Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 18 janvier 2023

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission

La séance est ouverte à 14 heures 02.

I. Instrument du marché unique pour les situations d'urgence : communication et examen d'un projet d'avis politique (Mmes Sabine THILLAYE et Marietta KARAMANLI, référentes Marché intérieur, Concurrence, Numérique, Industrie, Recherche, Espace)

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L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence, présenté par la Commission européenne. Je donne la parole à nos deux référentes, Sabine Thillaye et Marietta Karamanli, qui vont nous présenter les résultats de leur analyse de ce texte ainsi qu'un projet d'avis politique.

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Cet instrument a été présenté par la Commission européenne le 19 septembre. L'objectif du paquet est de permettre à l'Union européenne de faire face à des situations de crise mettant en danger le bon fonctionnement du marché intérieur, comme celles survenues lors de la pandémie avec la fermeture des frontières qui a entravé la libre circulation des travailleurs transfrontaliers.

En premier lieu, l'instrument créé une architecture de réponse graduée aux crises, qui confère des prérogatives renforcées aux États membres et à la Commission européenne. D'abord, le mode de prévention instaure des protocoles de crise : l'échange d'informations entre les parties prenantes sera complété par des stress tests permettant d'évaluer la résilience du marché unique. Ensuite, le mode de vigilance facilitera le suivi des chaînes d'approvisionnement critiques et permettra à la Commission européenne d'imposer aux États membres la constitution de réserves stratégiques, en cas de carence au niveau national. Enfin, le mode d'urgence autorise la Commission européenne à prendre des décisions extraordinaires : elle pourra, sous peine d'amende, demander aux entreprises de lui communiquer des informations sur leur production ou de prioriser les commandes critiques.

Soyons claires sur ce dernier point sensible : rien ne pourra être initié sans l'accord des États membres, selon une règle de « double activation ». En effet, le mode d'urgence doit d'abord être activé par le Conseil de l'Union à la majorité qualifiée. La Commission européenne doit, ensuite, adopter un acte d'exécution pour chaque nouvelle mesure, à laquelle peuvent s'opposer les États membres à la majorité qualifiée.

Nous appelons les colégislateurs à être vigilants sur plusieurs enjeux, qui sont déclinés dans le projet d'avis politique que nous vous soumettons. La notion de « crise », nécessaire à l'activation des différents modes de l'instrument, pourrait être mieux définie : une liste non-exhaustive de situations possibles pourrait ainsi être inclue dans le texte. Le règlement qualifie comme tel tout « évènement exceptionnel, inattendu et soudain, naturel ou d'origine humaine, de nature et d'ampleur extraordinaire » qui menacerait le fonctionnement du marché intérieur. Par exemple, les tensions sur l'approvisionnement en engrais pourraient aujourd'hui justifier l'activation du mode de vigilance pour ce secteur spécifique. En cas d'activation, l'incidence de l'instrument sur l'activité des opérateurs économiques et des partenaires sociaux doit être minimisée. Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour garantir la proportionnalité des mesures prises. En amont, le groupe consultatif, chargé de conseiller la Commission européenne, devra pleinement associer les parties prenantes. En aval, les obligations et, le cas échéant, les amendes imposées aux entreprises devront être modulées selon leur taille et leurs ressources. Enfin, l'équilibre entre la préservation du marché unique et la protection des droits fondamentaux gagnerait à être redéfini au bénéfice de ces derniers. Nous sommes défavorables à l'abrogation sèche du règlement dit « fraises » de 1998 que prévoit l'instrument. Ce texte a été adopté suite à un arrêt de la Cour de justice condamnant la France pour ne pas avoir empêché des blocages d'agriculteurs qui entravaient la libre circulation de produits espagnols. Il comporte une clause dite « Monti », qui précise que le règlement ne peut être interprété comme affectant le droit d'actions collectives, dont le droit de grève. Une telle clause, qui existe dans plusieurs autres textes européens, ne figure pas dans la proposition de règlement de la Commission européenne. Pourquoi un tel silence ? Il nous semble pertinent de réintroduire une « clause Monti » afin de ne laisser aucun doute sur la protection du droit d'actions collectives dans l'Union européenne, au-delà de sa consécration par la Charte des droits fondamentaux.

