La réunion commence à neuf heures trente.
La commission poursuit l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 274) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, Mme Caroline Janvier et MM. Cyrille Isaac-Sibille, Paul Christophe et Thibault Bazin, rapporteurs).
Nous poursuivons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Nous avons examiné 285 amendements depuis lundi. Il nous reste 392 amendements à discuter.
Je me pose des questions sur notre méthode de travail. Hier, des textes importants ont été examinés en séance publique, qui nécessitaient notre présence dans l'hémicycle. Or, l'examen du projet de loi de financement s'est poursuivi en commission et certains amendements ont été appelés alors que seuls quatre ou cinq commissaires siégeaient. Les débats que nous n'avons pas ici, nous les aurons inévitablement dans l'hémicycle : par conséquent, je ne suis pas sûr que cela ait représenté un gain de temps.
J'entends votre remarque, et elle est judicieuse. Les débats dans l'hémicycle sont importants ; ceux de notre commission le sont également. Notre agenda étant contraint, j'ai fait le choix de poursuivre l'examen du projet de loi de financement.
Article 23 : Ajout d'une quatrième année au diplôme d'études spécialisées de médecine générale
Amendements de suppression AS848 de M. Paul-André Colombani, AS1277 de Mme Katiana Levavasseur et AS678 de Mme Sandrine Rousseau.
Nous sommes à peu près tous d'accord sur le diagnostic, mais pas sur le traitement. Alors que l'on manque de médecins généralistes et que la situation s'aggravera dans les années à venir, la priorité est de rendre la filière de médecine générale plus attractive. Or, l'ajout d'une quatrième année au diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale se heurtera à deux difficultés : le manque de praticiens agréés maîtres de stage des universités (PAMSU) susceptibles d'accueillir 4 000 nouveaux étudiants en stage ambulatoire ; le risque de dégrader encore l'attractivité de cette filière, déjà fragile. Il en résultera une plus grande difficulté d'accès aux soins du fait de la baisse du nombre de médecins généralistes formés.
Les conditions d'application de cette quatrième année doivent être précisées en amont afin que cette mesure n'ait pas de conséquences délétères à moyen terme.
Dans un contexte national de pénurie de médecins généralistes, d'extension des déserts médicaux et de dégradation des conditions de prise en charge des Français, dont plus de cinq millions n'ont pas de médecin traitant, il n'est pas envisageable de reporter l'entrée d'étudiants en médecine générale dans la société. Il en résulterait une augmentation des difficultés d'accès aux soins.
Par ailleurs, le nombre de PAMSU est insuffisant pour assurer, dans de bonnes conditions, la formation des 4 000 étudiants que vous voulez accueillir en stage ambulatoire. Cet article aurait pour seul effet d'aggraver les difficultés d'accès aux soins.
Allonger d'une année les études de médecine alors que notre pays est marqué par une pénurie de généralistes, y compris à Paris, reviendrait à aggraver les difficultés d'accès aux soins que connaissent nos concitoyens.
Cet article, qui complète la réforme du troisième cycle des études de médecine, prévoit d'ajouter une quatrième année au DES de médecine générale. La médecine générale est la seule spécialité médicale à n'imposer que trois années de formation en troisième cycle. Cette année supplémentaire, à visée pédagogique, privilégie les stages dans les zones sous-denses. Ce fléchage n'a pas de caractère obligatoire parce que nous manquons, dans ces zones plus qu'ailleurs, de PAMSU. Même si leur nombre est en progression – de 7 % entre 2020 et 2021 – ils restent trop peu nombreux.
Compte tenu de l'importance de cet article pour la formation des étudiants en médecine, je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.
On peut débattre de l'opportunité d'ajouter une année au cursus de médecine générale. Mais je ne comprends pas l'intervention de notre collègue Sandrine Rousseau : en quoi cette mesure aggraverait-elle la pénurie de médecins ? Cela témoigne d'une réelle méconnaissance du sujet.
Cette mesure pose un certain nombre de questions. D'abord, on ne comprend pas bien s'il s'agit de travail organisé pendant les études ou d'une véritable année de formation supplémentaire. Je crois tout de même comprendre qu'il s'agit de disposer d'un volant de main-d'œuvre à répartir sur le territoire.
Je ne sais pas si cette huitième année serait une plus-value pour la formation des médecins généralistes ; en tout cas, vos arguments ne sont pas suffisamment étayés. Allonger les études de ces médecins, c'est, de fait, retarder leur entrée en activité – au sens classique du terme. Cette mesure a été présentée comme l'une des dispositions phares du projet de loi de financement. Mais nous nous posons beaucoup de questions sur ce qui l'a motivée comme sur ses possibles effets.
Ajouter cette quatrième année d'études, ce n'est au fond qu'aligner l'internat des médecins généralistes sur celui des autres spécialistes, qui dure quatre ou cinq années. Or, la médecine générale est l'une des plus complexes ; nombreux sont les jeunes médecins qui, au terme de leur internat, disent ne pas être assez bien formés. Cette quatrième année a d'abord vocation à améliorer leur formation.
L'argument selon lequel cette disposition repousserait l'entrée sur le marché de ces médecins et réduirait donc l'offre de soins ne tient pas, car cette quatrième année sera précisément une année d'internat en ville, en médecine ambulatoire. Ces jeunes médecins ne disparaîtront pas de l'offre de soins – c'est un peu comme si l'on nous disait que les internes ne participent pas à l'offre de soins. Il n'y aura aucune diminution de l'offre de soins, seulement une amélioration de la formation des généralistes – à condition, c'est vrai, que les maîtres de stage soient assez nombreux.
Cette quatrième année améliorera la formation de nos généralistes et les aidera à préparer leur installation. Les internes en médecine générale disent souvent, à la fin de la troisième année, qu'ils ne sont pas prêts à cette aventure : au lieu de s'installer, ils font des remplacements afin de se familiariser avec ce qui n'est pas abordé dans leur formation – la gestion d'un cabinet médical ou les démarches administratives. Si les internes acceptent l'idée d'une quatrième année de formation, ils ne veulent pas la subir. Ils ne veulent pas que ce soit une punition et qu'on leur fasse jouer le rôle de bouche-trou dans des déserts médicaux. Il faut que cette quatrième année soit valorisée et valorisante pour leur exercice professionnel.
Il y a encore quelques mois, les internes eux-mêmes appelaient de leurs vœux cette quatrième année. Mais on ne peut pas dire que la présentation faite dans ce projet de loi de financement crée les conditions d'une réelle attractivité. On ne fait qu'aligner la spécialité de médecine générale sur les autres.
Il est essentiel de bien rémunérer cette quatrième année car on parle d'étudiants qui arrivent au terme de leur cursus et qui sont opérationnels. Théoriquement, au cours des trois premières années de l'internat de médecine générale, ils devraient déjà faire dix-huit mois de stage auprès d'un médecin généraliste. Les choses ne se passent pas toujours ainsi parce que les doyens des facultés de médecine ont tendance à faire de l'hospitalo-centrisme et à garder les internes en établissement. Il faut garder en tête que seuls 8 % des internes s'installent à l'obtention de leur diplôme ; la plupart attendent quatre ou cinq ans pour le faire.
Il faut soigner l'attractivité de cette voie avec une bonne rémunération, et ne pas envoyer automatiquement les internes dans les déserts médicaux. Une solution pourrait être d'utiliser le statut de médecin adjoint, qui existe depuis 2016. Le médecin adjoint est sous la responsabilité d'un médecin ; il est rémunéré par la sécurité sociale car il peut facturer les actes. Ce serait une forme de reconnaissance, un élément d'attractivité. Vous pourriez en projeter 4 000 à travers le territoire.
Cet article fait le choix d'une plus forte coercition pour résoudre la désertification médicale. Nous y sommes favorables. Nous nous réjouissons qu'une philosophie incitatrice laisse place à une approche régulatrice. Notre groupe, vous le savez, défend le principe de l'obligation d'installation.
Toutefois, j'ai trois critiques à formuler au sujet du dispositif proposé. La première concerne le niveau de rémunération : si l'on s'engage dans des études de médecine, ce n'est pas pour gagner 400 euros par mois comme stagiaire ; ce n'est pas normal. La deuxième est que pour l'instant, l'article prévoit que le stage se fait en priorité, et non obligatoirement, dans les déserts médicaux. Le principe de coercition semble s'appliquer avec mollesse. La troisième, enfin, concerne les délais : alors qu'il y a urgence à développer les installations dans les déserts médicaux, cette disposition ne s'appliquerait a priori que dans cinq ans. Madame la rapporteure générale, pouvez-vous nous donner des précisions sur cette entrée en vigueur ?
Nous partageons la philosophie de cet article. Mais nous estimons que les étudiants, qui sont prêts à accepter une forme d'obligation, doivent bénéficier d'une meilleure rémunération et d'une meilleure formation. Nombre d'entre eux se sentent pressurés, voire harcelés, et sont au bord de l'épuisement. Il faut mieux les protéger et mieux les rémunérer.
L'article 23 est l'un des plus importants de ce projet de loi de financement. Il ne s'agit pas d'une mesure de coercition, mais de formation – ce qui pose d'ailleurs la question de sa place dans ce texte. Il s'agit de mieux former les médecins généralistes comme le demandent depuis longtemps les enseignants et une partie des étudiants. Ce que vous qualifiez de mollesse, c'est du pragmatisme. Ces internes seront envoyés en stage ambulatoire chez des maîtres de stage. Or, par définition, il y a moins de médecins, donc moins de maîtres de stage, dans les zones sous-denses. Il faut évidemment tout faire pour qu'il y en ait davantage. Mais pour l'heure, on ne peut pas rédiger cet article autrement.
En matière de santé, il y a deux écoles. La première pense qu'il faut contraindre un minimum les jeunes médecins à s'installer dans les zones où l'accès à la médecine de ville tend à disparaître, ce qui crée de vrais risques en matière de santé publique. La seconde pense qu'il ne faut rien changer et laisser aux médecins une totale liberté d'installation. Cette seconde option est à bout de souffle. Elle crée des déserts médicaux – même si je n'aime pas cette expression. Certains semblent peiner à imaginer que l'on puisse imposer quelque chose à des gens qui sont tout de même financés, avant tout, par l'État et par la sécurité sociale.
Traiter les conséquences alors qu'il faudrait traiter les causes, cela devient épuisant. Des erreurs ont été commises. Sur la formation par exemple : les médecins de ma génération ont fait des études plus courtes, moins compliquées et moins technocratiques ; pourtant, nous étions 70 heures par semaine sur le terrain, 365 jours par an, et nous n'avions pas peur d'y aller. Je suis étonnée, depuis une quinzaine d'années, de voir les collectifs d'internes exprimer une appréhension d'aller sur le terrain. J'ai du mal à comprendre parce que, lorsqu'ils sont à l'hôpital, dans les services ou aux urgences, ils ont à traiter les cas médicaux les plus graves, ceux que les généralistes ne traitent précisément pas. On a voulu, pour valoriser ce cursus, faire de la médecine générale une spécialité. Mais elle est par définition le contraire d'une spécialité puisqu'elle est holistique. Ce fut peut-être une erreur. En tout cas, la peur de l'installation est essentiellement administrative. Il ne serait pas si compliqué de former les jeunes médecins aux quelques actes administratifs qui font le quotidien des généralistes en ville.
Créer une usine à gaz, qui contribue à entretenir cette appréhension, pour mettre sur le terrain des ersatz de généralistes, c'est insupportable. Même s'ils sont encore étudiants et qu'ils n'ont pas soutenu leur thèse, il faut qu'ils soient respectés comme les médecins de ville. Mais pour quel métier ? Quand on voit qu'hier encore, nous avons dépouillé la profession médicale de je ne sais combien de prérogatives, je me demande ce qu'il va en rester. La mort programmée des médecins de ville et les déserts médicaux vont de pair avec les atteintes faites aux agriculteurs et aux services publics.
On va demander à des étudiants en médecine générale de 27 ou 28 ans d'étudier une année de plus, à ma connaissance sans augmenter leur rémunération. Cela risque de réduire l'attractivité de la filière.
