la DGA, a pris des mesures programmatiques qui consistent à réaliser des étalements de livraison, qui font glisser certaines cibles de 2030 à l'horizon 2035, ce qui permet d'intégrer les objets nouveaux que je viens de citer mais également de garder un modèle cohérent (MCO, carburant, formation).
Il faut bien garder en tête que la LPM 2024-2030 se projette en réalité bien au-delà dans le temps. Nous engageons ainsi aujourd'hui dans cette LPM des dépenses de développement qui aboutiront à des programmes livrés une ou deux LPM plus tard. Les exemples les plus marquants en la matière concernent la dissuasion et les capacités navales.
C'est la raison pour laquelle la DGA continue aussi de préparer l'avenir à travers la consécration inédite de 10 milliards d'euros pour l'innovation. Ce patch est constitué de 7 milliards dévolus aux études amont et 3 milliards consacrés aux opérateurs (écoles, Office national d'études et de recherches aérospatiales, Institut Saint Louis), et quelques dizaines de millions aux études opérationnelles et technico-opérationnelles et aux études de prospectives stratégiques. Ce patch vise à répondre aux menaces nouvelles ; à consolider notre supériorité technologique et à garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité (espace, fonds marins, champ informationnel, cyber) ; à avoir de l'audace et de l'ambition pour gagner en agilité et rapidité de déploiement dans les forces et à explorer les ruptures technologiques très en amont, pour poursuivre l'action de l'Agence de l'innovation de défense (AID).
Cela passe par des démonstrateurs d'envergure (les armes à énergie dirigée ; l'hypervélocité ; le quantique ; l'intelligence artificielle et les énergies hybrides), mais également des efforts particuliers sur les munitions téléopérées et la robotique (250 à 300 robots terrestres).
Cette action de l'État doit naturellement s'accompagner d'une mobilisation indispensable de la BITD pour nous proposer dès aujourd'hui des projets d'innovation autofinancés destinés à nos armées, mais également à nos partenaires à l'export.
En effet, outre les volumes et les différentes feuilles de route, deux points clés sont nécessaires pour conserver un modèle équilibré. Il s'agit en premier lieu de l'export : la performance de notre industrie à l'export permet aussi de réaliser des gains économiques et bénéficier d'effets d'échelle indispensables à l'économie globale du modèle. La LPM est donc également bâtie en s'appuyant sur ces perspectives. En second lieu, il convient de mentionner le soutien et la maintenance des équipements. Le ministre des armées m'a déjà confié un mandat dans ce domaine pour, conjointement avec l'EMA et les services de soutien, conduire des négociations sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) afin de permettre d'en améliorer l'efficience et ainsi contribuer à la maîtrise du coût global des équipements, tout en répondant aux besoins d'activités des forces.
Par ailleurs, cette LPM s'inscrit pleinement dans le contexte du RETEX du conflit ukrainien, dont les enjeux capacitaires se détachent et pour lesquels la LPM apporte des réponses. Mais nous réalisons également des efforts conséquents sur les stocks de munitions, en y consacrant 16 milliards d'euros, soit une hausse de 45 % par rapport à la LPM 2019-2025 ; dans le contexte de l'économie de guerre, pour accélérer la production des obus de 155 et relocaliser les poudres et nous doter de munitions téléopérées.
L'autre enseignement de la guerre en Ukraine porte sur la nécessité de transformer notre outil industriel pour répondre aux réalités de cadences et de stocks que démontre hélas le taux d'attrition observé en Ukraine. Ces différents chantiers ont été lancés par le ministre des armées depuis le mois de septembre 2022. Pour appuyer cette ambition, la LPM prévoit aussi des mesures normatives visant à doter l'État d'outils très concrets qui permettront, en cas de crise, de lever certains verrous notamment dans les cadences de livraison.
Ensuite, lorsque l'on évalue la capacité de réaction de notre industrie, deux enjeux doivent être distingués : la R&D et la production. En matière de R&D, il existe une forme de caractère incompressible. En revanche, en phase de production, il est possible de moduler les cadences, notamment à la hausse, et de réduire les délais. C'est précisément cette phase de production qui est visée par les travaux de l'économie guerre.
Dans ce domaine, les industriels ont réalisé de nombreux efforts et je souhaite le souligner devant vous. Je pense notamment aux éléments suivants :
- le canon Caesar de Nexter, dont la production est passée de quatre à huit unités par mois, avec un raccourcissement des délais de 30 à 17 mois ;
- le radar Ground Master de Thales, dont la production est passée de douze à vingt-quatre unités par an ;
- les missiles Mistral de MBDA, dont la cadence de production a été doublée à 40 unités par mois, avec un raccourcissement des délais de 30 à 15 mois.
Ce contexte d'économie de guerre nous rappelle qu'on ne fait qu'un avec notre industrie. Comme l'a dit le ministre, la BITD doit être imbriquée dans notre modèle d'armée. L'État pourra donc venir en soutien à ces efforts en créant des mesures d'exception activables et réellement opérationnelles en cas de crise. Les mesures normatives portent ainsi sur l'obligation de constituer des stocks de matières premières ou de composants stratégiques ; les réquisitions et la possibilité d'exiger l'exécution prioritaire de commandes pour la défense face à des commandes civiles. Ces mesures normatives permettent réellement de nous donner les moyens concrets de ne pas subir en cas de crise, elles participent à ancrer l'économie de guerre dans la durée.
En conclusion, avec la LPM 2024-2030, une DGA en mode « haute intensité » se met en ordre de marche. Pour y parvenir, nous nous transformons afin de gagner en performance. Cette transformation vise notamment les éléments suivants :
- la simplification ;
- le travail sur la performance de la BITD ;
- l'analyse de la valeur, (le CEMA l'a évoqué pendant son audition et je vous confirme que nous sommes pleinement alignés sur ce point) ;
- différentes initiatives comme le traitement rapide de l'instruction du processus d'acquisition, depuis l'expression du besoin jusqu'à la livraison, notamment à travers la création par la DGA d'une force d'acquisition réactive.
