La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a débattu, en application de l'article 148 du Règlement, sur la pétition (n° 1999) « Abandon du projet d'autoroute Toulouse Castres A69/A680 » .
(Mme Huguette Tiegna, rapporteure)
Nous sommes réunis pour débattre, en application de l'article 148 du règlement, d'une pétition sur l'abandon du projet d'autoroute A69 prolongée par la bretelle A680, afin de relier Toulouse à Castres.
Le 20 décembre dernier, notre commission a décidé de ne pas procéder au classement de cette pétition, qui a recueilli à ce stade un peu plus de 51 000 signatures.
Cette réunion permettra d'évoquer, sur le fond, le sujet de l'autoroute A69. La rapporteure, Mme Huguette Tiegna, a procédé à plusieurs auditions qui étaient ouvertes à l'ensemble des commissaires. Elle pourra ainsi tout d'abord nous apporter des éléments d'éclairage, puis nous en viendrons au débat proprement dit.
Enfin, cette réunion donnera lieu à l'établissement d'un rapport constitué de la reproduction du texte de la pétition et du compte rendu de notre discussion. Il ne s'agira donc pas de voter pour ou contre la pétition ou l'autoroute A69, même si le débat permettra bien entendu à chacun de faire connaître sa position.
C'est la première fois que nous mettons en œuvre cette procédure. Quoi que l'on pense du dossier, on peut se réjouir que nous débattions d'un sujet proposé par des citoyens. Cela participe de notre volonté de lier démocratie participative et représentative.
Mon intervention a pour objet de vous livrer les éléments essentiels à nos échanges.
Après notre réunion du 20 décembre dernier, j'ai procédé à des auditions, auxquelles ont participé plusieurs collègues et collaborateurs. Par respect pour le droit de pétition, le collectif La Voie est libre, premier signataire, a été auditionné en premier le 8 janvier dernier.
Le droit de pétition est un usage très ancien, qui remonte au Moyen-Âge et que la Révolution française a défini comme un droit imprescriptible. Même dans un système de démocratie représentative, il a toujours été nécessaire de disposer de canaux de dialogue direct entre élus et citoyens – et la pétition en est un. Cela ne retire rien à la légitimité des élus, nationaux ou locaux, qui provient du suffrage universel et dont le mandat s'exerce en permanence en écoutant nos concitoyens. Cela ne retire rien non plus à la liberté de décision des parlementaires, puisque l'article 27 de la Constitution prévoit que tout mandat impératif est nul.
Réciproquement, l'exercice du droit de pétition ne peut dispenser les citoyens de respecter le cadre institutionnel et les procédures qui conduisent les autorités publiques à prendre leurs décisions. Et dans le cas de l'autoroute A69, toutes les procédures légales ont été respectées, et les procédures judiciaires ont suivi leur cours.
J'aurais pu m'arrêter à la première audition dans le cadre de l'article 148 de notre règlement, mais j'ai souhaité la compléter pour mieux comprendre ce dossier.
Sur proposition du collectif, nous avons auditionné Mme Valérie Masson-Delmotte, climatologue, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et du Haut Conseil pour le climat, le collectif Lauragais sans bitume, ainsi que M. Jacques Thomas, expert en génie écologique, qui a fortement critiqué le dossier de la concession en ce qui concerne les zones humides touchées par le chantier.
J'ai également entendu la société Atosca, concessionnaire autoroutier, ainsi que des élus locaux, à savoir M. Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie, en charge des mobilités et des infrastructures de transports, M. Jean-Marc Balaran, maire de Sainte-Croix et président de l'association des maires du Tarn, ainsi que M. Jacques Oberti, maire d'Ayguesvives et président de l'association des maires de Haute-Garonne. Les présidents des conseils départementaux de Haute-Garonne et du Tarn, MM. Sébastien Vincini et Christophe Ramond, ont également été sollicités et ont rappelé par écrit leur position – connue dans les deux cas de longue date. Il en a été de même pour M. Michel Bossi, président de la chambre de commerce et d'industrie du Tarn et pour M. Maxime Lacoste, conseiller municipal de Saint-Sulpice-la-Pointe, au nom d'élus locaux opposés à l'autoroute.