Par ailleurs, il manque aujourd'hui 4 000 maîtres de stage. Lorsque la réforme entrera en vigueur en 2026, ils ne seront toujours pas là. Un médecin qui exerce dans une région isolée et qui a déjà du mal à trouver un remplaçant pour une semaine de vacances ne prendra pas sur son temps médical pour aller se former. C'est un problème, mais alléger la formation des maîtres de stage ne serait pas une solution. Le sujet est compliqué. Il ne se résume pas à un débat idéologique sur la coercition.
Je maintiens mon amendement pour plusieurs raisons. La première, c'est que les étudiants, au cours de cette année, ne consacreront que 50 % de leur temps à l'offre de soins – on se prive de 50 % d'une promotion.
Par ailleurs, l'alignement de la durée des études des généralistes sur celle des autres spécialistes doit s'accompagner d'un rattrapage des conditions salariales. Sinon, on créera une différence de traitement entre des personnes qui auront le même niveau d'études. La filière de médecin généraliste sera moins attractive que les autres.
Enfin, dans la mesure où il manque 4 000 maîtres de stage, ces jeunes médecins ne seront pas correctement encadrés. Cette réforme n'est pas aboutie.
La quatrième année existe déjà pour les autres spécialités. Elle se fait en autonomie supervisée. Les internes de spécialité effectuent des consultations seuls, de manière autonome. En cas de problème, ils en réfèrent à leur maître de stage. Autrement dit, ils participent à l'offre de soins à hauteur de 100 % de leur temps, non de 50 %.
Il importe effectivement de se pencher sur les conditions salariales. Elles se rapprocheront probablement de celles qui existent pour la quatrième année dans les autres spécialités. Il y aura peut-être une incitation financière à exercer dans des zones sous-denses. Ces questions seront bien entendu traitées par le groupe de travail chargé de déterminer les modalités de mise en œuvre de la réforme, auquel participeront les syndicats d'étudiants.
Vous dites qu'il n'y a pas assez de maîtres de stage. C'est précisément ce qu'indique l'article 23. S'il n'y a pas de maître de stage, l'étudiant ne fera pas de quatrième année.
La création d'une quatrième année va mécaniquement amener plus d'étudiants en stage dans les zones sous-denses, et ils seront mieux formés. Ce que les étudiants en médecine veulent avant tout, c'est pouvoir soigner correctement, quel que soit l'endroit où ils exercent. Pour ce faire, il faut un encadrement, un maître de stage, des relations avec les autres spécialités – ne pas être isolés. Tels sont les objectifs de cette quatrième année, d'où l'importance qui s'attache à rejeter les amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1125 de Mme Katiana Levavasseur.
Je suis opposé à la logique qui fait de la jeunesse une variable d'ajustement. Je défends en général la jeunesse populaire mais le même raisonnement vaut pour la jeunesse diplômée qui doit être, elle aussi, respectée.
À l'hôpital, environ 40 % des médecins sont des internes. On semble considérer normal qu'ils en bavent, qu'ils alignent des nuits et des jours de garde sous-payés. En fin de compte, l'hôpital tient grâce à cette main-d'œuvre taillable et corvéable à merci. Avec cette réforme, inconsciemment, on se dit qu'ils vont faire tenir aussi la médecine des campagnes. Il faut en finir avec cette situation. D'abord, c'est indigne ; ce n'est pas parce que les gens gagneront bien leur vie plus tard qu'il faut les faire marner plusieurs années au début de leur carrière. Ensuite, on en dégoûte un certain nombre : d'après une enquête sur la santé mentale des internes, 70 % d'entre eux souffrent d'anxiété, 25 % de symptômes dépressifs, et le risque de suicide est chez eux trois fois plus élevé que dans l'ensemble de la population française.
L'article 23 est important et intéressant. Les internes en médecine générale pourront effectivement exercer dans des territoires désertés. Néanmoins, nous aurions besoin d'informations sur les modalités de cette quatrième année. Quel sera le statut de ces étudiants : médecin thésé à la fin de la troisième année ou non ? Interne, médecin adjoint, médecin collaborateur ? Quelle sera leur rémunération ? Quelles seront les mesures d'accompagnement, notamment pour le logement et pour les transports ? Qu'en sera-t-il de leur famille étant donné qu'il n'est pas rare, à 28 ans, d'avoir un conjoint et des enfants ? On peut comprendre les inquiétudes sur tous ces points.
Je souhaite faire dès à présent quelques remarques car je crains que la qualité de la discussion ne soit pas la même dans l'hémicycle... Nous sommes favorables à ce que l'on revoie l'organisation des études de médecine. Il y aurait de nombreux points à examiner, notamment la garantie d'un recrutement plus populaire et la reconnaissance de la longueur des études pour la suite de la carrière et la retraite.
Madame la rapporteure générale, vous n'avez pas démontré que cette quatrième année apporterait une plus-value du point de vue de la formation. En tout cas, le plan n'apparaît pas clairement. Il est exact que les spécialistes font déjà une quatrième année. Cependant, nous formons trop de spécialistes et pas assez de généralistes. Dans vos arguments, vous ne semblez pas favoriser la formation de généralistes et vous faites de la médecine générale une spécialité, ce qui suscite des interrogations. Au bout du compte, j'ai le sentiment que vous prenez cette mesure pour en éviter d'autres qui seraient nécessaires. Or, nous ne pouvons pas en rester au point où nous en sommes dans la régulation de l'installation.
Le débat est effectivement très intéressant. Ce que les promoteurs de la régulation de l'installation ont en tête, c'est le conventionnement sélectif et la coercition sur les étudiants en médecine. Or, si l'on fait peser trop de contraintes sur leurs choix, le danger est qu'ils ne s'orientent plus du tout vers la médecine générale. Rappelons que moins de 10 % d'entre eux s'y destinent. Il y a un véritable risque de disparition des médecins généralistes.
Le conventionnement sélectif n'est pas le remède miracle. Je ne crois pas non plus à une solution unique. Il faut que cette quatrième année soit formatrice et qu'elle se déroule dans de bonnes conditions matérielles. Nous aurons alors des étudiants docteurs juniors ou en adjuvat qui exerceront une véritable responsabilité professionnelle et qui rendront un service.
On fait médecine par vocation, monsieur Ruffin. Les gardes en fin d'internat, faire tourner l'hôpital ou la médecine ambulatoire, c'est une vocation. Les étudiants en médecine et les internes aspirent à une qualité de vie, et il faut défendre leurs conditions de travail, mais n'oubliez pas que la vocation est un élément essentiel de la motivation.
Les étudiants de quatrième année feront un stage en autonomie supervisée, ce qui signifie qu'on ne pourra pas immédiatement les laisser seuls en consultation. Il y a une progression : d'abord, une supervision directe – le maître de stage est à côté de l'étudiant ; ensuite, une supervision indirecte ; enfin, une autonomie. Cela nécessite une présence et un travail supplémentaire de la part du maître de stage.
Or, il manque des maîtres de stage depuis des années et la situation est bien évidemment pire dans les zones sous-dotées. Les étudiants risquent de ne pas trouver de point de chute pour leur stage de formation ambulatoire. Je ne suis pas sûr que l'on parvienne à en envoyer beaucoup dans les zones sous-dotées.
Monsieur Martin, vous dites que les jeunes médecins ne voudront plus s'installer en zone sous-dense. C'est déjà le cas actuellement. Aujourd'hui, les vieux médecins disent qu'il y a besoin de renouvellement dans leur territoire, qu'il faut que de jeunes médecins s'installent pour qu'ils puissent partir à la retraite. Et les jeunes médecins disent qu'ils ont besoin que des collègues s'installent parce qu'ils ne sont pas prêts à travailler soixante-dix heures par semaine. Autrement dit, la contrainte à l'installation n'est pas rejetée par toute la profession ; c'est une erreur de le penser. Il ne faut donc pas l'écarter.
Penser la contrainte, c'est penser l'aménagement du territoire en matière de santé. Sinon, nous allons au-devant d'un scandale médical : dans certains territoires, les gens ne peuvent déjà plus se soigner. Il faut aborder la question de la contrainte avec calme et lucidité, sans trop de passion, même si nous sommes tous sollicités par nos concitoyens à propos de l'absence de médecins de ville dans nos territoires.
Ne simplifions pas à l'excès : la création de la quatrième année en médecine générale n'est pas la mesure universelle qui va tout régler, c'est une mesure parmi beaucoup d'autres. En outre, les choses ne sont pas totalement abouties : il y a encore beaucoup d'espace pour la discussion, par exemple sur les conditions d'exercice ou d'encadrement en stage. C'est tout l'intérêt de notre débat.
Certains proposent de supprimer cette disposition au seul motif que le conventionnement sélectif réglera tous les problèmes, tout le reste étant à rejeter. C'est une vision limitée, très risquée et sans doute peu efficace.
Tenons compte du fait que la manière d'envisager les choses n'est pas la même à 30 ans qu'à 24. Surtout, à la différence des autres professions réglementées, les médecins ont beaucoup de possibilités de faire autre chose : la médecine salariée où la demande est forte, par exemple dans la médecine scolaire ou la médecine du travail ; l'étranger ; devenir médecin-conseil... Non seulement moins de 10 % des médecins s'orientent vers la médecine générale mais, parmi ceux-ci, seulement 10 % s'installent en cabinet à la fin de leurs études ! Compte tenu de ces nombreuses échappatoires, si nous accumulons les contraintes, nous courons à la catastrophe.
Je peux comprendre que vous défendiez le conventionnement sélectif, chers collègues, mais n'en faites pas une panacée. Ce n'est pas vrai ; on se raconte des histoires. C'est peut-être la mesure la plus médiatique et la plus parlante pour nos concitoyens. Mais ce n'est pas la bonne solution.
Concernant la contrainte, il ne faut pas se raconter d'histoires. La pénurie de médecins est générale en France, tant en exercice ambulatoire que dans les établissements de santé. Que l'on ne me parle pas de zones sur-dotées et sous-dotées : tous les établissements cherchent des médecins. Je ne connais pas un seul hôpital en France qui ait ses effectifs au complet. Si nous instaurons un conventionnement sélectif pour réguler l'installation, la conséquence sera immédiate : les médecins qui ne veulent pas aller là où on les envoie iront ailleurs – à l'hôpital, en Ehpad, en centre de protection maternelle et infantile... Il leur suffira de taper à la porte de n'importe quel hôpital pour être embauchés. La contrainte ne fonctionnera pas.
La quatrième année a une vertu considérable : elle permettra d'envoyer chaque année une génération entière de médecins pratiquer la médecine dans les zones que nous aurons déterminées. C'est déjà une forme de régulation et de contrainte, transitoire et pour un an, qui va de pair avec de la formation. Bref, c'est une mesure imparfaite, mais elle répond aux intérêts des étudiants, qui seront mieux formés, et du système de santé, qui disposera de médecins.
Les partisans du conventionnement sélectif ont-ils pensé aux malades ? À partir du moment où le médecin sera déconventionné, le malade ne sera plus remboursé. Il y a des ayatollahs qui ne pensent qu'à punir ! (Exclamations.) Pour ma part, je pense aux malades. Continuera-t-on à les rembourser ? Y aura-t-il un autre médecin vers lequel se tourner ? J'aimerais une réponse à ces questions.
Auparavant, on devenait médecin généraliste au bout de sept ans. C'est passé à neuf ans. Ce sera bientôt dix. Connaissez-vous un autre métier qui ait connu cela ? Cela a évidemment aggravé la pénurie de médecins.
Le dispositif de l'article 23 n'est pas bien ficelé car il élude le problème de la rémunération des maîtres de stage. Notre collègue Thomas Mesnier a raison : ils sont trop peu rémunérés compte tenu de leurs contraintes. Je vous invite à regarder comment on constitue un dossier de maître de stage : c'est l'équivalent d'une déclaration pour les aides accordées par la politique agricole commune dans l'agriculture ! Pour que la dixième année soit un succès, il faudrait un appel d'air considérable.
Par ailleurs, il faut assurer l'attractivité financière de cette voie. Au cours de cette dixième année de formation, les étudiants exerceront déjà leur profession. Ne nous racontons pas d'histoires : à l'hôpital, les internes ne sont pas supervisés en permanence. Je réitère donc ma proposition de les rémunérer comme médecins adjoints, c'est-à-dire les payer pour les actes pratiqués.