En conclusion, la DGA a devant elle des défis extrêmement ambitieux, qui concernent également la dimension des ressources humaines. Nous vivons pleinement la guerre des talents, la DGA étant en concurrence directe avec les industriels pour capter des profils. Nous ouvrons donc la DGA, nous cherchons à la rendre attractive, à travailler sur les parcours de carrière et les rémunérations. La DGA est prête à être au rendez-vous de cette LPM inédite.
Enfin, je tiens à remercier devant vous les équipes de la DGA qui travaillent sans relâche pour préparer cette LPM depuis l'été dernier. Avec l'EMA, le secrétariat général pour l'administration et le cabinet du ministre, nous sommes allés au bout de ce processus de préparation de la LPM. Il faut en outre insister sur le fait que cette LPM va au-delà de sept ans : elle nous oblige, pour assurer la sécurité des générations futures. Finalement, tous les choix que nous faisons aujourd'hui nous permettent de lancer les programmes pour 2030, 2040 et 2050.
Je vous remercie pour cette présentation complète, qui nous permet de saluer l'ensemble de la DGA, qu'il s'agisse des membres actuellement en poste, mais également des anciens et des futurs collaborateurs.
Chers collègues, je vous rappelle les conditions de notre audition. Le rapporteur et les orateurs de groupe pourront poser des questions pendant deux minutes, M. Chiva y répondra immédiatement. Des questions complémentaires d'une minute auront ensuite lieu, avant de tenir une partie de réunion à huis clos.
Ma première question s'inscrit dans le contexte actuel, c'est-à-dire la guerre en Ukraine, mais également les autres conflits récents dans le Haut Karabakh, le Levant et le Sahel. En effet, ces conflits ont permis de relancer le débat sur l'équilibre optimal pour nos équipements, qui met en balance la sophistication technologique, la masse, la capacité de renouvellement rapide des équipements, leur rusticité, le MCO et le coût. Le rapport annexé à LPM souligne à juste titre que notre capacité à réagir et à tenir dans la durée imposera de concevoir les équipements futurs des armées en trouvant un équilibre entre rusticité et hyper-technologie pour concilier supériorité opérationnelle, délais de production rapide et coût de possession pour l'État. Dans ce contexte, pouvez-vous nous éclairer sur la manière dont la DGA entend entreprendre et promouvoir ce nouvel équilibre ?
Ce sujet nous tient à cœur depuis longtemps et nous avons cherché à ne jamais opposer innovation, rusticité et résilience. Il est possible d'être innovant à moindre coût (l'innovation d'usage par exemple), tout en développant rapidement des systèmes. Le triptyque coût-délai-performance nous conduit, pour chaque nouveau programme, à réaliser une analyse de la valeur, notamment de la valeur du besoin. Nous travaillons ainsi avec l'état-major des armées pour déterminer au cas par cas l'accent que nous voulons appliquer sur ces trois dimensions. De fait, lorsque l'on fait un choix, on prend des risques, ce qui nous conduit à accepter un partage des risques entre l'autorité d'emploi (l'EMA) et l'autorité technique, c'est-à-dire la DGA.
Ce changement de logiciel fait partie des conditions sine qua non pour être suffisamment agiles et répondre aux besoins opérationnels de nos forces. Nous le systématisons aujourd'hui à tous les nouveaux programmes que nous réalisons. Ceci est difficile dans le cas des SNLE, mais lorsque nous développons des munitions téléopérées, nous essayons de prioriser nos besoins selon les coûts, l'efficacité, la sophistication et l'innovation. Cet équilibre doit être interrogé à chaque fois que nous développons un nouveau système.
Au nom du groupe Renaissance, je souhaite exprimer notre soutien aux objectifs ambitieux mais réalistes fixés par cette nouvelle LPM et la DGA. Ce réalisme dans nos cibles capacitaires est primordial pour respecter à l'euro près cette nouvelle LPM, ce que nous sommes déjà parvenus à réaliser lors de la précédente LPM. Ces volumes d'armement sont également gages d'efficacité car ils sont ancrés dans les réalités de la guerre moderne et ils répondent à la nécessité de faire face aux nouvelles menaces, notamment le retour de la guerre de haute intensité, tout en prenant en compte les réalités du marché et de notre filière industrielle de défense
Grâce à notre BITD, aux PME, ETI et start-ups innovantes qui composent industrie de défense, nous pourrons pleinement relever les défis capacitaires. Il est donc nécessaire que ces acteurs soient inclus et renforcés par les grands chantiers à venir. À ce titre, j'ai posé au ministre des armées lors de son audition devant notre commission la question de l'inclusion de l'ensemble de ce tissu industriel compétent et innovant aux grands travaux d'armement prévus par la LPM.
La France regorge de start-ups et de PME innovantes qu'il nous faut accompagner, préparer et développer pour qu'elles mettent au service de la nation la qualité de leur savoir-faire et participent à l'excellence de notre industrie de défense. Le ministre des armées a répondu qu'il partage cette volonté de connecter les PME aux grands chantiers de la défense.
Le rôle du ministère et du DGA est essentiel pour assurer l'inclusion des PME dans notre filière industrielle de défense. Je sais que vous partagez cette volonté, comme l'illustre votre carrière de directeur de plusieurs PME ainsi que votre expérience de directeur de l'AID. Pouvez-vous nous détailler la manière dont vous envisagez d'inclure davantage les PME et start-ups innovantes dans les défis industriels ambitieux portés par cette nouvelle LPM ?
J'ajoute que nous auditionnerons prochainement les industriels mais également le comité Richelieu, afin de donner la parole aux PME.
Cette thématique me tient effectivement à cœur, à la fois en tant qu'ancien entrepreneur mais également en tant qu'ancien directeur de l'AID. Nous avons la chance de disposer d'une BITD complète, composée à la fois des grands industriels de l'armement mais aussi 4 000 PME, ETI et start-ups, qu'il nous faut soutenir. Plusieurs dizaines de PME sont déjà intégrées dans le programme Scorpion, mais un grand travail est réalisé pour faciliter les relations entre les grands groupes et les PME, ainsi que l'inclusion de ces dernières dans les programmes d'armement.