Il incombe désormais au Conseil et au Parlement européen d'améliorer les dispositions de l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence. Toutefois, aucun calendrier précis n'est encore envisagé à ce stade. La majorité des États membres, au premier rang desquels la France, a accueilli favorablement cette initiative. Parmi les réserves exprimées, les Pays-Bas et la Suède ont alerté sur la nécessité d'éviter toute charge administrative indue pour les entreprises. La question de la protection du droit de grève a été soulevée par la Belgique. Nous partageons ces points de vigilance, qui sont autant de pistes pour faire progresser le texte lors des prochaines négociations. Il s'agit de trouver un point non pas d'équilibre mais d'efficacité pour que l'ensemble des États, mais aussi l'ensemble des forces économiques, travaillent de façon convergente. D'autre part, la commission du marché intérieur du Parlement européen, dite « IMCO », a été saisie en décembre dernier.

En second lieu, le paquet proposé par la Commission européenne apporte des dérogations ciblées à la législation harmonisée sur les produits, par l'intermédiaire d'un règlement et d'une directive. Ces textes amendent les règles d'harmonisation valables pour 14 secteurs, tels que les engrais ou les matériaux de construction, lorsque le mode d'urgence de l'instrument est activé. Parmi les évolutions notables, l'évaluation de la conformité des produits liés à la crise pourra être priorisée. Ces produits, qu'ils soient nécessaires à la gestion de crise ou insuffisamment disponibles, pourront en effet bénéficier d'une autorisation temporaire de mise sur le marché. La Commission européenne a précisé que cette souplesse réglementaire ne devait en aucun cas réduire le haut niveau de protection de la santé et de l'environnement garanti dans l'Union européenne : nous partageons cette exigence, qui est, selon nous, compatible avec une capacité de réaction accrue face aux crises.

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Les deux législations européennes dont il est question ce jour ont en commun de chercher, par des moyens et des niveaux différents, à protéger davantage l'économie européenne face à d'éventuelles perturbations. Les crises récentes que l'Union a traversées, comme la pandémie de la Covid-19, ou qu'elle affronte encore, à l'instar de la guerre en Ukraine, ont démontré la nécessité d'une meilleure coordination des institutions européennes et d'une réaction vigoureuse contre les facteurs pouvant troubler l'économie européenne et nos entreprises. La France n'a cessé de se mobiliser pour que nous en tirions des leçons.

À l'heure où nous plaidons pour une autonomie stratégique européenne, cet instrument d'urgence constitue un complément utile afin de contrer tout obstacle à la libre circulation ou à la pénurie de biens et services nécessaires en cas de crise. Votre avis politique n'occulte pas les interrogations quant à son fonctionnement, qui devront trouver une réponse dans les mois à venir. Pour ces raisons, notre groupe est en faveur de votre avis politique, avec tout de même une proposition d'amendement.

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Nous sommes aujourd'hui à nouveau face à l'appétit insatiable de centralisation et de pouvoir de la Commission européenne. Cela concerne cette fois le marché unique européen et ses quatre piliers. Cet avis politique se propose de renforcer le dirigisme concernant des décisions vitales, en instituant un instrument d'urgence pour le marché unique applicable dans des situations de crise. Outre que la définition de crise est tellement large qu'elle permet un champ d'interprétation excessif, on s'éloigne encore une fois de la subsidiarité.

Au nom de l'urgence de la crise, notre commission des affaires européennes salue la création d'un outil qui porte en lui-même un très grave danger quant aux libertés publiques et au respect des quatre principes du marché unique rappelés précédemment. D'ailleurs, de nombreux Etats membres et représentants économiques se sont déjà alarmés face à cette nouvelle tentative de la Commission européenne de s'approprier des compétences supplémentaires à la faveur d'un état de crise quasiment permanent. Il s'agit d'un déni de démocratie et d'une volonté de toujours plus infantiliser les Etats et les acteurs de la vie sociale et économique. Notre groupe est donc résolument opposé à cet avis politique en l'état.