Huit millions de Français ont des difficultés à voir un médecin. Six millions d'entre eux n'ont pas de médecin traitant. Dans certains endroits, les médecins qui partent à la retraite ne sont pas remplacés. C'est vécu comme une injustice d'autant plus forte que, dans certaines villes du littoral, on n'a aucune difficulté à trouver un généraliste ou un spécialiste. Sur-densité et sous-densité sont des réalités, monsieur Juvin. Les chiffres le montrent clairement : trois fois plus de généralistes dans les Hautes-Alpes qu'en Eure-et-Loir ; dix-sept fois plus de dermatologues à Paris que dans la Creuse ; dix-huit fois plus d'ophtalmologistes à Paris que dans l'Ariège. Il est urgent de traiter cette question car le creux de la démographie médicale est devant nous, à l'horizon 2030.
Nous avons formé un groupe de travail transpartisan. Je défends, avec beaucoup d'autres, le principe d'une nouvelle régulation pour l'installation des médecins afin que chaque Français puisse avoir accès aux soins près de chez lui. Je ne dis ni que c'est simple, ni qu'il y a une seule solution. Toutefois, je constate que les politiques d'incitation menées depuis des années n'ont pas produit les résultats attendus. Cela vaut la peine d'essayer la régulation. Pour ma part, je plaide pour le conventionnement sélectif. En tout cas, il ne faut exclure aucune solution a priori. Nous devons avancer et redonner de l'espoir aux patients qui n'ont plus de médecin.
Les jeunes praticiens qui s'installent ne sont pas responsables de la répartition actuelle des médecins sur le territoire, qui résulte des années d'errance précédentes. L'Assemblée nationale a voté le numerus clausus pour faire des économies. Ensuite, nous avons adopté le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité : nous avons payé des médecins pour partir à la retraite à 55 ans alors qu'ils pourraient rendre service aujourd'hui. Il ne faut rien écarter et discuter de tout, j'en conviens, mais attention à la fausse bonne mesure qui risque d'aggraver une situation déjà compliquée.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1326 de M. Didier Martin.
Les conditions de vie et d'accueil des internes en quatrième année, en particulier dans les territoires sous-dotés, seront essentielles pour assurer la qualité de leurs prestations. Au cours de cette année formatrice, ils devront être épaulés par des confrères expérimentés, à distance mais aussi à proximité : dans le bassin de vie, pour reprendre les termes que je propose d'insérer dans la loi. Face à des situations d'urgence, il est bon de connaître le réseau des soins. On ne fait pas de médecine générale sans relations avec d'autres professionnels de santé, sans accès à des examens de biologie ou de radiologie, sans avis de second recours. Nous proposons, en complément de l'accompagnement hebdomadaire assuré à distance par un universitaire, que chaque interne soit épaulé par un praticien situé dans le bassin de vie. Cela favoriserait l'acceptation de la mesure par nos internes.
Le terme « bassin de vie » n'est pas une notion juridique. Mais je comprends votre intention et émets un avis de sagesse.
Je comprends le souhait de notre collègue. Mais je rappelle qu'un des arguments souvent opposés au conventionnement sélectif tient à ce qu'il n'existerait pas de zones sur-denses. Le débat avance puisqu'on est en train de reconnaître qu'il y a bien des zones sous-dotées et sur-dotées. Cela ouvre la voie à de véritables mesures, étant précisé que celle-là ne résoudra rien.
Lorsqu'on ne peut obtenir un rendez-vous chez le médecin avant quinze jours ou un mois, cela représente à l'évidence un éloignement de la République jusque dans le corps des gens. Il faut affronter d'urgence ce problème. Cela étant, l'ajout de cette quatrième année est placé sous le signe de l'ambiguïté : le fait-on pour répondre à une nécessité pédagogique, comme cela nous est présenté ? Plus on avance dans le débat, plus on constate que cet habillage dissimule une visée purement fonctionnaliste : envoyer une main-d'œuvre contrainte pour boucher les trous dans certains territoires. Nous devrions plutôt réfléchir de manière démocratique au fonctionnement de la médecine généraliste. Si on veut un service civique pour tous les jeunes, qu'on le dise et qu'on le fasse ! Mais pourquoi serait-ce réservé aux étudiants en médecine, dont la formation va s'étendre sur une dixième année en partant de sept à l'origine ?
Monsieur Martin, vous avez dit que faire tourner l'hôpital était une vocation. C'est le problème ! De nombreux salariés, à tous les niveaux de l'hôpital mais aussi dans des secteurs tels que l'enseignement ou la logistique, exercent leur métier par vocation. Or, le poids hiérarchique, les contraintes horaires, le niveau des salaires usent les vocations. Comment éviter ce phénomène qui se produit dès l'entrée des personnels à l'hôpital ? On voit des internes, des infirmiers, des aides-soignants qui veulent quitter l'institution après cinq ans !
On peut voir cette quatrième année de manière négative, mais aussi louer ses vertus pédagogiques. De la même façon qu'ils effectuent un stage à l'hôpital, les étudiants en médecine devraient en faire un en médecine de ville. De surcroît, se rendre en zone sous-dense leur montrerait que, contrairement à ce que certains croient, ces endroits ne sont pas dépourvus de tout. On y trouve des écoles, des pharmacies... les zones sous-denses sont parfois des zones urbaines. Enfin, ces jeunes se demandent souvent comment s'installer et quel coût cela représente ; ils pourront trouver, au cours de cette année, des réponses. Pour toutes ces raisons, tous les membres du groupe Renaissance ont cosigné les amendements AS1326 et AS1328 de notre collègue Didier Martin.
Bien que la notion de bassin de vie soit vague, cet amendement a le mérite d'apporter un peu de souplesse à la définition de l'encadrement. Il doit être soutenu.
Inciter des étudiants à venir dans des territoires tendus est une idée intéressante car cela mettrait fin à certaines idées préconçues qui entravent les installations.
Pour en revenir au conventionnement sélectif, il ne s'agit pas d'une mesure coercitive mais de l'application du principe selon lequel la solidarité nationale doit intervenir où c'est nécessaire, et pas ailleurs. Ne pas conventionner un médecin qui s'installe là où il y en a déjà beaucoup est la marque d'une bonne gestion de l'argent public : cela n'empêche pas son installation et les patients n'en seront pas affectés puisqu'il se trouve déjà suffisamment de ses confrères.
Cette discussion nous amène à parler beaucoup de territoires ou de bassins de vie. La question de la santé est liée de façon générale au débat sur la décentralisation. Il me semble que les bassins de vie devraient correspondre aux structures intercommunales, qui sont l'échelon pertinent pour prendre des décisions en la matière.
Par ailleurs, lorsqu'un médecin généraliste assure cinquante consultations par jour, il n'a pas le temps de suivre la formation et d'effectuer les démarches nécessaires pour devenir maître de stage. Si l'on veut accroître le nombre de maîtres de stage, il faudrait commencer par simplifier ces tâches. Les professeurs de médecine générale, dans les facultés, doivent comprendre que tout ne doit pas être hospitalo-centré – et c'est un hospitalier qui vous le dit. Il faut aller vers les territoires.
Nous devons rester modestes car ce débat est la conséquence des errances politiques de droite et de gauche depuis trente ans. Il y a cinq ans, la santé était encore considérée à l'aune de son coût ; aujourd'hui, elle est perçue comme nécessité. L'article 23 est intéressant car il permettra aux jeunes médecins de se confronter à la médecine libérale, de découvrir la médecine passionnante des zones rurales ou des quartiers de nos métropoles.
Madame la rapporteure générale, je souhaiterais avoir des précisions sur leurs conditions d'exercice : les internes effectueront cette quatrième année à l'âge de 28 ou 30 ans, avec parfois un conjoint et des enfants. Ils ne pourront pas être envoyés loin de chez eux sans soutien financier et aide au logement ainsi qu'au transport.
Je me félicite des propos de notre collègue Monique Iborra sur le conventionnement sélectif.
Monsieur Monnet, votre raisonnement sur les zones bien dotées ne tient que si la démographie médicale ne conduit pas à une pénurie globale de praticiens, ce qui est malheureusement le cas aujourd'hui. Parler de zones sur-dotées est un abus de langage : c'est pour faire la différence avec les zones sous-denses qui constituent 87 % du territoire national. Lorsqu'on parle de zones sur-denses, on désigne en réalité des zones « moins sous-denses ». Je regrette que nous n'ayons pas été plus nombreux hier lorsque je proposais un système concurrent du conventionnement sélectif, à savoir un régime d'autorisation qui répondrait à l'objectif de régulation sans en faire payer le prix au patient.
Le terme « bassin de vie » renvoie à des réalités statistiques, économiques et administratives. Mais j'y vois aussi une dimension de proximité géographique et confraternelle. Les docteurs juniors devront bénéficier d'un compagnonnage comme il en existe dans d'autres professions. Cette année sera l'occasion d'apprendre et de transmettre : les jeunes médecins apprendront en rencontrant les patients et les médecins seniors transmettront leur expérience, qui ne s'apprend ni à la faculté ni dans les livres.
Monsieur Isaac-Sibille, les représentants des étudiants seront présents au sein du comité interministériel et ils participeront à la définition des modalités de la quatrième année.
Messieurs Ruffin et Garot, nous savons tous qu'il y a urgence à agir pour renforcer l'accès aux soins. Tous les députés reçoivent quotidiennement des personnes qui réclament un médecin et qui ne comprennent pas pourquoi il n'y en a plus. Nous devrions nous rassembler pour promouvoir des mesures efficaces, même si elles ne font pas toujours plaisir. Le déconventionnement n'en fait pas partie : les études le montrent, les pays qui l'ont essayé ont fait marche arrière. Ne mentons pas à nos concitoyens et recherchons l'efficacité !
La commission adopte l'amendement.
Mes chers collègues, nous avons examiné cinq amendements en une heure cinq ; il en reste 387. Je vous invite à la concision au risque de devoir limiter le débat pour chaque amendement à une intervention pour et une contre.
Amendements AS1155 de M. Guillaume Garot et AS44 de M. Jérôme Guedj (discussion commune).
L'amendement AS1155, présenté par le groupe de travail transpartisan, vise à faire effectuer la quatrième année exclusivement – et pas en priorité – dans les zones sous-dotées. Il s'agit de répondre à l'urgence par de vraies solutions.
L'amendement AS44 poursuit le même objectif, qui est d'être plus efficace face à l'urgence.
Si nous prenons le temps du débat, madame la présidente, c'est que nous craignons de ne pas avoir la possibilité de discuter dans l'hémicycle. Nous avons la satisfaction de constater des avancées sur certaines questions, par exemple celle du conventionnement sélectif, que nous n'étions pas nombreux à défendre – je me tourne vers notre collègue Philippe Vigier – à une certaine époque au sein de cette commission.
Avis défavorable.
Nous avons déjà expliqué la nécessité d'envoyer uniquement les étudiants là où ils pourront être encadrés. Cette quatrième année a une vocation pédagogique.
Je me suis demandé si j'allais vous faire confiance. Dans son programme de 2017, Emmanuel Macron formulait une série de priorités, parmi lesquelles la rénovation d'un million de logements pour les plus modestes, la lutte contre la fraude fiscale ou encore les dépenses en matière d'éducation. Au vu des résultats, il paraît plus prudent de retirer le terme « en priorité » de votre texte afin de vous éviter de chercher désespérément des raisons par la suite pour expliquer ne pas avoir fait ce que vous aviez peut-être envisagé de faire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS369 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vise à inclure la prévention des maladies oculaires dans la formation prévue à l'article 23. En effet, la vision a été identifiée comme un des cinq risques « avant-chuteurs ». Cela permettrait peut-être de réduire le nombre d'hospitalisations dues à des chutes, estimé à 130 000 par an.
Il reviendra au comité interministériel, qui comprendra des étudiants et des enseignants, de définir le contenu pédagogique de la quatrième année.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1327 de M. Jean-François Rousset.
L'amendement précise les conditions d'exercice de la quatrième année. Notre groupe est favorable à cette initiative, qui permettra de faire de la médecine générale une spécialité à part entière et d'irriguer nos territoires en docteurs juniors, qui exerceront pleinement puisqu'ils auront passé leur thèse. Ils auront le choix de leur stage tandis que les territoires bénéficieront d'une présence permanente, dans la mesure où ils se succéderont chaque année. Si quelques-uns s'installent sur place, le succès sera complet.