À ce titre, nous avons déjà mis en place un guichet unique. En effet, il était nécessaire de proposer aux PME des manières simples de pouvoir travailler avec le ministère des armées. Il est également nécessaire d'accomplir le chemin inverse, en mettant en place des cellules qui nous permettent de détecter et d'aller au contact des industries, des start-ups et PME. Il s'agit ainsi de pouvoir identifier celles qui pourraient susciter un intérêt, afin de les inclure dans les programmes d'armement en cours de réalisation ou de mener des actions plus diverses. Deux fonds d'investissement nous permettent ainsi d'injecter plusieurs dizaines de millions d'euros lors des levées de fonds de PME ou de start-ups que nous considérons soit comme critiques, soit comme particulièrement innovantes et duales.
Nous travaillons avec les industriels pour nous assurer de leur bienveillance. Nos priorités consistent à permettre à nos PME de bénéficier de la même visibilité que celle que nous offrons aux gros industriels. Ceci n'est pas forcément évident, dans la mesure où les chaînes de sous-traitance sont parfois méconnues, dès lors que l'on s'éloigne des rangs 1, 2 et 3. Nous allons donc apprendre des chantiers que nous avons lancés dans le domaine de l'économie de guerre, pour offrir une telle visibilité à l'ensemble des acteurs, petits et grands.
Le projet de transformation de la DGA que nous portons vise également à nous améliorer dans ce domaine. Nous avons ainsi créé une direction des industries de défense, qui conservera le plan action PME mais mènera également une action forte dans le domaine de la sécurisation économique des acteurs de la BITD. En effet, ces PME sont confrontées à un certain nombre de risques, notamment des risques cyber. Nous allons mener une action approfondie sur la performance industrielle, la résilience des PME, la veille concurrentielle et l'intelligence économique.
À travers ces outils, nous ferons en sorte de pouvoir faire bénéficier de plus en plus les PME de la visibilité apportée par la LPM. J'en profite pour vous indiquer que se tiendra à l'automne un Forum innovation défense, qui constituera une occasion privilégiée de faire se rencontrer les donneurs d'ordre, les industriels, les PME, les start-ups, les laboratoires, les forces et la DGA. Nous vous y recevrons évidemment avec grand plaisir.
Je vous remercie pour les propos liminaires que vous avez tenus. À l'occasion de cette LPM, on entend souvent parler de souveraineté nationale, ce qui ne peut que réjouir le groupe Rassemblement National. Cependant, nous voulons qu'elle devienne une réalité plutôt qu'une simple incantation. L'autonomie de notre pays pour l'équipement de nos forces et la souveraineté dans un contexte de tensions internationales élevées deviennent de plus en plus importantes car nous paierons au prix fort nos dépendances extérieures.
Je pense à nos dépendances vis-à-vis de puissances extra-européennes comme les États-Unis qui, s'ils restent notre allié, ne partagent pas toujours nos intérêts et utilisent leur industrie de défense comme une extension de leur diplomatie. Je songe également à la dépendance vis-à-vis d'autres États européens. Des coopérations intelligentes avec d'autres pays sont parfois bienvenues, mais nous ne devons pas poursuivre des coopérations uniquement fondées sur l'idéologie comme le SCAF ou le MGCS, qui ne fonctionnent pas : l'un patine, l'autre va dans le mur.
Lors de son audition du 5 avril dernier, le ministre des armées ne rejetait pas les préoccupations de notre groupe sur le MGCS. Il affirmait même être inquiet face au retard de ce programme. Nous proposons la mise en place de jalons décisionnels sur ces coopérations européennes, c'est-à-dire des points d'étape qui permettraient d'en sortir si celles-ci ne fonctionnent pas, afin de protéger nos intérêts. Monsieur le délégué général, nous serions intéressés de connaître votre vision quant aux risques afférents à ce type de pratiques sur les deux programmes que je viens d'évoquer. Plus généralement, que pouvons-nous faire pour privilégier systématiquement et prioritairement le développement de solutions nationales plutôt que des programmes qui rassemblent parfois des nations aux intérêts contradictoires ?
J'ai évoqué dans mes propos liminaires la viabilité de notre modèle, lequel passe également par la coopération et l'exportation, selon une approche pragmatique. À cet égard, la Revue nationale stratégique a présenté les trois cercles de dépendance. Dans le premier cercle, nous refusons toute dépendance ; particulièrement en matière de dissuasion et de cyber. Dans le deuxième cercle, nous estimons possible de développer une souveraineté nationale compatible avec une souveraineté européenne, sans naïveté. Le troisième cercle concerne d'autres sujets, sur lesquels il n'existe pas de risques de rupture d'approvisionnement ou d'activité. Dans ce dernier cas, nous acceptons de faire appel au marché. Cette analyse est permanente : nous nous posons systématiquement ces questions et nous militons pour une approche pragmatique de la coopération et des exportations.
Je ne partage pas l'analyse de M. Jacobelli sur les projets MGCS et SCAF, qui selon lui patineraient ou iraient dans le mur. Ces projets ne sont certes pas simples à réaliser, mais s'agissant du SCAF, nous avons notifié la phase 1B qui devrait nous conduire jusqu'au démonstrateur pendant la phase 2. Les industriels ont conduit une phase de ramp-up pendant les trois derniers mois, qui a permis de partager des informations et de mettre en place un système d'information entre les différents acteurs. Depuis le mois de mars dernier, les travaux industriels ont commencé.
Comme je le dis à chaque fois, il n'y a rien à perdre à lancer ce programme aujourd'hui, dans la mesure où toutes les briques technologiques développées seront nécessaires pour le maintien de nos ambitions en matière d'aviation de chasse. Vous parliez de jalons ; ces jalons existent et nous permettront de décider de manière pragmatique pour maintenir la feuille de route nécessaire à notre dissuasion, dans sa composante aéroportée. Le SCAF a donc débuté et il est nécessaire pour développer l'avion du futur successeur du Rafale qui sera compatible avec le nouveau missile ASN4G.
Je signale par ailleurs que ce matin même, j'ai échangé sur les sujets du MGCS et du SCAF avec l'ambassadeur d'Allemagne à Paris. Nos canaux de communication sont ainsi ouverts en permanence. Notre volonté consiste à poursuivre la feuille de route de notre char de combat, qui est suivie au plus haut niveau de l'État. Huit work packages devront être lancés et ont fait l'objet de discussions bilatérales avec les deux ministres français et allemands la semaine dernière. Nous sommes en train d'accélérer à ce sujet, en étant conscients des différents points de passage, afin de conserver notre capacité opérationnelle en matière de char de combat.
