La séance est ouverte à onze heures.
La commission auditionne, en application de l'article L. 1451–1 du code de la santé publique, Mme Marine Jeantet, dont la nomination aux fonctions de directrice générale de l'Agence de la biomédecine est envisagée.
Par courrier en date du 18 mars dernier, madame la Première ministre a informé madame la Présidente de l'Assemblée nationale qu'elle avait l'intention de nommer Madame Marine Jeantet aux fonctions de directrice générale de l'Agence de la biomédecine (ABM). En application des dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, il revient donc à notre commission de l'entendre préalablement à sa nomination à ses fonctions, comme la commission homologue du Sénat vient de le faire à l'instant.
Je précise que la durée de ce mandat est de trois ans et que ces fonctions ont été exercées jusqu'à octobre dernier par Mme Emmanuelle Cortot-Boucher. Par ailleurs, nous avons auditionné le 20 juillet 2021 le président du conseil d'administration de l'agence, le professeur Jacques-Olivier Bay. Je rappelle que l'Agence de la biomédecine, créée par la loi de bioéthique de 2004, est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Elle assure des missions essentielles d'encadrement, d'accompagnement, de suivi et d'information dans les domaines du don d'organes, du don de moelle osseuse, du don de gamètes, d'assistance médicale à la procréation, de diagnostic prénatal et de génétique médicale, ainsi qu'en matière de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.
Madame Jeantet, je vais à présent vous passer la parole afin que vous puissiez vous présenter à la commission. Je précise que, conformément à l'usage, votre curriculum vitæ a été préalablement communiqué aux commissaires. Certains ici vous connaissent déjà, au regard de vos fonctions de déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, la commission vous ayant auditionné à ce titre le 2 février 2021. Vous nous indiquerez aussi comment vous comptez aborder les nouvelles fonctions qui vous sont proposées.
Ensuite, je donnerai la parole à notre référent pour l'Agence de la biomédecine, Didier Martin, pour 5 minutes, puis aux orateurs des groupes et aux autres députés pour 2 minutes chacun. Vous pourrez alors prendre le temps nécessaire pour répondre aux nombreuses questions.
Je suis très honorée d'être auditionnée aujourd'hui en vue de prendre la direction de l'Agence de la biomédecine et j'espère que vous me donnerez votre confiance. Je vous souhaite une excellente année 2023.
Comme l'a rappelé madame la présidente, l'Agence de la biomédecine est un établissement public administratif créé par la loi de 2004, qui est sous la tutelle du ministère de la santé et qui faisait suite à l'Établissement français des greffes.
Elle travaille dans quatre grands domaines dont le point commun est de requérir l'utilisation d'éléments et de produits issus du corps humain à des fins médicales ou scientifiques, notamment le prélèvement et la greffe d'organes, de tissus et de cellules souches hématopoïétiques pour réaliser des greffes de moelle osseuse, l'assistance médicale à la procréation (AMP) et le diagnostic prénatal, la génétique humaine et la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Ces domaines sont régis par les différentes lois de bioéthique, dont la dernière a été promulguée il y a environ dix-huit mois. Elle avait fait l'objet de nombreux débats ici même.
Compte tenu de ses missions très techniques et très sensibles, les équipes de l'agence possèdent une expertise multidisciplinaire de très haut niveau, à la fois médicale, scientifique, juridique et éthique, ainsi que des compétences en matière de systèmes d'information et de gestion des données, puisque l'agence gère un certain nombre de registres et de données très sensibles. L'agence est reconnue sur le plan national et international par les professionnels de santé, les chercheurs, mais aussi les associations de patients et d'usagers.
L'agence remplit également des fonctions très opérationnelles, car elle doit assurer des opérations vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans le cadre de son activité de répartition des greffons.
Sa gouvernance très originale est en lien avec ses missions particulièrement sensibles. Elle possède un conseil d'administration présidé par M. Bay, mais également un conseil d'orientation qui est une sorte de comité d'éthique dans lequel plusieurs parlementaires siègent, présidé par le professeur Guérin, ainsi qu'un conseil médical et scientifique composé d'un collège sur les greffes dirigé par M. Menasché et d'un autre collège sur la procréation et la recherche de l'embryon dirigé par le professeur Benachi.
Nous sommes au début d'un nouveau cycle. La troisième révision de la loi de bioéthique a été votée en août 2021 et ses dispositions sont très claires. Elle a permis de nombreuses avancées, notamment dans le champ de la procréation médicalement assistée, ainsi que de nombreuses clarifications. L'heure est maintenant à la mise en œuvre de ce nouveau cadre législatif et réglementaire.
Par ailleurs, le ministère de la santé a annoncé début 2022 la révision de trois plans ministériels dans le cadre qui correspond au champ d'activité de l'agence. Enfin, son nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) est finalisé pour les cinq prochaines années et sera bientôt signé par le ministre. Il convient maintenant de mettre en œuvre de manière efficace ce cadre stratégique défini et extrêmement précis, avec les moyens qui ont été alloués.
Concernant les greffes d'organes, ma priorité est la mise en œuvre du quatrième plan greffe qui a été présenté en début d'année, et qui a pour objectif principal de relancer l'activité de greffe, très impactée par la crise du covid : les transplantations ont chuté de 25 %. Il s'agit notamment de réduire le taux de refus de prélèvement, car il a malheureusement augmenté, passant de 30 à 34 %. Il s'agit aussi de développer le don du vivant, moins connu, mais qui constitue également une piste très intéressante notamment pour les greffes de rein et de foie pour les enfants.
Le déploiement territorial fait partie des nouveaux leviers et enjeux pour atteindre ces objectifs. Nous devons désormais adapter les orientations nationales à des contextes spécifiques locaux, dont les moyens varient d'une région à l'autre. La crise qui touche actuellement le monde hospitalier aura forcément des impacts, y compris sur l'activité de greffe.