Cet amendement, soutenu par l'ensemble de mon groupe, a pour objet de rassurer les étudiants, qui craignent d'exercer de manière isolée. Il les incite à se rapprocher d'une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) pour bénéficier de l'expérience d'autres praticiens et pour être bien encadrés.
Pour faire face aux difficultés qui frappent des régions entières, vous ne trouvez à faire que du bricolage. Un stage, des docteurs juniors qui iront peut-être dans les territoires ? Nous demandons des mesures de fond ! Je serais moins choqué si, à l'issue de leurs neuf ans d'études, on nommait ces étudiants dans des zones sous-denses pour un ou deux ans obligatoires. Ils seraient médecins de plein exercice, fonctionnarisés, correctement payés et avec de bonnes conditions de travail, au lieu de subir une année supplémentaire de stage sous-payée. Peut-être faut-il envisager, à titre temporaire, la création d'un corps de médecins d'État ?
Madame la rapporteure générale, je ne comprends pas votre avis favorable. Vous avez dit que le comité interministériel serait chargé d'élaborer le contenu de la quatrième année. On se demande vraiment pourquoi cette disposition figure dans une loi de financement de la sécurité sociale. Surtout, l'exposé sommaire indique qu'il s'agit de permettre la découverte de l'exercice en CPTS alors que c'est précisément dans les zones sous-denses que l'on a des difficultés à les faire émerger. Les situations diffèrent grandement selon les départements : il y a des zones sous-denses qui ont beaucoup de CPTS, d'autres pas. En la matière, le département de la rapporteure générale est à l'inverse du mien. Il ne faut pas faire des CPTS l'alpha et l'oméga de cette année d'exercice : des territoires qui en sont dépourvus ont besoin d'accueillir ces jeunes médecins.
Je soutiens cet amendement. Les CPTS marchent bien. Même dans les déserts médicaux, on y pratique des soins non programmés : cela signifie que les patients qui n'ont pas de médecin peuvent, chaque jour de la semaine, en consulter un. Il faut leur donner les moyens de fonctionner, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) se montre un peu plus compréhensive avec ceux qui s'investissent dans les CPTS. Ce n'est pas le cas et je le regrette, comme j'ai pu le dire au directeur général de la Cnam.
Je ne partage pas l'avis de notre collègue Thibault Bazin sur la création des CPTS. Le plus souvent, c'est dans les territoires les plus dépourvus qu'elles émergent parce que les professionnels ont voulu s'organiser face aux difficultés. Dans quelques mois, je l'espère, nous aurons maillé l'ensemble du territoire en CPTS. La pandémie a été un vecteur d'accélération incroyable du fait de la mise en relation des différents professionnels sur les phases de test, de dépistage et de vaccination.
Il n'y a pas forcément de CPTS partout. De toute façon, les médecins n'ont pas attendu un mot d'ordre national pour s'organiser dans les territoires. Il faut privilégier les liens entre acteurs locaux pour assurer le maillage territorial.
Je suis inquiète devant ce genre d'amendements. Nous utilisons le projet de loi de financement pour nous immiscer dans le contenu pédagogique des études de médecine. Si l'on venait à manquer de carrossiers dans la Creuse, décideriez-vous d'allonger de six mois la formation des carrossiers en leur imposant un stage dans la Creuse ? Ce texte n'est absolument pas adapté. Bien sûr, nous avons besoin de professionnels de santé et il faut mieux les répartir sur le territoire. Mais les gens dont nous parlons sont des médecins, pas des étudiants qui viennent d'avoir leur baccalauréat. Ce sont des trentenaires qui ont enfants et conjoint, que l'on veut contraindre à rallier l'autre bout de la France pour un stage alors qu'ils n'auront pas de logement et qu'ils seront sous-payés. Pour des raisons sociales et économiques, on s'immisce dans les études de médecine. Nous nous trompons de débat. Ce n'est pas à nous de faire cela. Il y a d'autres façons de répartir les médecins dans le pays.
De nombreuses CPTS sont composées de personnels paramédicaux – et tant mieux – mais ne disposent pas de médecin prescripteur. Or, c'est ce dernier qui ordonne toute la chaîne : sans lui, pas d'acte paramédical, pas de fonctionnement des pharmacies.
Il faut améliorer l'attractivité des CPTS : si l'on arrive à avoir des consultations non programmées, un petit laboratoire de biologie et un centre de radiologie, cela évite nombre de recours aux urgences. Les agences régionales de santé (ARS) doivent apporter leur aide pour fortifier cet ensemble. Mais la volonté des professionnels médicaux et paramédicaux de s'organiser n'est pas assez valorisée par la Cnam. Il faudrait rémunérer ceux qui consacrent du temps, en dehors de leur temps de consultation, à coordonner les soins sur un territoire.
Il existe déjà un coordonnateur qui perçoit un confortable forfait de rémunération des ARS. De plus, l'amendement ne prévoit aucune obligation d'effectuer son stage dans une CPTS, juste une information de cette possibilité. Les deux coordonnateurs de ma circonscription mènent des actions de prévention : c'est un exercice médical qui peut intéresser les jeunes parce qu'ils ne pratiquent pas cela à l'hôpital. Cette formation complémentaire leur serait tout à fait utile.
Notre objectif est de préciser les conditions d'exercice de la quatrième année de spécialité afin d'inciter les futurs médecins à s'installer dans des territoires sous-denses. Le département de l'Aveyron, où se trouve ma circonscription, est entièrement couvert par des CPTS ou le sera très prochainement. C'est un moyen efficace de coordonner l'exercice de la médecine générale. Cet amendement n'est pas exclusif : toutes les solutions seront les bienvenues.
Notre collègue Thibault Bazin a raison, l'ensemble du territoire n'est pas encore couvert par des CPTS. J'insiste sur la nécessité d'encourager leur développement parce que c'est vraiment une bonne solution. Ma région, le Centre-Val de Loire, est la moins dotée en médecins ; son territoire est couvert à 100 % par des CPTS et il est possible d'obtenir un rendez-vous dans les quarante-huit heures même sans médecin traitant. La nécessité a poussé les professionnels à se mobiliser et nous devons les y encourager.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS1201 de Mme Sandrine Rousseau.
Je propose d'intégrer la formation à la prise en charge de la douleur dans la dernière année des études de médecine générale. C'est un problème récurrent, particulièrement en cas de cancer.
Je suis de l'avis de notre collègue Ségolène Amiot : il ne faut pas toucher au contenu pédagogique des études de médecine – ce qui n'était d'ailleurs pas le cas dans l'amendement précédent.
Je rejoins l'avis de Mme la rapporteure générale. Tous n'ont pas manifestement pas la même vision du rôle du projet de loi de financement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1328 de M. Didier Martin.
Cet amendement souligne l'importance du décret qui fixera les conditions pratiques d'organisation du stage de quatrième année. Il faut qu'elles soient les meilleures pour que cette expérience soit réussie et qu'elle ouvre la voie à une installation dans le territoire. Cela concerne tant les conditions matérielles – transports, logement – que l'exercice professionnel. Le décret pourrait encourager la désignation de deux ou trois internes dans une même zone pour y partager une même expérience, avec une rémunération à la hauteur car ce sont de vrais médecins – à condition qu'ils aient été thésés au cours de leur troisième année. Cela pose difficulté parce que nous manquons d'universitaires en médecine générale et de maîtres de stage suffisamment rémunérés qui pourront, dans un emploi du temps parfois surchargé, trouver un créneau pour accompagner ces médecins juniors.
Avis favorable car le décret interviendra après la concertation organisée dans le cadre du comité interministériel. Il est important de rappeler que les textes d'application se fonderont sur cette concertation.
Une précision : par définition, les médecins qui entrent dans cette dernière année, dite année de consolidation, doivent être thésés.
Nous manquons en effet de professeurs des universités-praticiens hospitaliers de médecine générale. Il existe un dispositif adapté : les maisons médicales universitaires de territoire, dans lesquelles les postes universitaires sont financés par les facultés de médecine. Or, celles-ci n'ont souvent pas les budgets nécessaires alors qu'on dispose de volontaires au bon profil. Les textes existent. Ils doivent être appliqués. Si nous voulons une réforme du deuxième cycle permettant à des étudiants plus jeunes d'aller se former dans ces maisons médicales, il faut que les facultés libèrent des postes d'assistant chef de clinique dans les territoires : tout ne peut pas être hospitalo-centré.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit sur les maisons médicales universitaires.
S'agissant de cette quatrième année, nous devons faire attention aux mots employés. « Docteur junior » a une connotation péjorative s'agissant d'un bac+10. Il me semble important qu'il y ait une véritable reconnaissance. C'est la raison pour laquelle je pousse pour parler de médecins adjoints sous la responsabilité d'un maître de stage. C'est le gage d'une juste rémunération : vous ne pouvez pas envoyer sur le terrain des internes payés 1 500 euros.
La maison médicale universitaire, c'est l'assurance que l'on sortira les internes des murs et que l'on rendra leur quatrième année totalement opérationnelle auprès d'un maître de stage, au plus près de la population, pour un vrai service. Cette quatrième année est d'une portée considérable. Ce sont des mesures qui n'ont jamais été prises jusqu'à présent.
Qu'on les appelle médecins juniors ou adjoints, ce seront des stagiaires. Ils ne seront pas payés en médecins. Cette quatrième année bricolée dans le projet de loi de financement – on ne sait même pas qui les accompagnera sur le terrain ! – est dommageable pour tous. Nous devons avoir une véritable ambition pour la médecine généraliste dans les campagnes, pour nos concitoyens et pour les médecins eux-mêmes. Oui, on peut leur demander d'exercer un, deux ou trois ans dans les territoires à la sortie de leurs études, peut-être même de façon obligatoire. Mais ce seront de véritables médecins, qui exerceront pleinement leur travail tout en étant accompagnés par des confrères expérimentés.
En effet, la sémantique est importante. J'aimerais donc que nous arrêtions d'utiliser l'expression « déserts médicaux ». Nos territoires sont attractifs. Ils offrent une très belle qualité de vie et ne sont en aucun cas des déserts.
Je me réjouis de voir que nous sommes tous attachés à la médecine générale et donc à la médecine libérale – même notre collègue François Ruffin vient d'en faire le panégyrique ! En ville comme en milieu rural, les médecins généralistes exercent en libéral : c'est la raison pour laquelle il faut rendre la médecine libérale attractive.
Il s'agit bien d'un stage selon l'article 23 lui-même : « La dernière année du diplôme d'études spécialisées de médecine générale est effectuée en stage sous un régime d'autonomie supervisée ». Mais c'est un régime spécifique avec une rémunération extrêmement faible, qui n'atteint même pas le niveau d'un stage classique !
La question de l'hébergement est importante. Quand une commune investit parce qu'elle cherche désespérément des professionnels de santé, elle a intérêt à prévoir un logement permettant d'accueillir deux ou trois praticiens dans de bonnes conditions. Ils en seront d'autant plus efficaces car disponibles par exemple après 19 heures pour répondre aux urgences ou recevoir des gens qui ne peuvent pas venir dans la journée. Il faut une proximité géographique.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS1430 de Mme Sandrine Dogor-Such.
Monsieur Isaac-Sibille, toutes les bonnes volontés sont bienvenues quand la nation affronte des difficultés. Canalisée et orientée, l'initiative privée des médecins généralistes a plus que sa place. Mais puisque cela ne fonctionne pas, il est possible d'imaginer la création d'un corps de médecins d'État ou la constitution d'associations afin d'exercer une mission qui aujourd'hui n'est pas accomplie par la médecine libérale.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement AS513 de M. Paul-André Colombani.
Amendement AS1581 de Mme Ségolène Amiot.
Il s'agit de définir les conditions d'accomplissement du stage en concertation avec les organisations représentant les futurs stagiaires et actuels étudiants afin de voir jusqu'où aller dans la professionnalisation et dans les garanties de rémunération.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 23 modifié.
Après l'article 23
Amendement AS1561 de M Damien Maudet.
Afin d'adapter la formation des professionnels de santé aux nécessités constatées, il est proposé d'indexer le nombre de places ouvertes dans le système de formation sur les besoins de santé observés sur le terrain.
L'amendement est satisfait. J'ai fait adopter un amendement dans la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé qui permet aux agences régionales de santé et aux conférences régionales de la santé et de l'autonomie de donner un avis sur le nombre d'étudiants en santé dans leur territoire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1387 de M. Philippe Juvin.