J'ai enfin convié les quatre principaux syndicats agricoles et deux ont répondu à mon invitation – la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la Confédération paysanne.
L'A69 est un projet très ancien d'aménagement du territoire, puisqu'il remonte à 1994. L'objectif est de dynamiser le bassin de population et d'emploi de Castres et de Mazamet. L'idée d'origine était d'élargir à deux fois deux voies la route nationale 126 assurant la liaison entre Toulouse et Castres. Mais elle a été écartée en 2010 et il a été choisi de recourir à une autoroute concédée, privée et à péage. Il s'agit donc d'un projet conduit par l'État, qualifié de priorité nationale en mars 2019 par Mme Élisabeth Borne, alors ministre des transports.
Le dossier a franchi les différentes étapes de sa procédure. De la fin de 2016 à mars 2023, sont intervenus l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, la procédure d'attribution de la concession autoroutière, l'avis favorable de l'Autorité de régulation des transports (ART) au contrat de concession, le décret approuvant le contrat de concession, l'enquête publique au titre de l'autorisation environnementale et la délivrance de celle-ci.
Les travaux ont commencé et ils emploient près de 400 personnes. La pétition porte donc sur un chantier en cours et non sur un projet. La moitié des ouvrages d'art, il convient de le rappeler, sont déjà réalisés et la mise en service de l'autoroute est programmée pour la fin de 2025.
Une première conclusion s'impose : la question de l'A69 n'est pas juridique, dans le sens où toutes les procédures ont été respectées et les recours judiciaires ont suivi leur cours. Elle est politique et porte sur l'utilité du projet.
J'en viens à la pétition et aux différentes positions que j'ai recueillies lors des auditions. Les pétitionnaires considèrent que l'A69 est un projet d'un autre âge, dommageable sur plusieurs points. En matière environnementale, l'A69 porterait une atteinte sérieuse aux équilibres écologiques en raison de l'artificialisation des sols et des conséquences sur les zones humides ainsi que sur le cycle de l'eau. Pour les pétitionnaires, le projet est en outre inutile au regard des prévisions de trafic à moyen et long terme et du faible gain de temps qu'il induit pour les usagers. Le coût prévisionnel des péages sera très élevé et hors de portée pour la majorité de nos concitoyens. Enfin, selon les pétitionnaires, ce projet d'autoroute repose sur une vision erronée et anachronique de ce que doivent être les politiques d'aménagement du territoire, d'infrastructures et de mobilité, compte tenu des enjeux de sobriété énergétique, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'érosion de la biodiversité et de limitation de l'artificialisation des sols.
Cette position a été reprise par Mme Valérie Masson-Delmotte, qui a estimé que ce projet date d'une période où plusieurs des impératifs écologiques sur lesquels notre commission travaille n'avaient pas l'importance qu'ils ont désormais.
Lors de leur audition, les pétitionnaires ont mis en avant d'autres volets de ce projet, comme les difficultés des agriculteurs à être indemnisés et l'absence de dialogue avec les pouvoirs publics. Ils ont souhaité que la population soit consultée par référendum.
Sur ce dernier point, je précise que le deuxième alinéa de l'article 72-1 de la Constitution ne peut s'appliquer à l'A69, qui est un projet d'État. Une collectivité territoriale peut recourir au référendum local, mais uniquement sur une affaire relevant de sa compétence, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans un arrêt de 1994.
L'avis des pétitionnaires du collectif La Voie est libre a été complété par celui d'un autre collectif, Lauragais sans bitume, qui a attiré notre attention sur les enjeux globaux de santé publique liés au chantier, à la présence de deux centrales a enrobé, au trafic routier et au report de trafic.
