Intervention de Matthieu Quinquis

Réunion du mardi 28 mars 2023 à 17h05
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons :

L'OIP a été à l'origine d'un contentieux relatif à différents éléments de la circulaire de 2012 à laquelle vous faites allusion. Le Conseil d'État nous a donné raison sur plusieurs points, notamment le caractère systématique des mesures appliquées aux personnes inscrites au répertoire DPS. Il a ainsi annulé l'impossibilité de principe de donner accès aux DPS à un travail en détention.

L'OIP a toujours défendu cette position. Le répertoire DPS a été créé en 1967 pour assurer la prise en charge et la surveillance des personnes appartenant au grand banditisme. Plusieurs instructions ministérielles, en 2007, 2012 et 2022, l'ont durci. L'instruction ministérielle de janvier 2022 étend ainsi son périmètre en permettant l'inscription et le maintien de personnes détenues qui auraient participé à des événements violents de grande ampleur en détention.

Elle rend aussi plus difficile la radiation du répertoire, notamment s'agissant des possibilités de radiation d'office. Le texte de 2012 prévoyait qu'une personne DPS bénéficiant d'une permission de sortir était radiée d'office si elle réintégrait l'établissement à l'issue de cette dernière. Or, l'administration pénitentiaire et le ministre de la Justice sont revenus unilatéralement sur cette possibilité. C'était pourtant l'unique moyen pour les personnes ayant appartenu à des réseaux délinquants ou criminels de sortir du répertoire DPS. En effet, celui-ci repose sur deux types de critères, judiciaires et pénitentiaires : tant que la personne est incarcérée, le critère de nature judiciaire n'a pas vocation à évoluer. Le maintien de ce statut devient ainsi illimité.

Aucun texte réglementaire ni aucune instruction ministérielle ne prévoit de limitation de la durée de l'inscription au répertoire. Certes, il existe un examen annuel avec une réévaluation, mais un encadrement plus strict nous semblerait opportun. Le traitement de ce contentieux par les juridictions administratives est révélateur à cet égard : les recours sont parfaitement ineffectifs, puisque, les décisions étant annuelles, le délai de traitement entraîne une prise de décision à rebours et sans effet concret sur la situation des personnes détenues.

Pour y remédier, une présomption d'urgence pourrait être envisagée lorsqu'une personne décide de contester son inscription ou son maintien au répertoire DPS dans le cadre d'un référé-suspension qui accompagnerait un recours en annulation. Cette présomption d'urgence existe dans la procédure d'isolement. Elle serait justifiée par la nature et par les effets de l'inscription au répertoire DPS.

En effet, ce régime a de lourdes implications sur le quotidien des personnes détenues et de leurs proches : les personnes incarcérées subissent des fouilles dérogatoires et une rotation régulière de cellule, voire d'établissement ; elles font l'objet d'une inscription systématique sur la liste des personnes faisant l'objet d'une surveillance renforcée, qui peut contraindre à des réveils nocturnes toutes les deux heures. Leurs proches sont quant à eux soumis aux conséquences liées au lieu d'affectation, à un plus fort contrôle des correspondances et aux mesures de surveillance accrues à l'entrée de l'établissement, qui peuvent parfois les décourager de rendre visite aux détenus – alors même que ces derniers purgent souvent des peines très longues. Ces mesures créent les conditions d'un isolement renforcé, d'une exclusion et d'une distension des liens familiaux qui font échec aux perspectives de réinsertion.

Cette position de l'OIP est confortée par plusieurs organes européens. Le comité pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe rappelle ainsi la nécessité d'un examen individuel et proscrit l'application de mesures systématiques en cas d'inscription à tel ou tel registre. Le répertoire DPS ne suit pas ces prescriptions et c'est ce que nous critiquons.

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