L'amendement est retiré.
Article 24 : Augmenter l'impact des aides à installation
Amendement de suppression AS45 de M. Jérôme Guedj.
Cet article pose au moins deux problèmes. Premièrement, il renvoie aux conventions la fixation d'un cadre juridique global d'aides à l'installation, alors que c'est le rôle du Parlement. Deuxièmement, il maintient une logique incitatrice qui ne fonctionne pas. Pour notre part, nous croyons davantage à la régulation, voire à la coercition.
Je suis très défavorable à votre amendement car cet article permet de rationaliser les aides à l'installation en les rassemblant au sein d'un seul contrat. C'est vraiment une demande des professionnels.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS254 de M. Thibault Bazin, AS186 de M. Vincent Descoeur, AS473 de M. Yannick Neuder et AS1624 de Mme Katiana Levavasseur.
Cet amendement de précision entend promouvoir, à l'échelle départementale, les guichets uniques d'accompagnement à l'installation. Cette préconisation figurait déjà dans le rapport d'information sénatorial sur les mesures incitatives au développement de l'offre de soins primaires dans les zones sous-dotées du 26 juillet 2017 et dans le plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires de la même année. Nous avons de beaux exemples de réussite : Présence médicale 64, dans les Pyrénées-Atlantiques, ou GEminstal, dans le Grand Est. Il s'agit d'associer l'ensemble des acteurs territoriaux dans un guichet dédié aux étudiants et aux jeunes professionnels de santé.
Sur le modèle de ce qui fonctionne dans les Pyrénées-Atlantiques, nous proposons de créer un guichet départemental sous l'égide de l'ARS. Il serait ouvert à tous les professionnels de santé qui souhaitent s'installer, notamment aux étudiants. Si nous voulons favoriser l'installation de jeunes médecins dans les territoires sous-denses, il faut aussi une formation pratique à la gestion d'un cabinet médical, qui s'apparente à celle d'une petite entreprise : gestion d'un bail, d'une assurance, du personnel...
Je suis tout à fait d'accord sur le fond. Mais vos amendements posent un problème rédactionnel dans la mesure où ils renvoient à un article de loi qui n'existe pas. Je vous invite à les retirer au profit de l'amendement AS1029 de M. Jean-François Rousset, qui sera présenté dans un instant et qui a le même objet.
Les amendements sont retirés.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement AS46 de M. Jérôme Guedj.
Amendement AS1029 de M. Jean-François Rousset.
Il s'agit de créer le guichet unique dont nous venons de parler afin de favoriser l'installation des médecins. C'est une demande des étudiants.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 24 modifié.
Après l'article 24
Amendement AS24 de M. Guillaume Garot, AS1086 de Mme Marie Pochon, amendements identiques AS910 de Mme Isabelle Valentin et AS563 de Mme Josiane Corneloup, amendements identiques AS708 de M. Pierre Dharréville et AS1407 de M. Loïc Kervran, amendements identiques AS22 de M. Jérôme Guedj et AS1356 de M. Guillaume Garot, amendement AS864 de M. Sébastien Peytavie (présentation commune).
L'amendement AS24 tend à instaurer une régulation exceptionnelle et transitoire dont le terme sera négocié avec la profession. Il propose que les jeunes médecins généralistes, après l'obtention de leur diplôme, exercent au moins deux ans en zone sous-dense. Alors que la désertification médicale touche de plus en plus nos citoyens, cette mesure est le complément indispensable du conventionnement sélectif que nous proposons par ailleurs. En effet, la relative inefficacité des politiques incitatives impose de mener, au moins temporairement, des politiques de régulation. Pendant cette durée de deux ans, les modes d'exercice pourront être souples : libéral, salarié, et même en temps partagé entre l'hôpital et le cabinet. L'essentiel est de mettre des médecins au service de la population dans les zones sous-denses.
Pour mieux répartir les médecins et lutter contre la désertification médicale des territoires ruraux, nous proposons un conventionnement territorialisé des médecins. L'amendement AS1086 prévoit que, dans les zones les plus denses, l'installation d'un nouveau médecin ne peut se faire que lorsqu'un autre part à la retraite.
La démographie médicale restera défavorable au cours des prochaines années. L'accès aux soins est l'une des préoccupations majeures des Français, qui rencontrent des difficultés croissantes pour trouver un médecin traitant et obtenir un rendez-vous médical. Face à cet enjeu de santé publique, mon amendement propose d'instaurer une convention sélective de manière à seulement renouveler les médecins conventionnés dans les zones bien dotées pour mieux répartir les nouveaux médecins.
Lorsque nous déposons des amendements, nous avons la lucidité de penser qu'ils ne sont pas toujours la solution miracle. Le problème est tellement profond que, même si on décidait d'autorité d'installer des médecins là où il en est besoin, on en manquerait. Ce n'est pas une raison pour ne pas essayer d'améliorer la situation. Notre amendement propose de mettre les professionnels de santé sur un pied d'égalité en instaurant un zonage comparable à celui qui existe pour les pharmaciens. L'ARS se chargerait de définir ce zonage, qui permettrait ensuite d'organiser l'installation des médecins sur le territoire. Je ne vois pas pourquoi seuls les médecins ont une liberté absolue d'installation.
Un conventionnement sélectif empêcherait que l'écart continue de se creuser entre les territoires. Il faut faire jouer la solidarité nationale. Madame la rapporteure générale disait que la région Centre-Val de Loire est l'une des moins dotées. Élu de cette région, j'observe que les professions régulées – pharmaciens, ambulanciers, infirmiers – sont aussi les plus présentes. Cet amendement est soutenu par de nombreux médecins du Cher.
Nous comptons sur le conventionnement sélectif pour lutter contre la désertification médicale, qui concerne un nombre toujours plus grand de nos concitoyens. À Caen, on n'arrive pas à trouver un dentiste : il faut aller à Paris ou attendre six mois, même pour une urgence. C'est un vrai problème. L'amendement AS22 propose d'étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l'installation qui s'applique à d'autres professionnels : pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes, orthophonistes ou encore dentistes. Dans les zones où l'offre de soins est excédentaire, définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux, un médecin libéral ne pourra s'installer pour un exercice conventionné que lorsqu'un médecin cessera son activité. Le principe de la liberté d'installation demeurera. Mais le conventionnement ne sera pas systématique. Parce que cette proposition est transpartisane, nous espérons qu'elle sera largement adoptée.
L'amendement AS864 propose, à titre expérimental, que le conventionnement à l'assurance maladie d'un médecin libéral soit limité aux seuls cas où il intervient en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un autre médecin. Cette expérimentation devra faire l'objet d'une évaluation de son efficacité.
Il n'y a sans doute pas de solution unique au problème des déserts médicaux et il ne faut pas s'interdire d'en essayer de nouvelles. Le principe du conventionnement sélectif est simple : pousser les nouveaux médecins à ne pas s'installer dans les territoires – parfois à l'échelle d'une ville – où l'offre de soins est abondante, mais où elle manque, où des patients attendent. Les modalités doivent sans doute être précisées. Il faut une concertation avec l'ensemble des organisations de médecins. Mais il faut avancer. La question de la régulation de l'installation a été posée par le candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle : c'est écrit noir sur blanc dans son programme électoral. Je vous invite à le mettre en œuvre.
Je répète que le conventionnement sélectif est inefficace et je reste étonnée que ce soient des députés de gauche qui le proposent. Chez moi, comme il n'y a pas assez de médecins, les gens sont prêts à aller voir des magnétiseurs qui demandent des sommes exorbitantes, évidemment pas remboursées par l'assurance maladie.
Vous voulez contraindre les médecins à s'installer dans certaines zones sous peine de ne pas être conventionnés. Que vont-ils faire ? Autre chose que de la médecine libérale ! Ils prendront un des nombreux postes salariés qui existent pour rester où ils souhaitent travailler. Et ceux qui s'installeront en libéral ne seront pas conventionnés – sachant que la tendance au déconventionnement est en hausse. Les patients, surtout ceux qui ne peuvent pas se déplacer vers un autre médecin, ne seront pas remboursés. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi cette mesure est proposée par la gauche.
Enfin, on ne peut pas comparer la situation des médecins avec celle des pharmaciens ou des kinésithérapeutes. Quand on a régulé l'installation des pharmaciens, le gradient entre les zones les moins bien dotées et les mieux dotées était de 1 à 7. Pour les généralistes, le gradient est de 0,5. Cela signifie que si vous prenez des médecins dans les zones que vous considérez sur-dotées, cela sera loin de suffire pour les 87 % des territoires démunis, mais cela créera une pénurie là où il n'y en avait pas. Il y a beaucoup de choses à faire pour améliorer l'accès aux soins. Mais cette mesure paraît inefficace et nuisible.
Ces amendements ont en commun d'essayer de résoudre le problème des déserts médicaux par une forme de coercition. Le problème, comme l'a dit la rapporteure générale, c'est que la France est désormais un vaste désert médical : il n'y a pas d'endroits très sur-dotés. Certes, le conventionnement sélectif a pu être un début de solution pour certaines spécialités effectivement très présentes dans certains territoires et absentes dans d'autres. Mais ce sont les exceptions qui confirment la règle.
Que va-t-il se passer si nous adoptons cette option coercitive ? Les médecins voteront avec leurs pieds. Ils n'iront pas travailler ; leur temps médical se partagera entre de multiples activités qui feront qu' in fine, ils ne seront pas en poste où on les attend. Ou alors ils iront dans des établissements de santé au lieu de s'installer. Il n'y a pas un seul hôpital en France qui ne manque de médecins, pas un seul Ehpad ! En réalité, les médecins ont le choix entre un grand nombre de manières d'exercer. La coercition aura pour effet de prendre un peu de médecins dans des zones peu dotées pour les injecter dans celles qui le sont encore moins. La pénurie étant générale, cette mesure aura un effet pervers.
L'autre différence entre les médecins et les pharmaciens, c'est que les pharmaciens n'ont guère de façons d'exercer leur pratique alors que les médecins ont un large choix. Les solutions sont à chercher ailleurs, du côté des dépassements d'honoraires ou du temps médical. Et puis, il y a un problème démographique global : on ne forme pas assez de médecins. Les Anglais, à titre de comparaison, ont décidé, au mois de mars dernier, de doubler le numerus clausus, passé de 10 000 à 20 000.
Les inégalités d'accès aux soins ne cessent de progresser dans notre pays. Des mesures publiques sont indispensables parce que l'État est comptable du droit à la santé. C'est pourquoi nous cherchons de nouveaux leviers alors que vous souhaitez continuer comme avant. Vous ne voulez pas toucher à la liberté d'installation par choix idéologique. Ce que nous proposons est modeste en réalité : n'autoriser l'installation d'un nouveau médecin dans une zone sur-dense qu'à partir du moment où un autre s'en va. Vous nous dites que cela ne marchera pas mais vous n'avez aucun élément pour le démontrer. Pour notre part, nous pensons que c'est un premier outil indispensable. Il est vrai que les choses sont en train d'évoluer et que nombre de jeunes médecins se tournent volontiers vers la médecine salariée – c'est d'ailleurs une partie de la réponse au problème.
Vous nous dites que les médecins vont partir. Mais je fais confiance à leur conscience professionnelle et à leur vocation. Vous dites qu'ils se déconventionneront. Peut-être certains le feront-ils, mais ce seront ceux qui s'installeront dans les zones sur-denses ! L'effet restera marginal du point de vue des inégalités de santé.
Madame la rapporteure générale, vous devriez changer de disque. L'adhésion à cette mesure progresse. Débat après débat, de plus en plus de députés y sont favorables, y compris au sein de la majorité. Vous allez bientôt être obligée d'y venir. Préparez-vous !
Comme la rapporteure générale, je suis convaincu de l'inefficacité du conventionnement sélectif. D'une part, cela revient à faire peser la charge de l'installation du médecin sur le patient, qui n'est plus remboursé. D'autre part, le rapport « Charges et produits » de l'assurance maladie a montré, au début de l'été, que les inégalités d'installation des soignants de ville sont plus importantes en cas de conventionnement sélectif. Je signale par ailleurs que l'article 22, alinéa 4, du projet de loi de financement ouvre déjà la voie au conventionnement sélectif. J'y reste farouchement opposé – sous la précédente législature, j'ai souvent ferraillé avec notre collègue Guillaume Garot sur cette question. Mais, comme vous, je suis soucieux de résoudre les difficultés de nos concitoyens.
