La réunion

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Mardi 28 mars 2023

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de M. Jean-Félix Acquaviva, président de la commission)

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Mes chers collègues, nous auditionnons aujourd'hui M. Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), et Mme Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyer.

La section française de l'OIP est une association créée en 1996 qui agit pour le respect des droits de l'homme et des droits fondamentaux en milieu carcéral, œuvre à l'amélioration des conditions de détention des personnes incarcérées et, de manière générale, promeut un recours plus limité à l'emprisonnement grâce, notamment, au développement des alternatives à l'incarcération.

L'OIP est un acteur majeur et reconnu pour ses analyses du milieu carcéral. C'est à ce titre que nous vous entendons aujourd'hui, afin d'évoquer l'état des prisons françaises au-delà des événements qui ont donné lieu à la création de notre commission d'enquête. Néanmoins, un certain nombre de thèmes que nous aborderons nous y ramèneront fatalement, tant les faits commis et l'environnement dans lequel ils s'inscrivent sont révélateurs de certaines réalités de la détention. Je pense, notamment, à la prévalence de la violence en milieu carcéral, aux modalités de protection de l'intégrité physique des détenus, à la prise en charge des troubles psychiatriques en prison, ou encore à la gestion des différentes populations carcérales en fonction de leur statut.

À cet égard, la section française de l'OIP avait contesté, devant le juge administratif, l'interdiction de principe faite aux détenus particulièrement signalés (DPS) d'être affectés au service général d'une maison d'arrêt. L'association avait obtenu gain de cause devant le Conseil d'État avec la levée, en 2015, de cette interdiction absolue. Au regard de l'histoire et des trajectoires des personnes concernées, Yvan Colonna notamment, ce point nous intéresse particulièrement.

Au-delà de votre diagnostic sur l'état des prisons et sur les pistes d'amélioration de l'existant, nous souhaiterions connaître les réactions qu'a pu susciter de votre part l'agression mortelle du 2 mars 2022. Nous serions également intéressés par vos analyses du parcours carcéral des deux protagonistes et de leur gestion par les différents acteurs, à la lumière des faits qui ont été révélés à la suite de cet événement et des auditions que nous avons menées.

Madame, monsieur, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous prie de lever la main droite et de dire : « Je le jure ».

(M. Matthieu Quinquis et Mme Prune Missoffe prêtent successivement serment.)

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Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons

Depuis sa création, l'OIP s'attache à observer, en toute indépendance, le fonctionnement des établissements pénitentiaires et à analyser la manière dont la politique pénale et pénitentiaire se déploie au sein des différents établissements pénitentiaires français et envers les personnes suivies en milieu ouvert, dans la continuité de leur emprisonnement.

Notre rôle consiste à observer, informer et alerter. Nos missions se concrétisent dans plusieurs publications, telles que la revue Dedans-Dehors, le Guide du prisonnier que nous mettons à jour régulièrement, ainsi que dans notre action de plaidoyer institutionnelle et interassociative et de contentieux. Vous avez évoqué celui concernant le répertoire DPS ; d'autres ont par exemple concerné les conditions de détention.

L'OIP n'a reçu ni avant ni après les événements du 2 mars 2022 aucune information ni aucun témoignage de personnes détenues dans la maison centrale d'Arles en lien avec les faits à l'origine de cette commission d'enquête. Nous n'avons pas davantage d'éléments sur l'instruction judiciaire qui est toujours en cours. Nous nous exprimons donc d'une position extérieure à ce dossier précis. C'est aussi ce qui fait l'intérêt de notre regard.

Votre commission d'enquête a pu s'émouvoir – le terme n'a rien de péjoratif – des traitements pénitentiaires apportés aux différents acteurs de ce dossier. Il ne nous appartient pas de juger ni de qualifier ces traitements, mais seulement de les replacer dans le contexte général d'une politique pénitentiaire qui, depuis une trentaine d'années, s'est incroyablement durcie dans le traitement de certaines catégories pénales, et notamment des personnes écrouées pour des faits de terrorisme.