J'en viens à l'avis des présidents d'associations d'élus locaux. Ils se sont prononcés à la marge sur la pétition, car ils estimaient ne pas avoir de mandat de leur association pour le faire. En revanche, ils ont donné leur avis sur le projet d'autoroute et il m'apparaît qu'une majorité claire d'élus est en faveur de celui-ci. Mais majorité ne signifie pas unanimité. Plusieurs élus sont réservés ou opposés à ce projet. Cette situation n'a rien de surprenant : je connais peu de projets publics d'aménagement qui suscitent l'unanimité.
Comme nous l'a indiqué M. Jean-Luc Gibelin, vice-président en charge des mobilités et des infrastructures, la présidente de la région Occitanie a fait état à plusieurs reprises de son accord avec le projet, afin de rééquilibrer le territoire régional.
Il m'a semblé que la position de la région correspondait à un choix de raison, car aucune alternative n'apparaît envisageable. Le coût de la modernisation et du doublement de la ligne ferroviaire entre Toulouse et Castres est évalué à 1,1 milliard, et l'État n'est pas disposé à dégager une telle dotation.
Le président de l'association des maires du Tarn nous a rappelé que 1 000 élus, maires ou conseillers municipaux – sur les 4 000 que compte le département – avaient signé une motion en faveur de l'autoroute, ce que l'on peut considérer comme significatif.
Dans sa contribution écrite, le président du conseil départemental du Tarn considère que l'autoroute est attendue par une majorité d'habitants et par les acteurs économiques, et qu'elle constitue « une absolue nécessité ».
L'avis du président du conseil départemental de Haute-Garonne est différent. S'il ne souhaite pas remettre en cause les engagements de son prédécesseur, il indique que la Haute-Garonne, partenaire financier minoritaire du projet avec 0,08 % du total, n'y consacrera pas un centime de plus. Surtout, il appelle l'État à écouter les scientifiques et à s'interroger de nouveau sur la pertinence d'un projet conçu il y a trente ans. Il considère que l'on peut se poser cette question pour ce type d'infrastructure au vu du défi climatique.
Enfin, dans sa contribution écrite, la chambre de commerce et d'industrie du Tarn nous a fait part de son soutien constant et très ferme à ce projet.
Telles sont en résumé les positions des élus locaux et consulaires. Nos collègues de Haute-Garonne et du Tarn présents dans cette commission ont naturellement toute liberté d'infirmer mes propos, mais je ne pense pas avoir trahi l'esprit des auditions ou la lettre des contributions écrites.
Je n'oublie pas les agriculteurs. Les compensations pour inclusion d'emprise ne sont pas encore réglées, faute de constitution par anticipation de réserves foncières suffisantes – point que la chambre d'agriculture avait mis en avant en 2021. Le règlement des dossiers pourrait encore prendre plusieurs années, même si le nombre de contentieux est très réduit. L'A69 concerne 158 exploitations en séparant en deux des terrains ou en reconfigurant leurs limites, et certaines situations sont difficiles à vivre.
J'ai essayé de résumer en quelques minutes plus de onze heures d'auditions, ce qui m'a conduit à simplifier à l'extrême leur teneur, parfois très technique – comme en matière d'hydrologie ou de terrains agricoles.
Deux éléments centraux se dégagent pour notre débat. Tout d'abord, la pétition vise à créer un rapport de force politique contre un équipement qui a franchi toutes les étapes juridiques. Débattre de la pétition conduit en fait à débattre de l'utilité de l'A69. On ne peut en revanche remettre en cause les procédures, qui se sont régulièrement déroulées.
Le second élément concerne le fonctionnement de la démocratie représentative. L'État a fait un choix ; les procédures administratives et judiciaires ont été respectées ; une majorité d'élus locaux se prononcent en faveur du chantier et avancent comme motivation première leur fort attachement à une décision prise démocratiquement. À défaut, toute contestation ou pétition peut remettre en cause un projet et rendre inopérant le rôle des élus. Cela n'empêche pas ces derniers de s'interroger sur l'adaptation au monde actuel des procédures d'enquête publique et de consultation des citoyens. C'est un point sur lequel le président de l'association des maires de Haute-Garonne a beaucoup insisté et il s'agit sans doute d'un objet de réflexion pour notre commission.