La mise en place de nouveaux métiers devrait également nous aider, notamment les infirmiers en pratique avancée (IPA), qui constituent une réponse à la pénurie des personnels médicaux et paramédicaux dans les hôpitaux français, afin d'améliorer le suivi de la greffe, de faciliter le recueil du consentement de la famille au moment du prélèvement, mais également de renforcer le suivi post-greffe. La présence de ces infirmières spécialisées sera vraiment très utile tout au long du processus et permettra également de redonner du temps aux médecins en flux tendus dans cette période.
Enfin, la promotion du don est primordiale. La loi demande à l'agence d'encourager le don post mortem, mais également le don du vivant, beaucoup moins connu et qui nécessite des travaux de sensibilisation pour encourager un changement de mentalité.
Une grande nouveauté de ce plan est son financement, démontrant la volonté d'implication du ministère. 210 millions d'euros sur cinq ans s'ajoutent au financement actuel des activités de greffe et permettront de mieux valoriser l'activité de prélèvement.
Par ailleurs, nous allons mettre en œuvre le quatrième plan sur les greffes de moelle osseuse avec plusieurs objectifs, dont la proposition de toutes les sources de cellules souches hématopoïétiques afin de sélectionner le meilleur greffon en fonction de l'âge, de la pathologie, du stade d'avancement de cette pathologie et de l'urgence à réaliser la greffe.
Il est nécessaire d'augmenter le nombre de donneurs. En effet, le registre en France répertorie environ 330 000 donneurs, un effectif très faible par rapport à d'autres pays européens ; ainsi, l'Allemagne compte plus de 9 millions de donneurs. L'objectif d'augmentation s'établit à 20 000 nouveaux donneurs par an, un objectif tenu et même dépassé en 2021, avec 24 000 nouveaux donneurs. Les progrès sont attendus sur le plan quantitatif, mais également sur le plan qualitatif, car une diversification du recrutement de ces donneurs est essentielle. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes dans le registre ; or, pour des raisons immunologiques, il est préférable d'avoir des donneurs hommes, car il arrive que les femmes tombent enceintes entre le moment où elles donnent leur consentement et celui où la greffe est réalisée et les grossesses provoquent des allo-immunisations, soit des greffons de moins bonne qualité.
Le registre doit donc compter des hommes, et si possible, des hommes issus de la diversité, afin de disposer de tous les phénotypes et typages de cellules pour représenter l'ensemble de la population française et des besoins. Enfin, il faut réduire les délais des greffes qui sont toujours très longs. Nous utilisons désormais un système d'inscription en ligne qui fonctionne très bien. Une fois l'inscription réalisée, la personne reçoit par courrier un kit de prélèvement de salive ce qui permet de préparer le typage des antigènes d'histocompatibilité en temps masqué, sans embouteiller des consultations hospitalières déjà en tension.
L'AMP a donné lieu à de nombreux débats dans le cadre de la dernière révision de la loi de bioéthique. Vous n'êtes pas sans savoir que les nouvelles dispositions inscrites dans la loi ont placé le secteur sous très forte tension, car la portée sociétale de ces nouvelles dispositions a été sous-estimée et le nombre de demandes des nouveaux publics, notamment des femmes seules et des couples de femmes, est largement supérieur aux estimations. L'objectif est donc de réduire les délais d'attente pour une AMP.
Toutefois, il est important de mentionner l'autosuffisance de gamètes et de spermatozoïdes, compte tenu d'un afflux de donneurs en 2021, après une diminution en 2020. Contrairement à nos craintes, l'accès aux origines ne constitue pas un frein au don.
Nous enregistrons plus de 6 000 demandes, un volume énorme par rapport aux prévisions, et les centres doivent gérer cet afflux de demandes, auquel s'ajoutent les demandes d'autoconservation qui ne faiblissent pas. À date, nous ignorons si cet effet est structurel ou conjoncturel. Nous verrons si cette tendance se confirme sur la durée ou si elle se régule au fil du temps une fois que ces demandes effet de rattrapage auront été absorbées. À cette fin, le ministère nous a demandé de mettre en place un comité national de suivi, démarche inédite qui permet de réunir l'ensemble des parties prenantes et de partager les informations, de s'adapter et de faire remonter les sujets de terrain. Selon moi, ce lieu de débat et de dialogue est essentiel pour gérer un changement sociétal aussi significatif.
Enfin, je soutiendrai le déploiement des activités de consultation génétique, et notamment des nouvelles technologies de diagnostic et du séquençage génomique à haut débit qui entraînent des modifications dans les pratiques. Là aussi, l'agence joue un rôle de veille et de recommandation de bonnes pratiques pour ajuster les procédures et informer le public des dangers de certains tests disponibles sur Internet.
De manière globale, je me montrerai très attentive aux activités de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Ces activités sont autorisées par l'agence, qui joue un rôle de suivi et de vigilance.
Je vais maintenant vous présenter mon parcours en quelques mots. Je suis médecin de formation, mais j'ai rapidement choisi de me spécialiser dans la santé publique en raison de mon intérêt pour les politiques publiques et pour l'approche pluridisciplinaire des questions de santé. Je trouve fascinant de travailler avec de nombreuses autres disciplines. Tel sera le cas à l'agence, dont l'activité demande de traiter les aspects juridiques, de recherche et de sociologie. Ce croisement des regards est extrêmement riche pour prendre les décisions et conseiller le décideur de la manière la plus appropriée.
Ma carrière est variée, en administration centrale territoriale, en cabinet ministériel, en établissement public et au sein de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Elle m'a permis de développer, outre mes compétences techniques et humaines apportées par la première partie de mon parcours en tant que médecin, des aptitudes stratégiques et administratives ainsi que des compétences de gestion, de connaissances du système de soins, d'organisation et surtout de financement.
Ma carrière a commencé à l'Agence des produits de santé, devenue l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé, puis à la Caisse centrale de la Mutualité sociale et agricole, où je m'occupais des médicaments et du remboursement des produits de santé. Enfin, j'ai occupé le poste de conseillère du ministre de la santé Xavier Bertrand, dans le domaine des produits de santé. J'ai ensuite rejoint la direction de la sécurité sociale, où je me suis occupée de l'ensemble du financement du système de soins, et notamment de la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie que vous votez chaque année, et du suivi des lois de financement de la sécurité sociale que vous suivez chaque année.