Notre intervention vise ainsi à décrire le paysage global dans lequel évoluent plus de 72 000 personnes détenues et plusieurs milliers de leurs proches. Ayant pris connaissance des échanges qui ont eu lieu au cours des différentes auditions de la commission d'enquête, nous voulons d'emblée appeler à la prudence. Si vous deviez formuler des recommandations à l'issue de vos travaux, nous vous invitons avant tout à la mesure quant à toute proposition qui tendrait à rigidifier le fonctionnement de la prison.

En effet, nos observations nous amènent à estimer que cette institution est dure, et que son fonctionnement nécessite des marges. Cette liberté d'appréciation de l'administration pénitentiaire dans certaines situations nous semble indispensable pour éviter que tous les régimes de détention se ressemblent et que l'ensemble des personnes détenues soient soumises aux mêmes conditions de détention et d'exécution de peine.

Cette marge est nécessaire, mais la détermination de règles, de cadres et de normes clairs, prévisibles et précis nous apparaît néanmoins impérative. À cet égard, plusieurs éléments semblent manquer dans le droit pour déterminer les critères et les conditions qui peuvent être mobilisées par l'administration pénitentiaire afin d'appliquer les régimes de détention : les traitements risquent ainsi de basculer vers l'arbitraire – c'est-à-dire le discrétionnaire amplifié.

Nous souhaitons donc éclairer vos débats sur le fonctionnement de la prison dans sa globalité, décrire son fonctionnement et mettre en lumière les atteintes aux droits des personnes détenues, en rappelant le contexte sécuritaire qui y prévaut et la transformation policière de l'administration pénitentiaire. Cette évolution, consacrée par la loi pénitentiaire de 2009, ne se limite pas à l'usage de la force : elle concerne les quatre dynamiques de l'activité policière, à savoir la production et le traitement d'une information – le renseignement ; la prévention des atteintes à l'ordre public ; la répression de ces dernières ; la gestion de crise. Ces dernières années, l'administration pénitentiaire a complètement investi chacune de ces dimensions.

La mise en œuvre du répertoire DPS, mais également le développement des outils de prise en charge de la radicalisation en prison participent de ce mouvement, qui nous paraît construit en opposition et au détriment des droits et libertés fondamentaux. En effet, ils entraînent un durcissement des conditions de détention, une aggravation de la rigueur des régimes de détention, et le déploiement constant d'outils de contrôle et de surveillance qui restreignent drastiquement la liberté des personnes détenues.

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Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyer

Les faits, aussi dramatiques soient-ils, ne doivent pas conduire à un durcissement de la prise en charge des personnes dites radicalisées en prison. Elle est déjà extrêmement dure, et l'optique sécuritaire prend le pas sur la question de la réinsertion de ces détenus. Or, les faits que vous examinez ne sont pas représentatifs de la situation générale.

Le parcours des détenus pour des faits liés au terrorisme est marqué par de très fortes restrictions en termes d'accompagnement et d'activités. En outre, ces personnes sont tellement étiquetées qu'elles ne peuvent pas montrer patte blanche : si elles ont un comportement prosélyte, on estime qu'elles sont radicalisées ; si ce n'est pas le cas, on en conclut qu'elles utilisent la technique de la dissimulation. En quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) ou en quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR), les échanges entre détenus sont retenus comme une charge à leur encontre. Quel que soit leur comportement, ces personnes n'ont aucune échappatoire : aux yeux de la société, elles sont – et resteront – des terroristes en puissance. En témoigne l'émergence d'un régime de « peine après la peine », où les mesures judiciaires et administratives s'accumulent à la sortie de prison.