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Ce nouvel instrument s'inscrit dans ce que l'on pourrait espérer être la fin de la naïveté européenne sur les bienfaits d'un marché où l'intervention de la puissance publique est proscrite. Il aura fallu attendre les conséquences désastreuses de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine pour que la Commission européenne commence à sortir de ses obsessions néolibérales et à prendre conscience que l'Union européenne est aujourd'hui la seule grande zone économique du monde à refuser toute forme de protectionnisme ou de planification économique. Pourtant, cet instrument est bien moins coercitif que ses équivalents japonais, coréen ou américain.

À l'heure où les États-Unis deviennent plus interventionnistes que jamais, nous risquons de payer cher ce manque d'ambition. En outre, le mécanisme est extrêmement complexe dans son fonctionnement et sa mise en œuvre. Surtout, il suppose l'abdication totale de la souveraineté des Etats membres, qui, en cas d'urgence, doivent s'en remettre entièrement et exclusivement à la Commission européenne. On peut être sceptique à l'idée de laisser à Mme Vestager, qui se refuse à toute intervention de la puissance publique, en charge de piloter ces interventions.

Enfin, la concurrence généralisée au sein même de l'Union européenne est la première source des graves dysfonctionnements rencontrés par notre économie, notamment dans sa dimension industrielle. Ce dont a le plus souffert la France est sa désindustrialisation. Or, le marché unique porte une responsabilité importante en la matière. D'après une étude réalisée en 2016 par la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, 82% des 912 délocalisations répertoriées dans l'Union européenne entre 2003 et 2016 concernent le secteur manufacturier. Près de la moitié de ces délocalisations étaient réalisées au sein de l'Union européenne. En France, l'industrie manufacturière a été la plus concernée par les délocalisations, dont 55% d'entre elles se produisent au sein de l'Union européenne.

Je salue tout de même votre appel à défendre le droit de grève dans l'avis politique.

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Estimez-vous que les mécanismes de contrôle de cet instrument par le Parlement européen sont suffisants ? En ce qui concerne les éléments demandés aux entreprises en cas de situation d'urgence, n'estimez-vous pas que l'on risque d'aboutir à une certaine complexité ?

Par ailleurs, demander à nos entreprises de fournir un certain nombre de données aux autorités européennes ne risque-t-il pas d'être chronophage pour elles ? Cette demande s'inscrirait en porte-à-faux avec le mouvement de simplification engagé ces dernières années, en tout cas au niveau national. Pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu, des sanctions sont-elles prévues ?

Enfin, certains États membres se sont inquiétés d'une éventuelle atteinte au droit de grève en situation d'urgence par rapport à certaines législations nationales qui protègent ce droit. Pensez-vous ainsi que le mécanisme permettra de sauvegarder, quoiqu'il arrive, le droit de grève ?

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Je refuse qu'on mette en cause le caractère démocratique des organisations de l'Union européenne. La Commission est un exécutif. Dans les démocraties, les exécutifs sont sous le contrôle d'un Parlement. C'est aussi le cas au sein de l'Union européenne. On peut peut-être la faire évoluer mais l'Union est organisée de façon démocratique : dire qu'elle ne l'est pas est faux !

Nous sommes confrontés à des positions dogmatiques de la part de certains d'entre nous dans le cadre d'un mécanisme qui doit permettre de faire face à une situation de crise. Qu'est-ce qu'un dispositif suffisant en cas de crise ? Par définition, une crise est un évènement que l'on ne prévoit pas. C'est un défaut qu'il faut reconnaître et qu'il faut intégrer dans la construction du mécanisme, sans qu'il conduise à critiquer tout mécanisme extraordinaire.

Je rappelle aussi à mes collègues qu'il ne faut pas que les parlementaires se tirent « des balles dans le pied » : dire qu'il n'y a pas de contrôle démocratique de l'action de l'Union revient à dire qu'ici nous n'avons aucun rôle et ne sommes pas représentatifs.

