Intervention de Matthieu Quinquis

Réunion du mardi 28 mars 2023 à 17h05
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons :

Le rapport de l'IGJ rappelle la nécessité d'adopter une approche individualisée des parcours de détention et de ne pas fixer de régime strict qui entraînerait l'application systématique de certaines règles ou modalités de contrôle et de surveillance en raison de l'appartenance du détenu à telle ou telle catégorie administrative ou de la nature de l'infraction qui lui est reprochée.

Par ailleurs, l'IGJ approuve l'accès au travail et aux activités des détenus exécutant de longues peines. La prison vient ponctuer une vie : il y a un avant et, nécessairement, un après. Même lorsque les personnes sont condamnées à des peines de réclusion criminelle à perpétuité, et même avec des périodes de sûreté très longues, elles continuent à se projeter vers ce qui les attendra après la détention. Si la prison a pour objectif de neutraliser les individus en les fixant dans un établissement sous la surveillance de personnels pénitentiaires, elle a aussi pour mission de préparer la sortie. Elle doit donc s'assurer que les personnes sont placées dans de bonnes conditions pour mener une « vie responsable », comme le disait l'ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue. Il qualifiait ainsi la possibilité donnée à chacun de décider soi-même des orientations que l'on entend donner à sa vie et des modalités pour y parvenir. Cette manière de définir la réinsertion me paraît aussi juste qu'ambitieuse.

Le rapport de l'IGJ formule plusieurs recommandations. Je m'arrêterai ici sur la huitième, qui rappelle que « le comportement difficile d'une personne détenue ne fait pas obstacle à son affectation dans un quartier de prise en charge de la radicalisation », après une évaluation. Les objectifs et les perspectives de l'administration pénitentiaire et de l'institution judiciaire peuvent diverger. Il est heureux que l'administration pénitentiaire se préoccupe d'ordre et de sécurité tandis que l'institution judiciaire veille à l'exécution de la peine. Cette dernière prévoit aussi les modalités de sortie. Or la recherche d'un alignement permanent de l'institution judiciaire sur l'administration pénitentiaire empêcherait cette pluralité de regards pourtant essentielle. Dans le dossier à l'origine de la création de votre commission, la divergence entre les positions des magistrats et de l'administration pénitentiaire est très nette et a donné lieu à de nombreuses discussions. S'il ne me revient pas de juger si l'une ou l'autre de cette position doit l'emporter, je ne crois pas qu'il faille les lier pour en tirer des conclusions et imposer des régimes et des conditions de détention particuliers. Au contraire, il est essentiel de préserver cette liberté de regard et cette singularité de chacun des acteurs.

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