Les discussions qui ont eu lieu au sein de votre commission ont largement abordé la question des QER et de la radicalisation, sans, peut-être, replacer dans leur contexte les problématiques carcérales. Cet homicide est l'un des huit homicides de détenus par d'autres détenus commis en 2022. Depuis 2018, il y en a eu quatorze. Ils mettent en lumière des dysfonctionnements liés à la surpopulation carcérale, qui accentue la promiscuité dans un climat de violence et de tensions, et à une carence importante de la prise en charge des personnes détenues. Cette situation entraîne des défauts de vigilance qui soulignent, en creux, l'échec de dispositifs de surveillance pourtant exorbitants. La politique pénale et pénitentiaire multiplie les mesures de sécurité : j'en donnerai pour exemples le projet de généralisation des caméras-piétons en prison et les budgets successifs de l'administration pénitentiaire où la sécurité tient une place très importante, voire plus importante que la réinsertion. Ces homicides nous montrent que le risque zéro n'existe pas : sans prise en compte de la prise en charge des personnes détenues, le contrôle et la surveillance ne suffiront pas à surmonter ces difficultés.

Ces homicides mettent aussi en exergue le défaut de prise en charge psychiatrique. La plupart d'entre eux ont été commis par des auteurs dont les propos étaient incohérents ou dont le comportement était déconcertant ; certains disaient entendre des voix. Dans le cadre de la commission d'enquête, a été évoqué le fait que M. Elong Abé était une personne psychiquement complexe. Cette question de la prise en charge des problèmes psychiatriques en prison revient assez peu dans les discussions ; elle est pourtant centrale. Les troubles mentaux sont surreprésentés en prison. Une étude de 2004 estimait que huit détenus sur dix en étaient atteints. En 2017, on évaluait à 70 % la part des détenus souffrant d'au moins un trouble psychiatrique. Au mois de février, une étude de l'Organisation mondiale de la santé rappelait que deux tiers des personnes incarcérées étaient touchées par des troubles mentaux. Enfin, une étude nationale récemment publiée plaidait en faveur d'une réflexion sur les alternatives à l'incarcération pour les personnes ayant des troubles psychiques.

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Cette commission d'enquête comporte deux volets, qui répondent à une demande sociétale et démocratique très forte, notamment de la société insulaire – mais pas seulement : faire la lumière sur ce qui s'est passé, en parallèle d'autres initiatives ; émettre des recommandations pour les politiques publiques à venir.

Je comprends votre propos liminaire, selon lequel il ne faudrait pas que nos travaux contribuent à une aggravation de l'évolution sécuritaire en prison. Néanmoins, le contexte que vous avez décrit doit être confronté à la trajectoire particulière de ces individus et à des faits qui, pour certains, ne concordent pas avec ce paysage général.

Ainsi, vous faites état de problématiques psychiatriques. Nous avons échangé avec la cheffe du pôle psychiatrique de la maison centrale d'Arles ainsi que des acteurs du renseignement et de l'administration pénitentiaire sur l'état psychique de Franck Elong Abé tel qu'il était perçu. La cheffe du pôle psychiatrique a évoqué les problèmes de moyens et de prise en compte de la santé mentale en prison. Cependant, s'agissant du cas particulier de Franck Elong Abé, elle a indiqué que s'il avait été suffisamment troublé pour ne pas aller en QER – comme l'ont dit un certain nombre d'acteurs –, sa place n'était pas en détention ordinaire et il aurait dû être hospitalisé. Son état ne justifiait donc pas l'absence de transfert en QER. Son avis médical était très clair, et allait à rebours des propos de certains acteurs selon lesquels les troubles psychotiques de ce détenu représentaient un risque de déstabilisation du fonctionnement du QER – évoquant même, pour certains, une schizophrénie.

Je souhaite revenir sur le contentieux concernant la gestion des DPS insulaires, liés au « commando Érignac ». Certains acteurs, comme le garde des Sceaux et l'administration pénitentiaire, estiment qu'il était impossible de lever le statut de DPS parce que ces détenus étaient toujours soumis à une période de sûreté. Or il ne s'agit pas d'un critère de maintien du statut de DPS. Par ailleurs, selon eux, leur transfert vers le centre de détention de Borgo était impossible, puisque ces détenus devaient être incarcérés en maison centrale. Pourtant, l'instruction précise que l'orientation en maison centrale est privilégiée, sans exclure la capacité de les transférer. La question relative à ce contentieux est importante afin de solder ce qui a été fait, et qui aurait pu être fait autrement.