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Cet avis politique salue, à raison, la proposition de la Commission qui pose un cadre légal solide pour son action et celle des États membres en cas d'urgence sur le marché unique. La proposition de la Commission permet, en effet, de préserver le principe de subsidiarité, le cadre des mesures d'urgence ne pouvant être déclenché qu'à la majorité qualifiée du Conseil. Il permet aussi un certain nombre de mesures préventives comme l'acquisition de coordonnées, de bien stratégiques par les États membres et la Commission en vue d'incidents majeurs. Nous partageons les réserves exprimées dans l'avis politique, notamment la définition de la crise qui doit à tout prix exclure l'expression normale d'une demande sociale, notamment par l'action collective. Les demandes que la Commission peut formuler aux opérateurs économiques en cas de crise doivent être aussi précisées, notamment lorsqu'elles sont adressées aux TPE/PME, et ce, afin de préserver leur activité.

En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera pour ce projet d'avis politique.

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Mme Menache, je crois que vous sous-estimez ce que l'on a expliqué. La Commission ne peut pas activer le mécanisme sans l'accord des États membres. C'est clairement précisé. Au-delà de la majorité qualifiée qui fait office de premier contrôle, la Commission doit adopter un acte d'exécution pour chaque nouvelle mesure qui peut être contesté par les États membres à la majorité qualifiée à nouveau.

Quant au principe de subsidiarité, il est protecteur des compétences des États membres. Toutefois, l'intervention de l'Union est légitime quand les États ne peuvent pas agir. La crise sanitaire a bien montré que, par moments, nous devons agir ensemble au niveau européen sans quoi le coût de la « non-Europe » serait bien plus important. En outre, le principe de proportionnalité définit bien des limites à l'action de l'Union européenne.

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Il s'agit, en effet, d'un texte technique et assez complexe pour lequel, comme pour d'autres, nous pouvons exercer un contrôle.

Sur l'industrialisation, les choses évoluent. Avant la crise, une dynamique de désindustrialisation était constatée au niveau européen. Aujourd'hui, l'idée est de procéder à une réindustrialisation de l'Union, de produire à nouveau un certain nombre de biens en Europe. La crise a bien montré qu'il est nécessaire de produire à nouveau un certain nombre de biens localement.

En ce qui concerne le droit de grève, il nous paraissait essentiel d'insister sur ce droit fondamental, l'un des droits fondamentaux qui sont à la base de notre démocratie et, rappelons-le, de l'Union. Notre communication porte sur un instrument technique dont nous soulignons les limites. Il y aura effectivement des sanctions et amendes imposées aux entreprises, mais qui devront être modulées selon leur taille.

Enfin, la question de la définition de la crise mérite d'être posée. Je veux d'ailleurs souligner que notre réunion d'aujourd'hui a pour objet un avis politique mai. À l'avenir, nous pourrions envisager de rédiger un rapport, selon l'évolution des discussions entre les institutions européennes, pour affirmer de manière encore plus forte notre point de vue.

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La parole est à Laurence Cristol pour la présentation de l'unique amendement qui a été déposé.

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Cet amendement a pour objectif de réécrire l'alinéa 12. Aujourd'hui, le commerce mondial devient de plus en plus compétitif pour les grandes zones d'échange et notre amendement vise à rappeler que la réalisation du marché unique et la convergence réglementaire qu'il engendre constituent une des forces de l'Union européenne.

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J'ai été saisi par les deux rapporteurs d'un sous-amendement que je les laisse présenter.

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Nous souhaiterions substituer aux mots « l'atout principal » les mots « un atout économique important ». Nous partageons l'esprit de l'amendement mais appelons à une formulation légèrement différente. Le marché unique ne représente pas, à lui seul, l'atout principal de l'Union même s'il est extrêmement important. Cet espace de liberté, dont nous célébrons les trente ans, permet aux entreprises de s'adresser à des centaines de millions de consommateurs. C'est une force, dont nous devons nous saisir, qui fait de l'Union européenne une puissance normative.

La réforme des organismes européens de normalisation votée en décembre dernier par le Parlement européen et par le Conseil va dans ce sens. Les membres américains et chinois de ces organismes ne pourront plus bloquer l'élaboration de nouvelles normes. L'objet de notre sous-amendement est de préciser les avantages qui peuvent être issus du marché unique : ce n'est pas simplement la suppression des barrières tarifaires qui renforce la souveraineté européenne.