Le ministre de la défense a parlé de l'annualité de cette LPM comme d'un plancher et non d'un plafond ; j'ai donc suggéré de réfléchir en termes de fourchettes. Ces fourchettes ne posent-elles pas précisément un problème de visibilité dans le domaine industriel, pour lancer des programmes ?
Ensuite, je m'interroge sur la protection des entreprises de souveraineté. Je pense ici à Atos et notamment aux calculateurs de haute performance aujourd'hui logés dans Evidian. Quels moyens la LPM offre-t-elle à la DGA pour assurer la protection de ces actifs de souveraineté ? J'aimerais donc vous entendre sur la stratégie que l'État compte mener pour protéger Evidian.
Mon troisième point porte sur la maîtrise des fonds marins. Vous avez indiqué votre volonté de développer une capacité industrielle souveraine, qui n'est pas évoquée dans ces termes dans la LPM. Pouvez-vous nous donner l'assurance que nous parviendrons à cette formulation ? Le cas échéant, nous pourrons proposer des amendements en séance.
Une autre interrogation porte sur le cyber. Vous avez évoqué la cryptographie, la lutte informatique défensive et offensive ; mais vous avez également parlé « d'industrialiser la lutte informatique d'influence ». Ma question concerne la doctrine et le cadre légal dans lequel on peut industrialiser cette lutte informatique d'influence. Je vous avoue ne pas être entièrement à l'aise avec cette notion.
Ma dernière question concerne la manière dont la programmation va s'ajuster avec le programme France 2030 et assurer une optimisation.
Je répondrai à votre question sur Atos lors de la partie à huis clos pour des raisons évidentes de confidentialité.
S'agissant de l'annualité de LPM, le fait de disposer d'un plancher offre l'assurance de mener au moins la LPM et de pouvoir faire face à l'imprévu. Je considère ainsi que ce mécanisme est particulièrement ambitieux. Cette visibilité offerte aux différents industriels de la BITD est extrêmement notable : lorsque j'étais entrepreneur, j'aurais rêvé avoir un business plan à sept ans, même s'il n'est pas sanctuarisé dans ses écoulements. En résumé, nous offrons beaucoup de visibilité aux industriels dans le cadre de cette LPM.
Ensuite, une centaine de millions d'euros est prévue pour développer une capacité militaire souveraine dans le domaine de la maîtrise des fonds marins. Vous savez que nous poursuivons quelques objectifs particulièrement ambitieux dans ce domaine, notamment l'ambition de pouvoir opérer au-delà de 6 000 mètres. Nous construisons ce projet avec France 2030 et cette centaine de millions d'euros seront consacrée à la militarisation des objets qui seront développés dans le cadre de cette filière souveraine.
Dans le domaine du cyber, l'expression que j'ai employée sur « l'industrialisation de la lutte d'influence » est sans doute maladroite, car elle peut donner l'impression que nous allons développer des capacités d'influence terribles. En réalité, il s'agit de nous prémunir contre un certain nombre de manipulations comme les deepfakes, c'est-à-dire les moyens employant l'intelligence artificielle (IA) pour créer des fake news par exemple. Par exemple, un système comme Chat GPT permet aujourd'hui de développer un certain nombre de capacités impressionnantes et inquiétantes. Nous travaillons sur ces sujets, notamment au sein de DGA Maîtrise de l'information à Bruz, près de Rennes. Il faut donc plutôt parler de l'industrialisation des moyens nous permettant de lutter contre les influences et les manipulations.
Vous avez évoqué la défense sol-air et notamment les batteries Mistral qui étaient prévues sur Jaguar. Dans le cadre de la mission sur la défense sol-air que nous avions menée avec ma collègue Natalia Pouzyreff, nous avions considéré qu'il était nécessaire de disposer d'une artillerie sol-air à base de canons pour traiter les attaques saturantes ou les attaques peu coûteuses. En effet, tirer un missile à 350 000 euros pour abattre un drone à 3 000 euros pose question. Quelle est votre réflexion à ce sujet ?
Ensuite, il y a quelques années, le drone aérien de combat Neuron a été développé. Menez-vous une réflexion sur les drones aériens de combat à la DGA ? Sont-ils intégrés dans le projet SCAF ?
Par ailleurs, une simplification des spécifications de la commande de la DGA est actuellement en cours. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Enfin, les retours de terrain fournis par les lieutenants ou les capitaines dans les unités laissent penser que les évolutions incrémentales ne prennent pas en compte les besoins de la base ou les besoins du design. Je pense notamment au rétrofit du char Leclerc, qui selon certains ne prend pas suffisamment en compte le confort et le design des tourelles. Comment la DGA prévoit-elle de consulter l'utilisateur final dans ces domaines ? Puisque vous avez été entrepreneurs, je ne doute pas que le rôle du client final soit au cœur de vos préoccupations.
L'un de nos programmes à effet majeur (PEM) concerne effectivement la défense sol-air basse couche. Nous conduisons actuellement une analyse de la valeur du besoin pour savoir s'il est plus efficace d'utiliser un canon, des armes à énergie dirigée ou un missile. Nous devons arbitrer entre le calibre, le coût, la mobilité et l'efficacité. Ce domaine illustre notre nouveau prisme de réflexion à chaque fois que nous lançons de nouveaux systèmes.
S'agissant du drone Neuron, les différentes actions en matière de furtivité et de manœuvrabilité sont intégrées dans notre feuille de route sur le futur de l'aviation de chasse. Nous conduisons également des réflexions sur la dronisation d'avions de combat dans le cadre du SCAF. Celui-ci concerne un avion de nouvelle génération doté d'un cloud de combat et intégrant deux ailiers dronisés. Ceci implique de travailler sur les capacités de robotisation d'un avion sans pilote et d'interaction avec un avion piloté et le pilote lui-même. Nous menons également d'autres travaux dont je ne peux parler car ils sont classifiés.