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Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons

L'OIP a été à l'origine d'un contentieux relatif à différents éléments de la circulaire de 2012 à laquelle vous faites allusion. Le Conseil d'État nous a donné raison sur plusieurs points, notamment le caractère systématique des mesures appliquées aux personnes inscrites au répertoire DPS. Il a ainsi annulé l'impossibilité de principe de donner accès aux DPS à un travail en détention.

L'OIP a toujours défendu cette position. Le répertoire DPS a été créé en 1967 pour assurer la prise en charge et la surveillance des personnes appartenant au grand banditisme. Plusieurs instructions ministérielles, en 2007, 2012 et 2022, l'ont durci. L'instruction ministérielle de janvier 2022 étend ainsi son périmètre en permettant l'inscription et le maintien de personnes détenues qui auraient participé à des événements violents de grande ampleur en détention.

Elle rend aussi plus difficile la radiation du répertoire, notamment s'agissant des possibilités de radiation d'office. Le texte de 2012 prévoyait qu'une personne DPS bénéficiant d'une permission de sortir était radiée d'office si elle réintégrait l'établissement à l'issue de cette dernière. Or, l'administration pénitentiaire et le ministre de la Justice sont revenus unilatéralement sur cette possibilité. C'était pourtant l'unique moyen pour les personnes ayant appartenu à des réseaux délinquants ou criminels de sortir du répertoire DPS. En effet, celui-ci repose sur deux types de critères, judiciaires et pénitentiaires : tant que la personne est incarcérée, le critère de nature judiciaire n'a pas vocation à évoluer. Le maintien de ce statut devient ainsi illimité.

Aucun texte réglementaire ni aucune instruction ministérielle ne prévoit de limitation de la durée de l'inscription au répertoire. Certes, il existe un examen annuel avec une réévaluation, mais un encadrement plus strict nous semblerait opportun. Le traitement de ce contentieux par les juridictions administratives est révélateur à cet égard : les recours sont parfaitement ineffectifs, puisque, les décisions étant annuelles, le délai de traitement entraîne une prise de décision à rebours et sans effet concret sur la situation des personnes détenues.

Pour y remédier, une présomption d'urgence pourrait être envisagée lorsqu'une personne décide de contester son inscription ou son maintien au répertoire DPS dans le cadre d'un référé-suspension qui accompagnerait un recours en annulation. Cette présomption d'urgence existe dans la procédure d'isolement. Elle serait justifiée par la nature et par les effets de l'inscription au répertoire DPS.

En effet, ce régime a de lourdes implications sur le quotidien des personnes détenues et de leurs proches : les personnes incarcérées subissent des fouilles dérogatoires et une rotation régulière de cellule, voire d'établissement ; elles font l'objet d'une inscription systématique sur la liste des personnes faisant l'objet d'une surveillance renforcée, qui peut contraindre à des réveils nocturnes toutes les deux heures. Leurs proches sont quant à eux soumis aux conséquences liées au lieu d'affectation, à un plus fort contrôle des correspondances et aux mesures de surveillance accrues à l'entrée de l'établissement, qui peuvent parfois les décourager de rendre visite aux détenus – alors même que ces derniers purgent souvent des peines très longues. Ces mesures créent les conditions d'un isolement renforcé, d'une exclusion et d'une distension des liens familiaux qui font échec aux perspectives de réinsertion.

Cette position de l'OIP est confortée par plusieurs organes européens. Le comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe rappelle ainsi la nécessité d'un examen individuel et proscrit l'application de mesures systématiques en cas d'inscription à tel ou tel registre. Le répertoire DPS ne suit pas ces prescriptions et c'est ce que nous critiquons.