C'est pourquoi je fais une contre-proposition : un nouveau mode d'autorisation d'installation pour les médecins de ville. L'autorisation serait automatique dans les zones sous-denses. Dans les autres, l'installation serait soumise à condition : soit la succession d'un médecin mettant fin à son activité, soit la participation du nouveau médecin à un exercice secondaire et ponctuel en zone sous-dense. Cette proposition répond à l'objectif de réduire les inégalités territoriales sans faire peser la charge financière sur le patient. Vos amendements, satisfaits par l'article 22, ne paraissent ni efficaces, ni justes. Je tends la main à notre collègue Guillaume Garot et à ceux qui le souhaitent : travaillons ensemble, d'ici à la séance publique, à une mesure de consensus. Dans tous les groupes politiques, nous partageons le même objectif. Mais ne faisons pas payer nos décisions aux patients ! Je ne me résoudrai jamais à ce qu'un habitant de ma circonscription ne soit pas remboursé du fait d'un conventionnement sélectif instauré par l'Assemblée nationale ; ce serait profondément injuste.
Décidément, madame la rapporteure générale, tous les arguments sont bons. Les gens se tourneraient vers des magnétiseurs parce qu'ils ne trouvent pas de médecin ? Non, c'est n'importe quoi ! Ils le font parce qu'ils ont le sentiment que la médecine pratiquée aujourd'hui ne répond pas à leurs attentes, dans certains cas particuliers comme les acouphènes.
Monsieur Mesnier, vous nous renvoyez à votre amendement à l'article 22, alinéa 4. Vous proposiez de n'autoriser l'installation des médecins en dehors des zones sous-denses que s'ils acceptent de participer à un exercice secondaire en zone sous-dense. Qui y comprend quelque chose ? Qui peut croire que ce bricolage va résorber les déserts médicaux ? Au passage, je certifie qu'on a le droit de parler de déserts médicaux quand on y habite. Peut-être certains vivent-ils dans des oasis où les médecins coulent du robinet en abondance. Mais ceux qui n'ont pas de rendez-vous chez un dentiste avant six mois alors qu'ils souffrent d'une rage de dents n'hésitent pas devant l'expression.
Vos réponses ne sont pas satisfaisantes. Vous dites de manière dogmatique que ce que nous proposons n'est pas efficace. Surtout, vous ne faites pas de contre-propositions pour sortir nos territoires de ces difficultés.
Madame la rapporteure générale, vous dites que le déconventionnement créera dans les territoires concernés une inégalité supplémentaire au détriment des patients. Rien n'est plus faux ! Le conventionnement sélectif s'appliquera précisément dans les territoires où il y a un nombre suffisant de médecins pour répondre aux besoins de santé. Il ne pèsera pas sur l'accès aux soins.
Vous dites ensuite que c'est inefficace, que les médecins ne s'installeront pas où ils ne le veulent pas. C'est justement ce en quoi consiste une politique de régulation : trouver les voies et moyens pour orienter efficacement les médecins vers les territoires qui en manquent.
Enfin, la régulation des pharmaciens n'a découragé aucune vocation : il n'y a pas de territoire sans pharmacien. S'il y a des espaces qui présentent une fragilité de ce point de vue, c'est précisément celles qui manquent de médecins, donc de prescripteurs. Nous voulons une offre de soins rationnelle, équilibrée et harmonieuse au plan national et au plan local. Pour cela, il faut en venir à une régulation de l'installation et de l'exercice de l'ensemble des médecins, généralistes et spécialistes.
Soyons humbles ! Depuis trente ans, nous avons commis beaucoup d'erreurs, à droite comme à gauche, et nous en sommes comptables. Devenons prudents et n'en ajoutons pas de nouvelles qui aggraveraient les choses !
Je rappelle que seuls 7 % des jeunes médecins s'installent en libéral à l'issue de leurs études. En France, il existe deux systèmes de santé, l'un administré – l'hôpital – et l'autre libéral. Le système administré fait-il en sorte qu'il y ait davantage de médecins dans les hôpitaux ruraux ? Le ministère de la santé demande-t-il aux directeurs d'hôpitaux de réorienter les médecins des hôpitaux vers les petits établissements ruraux ? Non. Commençons par corriger la médecine administrée avant de chercher à réglementer la médecine libérale en lui imposant des contraintes supplémentaires ! Selon moi, la seule solution est de rendre la médecine libérale plus attractive. On pourrait imaginer un nouveau statut du médecin libéral et créer une équipe autour de lui, avec des assistants médicaux et les infirmiers en pratique avancée que nous évoquerons tout à l'heure.
Bien sûr que nous pouvons prévoir ce qui se passerait : non seulement le conventionnement sélectif serait un échec, mais il aurait un effet dévastateur sur les nouvelles générations. Très peu de jeunes médecins choisissent la médecine générale et, parmi eux, très peu s'installent en libéral. Tout cela s'amplifierait car il y a d'autres façons d'exercer la médecine, de nombreux métiers possibles pour les médecins.
Ceux qui proposent le conventionnement sélectif sont les mêmes qui s'opposaient tout à l'heure à la quatrième année d'internat au motif que cela stigmatiserait les jeunes médecins, créerait un encombrement, les gênerait dans leur formation. Or, le conventionnement sélectif est pire ! J'y suis défavorable précisément parce qu'il stigmatiserait les jeunes médecins. C'est eux qui y seront confrontés. Si nous devons faire quelque chose, c'est avec tous les médecins. Pour ma part, comme médecin sexagénaire, j'accepterais volontiers d'aller travailler un jour par semaine dans une zone sous-dotée. De telles mesures ne remettraient pas en cause la liberté d'installation et feraient contribuer l'ensemble des médecins, pas seulement les jeunes. Vous stigmatisez les jeunes médecins et je suis en profond désaccord avec cela.
Nous sommes tout de même d'accord sur plusieurs points. Oui, il y a des déserts médicaux ou, si on n'a pas le droit d'employer cette expression, des habitants qui n'ont pas accès à une offre médicale. Oui, dans la ruralité – c'est l'Insee qui le dit – on vit moins vieux qu'en ville et l'espérance de vie est plus faible, sans parler des territoires ultramarins. Oui, il y a un droit à la santé et les médecins libéraux exercent une mission de service public. Oui, la situation s'aggrave.
Et face à cela, que nous répond-on ? Qu'il faut étudier la possibilité d'agir, plus tard, peut-être... Non. Il y a aujourd'hui des personnes dont la santé est compromise parce qu'elles ne trouvent pas de médecin. Nous avons proposé des solutions concrètes, notamment le conventionnement territorialisé, qui permettraient de répartir l'offre médicale sur le territoire. Le but est de satisfaire non pas les médecins, mais les patients.
Monsieur Garot, nous discutons depuis plusieurs années. Ce que vous appelez des zones sur-denses, moi et d'autres considérons qu'il s'agit de zones moyennement dotées – au passage, chaque fois que nous abordons la question, plusieurs députés demandent que le zonage soit revu parce qu'ils se considèrent en zone sous-dense.
Je pense le conventionnement sélectif inefficace. Si des médecins sont déconventionnés, les malades continueront à aller les voir et ne seront pas remboursés, juste parce qu'on aura considéré qu'ils sont dans une zone un peu moins sous-dotée que les autres.
Vous me demandez de changer de disque, monsieur Dharréville ? Non. Je me suis engagée en politique pour améliorer l'accès aux soins. Jamais je ne voterai des mesures inefficaces, dussé-je être la dernière dans l'hémicycle à m'y opposer. Chaque semaine, dans ma permanence, des gens me demandent d'obliger les médecins à s'installer. Du point de vue de beaucoup de nos concitoyens, ce serait une façon simple et compréhensible de régler le problème. S'il y avait suffisamment de médecins dans le pays – si nous pouvions même en exporter car la démographie médicale est faible à l'échelle mondiale – et si c'était faisable, je serais la première à voter cette obligation d'installation. Mais je suis là pour améliorer l'accès aux soins, pas pour faire plaisir à l'opinion ni pour faire de la question un objet politique.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de onze heures quarante-cinq à onze heures cinquante-cinq.
Amendement AS202 de M. Yannick Neuder.
Il s'agit d'un sujet difficile : la prise en charge de la santé des étrangers en situation irrégulière. Il faut veiller à l'équité. Dans nos permanences ou nos activités professionnelles, nous sommes surpris de rencontrer des patients, par exemple retraités agricoles, qui s'inquiètent du tarif de ce qui leur est prescrit et de l'éventuel reste à charge. Il faut faire attention lorsque ces patients ne sont pas pris en charge à 100 %. Dans le même temps, on accorde à des étrangers en situation irrégulière le bénéfice de la protection universelle maladie (Puma). L'idée est de réguler : soigner naturellement un maximum de gens mais conditionner la prolongation de la Puma pour les étrangers en situation irrégulière à une durée de résidence en France d'au moins six mois.
Je conteste la philosophie de cet amendement qui fait croire que certaines personnes ne peuvent être prises en charge à 100 % en raison de l'existence de la Puma. C'est aberrant ! Pour ma part, je suis favorable à ce que toutes les prestations soient entièrement prises en charge par l'assurance maladie. Il est nécessaire de soigner correctement les patients. Le fait que des personnes, quelle que soit leur qualité, bénéficient de la Puma n'a rien à voir avec cela.
Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue Yannick Monnet. Les personnes en situation irrégulière sur le territoire ont droit aux soins. Qui plus est, il faut absolument traiter certaines maladies graves et contagieuses qui reviennent de l'étranger, par exemple la tuberculose. Si ces personnes n'ont pas accès aux soins, elles risquent d'en contaminer d'autres. Cela coûtera bien plus cher par la suite.
Je suis absolument contre cet amendement que le Rassemblement National ne renierait pas, puisqu'il s'agit de réduire les droits des étrangers. En outre, il porterait atteinte à la santé publique. Permettre à tous de se soigner, quelles que soient leurs ressources, c'est protéger la population générale. On entonne ici une vieille antienne : les étrangers seraient des profiteurs. Nous nous refusons à accréditer cette idée et la mesure irait à l'encontre de nos objectifs de santé publique.
Je ne veux pas polémiquer, mais pas non plus tomber dans la caricature. Nous n'avons jamais dit qu'il ne faut soigner personne. Quant aux maladies infectieuses, tout le monde est d'accord pour les traiter pour éviter la contamination.
Tout de même, nous avons tous constaté ces situations, ne dites pas qu'elles n'existent pas : des personnes en situation irrégulière et n'ayant pas forcément les papiers adaptés profitent d'un système auquel ils n'ont pas du tout cotisé alors que des retraités et leurs conjoints ont du mal à payer leurs médicaments chaque mois. La mesure que nous proposons n'est peut-être pas la solution. Mais il faut préserver la paix sociale dans notre pays. En consultation ou dans nos permanences, des gens nous disent qu'ils ont cotisé toute leur vie mais qu'ils ont un reste à charge alors que d'autres, qui n'ont jamais cotisé, se voient tout offrir. Du point de vue de l'équité, c'est incompréhensible. Ils ont un sentiment d'injustice. Si on le nie, on est dans la caricature.
Chers collègues, je vous invite à consulter le rapport pour avis que j'ai remis sur la mission Santé du projet de loi de finances pour 2020. Il traite notamment des idées reçues concernant l'aide médicale de l'État et la Puma. Toutes les réponses y figurent. Bonne lecture !
Comme l'a dit notre collègue Ségolène Amiot, les personnes qui sont en France depuis moins de six mois peuvent être atteintes d'une maladie contagieuse. En leur permettant de se soigner, on protège ceux-là mêmes que vous souhaitez soutenir, monsieur Neuder. Je suis très défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Article additionnel après l'article 24 : Expérimentation de consultations de médecins dans les zones sous-denses
Amendements identiques AS753 de M. Guillaume Garot, AS1215 de M. Thomas Mesnier, AS1247 de M. Philippe Vigier et AS1324 de Mme Monique Iborra.
L'amendement porte sur les consultations avancées. Il est issu du groupe de travail transpartisan que la commission des affaires sociales a installé pour faire émerger des solutions partagées en matière d'accès aux soins. Ses propositions sont un dénominateur commun, parfois trop peu ambitieux aux yeux de certains. Pour ma part, je suis réformiste : j'estime chaque pas en avant bienvenu.