J'ai ensuite intégré l'Igas, où j'ai assuré de nombreuses missions d'audit des agences sanitaires dans le champ hospitalier et la protection sociale, avant de prendre la direction de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles au sein de la sécurité sociale, où je me suis occupée de santé au travail. Depuis 2019, je m'occupe de la lutte contre la pauvreté et je suis chargée de la mise en œuvre et du déploiement territorial de la stratégie en la matière, dans une logique interministérielle.
Les sujets de bioéthique m'ont toujours passionnée, depuis mon premier stage d'externe en 1992 chez le professeur Alain Fischer, qui dirigeait le service de greffe et où ont été réalisées les premières greffes de moelle. Cette expérience m'a tellement marquée que j'ai ensuite passé une maîtrise d'immunologie et de génétique. À l'époque, vous votiez les premières lois de bioéthique. Le cadre s'est clarifié et structuré depuis et mon objectif sera sa mise en œuvre ainsi que la relance des différentes activités.
Je pense que mon expérience hospitalière en tant que praticienne ainsi que celle que j'ai acquise à la direction de la sécurité sociale ou à l'Igas dans des fonctions plus administratives et financières me seront très utiles pour dialoguer avec les équipes responsables de ces activités et comprendre notamment leurs difficultés quotidiennes.
Le monde hospitalier traverse une période de grande crise et il sera très important d'être à son écoute pour atteindre les objectifs tout respectant les contraintes des professionnels. En outre, je ne manquerai pas d'associer toujours étroitement, comme le fait l'agence depuis des années, les associations de patients et d'usagers, les médias et les parlementaires à tous ses travaux. En effet, les sujets de démocratie sanitaire sont absolument essentiels. Ils sont d'ailleurs inscrits comme l'une des priorités dans le nouveau COP de l'agence. C'est pour moi la condition sine qua non pour maintenir la confiance que doit avoir le public envers les activités de l'agence, d'autant plus que cette confiance à l'égard des institutions est souvent remise en question à l'heure actuelle. Il est important de maintenir le dialogue pour construire un climat de qualité sur ces sujets hautement sensibles.
Je m'y efforce d'ores et déjà avec les associations de lutte contre la pauvreté, dans un contexte très sensible de gestion de crise du covid. Je pense posséder cette qualité de dialogue qui me permettra d'ajuster les moyens de fonctionnements et les propositions de l'agence.
Enfin, j'aurais évidemment à cœur de m'inscrire dans la continuité de mes prédécesseurs, Anne Courrèges et Emmanuelle Cortot-Boucher, qui ont consolidé l'agence et porté ses valeurs d'équité, d'impartialité, de fiabilité, de transparence et de solidarité. Je pense que les éléments de mon parcours vous convaincront que je suis à même de les porter à mon tour. Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à toutes vos questions.
Madame la présidente, madame Jeantet, chers collègues, je vous présente mes meilleurs vœux, ainsi qu'à vos proches pour cette nouvelle année. Je nous souhaite collectivement une année de travail constructive au sein d'une commission qui a examiné et adopté hier la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist destinée à améliorer l'accès aux soins dans les territoires. Notre commission va également bientôt examiner un projet de loi sur la réforme des retraites annoncée par madame la Première ministre.
Madame Jeantet, nous sommes heureux de vous entendre aujourd'hui dans le cadre de votre possible nomination aux fonctions de directrice de l'Agence de la biomédecine, créée par la loi de bioéthique 2004. Cette agence assure des missions variées, en matière de prélèvements et de greffes d'organes, de tissus et de cellules souches hématopoïétiques, d'assistance médicale à la procréation, d'embryologie et de génétique humaine. Dans ce cadre, l'agence est notamment d'appliquer et suivre les lois bioéthiques ainsi que d'informer le Parlement – vous nous indiquerez comment vous souhaitez poursuivre cette mission d'information.
En ma qualité de référent de la commission des affaires sociales pour l'Agence de la biomédecine, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique et sur le bilan que vous pouvez établir des mesures les plus emblématiques après son entrée en vigueur.
La première d'entre elles est l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, une avancée considérable pour l'égalité et la justice sociale, puisque les femmes n'ont désormais plus à se rendre dans les pays frontaliers et engager d'importantes dépenses lorsqu'elles aspirent à concrétiser un projet parental. Certains prédisaient que cette loi garantissant l'AMP pour toutes conduirait à un effondrement de la notion de famille, voire de notre société. Chacun peut constater qu'il n'en est rien. Pouvez-vous nous éclairer sur la manière dont les femmes françaises, seules ou en couple, se sont saisies de ce nouveau droit ?
Cette loi de 2021 sur la procréation médicalement assistée (PMA) des couples hétérosexuels et sur l'AMP des couples homosexuels a également créé un droit d'accès aux origines pour les personnes issues d'une procréation assistée réalisée avec tiers donneur. Ici encore, les opposants nous annonçaient un déclin des motivations des donneurs et un impact sur les dons de gamètes. Qu'en est-il en pratique ? Avez-vous constaté une baisse des dons de sperme, d'ovocytes et d'embryons ?
De même, l'autoconservation des gamètes a été ouverte à toutes et tous. Auparavant, elle était réservée aux personnes atteintes de certaines pathologies, soumises à un traitement susceptible d'affecter leurs capacités reproductives ou souhaitant procéder à un don au profit d'un tiers. Cet élargissement a suscité des craintes quant aux éventuelles pressions subies par les femmes, en particulier pour privilégier leur carrière professionnelle. Pouvez-vous nous indiquer si de telles dérives ont effectivement cours depuis l'entrée en vigueur du texte ? Le nombre de personnes ayant recours à cette possibilité a-t-il augmenté ?