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En tant qu'organisme international, disposez-vous de données permettant de comparer le nombre d'agressions mortelles survenues dans le monde pénitentiaire français et dans d'autres pays ?

Par ailleurs, avez-vous pris connaissance du rapport de l'Inspection générale de la justice (IGJ) ? Que vous inspirent ses analyses sur la gestion de la maison centrale d'Arles ?

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Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyer

Nous ne sommes que la section française de l'OIP. Il n'existe d'ailleurs plus d'entité internationale à ce jour. Nous ne disposons donc pas de données comparatives. Par ailleurs, nous n'avons pas connaissance d'études européennes ou internationales qui analyseraient le nombre d'homicides dans différents pays.

S'agissant des facteurs à l'origine de ces violences et de ces homicides, la surpopulation carcérale constitue une véritable différence entre la France et les autres pays du Conseil de l'Europe. Notre trajectoire quant au nombre de personnes incarcérées est à l'opposé de celle d'autres pays. Par ailleurs, la sécurité reste dans notre pays l'objectif principal de la détention, au détriment de la réinsertion ; au contraire, d'autres pays européens mettent davantage l'accent sur cette dernière, en dédiant des moyens humains bien plus importants à l'accompagnement des détenus.

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Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons

Le rapport de l'IGJ rappelle la nécessité d'adopter une approche individualisée des parcours de détention et de ne pas fixer de régime strict qui entraînerait l'application systématique de certaines règles ou modalités de contrôle et de surveillance en raison de l'appartenance du détenu à telle ou telle catégorie administrative ou de la nature de l'infraction qui lui est reprochée.

Par ailleurs, l'IGJ approuve l'accès au travail et aux activités des détenus exécutant de longues peines. La prison vient ponctuer une vie : il y a un avant et, nécessairement, un après. Même lorsque les personnes sont condamnées à des peines de réclusion criminelle à perpétuité, et même avec des périodes de sûreté très longues, elles continuent à se projeter vers ce qui les attendra après la détention. Si la prison a pour objectif de neutraliser les individus en les fixant dans un établissement sous la surveillance de personnels pénitentiaires, elle a aussi pour mission de préparer la sortie. Elle doit donc s'assurer que les personnes sont placées dans de bonnes conditions pour mener une « vie responsable », comme le disait l'ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue. Il qualifiait ainsi la possibilité donnée à chacun de décider soi-même des orientations que l'on entend donner à sa vie et des modalités pour y parvenir. Cette manière de définir la réinsertion me paraît aussi juste qu'ambitieuse.

Le rapport de l'IGJ formule plusieurs recommandations. Je m'arrêterai ici sur la huitième, qui rappelle que « le comportement difficile d'une personne détenue ne fait pas obstacle à son affectation dans un quartier de prise en charge de la radicalisation », après une évaluation. Les objectifs et les perspectives de l'administration pénitentiaire et de l'institution judiciaire peuvent diverger. Il est heureux que l'administration pénitentiaire se préoccupe d'ordre et de sécurité tandis que l'institution judiciaire veille à l'exécution de la peine. Cette dernière prévoit aussi les modalités de sortie. Or la recherche d'un alignement permanent de l'institution judiciaire sur l'administration pénitentiaire empêcherait cette pluralité de regards pourtant essentielle. Dans le dossier à l'origine de la création de votre commission, la divergence entre les positions des magistrats et de l'administration pénitentiaire est très nette et a donné lieu à de nombreuses discussions. S'il ne me revient pas de juger si l'une ou l'autre de cette position doit l'emporter, je ne crois pas qu'il faille les lier pour en tirer des conclusions et imposer des régimes et des conditions de détention particuliers. Au contraire, il est essentiel de préserver cette liberté de regard et cette singularité de chacun des acteurs.

La séance s'achève à dix-sept heures quarante.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Jean-Félix Acquaviva, M. Laurent Marcangeli, M. Karl Olive.

Excusé. – M. Sacha Houlié.