Par ailleurs, la transformation de la DGA prend en compte les retours du terrain afin de mener à bien la simplification. Celle-ci peut reposer sur différents modes opératoires. Il s'agit notamment de se fonder sur un certain nombre d'acquis obtenus lors des dernières années. Vous savez que l'instruction ministérielle 1618 porte sur la simplification et la modification des opérations d'armement. Elle implique par exemple de conduire un travail en plateau entre la DGA, l'EMA et les industriels, particulièrement dans l'élaboration du document unique de besoin. Cette approche incrémentale consiste à disposer d'une capacité le plus tôt possible et nous travaillons beaucoup avec l'industrie pour optimiser les essais, afin d'éviter des travaux séquentiels et/ou redondants. Après quelques années, le bilan atteste que les gains sont assez visibles, mais nous devons poursuivre cette boucle, qui s'intègre à la « communauté de destin » avec les forces, dont j'ai parlé précédemment.
Dans le cadre des chantiers sur l'économie de guerre, nous avons conduit une réflexion sur la simplification à apporter. Elle concerne l'analyse fonctionnelle de la valeur que j'ai déjà évoquée, qui repose en partie sur la chasse à la sur-spécification, mais implique également de travailler de manière différente. Je pense ici notamment à COLIBRI et LARINAE, les deux appels à projets que nous avons lancés : nous n'avons pas demandé aux industriels de nous fournir un système mais de répondre aux effets que nous voulions produire. Par exemple, dans COLIBRI, nous souhaitions avoir un système capable de neutraliser une menace blindée à cinq kilomètres. Nous souhaitons disposer rapidement d'un système bénéficiant d'une autonomie sur zone, économique et facile pour se former. Telles sont les caractéristiques du cahier des charges que nous avons transmis aux industriels, ce qui les a d'ailleurs beaucoup surpris. Cette démarche a fortement stimulé le tissu industriel.
Nous voulons également gagner en réactivité : nous mettons en place une force d'acquisition réactive pour nous permettre de répondre au juste besoin des forces, dans un délai maximum de trois ans entre l'expression des besoins et la phase de livraison pour les systèmes les plus complexes.
Il s'agit en outre de simplifier les normes, par exemple la navigabilité des drones. Dans ce domaine, un décret cherche à développer une approche pragmatique et dépendante de la nature du drone, pour faciliter les essais. Nous cherchons également à faire évoluer nos modes de management. À cet égard, les industriels nous reprochent fréquemment nos exigences en matière de documentation, mais celles-ci sont nécessaires car nous n'avons pas toujours en confiance avec les capacités de l'industrie à répondre à nos besoins en exécutant le programme dans les bonnes conditions. Autrement dit, nous menons un dialogue constant avec l'industrie : nous acceptons de demander moins de documentation en échange d'une plus grande transparence dans les procédures internes des industriels. En résumé, le chantier simplification est suivi au plus haut niveau et j'ai d'ailleurs demandé la fourniture d'indicateurs mensuels afin de progresser dans ce domaine.
Enfin, la prise en compte du besoin et des retours terrain est essentielle. Je souhaite une plus grande perméabilité des ingénieurs et des techniciens de la DGA au sein des forces. Plus d'une vingtaine de nos collaborateurs ont ainsi été insérés dans l' exercice majeur ORION, qui se conclut jeudi prochain. Notre volonté est de faciliter l'accession, l'interopérabilité et la discussion entre nos ingénieurs, ceux qui conçoivent les systèmes et ceux qui les utilisent tous les jours. Tel est le sens des parcours que nous essayons de mettre en place pour intégrer systématiquement les retours terrain dans la conduite de nos opérations d'armement.
Vos propos liminaires étaient une nouvelle fois très éclairants. Au regard de l'instabilité internationale, la transformation de notre BITD pour lui permettre de produire plus et plus rapidement est aujourd'hui indispensable. Pourtant, le contexte international mais aussi national crée des tensions, à plusieurs égards.
Il y a quelques jours, j'ai réuni un conseil économique de circonscription composé des industriels de la défense de mon territoire (Constellium, Aubert & Duval, Interforge, Domaero, Rexiaa et Issoire Aviation). Tous m'ont fait remonter une série de difficultés auxquelles sont confrontés les fournisseurs de rang 1, essentiels à la chaîne de valeur de notre BITD mais aussi plus vulnérables que les donneurs d'ordre. Parmi les goulets d'étranglement identifiés figurent les éléments suivants :
- les pénuries de main-d'œuvre ;
- les difficultés de montage de dossiers de financement et notamment l'éligibilité à ceux prévus par France 2030 ;
- les problèmes d'accès aux matières premières ;
- la fragilité des trésoreries ;
- des espaces de stockage parfois insuffisants pour constituer des stocks stratégiques ;
- la durée des délais d'opérabilité des équipements après leur achat en raison des délais de livraison, mais aussi de la qualification des machines.
Les différents industriels associés à ce conseil économique de circonscription ont également fait part de leurs inquiétudes sur le volet des réquisitions figurant dans la future LPM, notamment les modalités des compensations et la gestion de leurs commandes civiles. À ce titre, que prévoyez-vous concrètement pour accompagner les sous-traitants de notre BITD vers l'économie de guerre ? Quel dispositif d'accompagnement spécifique comptez-vous mettre en place ? Comment comptez-vous les accompagner dans la mise en œuvre de filières de recyclage onéreuses mais vertueuses, dans la sécurisation des approvisionnements, les économies et la politique RSE ? Enfin, il est prévu de relocaliser des sous-traitants de rang 2 devenus stratégiques ?
Nous avons entrepris un travail d'identification des goulets d'étranglement au sein de la supply chain, avec les entreprises situées au-delà du rang 2. Dans le domaine de la main d'œuvre, nous n'avons pas uniquement besoin d'ingénieurs cyber, mais également de soudeurs et de fondeurs. Nous avons identifié 185 sociétés qui présentent de telles difficultés aujourd'hui, que nous avons commencé à régler au cas par cas. Une trentaine d'entre elles ont déjà pu être traitées.