Je souhaiterais enfin vous questionner sur les travaux que vous porterez au sein de l'Agence de la biomédecine en matière de génétique médicale. Durant l'examen du projet de loi bioéthique à l'Assemblée nationale, des débats approfondis avaient été menés sur le diagnostic préimplantatoire (DPI), le diagnostic prénatal et notamment de l'aneuploïdie, anomalie du nombre de chromosomes.
Ma question porte également sur l'encadrement des tests génétiques proposés, ainsi que sur le développement d'une recherche responsable. J'ai à l'esprit les techniques de réparation du génome humain pour éviter les maladies programmées et induites par un ADN pathologique. Ces techniques permettent de reconnaître les séquences de gènes anormaux, de les découper, les extraire et les remplacer par des séquences de gènes normaux. Les maladies génétiques seraient ainsi évitées et non transmises aux générations suivantes. Dans ce domaine large de la génétique, quelle évaluation faites-vous des pratiques actuelles et quelles pistes d'approfondissement pouvez-vous nous proposer ?
Au-delà de ces questions et compte tenu de votre expérience et de vos compétences approfondies, le groupe Renaissance soutiendra votre candidature au poste de directrice de l'Agence de la biomédecine.
Madame Jeantet, il existe aujourd'hui une réelle demande d'accès à l'AMP, déjà fortement sollicitée avant la loi de bioéthique mise en œuvre le 2 août 2021. Les centres autorisés à l'activité de don et d'autoconservation de gamètes en dehors d'une indication médicale font face aujourd'hui à une véritable hausse des demandes de consultation.
Lors de sa quatrième réunion le 17 octobre, le comité national de suivi de la mise en œuvre de cette loi a recensé 9 303 demandes de première consultation pour les femmes seules et les couples de femmes entre le 1er janvier et le 30 juin 2022, soit une augmentation de 30 % entre le dernier trimestre 2021 et le premier trimestre 2022 selon l'Agence de la biomédecine. En conséquence, les délais de prise en charge se sont allongés, la moyenne étant dorénavant de quatorze mois pour une AMP avec don de spermatozoïdes et de vingt-deux mois pour une AMP avec don d'ovocytes.
Devant ces délais, certaines associations faisant partie du comité de suivi de la loi bioéthique réclament que le don de gamètes soit possible dans des centres privés, engendrant des problèmes de transparence, de protection des données et de souveraineté. Il convient de rappeler que les missions de l'Agence de la biomédecine reposent sur des principes établis de don éthique, de gratuité, de libre consentement et de solidarité, d'autant plus protégés par son statut d'établissement public administratif et d'agence publique nationale de l'État.
Ce modèle est unique dans un monde où de nombreux pays recourent à l'importation de gamètes tarifés et à leur marchandisation, comme au Danemark, où la société Cryos a étendu son influence jusqu'en France, ouvrant aussi la voie à de nombreuses dérives, malgré l'interdiction de notre pays de ces pratiques frôlant l'eugénisme. Quelle est votre position sur une possible ouverture de ces missions au marché privé ? Pouvez-vous garantir que les centres d'études et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS) garderont leur monopole ?
Je vais évoquer les greffes d'organes et de tissus. Durant la période covid, nous avons tenté de maintenir un niveau important de transplantation malgré un manque de donneurs et des difficultés pour assurer des places en réanimation. En effet, les transplantations, notamment cardiaques et pulmonaires, nécessitent une réanimation intensive.
L'Agence de la biomédecine a fixé un plan d'action pour 2026 afin de passer de 6 700 à 8 300 transplantations. Je souhaite connaître votre vision, en tant que future directrice, sur l'avancée de ce plan, notamment sur les objectifs de volumes de greffes qui sont fixés pour 2026. Quelles sont les actions possibles pour amplifier ce plan ? En tant que députés, pouvons-nous prendre des mesures législatives pour vous aider à favoriser le don d'organes, le don au vivant ou encore le don après coma dépassé ?
Au vu de votre parcours et de votre présentation, le groupe Les Républicains soutiendra votre nomination à ce poste.
Merci pour votre présentation, madame Jeantet, et pour le rappel du rôle majeur de l'Agence de la biomédecine dans l'exécution de certaines politiques publiques sensibles du fait de leur technicité médicale et scientifique, mais également du fait des questions de sécurité sanitaire, d'éthique et d'équité posées par les activités de cette agence.
Depuis les années 2000, le nombre de donneurs d'organes a fortement augmenté, notamment parmi les personnes vivantes, mais cette hausse n'a pas suffi à couvrir les besoins des patients en attente de greffe, dont le nombre a également doublé, du fait du vieillissement de la population et de la hausse des maladies chroniques. Pour rappel, 90 % des prélèvements se font sur des personnes en état de mort encéphalique, seulement 1 % des décès en France. Face à ce constat et en s'inscrivant dans une démarche de solidarité nationale, les pouvoirs publics ont fait évoluer la législation relative aux deux postes notables par la loi de santé 2015 et son décret d'application de 2017. Désormais, le consentement au don post mortem est présumé. Il est nécessaire de s'y opposer clairement et ce refus ne peut concerner que certains organes et tissus.
Malgré cette mesure et malgré des campagnes de sensibilisation, le niveau d'activité reste sensiblement identique aujourd'hui, sans tenir compte des années covid. De fait, le nombre de dons d'organes reste très largement insuffisant par rapport aux besoins et vous rappelez que le nombre de donneurs de moelle osseuse en France est faible, par rapport à ses voisins. En août, nous constatons la hausse du taux de refus. 37 % des Français refusent le don d'organes.
Nous vous auditionnons en vue de votre nomination comme directrice générale de l'Agence de la biomédecine. Vous n'avez pas forcément toutes les réponses aux questions que nous vous posons, mais arrivez-vous avec des idées nouvelles ? Face à ces chiffres, l'Agence de la biomédecine souhaite mener une campagne de communication. Est-ce efficace ? Est-ce suffisant ? Quels autres moyens comptez-vous mettre en place pour encourager les Français au don ? Quel est le rôle des agences de santé dans ce cadre ? Selon vous, quelles sont les raisons qui expliquent une hausse des refus des Français ?