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Nous souhaitions insister sur la capacité de l'Union à assurer sa souveraineté économique, thème qui émerge au sein de l'Union. Ce sujet a d'ailleurs été fortement discuté lors de la dernière COSAC.

Notre communication insiste sur la capacité européenne à répondre aux mesures américaines. Or les États-Unis ne sont pas qu'un grand marché unique. En cohérence, nous proposons ce sous-amendement qui nous parait plus juste.

La commission adopte le sous-amendement.

La commission adopte l'amendement ainsi modifié.

La commission adopte l'article unique modifié du projet d'avis politique.

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Je précise qu'une fois adoptés, les avis politiques sont transmis à la Commission européenne et au Gouvernement pour que la position de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale soit prise en compte et qu'une réponse nous soit apportée.

II. Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales : communication sur la révision de la directive (Mmes Sabine THILLAYE et Marietta KARAMANLI, référentes Marché intérieur, Concurrence, Numérique, Industrie, Recherche, Espace)

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Le second texte dont nous souhaitons vous entretenir est la révision de la directive de 2011 sur les retards de paiement, annoncée par la présidente de la Commission européenne dans son dernier discours sur l'État de l'Union. Nous travaillons en amont afin d'avoir la possibilité de nous exprimer sur le sujet.

L'enjeu est assez considérable. La défaillance d'un client du fait d'un retard de paiement peut entraîner la disparation d'un fournisseur, et, par un mécanisme de contagion, la déstabilisation d'une filière entière. La Commission européenne estime que seules 40% des entreprises sont payées dans les délais contractuels ou légaux, et que les retards de paiement sont à l'origine d'une faillite sur quatre parmi les PME européennes. La révision de la directive de 2011 devant être présentée cette année doit être l'occasion d'améliorer un cadre juridique défaillant.

D'abord, les entreprises créancières renoncent trop souvent à recourir aux règles protectrices de la directive de 2011 telles que la possibilité d'imposer des intérêts moratoires. Une entreprise privilégie en pratique le maintien de bonnes relations commerciales, même en cas de non-respect des délais de paiement. Ces délais sont fixés en principe à trente jours pour les administrations publiques et les entreprises. Le recours à la médiation, très active en France, pourrait aussi être encouragé dans l'Union européenne.

Ensuite, les paiements interentreprises peuvent dépasser le délai de 30 jours en cas d'accord entre les parties, sous réserve que cette dérogation ne constitue pas un « abus manifeste » de la part de l'entreprise débitrice. Or, l'abus de la liberté contractuelle est défini de manière imprécise dans la directive de 2011, qui créé une zone grise à l'origine de pratiques déloyales. Certaines grandes entreprises profitent de leur pouvoir de marché en fixant à 120 jours leurs délais de paiement. Un délai de paiement maximum pourrait ainsi être appliqué aux entreprises, à la manière des autorités publiques.

Enfin, nous déplorons le manque de données officielles sur les retards de paiement en Europe. La Commission a annoncé le lancement d'un observatoire à l'été 2023, à partir du projet pilote sur le secteur du bâtiment. Cet outil est indispensable pour mieux connaître et prévenir ces phénomènes préjudiciables aux entreprises, sur le modèle de l'observatoire des délais de paiement créé en France dès les années 1990.

En conclusion, deux critères importants devraient selon nous orienter les discussions à venir sur la révision. D'une part, la maîtrise des délais doit reposer non seulement sur les relations inter-entreprises, mais aussi sur l'exemplarité des pouvoirs publics lorsqu'ils sont débiteurs. D'autre part, le renforcement du cadre juridique ne doit pas faire peser une charge administrative disproportionnée sur les PME, par exemple si le reporting des comportements de paiements était demandé aux entreprises.

Nous vous tiendrons bien sûr informés de la suite de ces travaux que la Commission européenne ne fait qu'initier. C'est une manière d'attirer votre attention sur ce sujet important pour nos entreprises.

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Le retard de paiement dans les transactions commerciales est une plaie pour les petites entreprises et les artisans. Bien que les marchandises aient été livrées ou les services fournis, bon nombre de factures sont acquittées bien au-delà des délais. Ces retards de paiement ont des effets négatifs sur les liquidités des entreprises et compliquent leur gestion financière.