S'agissant des problématiques de financement, un certain nombre d'actions ont été entreprises, notamment par l'établissement d'un réseau de référents bancaires, dans lequel nous plaçons un certain nombre d'espoirs. En effet, les difficultés de financement ne sont pas réellement liées à des ordres donnés par les directions centrales des banques mais plutôt à des interprétations très locales de la prise de risque, compte tenu d'une relative méconnaissance des sociétés de la défense.
Ensuite, un ingénieur de l'armement est présent dans l'équipe d'investissement de France 2030. Il s'agit de l'ancien responsable de l'innovation ouverte de l'AID. Dans un certain nombre de filières, le spatial et le quantique notamment, nous allons conduire les projets pour le compte de France 2030 et nous serons vigilants à pouvoir accompagner les sociétés comme il se doit.
Ensuite, la création d'une direction de l'industrie de défense vise justement à proposer ce type d'accompagnement des filières. Trois sous-directions seront créées : l'une d'entre elles s'intéressera à la sécurité économique, la deuxième s'attachera à la performance de la BITD (coût, efficience, qualité) et la dernière traitera des orientations stratégiques, notamment des filières actuelles ou en devenir. L'une de nos préoccupations majeures vise également à accompagner le plus tôt possible des entreprises qui sont souvent familiales, mais où la reprise de l'activité par les enfants du fondateur n'est pas toujours assurée.
Par ailleurs, dans les dispositions normatives de la LPM figure un article qui nous permet de demander à l'industrie de réaliser un certain nombre de stocks. Je salue à ce titre l'initiative du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), qui a pris le parti de constituer un stock stratégique mutualisé de titane, sujet qui nous préoccupe particulièrement. Il en va de même pour les produits semi-finis et certaines autres matières premières. Nous conduisons en outre un programme de relocalisation de certaines filières, notamment la poudre propulsive, avec la montée en puissance de l'usine Eurenco à Bergerac.
Enfin, les réquisitions constituent un régime d'exception, dans la mesure où nous ne sommes pas en guerre. L'objectif consiste ici à préserver l'intérêt des entreprises dans les meilleures conditions possibles. La direction de l'industrie de défense y veillera, de manière à ne pas créer de difficultés industrielles liés à ce type de processus.
Vous avez déjà abordé en détail un grand nombre de sujets que je voulais évoquer. Cependant, je souhaiterais disposer de précisions sur la politique d'influence conduite à l'échelle européenne et internationale pour soutenir notre BITD.
Vous avez raison de parler de la fonction d'influence, qui apparaît désormais comme une fonction stratégique dans la Revue nationale stratégique. Nous avons la volonté d'empêcher la stigmatisation de l'industrie de défense, qui est essentielle pour la sécurité de nos concitoyens, notamment parce que nous avons besoin d'attirer les talents. Le ministre a d'ailleurs évoqué le sujet de la taxonomie, sur lequel nous nous mobilisons avec le ministère des armées, pour faire comprendre que l'industrie de défense est vertueuse et durable. Chaque euro investi dans l'industrie de défense engendre un retour sur investissement immédiat. Nous ne baissons pas la garde et nous essayons de maintenir cet effort, qui est dans notre intérêt commun. Cela se traduit par l'action des référents bancaires, mais également par des structures à Bruxelles, afin de faire comprendre la nécessité absolue de soutenir l'industrie de défense, qui est une richesse non seulement pour la France, mais aussi pour l'Europe.
Je tiens à mon tour à adresser mes félicitations aux agents de la DGA, qui n'ont pas ménagé leur peine au cours de ces derniers mois. Je salue également la réussite du tir du M51 qui crédibilise notre dissuasion, et par la même occasion, les personnels de la DGA TN, notamment à Brest et à Toulon. Les 10 milliards d'euros consacrés à l'innovation doivent par ailleurs être relevés.
Je m'interroge ensuite sur la question générale de l'innovation et du rattrapage. Pouvez-vous détailler ce qui aujourd'hui en France relève plus du rattrapage technologique que de l'innovation proprement dite. Par exemple, les gravimètres à atomes froids constituent une innovation de rupture radicale quand certains drones à voilure fixe relèvent plus du rattrapage vis-à-vis d'autres puissances. Pourquoi faisons-nous tels ou tels choix ? Pourquoi sont-ils raisonnables en termes d'innovation ou de rattrapage ?
Par ailleurs, je souhaite évoquer le plan de charge de l'A400M, dont les rythmes de commande peuvent inquiéter. Enfin, je m'interroge sur les antennes filaires, qui constituent un sujet clé pour nos sous-marins et nos frégates de lutte anti sous-marine.
Il existe effectivement des ruptures technologiques, dont le quantique fait partie, où il convient d'aller plus vite pour ne pas être déclassés. Dans le domaine des drones à voilure fixe, il ne s'agit pas de rattraper le réel retard dont nous faisions l'objet, mais bien de préparer l'avenir, dans une cadence compatible avec celle des programmes que nous mettons en place. À chaque fois, nous essayons de ne pas procéder « simplement » à du rattrapage mais bien de préparer les évolutions futures, même si nous partons de plus loin. Il s'agit ici de prendre exemple sur la téléphonie mobile où certains pays qui étaient initialement en retard sont désormais en avance.
Concernant l'A400M, le cadre contractuel commande est inchangé. Nous travaillons également avec les industriels sur l'export. Enfin, nous développons un certain nombre de programmes comme SNA Barracuda et Evolution SNA, qui prévoient l'intégration des nouvelles antennes filaires.
J'ajoute que trois A400M ont été récemment mobilisés dans le cadre de l'opération Sagittaire.
À présent, je vous propose de passer à la session de questions complémentaires.
L'avance technologique constitue un élément d'appui fondamental pour contribuer à « gagner la guerre avant la guerre ». Je tiens donc à vous interroger sur les programmes ASTRID et ASTRID Maturation. Quel bilan tirez-vous de leur mise en place ? Dans quelle mesure pensez-vous qu'ils seront poursuivis ? Que pourront-ils vous apporter ?
En 2019, vous avez écrit dans la Revue de la Défense Nationale un article intitulé « L'intelligence artificielle : un moteur de l'innovation de défense française ». Dans celui-ci vous identifiiez l'IA comme l'une des garanties de l'autonomie stratégique française et vous appeliez à éviter le déclassement français grâce à la concentration de moyens sur de nouveaux champs et approches dans le domaine (frugalité, explicabilité et vulnérabilité des systèmes). Vous souhaitiez également un élan national en la matière, notamment en termes de recrutement.