Madame Jeantet, je vous souhaite pleine réussite à la direction de cette belle agence qu'est l'Agence de la biomédecine, pour laquelle j'ai une tendresse et une affection particulière, après y avoir passé un certain temps dans une vie antérieure.
La gestion de la pénurie est malheureusement le lot du directeur ou de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine. Concernant le don de gamètes, l'harmonisation des questions éthiques à l'échelle européenne est-elle un sujet identifié dans la feuille de route de l'ABM ?
La pénurie entraîne le tourisme procréatif, soit le recours au don de gamètes et notamment d'ovocytes dans des pays qui n'appliquent pas les mêmes règles éthiques que nous. Ainsi, en Espagne le don de gamètes est indemnisé. Cet état de fait interroge sur la manière dont nous appréhendons ce sujet, car je rappelle que l'assurance maladie prend en charge une partie des dépenses liées à ce tourisme procréatif, de l'ordre de 2 000 à 3 000 euros sur un coût moyen de 6 000 à 7 000 euros. Il est contradictoire de condamner le don rémunéré tout en facilitant l'accès au tourisme procréatif. Quel rôle d'homogénéisation l'agence peut-elle jouer ? Il ne s'agit pas de compétences communautaires, mais tôt ou tard, la question de l'éthique devra être portée à l'échelle internationale comme l'environnement.
Je souhaite également poser quelques questions précises sur le don d'organes au regard du taux de refus extrêmement important. Quel est le fonctionnement des équipes de prélèvement ? Il a suscité des débats pour déterminer s'il était plus efficace d'envoyer les équipes de prélèvement ou d'organiser le prélèvement sur place.
Par ailleurs, il est fortement question de la fin de vie actuellement. Les directives anticipées vont être repopularisées. Pensez-vous qu'elles constituent un support de sensibilisation à la question du don d'organes ?
Enfin, l'âge devient un sujet majeur dans la priorisation des greffons. Y a-t-il un âgisme dans la répartition des greffons en cas de pénuries ? Je pense notamment aux greffes de rein pour les insuffisances rénales chroniques terminales.
J'adresse mes meilleurs vœux à toutes et toutes.
Madame Jeantet, l'Agence de la biomédecine a la mission d'informer le Parlement et le Gouvernement sur les neurosciences, un sujet qui me semble peu ou mal appréhendé par l'État encore aujourd'hui. Qu'en pensez-vous et comment comptez-vous mener à bien cette mission ? Les neurotechnologies sont de plus en plus utilisées, notamment pour les personnes en situation de handicap qui en font la demande. Ce sujet nous intéresse au sein de la commission des affaires sociales. Que pouvez-vous nous en dire ? L'intérêt grandissant du secteur privé, en particulier pour les interfaces cerveau-machines, pose aussi la question de leur application non médicale. Les enjeux éthiques sont croissants et plaident pour une régulation de ces technologies. Nous ne prônons pas un projet transhumaniste d'hommes augmentés, mais bien l'intérêt médical des neurotechnologies. Avez-vous des recommandations en ce sens ?
Par ailleurs, vous évoquez la hausse des dons de gamètes. Existe-t-il un lien de cause à effet avec les campagnes sur les réseaux sociaux relayées par les influenceurs ? Nous avons mentionné l'ouverture de la PMA pour presque toutes les femmes et les difficultés d'accès aux dons de gamètes. Les femmes partent encore à l'étranger aujourd'hui. Dans un périmètre de moyens constants, qu'envisagez-vous pour permettre un accès égal à ce nouveau droit ?
Enfin, je sollicite votre avis au titre de vos précédentes fonctions de directrice de la branche des accidents du travail de la Caisse nationale de l'assurance maladie après la déclaration de la Première ministre hier soir au sujet de la réforme des retraites. Mme Borne demande aux employeurs une contribution supplémentaire pour le financement de la retraite, en refusant d'augmenter le coût du travail, avec une baisse symétrique de la cotisation des employeurs au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles. La France est très mal placée en la matière au niveau européen. Je suis preneuse de votre expérience et des quelques recommandations que vous pourriez nous faire à ce sujet.
Madame Jeantet, vous avez mentionné des moyens supplémentaires. Selon vous, seront-ils suffisants pour vous permettre d'assumer vos fonctions ? Sur quels sujets doivent-ils se concentrer ? Ma question est liée à l'état de l'hôpital et aux effets de la dégradation du système hospitalier sur les activités qui vous concernent directement, notamment les services de greffe. Pouvez-vous nous présenter un état des lieux ?
Vous avez également évoqué la logique et le modèle du don, évoqués par Jérôme Guedj et parfois mis en cause à l'échelle internationale. Comment pouvons-nous conforter cette culture du don ? L'Établissement français du sang peut y contribuer. Quels sont les obstacles à surmonter ?
Enfin, le risque de la marchandisation du secteur des CECOS a été ouvert par la loi de bioéthique. Que pouvez-vous nous dire sur les moyens des CECOS et notre capacité à en ouvrir davantage sur le territoire ? Visiblement, il existe un besoin qui n'est pas adressé. De même, il existe des besoins en matière d'accompagnement à l'AMP et des délais d'attente. Comment l'Agence de la biomédecine peut-elle agir ?
Comme l'ont évoqué plusieurs de mes collègues, la PMA pour toutes représente pour notre société l'aboutissement de notre promesse d'égalité et une avancée sociétale majeure. Grâce à cette loi, toutes les femmes sans critères médicaux d'infertilité peuvent maintenant accéder à la procréation médicale assistée. Or, si cette avancée est indéniable, nous devons en juger la réalité sur le terrain. En effet, nous devons travailler sur les délais actuels de prise en charge et je pense que nous ne pouvons pas accepter de « bosse » à surmonter, car elle représente, pour de nombreuses femmes et couples, une perte de chance pour mener à bien ce désir de famille et d'enfant. Par ailleurs, ces personnes en demande se trouvent contraintes d'aller à l'étranger, empêchant le système français de les suivre comme il se doit. Comment comptez-vous surmonter cette « bosse » vécue par les familles afin de faire de cette loi une belle réalité de terrain ?