Dans le droit fil de la création de la quatrième année d'internat pour les médecins généralistes, l'amendement AS1215 demande aux conseils de l'ordre des médecins d'organiser, territoire par territoire, la contribution de médecins installés dans une zone bien dotée à la prise en charge des patients dans une zone sous-dotée. Il s'agirait d'une expérimentation de trois ans.
L'amendement AS1247 émane de plusieurs groupes politiques. Je suis persuadé qu'elle permettra d'avancer. J'espère qu'elle recevra l'accueil le plus favorable possible.
Aux termes de l'amendement AS1324, l'État pourrait autoriser, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les conseils de l'ordre des médecins territorialement compétents à organiser obligatoirement des consultations de médecins généralistes ou spécialistes dans les zones sous-dotées.
Je suis favorable à ces amendements. Je me réjouis que le groupe de travail transpartisan, créé peu de temps avant l'examen de ce projet de loi de financement, montre une efficacité certaine. Je regrette que certains groupes politiques, pourtant probablement d'accord sur le fond, n'aient pas souhaité cosigner un amendement commun. Mais ce qui importe, c'est de progresser en matière d'accès aux soins.
J'ai dit précédemment que le conventionnement sélectif stigmatisait les jeunes médecins et qu'il fallait mobiliser l'ensemble de la profession médicale. C'est tout l'intérêt de cette mesure qui complète la création de la quatrième année d'internat pour les jeunes médecins.
Il est souvent possible – même si ce n'est pas toujours le cas – aux médecins installés, à plus forte raison s'ils exercent en cabinet de groupe, de consacrer une journée par semaine à une zone désertifiée. Ils peuvent s'organiser à plusieurs pour assurer une permanence des soins, le cas échéant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cela peut être organisé avec les CPTS et les conseils de l'ordre des médecins. On pourrait ainsi envoyer dans les zones concernées des médecins expérimentés, et pas seulement des jeunes médecins. Un médecin exercerait plusieurs années sur un territoire donné. Les patients pourraient bénéficier d'un suivi régulier, tout en étant pris en charge en cas d'urgence par un autre médecin, comme c'est le cas dans un cabinet de groupe. Il s'agit d'une mesure alternative au conventionnement sélectif. Elle est à mon avis plus crédible et réaliste, et mobiliserait toute la profession médicale.
La commission adopte les amendements.
Article additionnel après l'article 24 : Expérimentation de l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée
Amendements identiques AS1249 M. Cyrille Isaac-Sibille, AS757 de M. Guillaume Garot, AS1219 de M. Thomas Mesnier et AS1325 de Mme Monique Iborra, et amendement AS800 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune).
Je suis heureux de défendre un amendement qui rassemble plusieurs groupes de notre commission en faveur d'une avancée significative dans la relation entre médecins et infirmiers, attendue depuis longtemps. Si le diagnostic est de la compétence du médecin, qui a suivi une formation approfondie, les soins peuvent être effectués par d'autres professionnels de manière autonome. L'amendement vise à autoriser, à titre expérimental, les infirmiers en pratique avancée (IPA) à faire des soins sans prescription médicale dans le cadre des structures d'exercice coordonné. Nous connaissons le rôle des IPA en matière de prévention et d'éducation thérapeutique. Il est indispensable que les patients, notamment atteints de maladies chroniques, aient un accès direct à ces infirmiers.
La question de la rémunération se pose pour les IPA exerçant en libéral puisque la pratique avancée ne leur procure pas des revenus suffisants. Nous nous en remettons aux discussions conventionnelles pour y remédier.
Afin d'accroître le temps médical des généralistes et d'améliorer l'accès aux soins, la possibilité de déléguer des tâches aux IPA semble bienvenue. Je soutiens donc avec plaisir l'amendement AS1325 et les amendements identiques, qui réunissent des députés de tous bords.
Mon amendement n'est pas identique mais il propose aussi l'expérimentation d'un accès direct aux IPA dans un souci d'efficacité de la prise en charge. La loi est venue restreindre l'autonomie dont bénéficiaient ces professionnels, causant des effets négatifs – coût supplémentaire pour la sécurité sociale, difficultés d'accès pour le patient – et empêchant la pratique avancée de se développer pleinement. L'amendement a été rédigé avec l'Ordre national des infirmiers.
Il s'agit d'une mesure efficace pour améliorer l'accès aux soins. Je regrette seulement que le projet de loi de financement ne nous permette pas de la généraliser d'emblée. J'émets un avis favorable aux amendements identiques et je demande le retrait de l'amendement de Mme Dubré-Chirat.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l'amendement AS800 tombe.
Après l'article 24
Amendement AS31 de M. Thibault Bazin.
L'article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a pour objet de rembourser huit séances par an chez un psychologue. Le dispositif baptisé « Mon Psy » est destiné à aider les Français à surmonter les difficultés psychologiques que la crise sanitaire a mises en lumière. L'amendement demande au Gouvernement un rapport visant à évaluer le dispositif et à étudier la possibilité de l'étendre aux couples en difficulté.
Je souscris à l'objectif d'évaluer le dispositif mais le Printemps social de l'évaluation serait le cadre idoine pour un tel travail.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS108 de M. Jérôme Guedj.
L'amendement cherche à remédier à la difficulté à laquelle nous nous heurtons régulièrement pour mesurer les capacités hospitalières, en particulier pour connaître le nombre de lits ouverts et surtout fermés sur une période donnée. Le projet de loi de financement ne nous renseignant pas suffisamment pour garantir un suivi objectif, nous sommes tributaires des informations fournies par le ministère et les agences régionales de santé. Nous devons améliorer le pilotage de notre offre, notamment en fixant des capacités cibles pour les hôpitaux. Cette exigence correspond à notre philosophie en matière de santé publique : le système de santé doit répondre aux besoins et non s'adapter au cadre budgétaire défini par la loi de financement. Notre analyse est partagée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, selon lequel « l'enjeu principal ne réside pas dans un cadrage budgétaire toujours plus affiné, mais de plus en plus déconnecté de la réalité ».
Le rapport que nous demandons devra faire des préconisations pour créer un outil de pilotage pluriannuel de l'offre permettant aux parlementaires d'appréhender les conséquences concrètes sur le nombre de lits de l'Ondam hospitalier qu'ils votent.
Il s'agit d'un amendement d'appel. Ce que vous réclamez, il revient à la commission des affaires sociales de le faire.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS109 de M. Jérôme Guedj.
Cet amendement est le pendant du précédent pour les effectifs de l'hôpital. J'entends votre argument, madame la rapporteure générale, mais comment la commission effectue-t-elle et diffuse-t-elle ce travail ? Le rapport que nous demandons doit évaluer le pilotage des postes vacants et de l'absentéisme, mais aussi examiner les conséquences qui peuvent en être tirées en matière de qualité de vie au travail, de rémunération, d'allocation des ressources humaines sur le territoire, de mobilité, de logement, de garde d'enfants, etc.
Je connais déjà votre réponse. Mais de quelles informations la commission dispose-t-elle sur les capacités d'accueil et les ressources humaines des hôpitaux pour éclairer le débat ?
En modifiant la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, nous avons renforcé le rôle du Printemps social de l'évaluation. Nous aurons désormais plus de temps et d'informations pour mener à bien notre travail d'évaluation.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS779 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS1491 de Mme Caroline Fiat (discussion commune).
Je demande un rapport sur les maisons de naissance que la loi de financement pour 2021 entendait développer. Il s'agit d'évaluer l'efficacité des mesures prises, en particulier pour renforcer l'accès aux soins.
L'an dernier, le projet de loi de financement a consacré ces maisons de naissance. Nous voudrions en avoir un bilan, face aux maternités. Nous saurons ainsi qui avait raison dans le débat l'année dernière.
L'objet du rapport demandé est particulièrement intéressant, et particulièrement adapté au Printemps social de l'évaluation, renforcé considérablement l'an dernier grâce au travail de notre collègue Thomas Mesnier. Nous devons nous saisir de cet outil.
L'un n'empêche pas l'autre. Les rapports du Gouvernement sont souvent plus documentés. Je maintiens l'amendement.
Saisissons-nous du Printemps social de l'évaluation. Cela renforce les prérogatives de la commission et conforte son rôle. Nous pouvons aussi relancer les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, qui est un autre lieu approprié pour le travail que vous souhaitez.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 25 : Encadrer l'intérim médical et paramédical en établissement de santé
Amendement AS12 de M. Jérôme Guedj.
L'article 25 va dans le bon sens puisqu'il s'attaque de manière résolue au recours à l'intérim, dont un rapport du député Olivier Véran en 2013 avait souligné les effets préjudiciables sur les finances de la sécurité sociale – plus de 500 millions d'euros à l'époque. En 2018, selon les estimations de la direction générale de l'offre de soins, le coût avait triplé pour atteindre 1,4 milliard d'euros. La rémunération pour des missions le samedi et le dimanche dans certaines spécialités peut atteindre des montants choquants.
Pour pouvoir être embauché en tant qu'intérimaire dans les établissements de santé, l'article 25 impose d'avoir exercé pendant une durée minimale dans un cadre autre qu'un contrat de mission. Vous envisagez une durée de deux ans. Je présente une série d'amendements visant à déplacer le curseur pour trouver la bonne durée – je reconnais le caractère maximaliste de certaines de mes propositions.
Si le recours à l'intérim est aussi important, c'est que les conditions de travail et de rémunération dans les établissements de santé ne sont pas motivantes. Une partie des professionnels préfèrent donc la souplesse et les revenus de l'intérim. Nous devons nous attaquer aux racines du mal. Si le recours à l'intérim est pertinent dans certains cas, dans d'autres il représente un dévoiement du système.
Votre amendement vise à élargir l'interdiction prévue par l'article 25 aux établissements médico-sociaux. J'y suis à titre personnel très favorable. Cependant, je vous suggère de le retirer au profit de l'amendement AS1651 que j'ai cosigné avec notre collègue Caroline Janvier, rapporteure pour la branche autonomie, dont la rédaction est meilleure.
En attendant qu'il arrive en discussion, je donne une précision : entre 2000 et 2021, le recours à l'intérim a plus que doublé dans les établissements de santé, et il a été multiplié par dix dans les établissements médico-sociaux.
Mes amendements visent à moduler soit les établissements concernés, soit la durée d'exercice. L'amendement AS13 est maximaliste, je le reconnais, puisque son objet est d'interdire purement et simplement le recours à l'intérim dans les établissements pour personnes âgées et pour personnes en situation de handicap. On peut admettre le recours à l'intérim en établissement de santé dans lequel le séjour est limitée à quelques jours ; l'interlocuteur est souvent le même pendant cette courte période. Mais en établissement médico-social, les rotations de personnel et le recours excessif à l'intérim sont en contradiction avec le projet même de l'établissement, qui repose sur une connaissance de la personne. L'intérim, aussi encadré soit-il, est incompatible avec la nature de l'établissement. L'accompagnement, la prévention et la lutte contre l'isolement ne peuvent pas être le fait de personnes qui vont d'un établissement à un autre sans connaître les résidents.
Vous me rétorquerez que cela risque de créer d'énormes difficultés. Mais soyons exigeants ! Fixons-nous l'objectif d'une interdiction totale à moyen ou long terme de l'intérim pour lutter contre le changement incessant des personnels, responsable de la maltraitance systémique à l'égard des personnes âgées.
Nous sommes régulièrement saisis dans nos circonscriptions des problèmes posés par les remplacements. Dans le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, nous avons adopté une disposition visant à prolonger l'expérimentation du contrat à durée déterminée multi-remplacement, lequel pourrait apporter une réponse en encourageant la stabilité et la fidélité des employés dans le secteur médico-social.
Je soutiens l'amendement. L'intérim doit être encadré. Peut-être faut-il aller jusqu'à confier sa gestion à une structure publique. Les mesures prises jusqu'à présent n'ont pas réussi à freiner son développement. Il est désolant de constater que cette pratique est si attractive alors qu'elle ne répond pas à nos besoins et qu'elle est très coûteuse pour la sécurité sociale. Je suis favorable à une régulation plus forte.