Quatre années plus tard, vous dirigez la DGA et certains systèmes d'IA à l'époque balbutiants sont désormais utilisés par le grand public ; je pense notamment à l'agent conversationnel Chat GPT. Dans quelle mesure avons-nous réussi le tournant que vous appeliez de vos vœux en 2019 ? Sommes-nous dorénavant souverains dans ce domaine ? Quels sont les principaux points d'amélioration à envisager en matière d'IA ?
En janvier dernier, vous aviez dévoilé votre plan pour rendre la DGA plus simple et plus efficiente, notamment à travers de nouvelles directions et une force d'acquisition rapide, par exemple pour les commandes urgentes d'équipements. Pouvez-vous nous indiquer comment la LPM soutient cette orientation de la direction des opérations, pour appuyer le MCO, compte tenu notamment de la durée des cycles de réparation et de leurs coûts ?
Enfin, lors de l'exécution de la précédente LPM, une task force avait été créée pour suivre les difficultés rencontrées au sein de l'industrie de défense dans la livraison des Griffons et mettre en place des mesures de rebond destinées à alimenter les trésoreries défaillantes des industriels, notamment à travers les anticipations de commandes. Anticipez-vous donc que la DGA va devoir poursuivre ce type de soutien ? Quelles en seront les priorités ?
Je souhaite vous interroger sur les feux dans la profondeur, qui constituent actuellement un sujet majeur, comme nous l'enseigne le conflit en Ukraine. Le chef d'état-major de l'armée de terre a plaidé pour un remplacement des lance-roquettes unitaires (LRU) d'ici 2027. Le rapport annexé au projet de LPM annonce une cible de treize systèmes pour 2030 et d'au moins vingt-six pour l'horizon 2035. Toutefois le système qui remplacerait les LRU n'est pas encore arbitré. Je m'interroge donc sur la faisabilité et la viabilité de l'alternative française aux HIMARS américains, pour lesquels un achat sur étagère poserait de sérieuses questions de souveraineté. Je souhaiterais également que vous nous précisiez le calendrier de l'ASN4G. Hors audition, je pourrais également vous fournir un retour d'expérience sur Orion et le système d'information SIC-S.
Je souhaite revenir sur la défense sol-air, et notamment le sol-air moyenne portée. L'évolution du SAMP/T se poursuit par le standard OC1, qui présente une capacité initiale d'interception de cibles hypersoniques en phase terminale. Néanmoins, face à l'évolution des menaces de plus en plus véloces, il devient crucial de disposer de capacités d'alerte avancée, soit par un moyen satellitaire, soit par un radar longue portée. Qu'en est-il de l'avancement des projets de coopération du type TWISTER et ODIN's EYE ? Enfin, une évolution vers un standard OC2 du SAMP/T NG par adjonction d'un radar type UHF est-elle envisagée pour contrer des menaces provenant éventuellement du Sud ?
La France s'est engagée dans une économie de guerre depuis l'année dernière. Lors des auditions de notre commission, nous avons discuté en détail des leviers qui nous permettraient d'être pleinement efficaces dans ce contexte, notamment par le truchement des normes, des crédits, de la conduite des opérations ou encore de l'approvisionnement.
Je tiens ici à aborder la question de la mobilisation des ressources humaines, en particulier la pénurie de main-d'œuvre et les difficultés de recrutement au sein de notre BITD. Il est nécessaire d'accroître les ressources humaines pour augmenter les cadences de production, d'autant plus que l'industrie de défense repose sur des compétences dont l'acquisition prend du temps. Comment pensez-vous que les difficultés de recrutement actuelles pourraient affecter l'économie de guerre et quelles sont les mesures que vous envisagez pour y faire face ? Par ailleurs, considérez-vous que les propositions d'une réserve industrielle ou du développement de prêts de main-d'œuvre entre industries pourraient être pertinentes ?
Lors des auditions dans le cadre de mon rapport sur les stocks de munition, les représentants du ministère de l'intérieur ont indiqué avoir subi de fortes tensions d'approvisionnement sur les munitions de nos forces de l'ordre au début du conflit ukrainien. Le ministère de l'intérieur travaille ainsi sur un projet de relocalisation d'une filiale française sur les munitions de 9 millimètres pour les forces de sécurité. Il est ainsi convaincu de la rentabilité économique de son projet : les munitions fabriquées en France coûteraient six centimes de moins que celles actuellement importées. Il apparaît de fait assez logique que nous soyons dans le même cas pour les munitions de calibre 5.56 ou 12.7. Lors de la préparation en amont de la LPM, vos services ont-ils proposé une étude chiffrée au ministre pour relancer une chaîne de production française de munitions de petit calibre ? En effet, la France ne peut rester le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU sans filière nationale de munitions de petit calibre.
Le 14 avril dernier, la Cour des comptes a publié un rapport sur la DGA EM, une entité en charge des essais de missiles au profit des programmes d'armement français, mais aussi de l'entraînement des forces. Elle alerte sur les conséquences engendrées par la réduction des moyens. En effet, entre 2008 et 2023, les effectifs sont passés de 1 224 à 935 ETP, soit une perte de près de 25 %. Ce même rapport note que les capacités de la DGA EM sont vieillissantes et saturées. Par conséquent, peu de créneaux d'essais sont alloués aux industriels pour leurs besoins propres, alors même que la présente LPM prétend augmenter les équipements, en particulier les munitions et les programmes d'entraînement de nos forces. Ce projet de loi donne-t-il à la DGA EM les moyens d'assurer sa mission dans le contexte d'un retour vers la haute intensité et d'exigence renforcée sur le soutien ?