Je souhaite revenir sur les greffes, puisque plus de 66 000 personnes vivent avec un organe greffé. En 2021, 5 273 greffes ont été possibles grâce à 1 392 donneurs décédés et 521 donneurs vivants. Le nombre global de greffes en France augmente de 19 % par rapport à 2020, mais le niveau reste assez faible puisque proche du chiffre de 2018, qui marquait un net recul par rapport aux huit années précédentes, un taux qui stagne à 30 % alors que les rapports de l'Agence de la biomédecine font état de plus de 28 000 personnes en attente d'un don.
Cet état de fait s'explique par une baisse du nombre d'interventions depuis la crise sanitaire, une diminution des décès par accident de la route et par une méconnaissance du processus du don du vivant au moment peu adéquat de la demande formulée par les équipes de soins lors du décès.
Le quatrième plan ministériel pour le prélèvement à la greffe d'organes et de tissus prévoit des financements supplémentaires. Quelles pistes envisagez-vous pour mieux informer sur les dons – les campagnes doivent être régulièrement remises en œuvre pour solliciter les dons du vivant, qui représentent moins de 10 % aujourd'hui –, ou encore pour accélérer la procédure, par exemple pour le don de rein, dont le nombre de demandeurs est exponentiel ?
Madame Jeantet, merci de venir nous éclairer. Nous vous auditionnons ce matin avec un grand intérêt. Cette audition fait écho à nos travaux de cette semaine. Hier soir, nous avons travaillé sur la délégation de tâches, notamment concernant les IPA. Le plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d'organes et de tissus 2022-2026 du ministère des solidarités et de la santé prévoit « la mobilisation des infirmières en pratique avancée pour assurer la professionnalisation des coordinations hospitalières de prélèvements et faciliter le suivi des patients greffés, en complément de la systématisation des audits et du renforcement de la formation ». Vous y avez fait allusion dans votre propos initial ; pourriez-vous compléter votre éclairage sur la mise en œuvre de cette préconisation et nous faire part de votre analyse ?
Le plan greffe 2022-2026 a été élaboré sur proposition de l'Agence de la biomédecine, sur la base d'un certain nombre d'éléments scientifiques et techniques et des concertations organisées avec les représentants des professionnels de santé, des sociétés savantes et des associations de patients. Mes questions sont relatives à l'applicabilité de ce plan et à ses conditions d'exécution. Quelle est votre appréciation du bilan des précédents plans greffe et l'impact de la crise sanitaire sur cette activité ? Estimez-vous que les outils de pilotage dont vous disposerez au sein de l'Agence de la biomédecine sont adaptés et efficients ? Comment allez-vous éviter que la crise de l'hôpital n'influe sur l'exécution de ce plan ? Quelle sera l'articulation avec les services régionaux, notamment les agences régionales de santé (ARS) ?
L'Agence de la biomédecine a également pour rôle d'organiser des campagnes de communication pour promouvoir les dons. 18 130 nouveaux donneurs se sont inscrits depuis avril. Deux défis sont à relever : augmenter les donneurs masculins, rares dans le registre national des donneurs volontaires et combler un manque de diversité ethnique qui réduit les chances de guérison d'une part des patients. Quelles sont vos ambitions et stratégies sur ce sujet ? Dans la mesure où il est possible de devenir volontaire dès l'âge de 18 ans, et cela jusqu'à 35 ans, quelles sont vos ambitions, notamment chez les plus jeunes ?
Merci pour vos nombreuses questions auxquelles je vais essayer de répondre dans l'ordre et de manière thématique.
Tout d'abord, je vous prie d'excuser le ministère de la santé, qui ne vous a pas encore transmis le rapport au Parlement sur l'application de la loi de bioéthique. Ce rapport est quasiment finalisé et je peux déjà vous en donner les principaux éléments. Les textes relatifs à l'AMP ont été priorisés, car ils constituent les éléments les plus importants et novateurs de ce projet de loi, avec une très forte attente, de même que la mise en place de la commission d'accès aux origines.
Plusieurs textes sont actuellement au Conseil d'État, notamment l'ordonnance d'application sur l'outre-mer, qui doit être prise avant le 1er février 2023. Les délais sont respectés et, à ce stade, aucun texte essentiel à la mise en œuvre de la loi de bioéthique n'est immobilisé. Deux rapports supplémentaires sont également en cours de préparation. L'information au Parlement est très importante et je me tiendrai toujours à votre disposition dès que vous souhaitez m'auditionner, comme dans mes précédentes fonctions. Par ailleurs, plusieurs parlementaires participent au comité d'orientation, l'occasion d'avoir un dialogue rapproché ; comme le disaient vos collègues sénateurs, les débats au sein du comité d'orientation sont très intéressants et les praticiens peuvent y présenter des remontées de terrain. Il constitue un moyen de travailler sur les sujets problématiques dans l'application de la loi.
Plusieurs d'entre vous m'ont posé des questions sur la mise en œuvre de l'AMP. Un comité de suivi a été mis en place et partage des chiffres. Une chute des dons d'ovocytes d'environ 40 % a été observée en 2020, comme beaucoup d'activités pendant la crise covid. Cependant, les dons d'ovocytes ont retrouvé le niveau de 2019 et cette hausse se confirme en 2022, même si j'attends les chiffres consolidés. Ainsi, la tendance est plutôt rassurante même si nous n'atteignons pas l'autosuffisance. Par ailleurs, après une dégradation, les délais se sont stabilisés à vingt-deux mois pour les AMP avec don d'ovocytes. Ce n'est pas encore satisfaisant, mais cette stabilisation est rassurante.