Si ce phénomène est déjà complexe à gérer pour les grandes entreprises, il peut être mortel pour les artisans ayant peu ou pas de trésorerie. Dans certaines circonstances, il est possible que les entreprises aient besoin de délais de paiement plus longs, par exemple si elles souhaitent accorder des crédits commerciaux à leurs clients. La bonne marche des affaires nécessite toutefois que l'on soit ferme.

Il convient donc de lutter efficacement pour décourager les retards de paiement, et la directive actuelle va en ce sens : en instaurant des pénalités de retard sous la forme d'intérêts simples, mais aussi en permettant aux créanciers de facturer des intérêts pour des retards de paiement sans donner aucune notification préalable de non-paiement, ni aucune autre notification similaire au débiteur pour lui rappeler son obligation de payer.

Il faut tirer les leçons de l'actuelle directive, en faire un bilan et voir les points d'amélioration à apporter pour lutter davantage contre les retards de paiement. Ainsi, il est nécessaire de veiller à ce que les procédures de recouvrement pour des dettes non contestées, liées à des retards de paiement dans les transactions commerciales, soient menées à bien dans un bref délai, y compris au moyen d'une procédure accélérée, et quel que soit le montant de la dette. Il en va encore une fois de la santé financière de nos entreprises. Nous suivrons donc avec attention ce dossier, en soutien aux petites entreprises et aux artisans qui ont peu de trésorerie et qui sont mis en péril par ces retards et indélicatesse de paiement. Quelles mesures pourraient être apportées pour intensifier la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, en plus des rapports cités au préalable ?

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La Commission a souligné la qualité du travail en France. Je pense que le législateur européen s'inspirera des instruments de la législation française. Celle-ci est assez protectrice, en témoigne le dispositif de contrôle de retards de paiement avec des amendes administratives infligées par Bercy.

Aujourd'hui, dans l'Union, nous manquons cruellement de données officielles permettant de faire des comparaisons. On se focalise sur les retards de paiement à l'intérieur des Etats membres, mais qu'en est-il des instruments de lutte contre les retards de paiement entre les Etats membres ? Il s'agit d'un sujet sur lequel nous devrions porter notre attention.

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Notre communication présente également de mauvais exemples, tels que les autorités publiques. Nous insistons pour que l'ensemble des Etats membres accélèrent la transposition des directives dans ce domaine et adoptent une culture du paiement rapide en Europe. D'autres dispositifs sont envisageables. Les Etats peuvent soutenir la formation des PME, au titre de la gestion du crédit, ou le développement du marché de l'affacturage. La Cour de justice de l'Union européenne a également constaté des violations de la directive par plusieurs pays.

Enfin, le rapport de l'Observatoire français, publié en 2022, insiste sur un retour à une situation normale depuis la fin de la crise sanitaire, ce qui est plutôt un bon élément d'évolution. On constate toujours des délais globaux de paiement variant de 18 à 28 jours, dans le secteur public local par exemple, mais aussi dans les ETI et grandes entreprises, qui sont largement supérieurs à ceux des PME. Il y a encore beaucoup d'efforts à faire. Notre communication apporte une pierre à l'édifice, même si la situation de la France a été saluée. Les éléments seront adressés à la Commission et au Gouvernement, et nous espérons que des bonnes pratiques seront mises en place pour accélérer le respect des délais de paiement.

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Nous devons d'abord veiller, en France, à ce que les délais de paiement soient les plus harmonisés possible, sans divergences entre les ETI et les grandes entreprises, et les PME. La puissance économique des grandes entreprises leur donne une force de négociation, au détriment du respect des délais de paiement.

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Mesdames les rapporteures, je vous remercie pour ce travail approfondi.

La séance est levée à 14 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Henri Alfandari, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, M. Manuel Bompard, Mme Laurence Cristol, Mme Marietta Karamanli, Mme Yaël Menache, M. Frédéric Petit, Mme Anna Pic, M. Jean-Pierre Pont, M. Vincent Seitlinger, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - Mme Brigitte Klinkert, Mme Constance Le Grip, Mme Lysiane Métayer, M. Charles Sitzenstuhl