Les dispositifs ASTRID et ASTRID Maturation sont destinés à soutenir des projets d'innovation à bas niveau de maturité technologique. Nous disposons de plusieurs types de soutien de projets, en commençant par ceux à bas TRL (Technology readiness level). Certains premiers projets, par exemple les projets universitaires, sont dérisqués grâce à ASTRID, puis il est possible de passer en ASTRID Maturation. Le dispositif d'accompagnement est assez complet : ASTRID correspond à 10 millions d'euros par an, soit 425 projets et 300 000 euros en moyenne par projet entre 2011 et 2022. Le dispositif ASTRID Maturation a été développé en 2013, soit un montant de 4 à 5 millions par an alloués à 63 projets entre 2013 et 2022. Dans le cadre de la LPM, nous avons pour objectif de pérenniser ces dispositifs. Ce dernier a concerné 750 projets depuis 2009, pour 540 millions d'euros de soutien, soit 50 millions par an.
Ensuite, l'intelligence artificielle est effectivement un sujet majeur, sur lequel j'ai écrit, notamment en 2019. De fait, je considère que l'IA est une rupture dans la mesure où cela fonctionne. La technologie est connue depuis les années 1950 mais la convergence de trois facteurs (la disponibilité des données, la connaissance des algorithmes et les capacités de calcul qui permettent de les implémenter) permet de faire émerger aujourd'hui des systèmes comme ChatGPT.
Nous avons créé la cellule de coordination de l'IA de Défense au sein du ministère des armées. L'IA se trouvera dans l'ensemble des systèmes, c'est-à-dire les systèmes d'information, les systèmes de logistique, de maintenance, mais aussi les systèmes d'arme. Le sujet des systèmes d'arme létaux autonomes a d'ailleurs été étudié par le comité d'éthique de la défense, qui a établi des limites auxquelles nous nous conformons scrupuleusement.
Le programme ARTEMIS.IA vise à nous doter d'une infostructure nous permettant de brancher différents algorithmes autour d'un système de gestion des données. Les deux cas d'usage les plus récents concernent l'innovation liée à l'IA en matière de santé et de renseignement. Notre approche souveraine nous permet aujourd'hui de ne pas être déclassés.
Le projet Impulsion est le projet de transformation de la DGA que je porte. Il concerne, entre autre, la direction des opérations, qui devient la direction des opérations du MCO et du numérique. Le MCO relève des prérogatives de l'EMA mais pas de la DGA, même si des ingénieurs de l'armement travaillent dans les trois services de soutien. Le ministre nous a confié le mandat d'une approche globale en termes de MCO pour pouvoir discuter de l'efficience globale des systèmes au moment où l'on les négocie.
Le type d'approche par task force sera par ailleurs généralisée. Il est beaucoup question d'économie de guerre actuellement, mais nous sortons à peine d'une économie de crise dans le cadre de la Covid, où nous avons dû gérer un certain nombre de difficultés que nous retrouvons aujourd'hui, combinées à celles de l'économie de guerre.
S'agissant des lance-roquettes unitaires, la modernisation de la capacité de frappe longue portée est évidemment indispensable, d'autant plus que la capacité actuelle sera bientôt frappée d'obsolescence. Nous menons actuellement des travaux sur la détermination du réel besoin opérationnel avec les états-majors des armées et l'EMA. Dans ce domaine, la première possibilité consiste à prendre une solution sur étagère, c'est-à-dire la solution HIMARS, qui a l'avantage d'exister mais introduit un risque de dépendance. L'autre possibilité serait de développer une solution souveraine nationale ou européenne.
Notre BITD dispose de compétences dans ce domaine grâce à des sociétés comme MBDA, Ariane ou Safran, avec lesquelles nous discutons. Dans tous les cas, il faudra opérer un choix en prenant en compte les délais et les coûts. Nous allons ainsi demander à nos industriels de formuler leurs meilleures propositions en fonction de l'expression de besoins. En tout état de cause, il est prévu d'y consacrer 600 millions d'euros sur la période de la LPM, avec treize systèmes disponibles dès 2028 et une cible finale qui pourrait atteindre plusieurs dizaines d'unités.
Ensuite, le calendrier de l'ASN4G est classifié. De même, je préfère traiter des SAMP/T et de l'alerte avancée dans la partie huis clos de cette audition. Par ailleurs, le recrutement constitue effectivement un enjeu stratégique et nous devons veiller à assurer l'attractivité du secteur de la défense pour les jeunes générations. Ceci nous conduit à identifier les compétences critiques, dans les domaines techniques mais aussi pour les soudeurs, les ajusteurs de précision et les maquettistes. Nous devons donc travailler assez tôt avec les entreprises, mais également avec les écoles, en utilisant des modèles comme ceux de l'apprentissage ou de l'alternance.
Je crois également à la faisabilité d'une réserve dans l'industrie de défense, de la même manière que je suis convaincu de la nécessité de renforcer la réserve propre de la DGA. Notre objectif consiste à disposer de 2 000 réservistes gérés par la DGA et recrutés dans un premier temps parmi les futurs personnels et les jeunes retraités des industriels. Les besoins ont été identifiés grâce à des discussions avec des entreprises comme Arquus, Thales, Airbus, Naval Group, mais aussi avec les services de soutien. La DGA n'est pas épargnée, puisqu'elle est soumise à une rude concurrence face à nos industriels de défense. Nous menons donc un travail sur les parcours professionnels, pour permettre aux personnels de passer de l'industrie vers la DGA et inversement, en valorisant les compétences acquises dans ces deux domaines et dans le respect de la déontologie.
Nos approvisionnements en matière de munition sont sécurisés, nous ne risquons pas de rupture, notamment sur les calibres 7.62 et 5.56. Une filière nationale pourrait être envisageable sous réserve qu'elle soit compétitive. Nous ne fermons pas la porte à cette éventualité et nous pourrions soutenir au moins le lancement d'une nouvelle filière si elle était proposée, mais à condition qu'elle soit soutenable dans la durée.
Enfin, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes sur la DGA EM. Nous disposons d'un programme de modernisation en matière de dissuasion, qui vise à moderniser les capacités d'essais descentres. Les budgets d'investissements de la DGA sont en augmentation dans les mêmes proportions que les programmes, ce qui est assez vertueux.
La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Mounir Belhamiti, M. Frédéric Boccaletti, M. François Cormier-Bouligeon, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Delphine Lingemann, Mme Lysiane Métayer, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin
Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Olivier Marleix, Mme Pascale Martin, Mme Michèle Martinez, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, Mme Corinne Vignon