Les dons de spermatozoïdes avaient également subi une chute impressionnante de 60 % en 2020, mais ils ont connu un rebond exceptionnel en 2021, avec deux fois plus de donneurs qu'en 2019, soit plus de 600 donneurs. Ainsi, le stock national de paillettes est totalement reconstitué et ne constitue pas un élément de blocage pour les nouveaux publics ; nous sommes en autosuffisance. Ces nouveaux publics représentent maintenant la très grande majorité des files actives de demandes de PMA, à hauteur de 60 %, sachant que les femmes seules sont plus demandeuses que les couples de femmes. Cet élément est étonnant et n'avait pas été anticipé.
Les délais des PMA avec don de sperme sont beaucoup plus faibles, à hauteur de quatorze mois, même si nous avions l'objectif de le diviser par deux. Nous gérons la situation d'afflux de nouveaux patients.
Enfin, l'explosion des demandes d'autoconservation non médicale d'ovocytes se confirme. Le délai moyen est raisonnable et s'établit à cinq mois. Cependant, il existe des disparités régionales et la saturation de l'Île-de-France est un vrai problème, avec un délai de treize mois.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur l'accès aux centres privés. Nous avons rattaché l'activité d'autoconservation à la logique du don. Le don est normalement associé à une logique d'établissement. Dans le cadre du principe du don d'organe anonyme, gratuit et librement consenti, cette activité n'est compatible qu'avec des établissements à but non lucratif ou publics. Ainsi, à date, l'autoconservation n'est pas possible dans les centres privés en France. Une dérogation a été prévue par la loi, mais n'a jamais été appliquée et n'est pas encore opérante. La question est en cours de réflexion par le comité de suivi afin d'ajuster les moyens en fonction des besoins sur le terrain.
Pour le moment, l'agence est très attachée à ne pas déroger à cette règle qui correspond à un écosystème global ; toute dérogation au système pourrait poser problème. J'ai conscience que des activités sont réalisées à l'étranger, mais elles sont suivies. Une partie des frais est remboursée par l'assurance maladie, dans la mesure où la démarche est autorisée en France et donne lieu à un suivi précis. La caisse de Vannes centralise toutes ces demandes pour le compte de l'assurance maladie dans le cadre du comité de suivi.
Ces démarches existent afin de faciliter la gestion des délais et des limites d'âge. En effet, la priorisation est menée en fonction du ticket d'entrée dans la file d'attente. C'est le moment où l'on rentre dans le système qui prévaut et non les critères d'âge. Ainsi, les délais actuels peuvent poser problème pour certaines personnes qui approchent d'une limite d'âge. Le recours à la PMA dans des centres étrangers permet d'éviter les pertes de chance.
Concernant l'harmonisation, des travaux sont en cours sur une révision des directives européennes et l'ABM apporte toute son expertise sur ces sujets sensibles, car chaque pays est très attaché à ses principes éthiques et culturels. Ces questions se posent déjà sur les médicaments dérivés du sang, mais il convient de trouver un équilibre dans cette période de transition afin d'éviter une rupture d'accès aux droits.
Il est vrai que les pratiques sont différentes des nôtres dans certains pays européens, mais la gestion des délais et les limites d'âge doivent être prises en compte. Nous devons faire preuve de souplesse et d'humanité tout en respectant le cadre réglementaire. Je pense que nous sommes encore en phase de transition et l'augmentation massive des moyens dédiés à hauteur de 7 millions d'euros dès 2021, confirmé en 2022 et en 2023, largement supérieure aux prévisions, nous permettra de gérer cette suractivité, dont nous ignorons encore si elle est structurelle ou conjoncturelle. Nous allons la suivre attentivement afin d'ajuster les moyens en conséquence. Quoi qu'il en soit, le ministère souhaite continuer à permettre un accès maximum.
La loi n'a pas acté de changement sur le DPI malgré des débats sur le sujet. Il n'a pas été généralisé et le cadre reste identique : le diagnostic n'est réalisé que lorsque le couple a de fortes chances d'avoir donné naissance à un enfant porteur d'une pathologie. Des programmes hospitaliers de recherche clinique sont prévus et permettront d'éclaire ce sujet quand ils auront démarré.
Vous m'avez également posé de nombreuses questions sur le plan d'action concernant les greffes. Cette activité reste un objectif prioritaire inscrit dans la loi, comme l'agence le rappelle très régulièrement aux établissements et aux agences régionales de santé.
Le précédent plan greffe n'avait pas atteint ses objectifs. Il était sans doute trop ambitieux, mais enregistre tout de même des résultats : l'objectif de prélèvement a été dépassé dans le cadre du protocole Maastricht 3 et un travail significatif de recensement des donneurs sur le terrain a été réalisé. De même, le temps d'ischémie froide qui est un critère de qualité a été réduit. En effet, la greffe doit avoir lieu dans de bonnes conditions pour assurer son succès. Enfin, nous avions commencé à évaluer les équipes de greffe. Nous allons continuer sur tous ces sujets.
Une chute majeure des transplantations a été constatée en 2020, notamment celles qui sont éligibles à des traitements de suppléance, telles que la greffe de rein. Cependant, les greffes de cœur et foie se sont poursuivies, car il n'existe pas de traitement alternatif. L'activité est remontée à 20 % en 2021, soit le niveau de 2006. La tendance reste très positive pour 2022. Une conférence de presse se tiendra début février, pour présenter ces chiffres en cours de consolidation. Ils sont plutôt rassurants et entrent dans l'intervalle cible prévu par le plan. Ces chiffres illustrent la forte mobilisation des équipes hospitalières malgré la crise actuelle, car ce sont des activités hautement complexes qui mobilisent de nombreuses compétences au sein des établissements.
Pour autant, nous allons devoir poursuivre nos efforts. Ce plan est financé pour la première fois, nous permettant de revaloriser certaines activités, notamment le prélèvement, qui, au contraire de l'Espagne, ne l'est pas toujours dans le financement hospitalier. Il est normal de donner la priorité à des objets qui sont valorisés financièrement. Cet effort permettra de rendre le prélèvement plus incitatif.