Le mieux n'étant pas l'ennemi du bien, je maintiens l'amendement. Je suis néanmoins disposé à travailler avec notre collègue Caroline Janvier sur une rédaction consensuelle.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS9, AS10, AS11 et AS8 de M. Jérôme Guedj, amendement AS189 de M. Yannick Neuder (discussion commune).
Je rappelle la philosophie qui inspire nos amendements, qui peuvent sembler dilatoires tant ils sont drastiques – par exemple, l'amendement AS9 pose une condition d'exercice de vingt ans avant de pouvoir faire de l'intérim.
Je ne plaide pas pour l'interdiction de l'intérim à l'hôpital, même si elle peut être légitime dans le secteur médico-social pour les raisons que j'ai évoquées. En revanche, je vous invite à vous interroger sur la durée minimale d'exercice préalable qui devrait être retenue. Les deux années proposées sont-elles suffisantes ? En faut-il quatre, six, dix ? En tout état de cause, nous devons nous attaquer aux racines du mal, ce qui passe par des mesures sur la qualité de vie au travail et les rémunérations des professionnels dans les hôpitaux.
Mon amendement poursuit le même but. Toutefois, il ne faudrait pas faire disparaître l'intérim : il peut être utile en cas de maladie ou d'accident dans une équipe. Ce qui pose problème, c'est quand il devient le mode de fonctionnement habituel. Nos propositions doivent être équilibrées. Il faut combattre l'intérim qui fait exploser les coûts et sape le fonctionnement de services hospitaliers ou médico-sociaux, mais aussi faire en sorte qu'il y ait d'autres voies bien rémunérées au sortir des études.
La loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi « Rist », a prévu un plafonnement de la rémunération, pas complètement mis en application. Nous devons agir sur la durée d'exercice requise avant de pouvoir travailler en intérim. Mon amendement prévoit une durée de trois ans, qui correspond à celle de l'assistanat ou du clinicat dans les hôpitaux. Aujourd'hui, certains internes refusent des postes d'assistant chef de clinique pour lesquels on se battait il y a quelques années ; ils se comportent en mercenaires, préférant faire de l'intérim en ville. La durée de trois ans aurait pour vertu de redonner de la valeur aux choses.
Les ordres professionnels se concertent en ce moment même pour définir une durée. Doit-elle d'ailleurs être identique pour chaque profession ? Je suis défavorable à ce que nous inscrivions cette durée dans la loi.
L'intérim médical pose la question du rôle du Parlement : même lorsqu'il décide une mesure, elle n'est pas toujours appliquée. Vous êtes bien placée pour le savoir, madame la rapporteure générale. Si l'intérim permet de pallier certaines absences, il conduit à des rémunérations délirantes et à une mise en concurrence des établissements de santé. Cela pénalise le citoyen, le contribuable et le patient. Bref, rien ne va : c'est pourquoi le Parlement doit agir.
Inscrire une durée pourrait éviter que les jeunes médecins ne soient tentés par l'intérim, si rémunérateur, alors que les décrets d'application de la loi « Rist » ont été reportés et que des contrats illégaux perdurent. Il faut une régulation forte, dès la source, c'est-à-dire dès la loi, sans attendre une potentielle discussion à venir. Le législateur doit exercer son pouvoir. C'est pourquoi il faut fixer dès maintenant une durée, même si l'on peut débattre de celle qui est pertinente.
Je regrette que la loi votée il y a un an et demi ne soit pas appliquée. Avec la crise sanitaire, l'urgence était sûrement ailleurs. Le ministre de la santé et de la prévention s'est engagé à ce qu'elle le soit au printemps 2023, en même temps que le présent article, si nous le votons.
Les ordres se concertent, madame la rapporteure générale ? Mais alors qui décidera pour les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture, qui n'ont pas d'ordre ? Je préfère que ce soit le Parlement.
Dans un temps lointain, il existait des pôles de remplacement dans les hôpitaux avec des « volantes ». Mais nos emplois se sont dégradés ; nos collègues ont démissionné ; il manque du personnel dans les services. Les pôles de remplacement ont disparu car leurs effectifs servent à combler les trous ailleurs.
Je voterai les amendements mais il faudra trouver une solution pour que les gens aient à nouveau envie d'exercer ces métiers du soin, les plus beaux métiers du monde, et que les pôles de remplacement réapparaissent – les ratios pourraient être cette solution.
Nous avons beaucoup parlé de l'intérim médical lors de la précédente législature, et nous attendons ce décret d'application. On voit de véritables mercenaires dans nos établissements, notamment chez les urgentistes. Certains médecins vont au plus offrant. Dans les auditions, ils expliquent qu'en travaillant dix jours par mois, ils gagnent beaucoup plus que tous les autres. Ce n'est pas acceptable. Je suis favorable à l'amendement de notre collègue Yannick Neuder, qui permettra d'éviter que les jeunes sortis d'études ne prennent goût à ce mercenariat.
Les établissements ont commencé à réfléchir à l'application de la loi « Rist ». Dans ma circonscription, un hôpital de proximité emploie de nombreux intérimaires : le plafonnement unilatéral et uniforme de leur rémunération, que ce soit à Lille ou à Paray-le-Monial, a entraîné des démissions qui ont sérieusement mis en cause le fonctionnement des services, notamment d'urgence, à Noël. Je suis certes favorable à un plafonnement car un dumping s'est installé, mais une application unilatérale à tous les territoires, favorisés ou défavorisés, pose un problème grave.
Il peut être périlleux de fixer une date dès à présent, sans étude d'impact. Le secteur médico-social rencontre des difficultés en matière de personnel : se précipiter pourrait avoir de lourdes conséquences.
L'amendement AS1651 qu'a évoqué la rapporteure générale ne mentionne pas une durée précise. Il renvoie à un décret, ce qui permet d'attendre les concertations avec les syndicats.
Monsieur Delaporte, je ne suis pas favorable à une loi bavarde. Trop de précision dans nos lois, parfois d'un niveau réglementaire, est source de complexité administrative. Cela rigidifie les discussions et compromet la bonne application des principes qui, eux, ont vocation à être définis dans la loi. Nous devons veiller à nous placer au bon niveau, celui des principes et des objectifs que nous partageons s'agissant de l'intérim médical.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1386 de M. Philippe Juvin.
L'amendement vise à compléter l'alinéa 4 par une phrase sur les montants de rémunération des médecins intérimaires, qui doivent être déterminés avec tact et mesure. La notion figure dans le code de déontologie médicale pour les honoraires, mais pas pour les salaires. Je précise que le montant maximal des rémunérations sera fixé annuellement, dans chaque département, par l'ARS, après avis consultatif des représentants des commissions médicales d'établissement des établissements de santé du département et des associations d'élus locaux.
Il ne faut pas généraliser : l'ensemble des médecins qui font de l'intérim ne bafouent pas les principes de tact et mesure. Mais cela existe et une différenciation selon les départements ne pourra qu'inciter les mercenaires à opter pour le département où ils seront le mieux payés. Au contraire, il faut agir dans tout le pays en même temps et à une date unique. Ce ne sera pas possible autrement. J'entends les inquiétudes des directeurs d'établissement, notamment les plus fragiles, mais c'est justement s'il n'existe nulle part de meilleure offre que les professionnels accepteront la leur.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS14 de M. Jérôme Guedj.
Vous posez le principe d'une interdiction de l'intérim mais sans aucune sanction ni dispositif de contrôle. C'est un coup d'épée dans l'eau ! En cohérence avec notre volonté de réguler, d'encadrer et d'interdire le recours à l'intérim dans certaines situations, il faut prévoir une sanction. Tel est l'objet de cet amendement, qui renvoie au décret le soin d'en définir les modalités.
Vous voulez ajouter que le décret prévu comprendra des sanctions. Cela me semble évident, mais si c'est ce que vous souhaitez, je donne un avis de sagesse. Tout manquement à une obligation que nous posons doit avoir une conséquence.
L'interdiction vise les agences d'intérim. Le Gouvernement a-t-il fourni des éléments sur les possibilités de contourner l'article 25 par des contrats de gré à gré ? C'est la principale limite de ce texte.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS47 de M. Jérôme Guedj.
Il convient de préciser les modalités de surveillance du dispositif en confiant au directeur de l'ARS le pouvoir de vérifier que les agences d'intérim médical et paramédical proposent bien des intérimaires ayant préalablement exercé en établissement pendant une durée minimale.
J'y suis défavorable. On imagine la difficulté de contrôler chaque contrat, songez à leur nombre ! Il faut plutôt responsabiliser les structures qui utilisent l'intérim.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS13 de M. Jérôme Guedj.
Il s'agit d'étendre l'encadrement de l'intérim aux établissements recevant des personnes âgées en perte d'autonomie et des personnes en situation de handicap. Avec cet amendement couplé à celui de la rapporteure générale et de Mme Janvier qui pose une condition de délai, nous afficherons clairement notre volonté en matière d'intérim médical et paramédical.
Avis défavorable.
Pour lever toute ambigüité, notre amendement proposera d'étendre l'interdiction de l'intérim au secteur médico-social ; il n'inclura pas de délai.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1651 de Mme Stéphanie Rist et AS1397 de Mme Laurence Cristol, amendements AS1329 de Mme Annie Vidal et AS1254 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).
Mon amendement ne précise effectivement pas la durée d'exercice minimale pour pouvoir faire de l'intérim. Il la renvoie à un décret pris après discussion avec les acteurs. Cela permettra de calibrer la durée en fonction des difficultés de recrutement du secteur et des échanges avec les syndicats.
Mon amendement vise à étendre l'article 25 à l'encadrement de l'intérim des jeunes professionnels dans les établissements et services à domicile. C'est un enjeu de stabilité des équipes et de coût pour les établissements et services, donc de qualité de prise en charge des personnes âgées. Toutefois, je prends acte que l'amendement de nos collègues Stéphanie Rist et Caroline Janvier couvre exactement le même champ et je retire le mien.
Je porte un amendement du groupe Renaissance qui vise aussi à étendre les dispositions de l'article 25 aux établissements sociaux et aux services médico-sociaux, avec un dispositif un peu différent.
Mon amendement a également pour objectif d'étendre ce qui est prévu au secteur médico-social.
Cela semble une bonne mesure mais les raisons du recours à l'intérim ne sont pas partout les mêmes. Dans le secteur médical, il y a une pénurie de médecins ; dans le médico-social, c'est le niveau des salaires qui pose problème. Il faudrait relever les montants avant de limiter le recours aux intérimaires.
J'appelle aussi votre attention sur les effets d'aubaine qui apparaissent dans la médecine libérale. Certaines collectivités territoriales font de la surenchère à l'installation. Il faudrait qu'un dispositif limite les avantages réclamés – voiture, local, logement, emploi pour le conjoint… Certaines demandes sont licites mais les collectivités n'ont pas toutes les moyens de suivre.
Nous voterons ces amendements sur les intérimaires. Mais les renforts sanitaires, eux, sont toujours sur le terrain, prêts à répondre aux alertes, alors qu'ils gagnent très peu. Les rémunérer davantage éviterait le recours à l'intérim, mais je ne peux déposer un amendement en ce sens sans me heurter à l'article 40.
La rémunération est en effet un enjeu. Certains Ehpad ou grands hôpitaux, y compris au sein de la fonction publique, cherchent à débaucher les médecins coordonnateurs de petites structures pour répondre à leurs propres besoins.
Le groupe Socialistes et apparentés soutient ces amendements qui s'inscrivent dans le droit-fil du mien, qui prévoyait en plus un délai. Pour l'examen en séance publique, il serait intéressant que le dispositif de sanction pour le secteur médico-social figure aussi dans le décret.
L'amendement AS1397 est retiré.
La commission adopte l'amendement AS1651.
En conséquence, les amendements AS1329 et AS1254 tombent.
La commission adopte l'article 25 modifié.
Après l'article 25
Amendement AS106 de M. Jérôme Guedj.
Cet amendement de repli vise à limiter l'exercice de la médecine intérimaire à six mois par période de cinq ans et vingt-quatre mois dans les zones sous-denses. Compte tenu des échanges que nous venons d'avoir, nous le retirons.
L'amendement est retiré.
La réunion s'achève à treize heures.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. José Beaurain, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Mesnier, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry
Assistaient également à la réunion. – Mme Ségolène Amiot, Mme Danielle Brulebois, M. Guillaume Garot, M. Loïc Kervran, M. Frédéric Mathieu