Par ailleurs, nous allons développer des indicateurs de performance, enjeu et changement de taille. Dans le cadre du pilotage régional en lien avec les ARS, nous allons développer des critères transparents pour valoriser les équipes qui réussissent bien à toutes les étapes, car la greffe est le fruit d'un travail d'équipe. La création d'indicateurs régionaux de suivi en lien avec les ARS constitue un nouveau levier important et il sera nécessaire de mobiliser les ARS. J'irai donc rencontrer tous les directeurs généraux, que je connais bien, pour les sensibiliser. En effet, ceux avec lesquels j'ai eu l'occasion d'échanger reconnaissent que ces actions sont parfois un peu éloignées de leurs centres d'intérêt. Il convient d'expliquer comment le financement dédié arrive au niveau des équipes sur le terrain.
Nous souhaitons également introduire l'idée d'un avis conforme de l'ABM sur les schémas régionaux de santé en 2023, autre levier susceptible d'intéresser les directeurs généraux d'ARS.
Vous m'avez interrogé sur les IPA, sujet auquel je suis très sensible et auquel je crois, pour avoir travaillé sur les délégations de tâches il y a quelques années. J'ai construit le modèle économique des maisons de santé en 2008. Nous sommes très en retard par rapport à d'autres pays européens sur ces métiers intermédiaires dans l'ensemble du champ santé. Le sujet est devenu très à la mode, mais nous manquons d'infirmières et nous faisons face à un problème d'attractivité de ces filières : ainsi, de nombreux jeunes s'inscrivent dans les formations et les instituts de formation en soins infirmiers, mais ils sont nombreux à s'interrompre en cours de parcours. C'est un sujet non négligeable.
Les IPA doivent disposer de moyens d'attirer et de pérenniser. Par ailleurs, il convient de déterminer leur périmètre. Ces professionnels seront-ils ultraspécialisés ou conserveront-ils un profil plus large, comme les infirmiers de bloc opératoire, qui leur permet d'exercer une autre activité une fois qu'ils ont acquis cette spécialisation ? Nous travaillons plutôt sur la seconde possibilité, plus attractive. Il s'agit de ne pas créer une activité de niche. Les textes ne sont pas encore parus et le sujet sera approfondi en 2023, en lien avec la réforme hospitalière.
Concernant le transport, c'est désormais surtout le greffon qui circule. Les équipes de préleveurs ne se déplacent plus.
Par ailleurs, la loi permet des ajustements du don du vivant croisé. Auparavant, il était nécessaire de former une paire de préleveurs, mais les potentialités et les combinaisons possibles ont été élargies. Cette nouvelle disposition permettra d'améliorer l'accès, parce que la personne à qui l'on souhaite donner n'est pas toujours compatible. Ce don vivant croisé permet de répondre à cette problématique tout en respectant l'anonymat et la gratuité du don.
Il est important de renforcer les campagnes de sensibilisation, car le don vivant est très peu connu du grand public. Je pense que les gens ont conscience de l'importance du don d'organes après un décès, même si cette connaissance doit être renforcée.
Cependant, le don vivant constitue une voie d'avenir, car on espère une diminution du nombre de donneurs décédés compte tenu de la baisse des accidents de la voie publique et d'une meilleure prise en charge des AVC. Ainsi, il est nécessaire de développer d'autres formes de dons, mais les personnes doivent être préparées, car il ne s'agit pas d'une prise de décision facile quand on y est confronté, souvent dans l'urgence.
Ce travail de sensibilisation doit passer par les moyens de communication des jeunes qui sont les réseaux sociaux, avec un travail d'influenceurs. De nombreuses techniques de communication existent et doivent être testées. Nous vérifions l'impact de toutes les campagnes de l'agence afin d'ajuster les moyens. En menant dans d'autres secteurs des campagnes très ciblées via des réseaux sociaux qu'une majorité d'entre nous ne connaît pas, avec des influenceurs très connus d'une certaine frange de la population, j'ai constaté qu'il était possible d'atteindre des publics qui sont beaucoup plus difficiles à toucher par les moyens médiatiques classiques, même s'il convient de poursuivre les campagnes d'affichage comme par le passé.
Ces nouvelles campagnes sont co-efficaces et permettent de placer les jeunes face à des situations concrètes. Nous devons mener un vaste travail de marketing social pour cibler les personnes dont nous avons besoin, surtout compte tenu de l'enjeu de diversification des registres des donneurs. Nous devons atteindre les hommes, notamment ceux qui sont issus de la diversité.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les nouvelles compétences en matière de neurosciences. Le rapport sur ce sujet très intéressant est en cours de rédaction et sera bientôt disponible. Je pense que l'agence remplit un vrai rôle de veille scientifique et sociale sur les enjeux des techniques et de compréhension des évolutions de société, car ces activités sont liées. Ce sont des activités qui sont déjà développées et l'agence a eu des moyens supplémentaires pour mettre en œuvre ce nouveau plan. C'est tout l'enjeu du COP qui sera signé par le ministre.
L'objectif est de parvenir à développer tous ces liens. En tant que médecin de santé publique, je suis assez sensible à ces sujets à la fois sociétaux et scientifiques. On constate une attente scientifique forte, mais également des réticences. D'ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur certaines interrogations des professionnels. Actuellement, des femmes de plus en plus jeunes formulent des demandes d'AMP, ce qui interroge la communauté des professionnels au sein des CECOS. Les médecins ont l'habitude des personnes qui arrivent en fin de période de fertilité, mais beaucoup moins des jeunes femmes seules.
Ainsi, un travail doit être réalisé afin de comprendre la situation et de proposer d'éventuelles adaptations, car aucune limite d'âge minimale d'accès n'a été fixée. Cette limite est uniquement maximale.
Je vous remercie pour toutes ces réponses, madame Jeantet, qui, je n'en doute pas, ont donné grande satisfaction aux commissaires aux affaires sociales.
La séance est levée à douze heures quinze.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, Mme Josiane Corneloup, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Michèle Peyron, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Jean-Carles Grelier, M. Philippe Juvin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva, Mme Isabelle Valentin
Assistait également à la réunion. – M. Jean-Jacques Gaultier