Le sujet de l'A69 n'est pas clos à l'Assemblée nationale puisqu'une commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet va prochainement commencer ses travaux.
J'ai conscience que notre débat va frustrer les pétitionnaires puisqu'il ne sera procédé à aucun vote, ni sur la pétition, ni sur l'A69. Une pétition a pour rôle essentiel d'attirer l'attention mais, telles que sont conçues nos institutions, c'est bien aux élus que revient la décision.
Je remercie la rapporteure pour la qualité de l'organisation de ce débat et le cycle d'auditions qu'elle a mené. Je m'associe à ses conclusions, qui reflètent l'ensemble des auditions. Je regrette que les collègues qui étaient censés représenter les opposants à l'autoroute A69 y aient très peu participé, ce qui est un peu dommage pour le débat.
Comme le président l'a rappelé, notre démarche est inédite. Elle est aussi quelque peu baroque. Il ne s'agit pas de se prononcer sur la poursuite de l'A69 : ni cette commission ni l'Assemblée elle-même ne sont compétentes pour cela. Il ne s'agit d'ailleurs plus d'un projet mais bien d'un chantier.
Les auditions ont permis de prouver, s'il en était besoin, que les élus et les forces vives du territoire du sud du Tarn sont unanimes pour défendre cette autoroute. Nous avons entendu l'association des maires, les chambres consulaires ainsi que les représentants des agriculteurs. Si 158 exploitations sont concernées, il y a seulement trois contentieux – ce qui montre que le concessionnaire a fait le nécessaire en amont, avec les chambres d'agriculture, pour indemniser correctement.
S'agissant de l'impact environnemental du projet, une procédure pour faire annuler l'autorisation environnementale est en cours devant la justice administrative. Mais il nous a été rapporté que le projet est exemplaire tant en ce qui concerne les zones humides que la plantation d'arbres.
Le chantier est bien avancé et 50 % des crédits ont été engagés. Il s'agit d'un projet de territoire destiné à désenclaver le sud du Tarn pour en améliorer l'attractivité, et la réalisation de cette infrastructure autoroutière doit se poursuivre dans la sérénité.
Les auditions ont été intéressantes, mais nous réaffirmons la nécessité de respecter la décision publique et la primauté de la démocratie représentative sur la démocratie participative.
Ceux qui s'opposent à cette autoroute ont dit que le dialogue n'avait pas eu lieu avant que le chantier commence. Il faut rappeler que des travaux de consultation ont eu lieu en amont, avec 500 réunions publiques. La dernière enquête publique a donné lieu à 6 300 observations et à 3 800 contributions.
Les opposants à l'A69 ont présenté un sondage selon lequel une majorité des habitants de la Haute-Garonne et du Tarn seraient contre ce projet. On peut leur objecter que le sondage réalisé par Odoxa en mars 2023 montre que 75 % de la population du Tarn est pour. Il a également été rappelé que les acteurs économiques y sont très largement favorables.
Lors d'une réunion de la commission des finances, Mme Delga a indiqué en réponse à la question d'une députée qu'elle était favorable au projet car la communauté d'agglomération Castres-Mazamet souffrait d'un retard en matière d'infrastructures que le ferroviaire ne pouvait pas pallier. Pour des raisons techniques, on ne peut pas avoir sur la ligne avec Toulouse la même cadence que celle de la ligne Albi-Toulouse. Les travaux nécessaires s'élèveraient à 1,1 milliard.
Nous avons surtout parlé du volet environnemental, au sujet duquel je rappelle que 87 millions vont être investis par le concessionnaire et les différents intervenants. Les arbres coupés vont être remplacés par cinq fois plus d'arbres. Le développement du covoiturage sera favorisé grâce à deux aires de covoiturage mises en place en plus des quatre prévues par le concessionnaire. Pour ceux qui ne souhaitent pas emprunter l'autoroute, le passage au milieu de villages pose certes des problèmes mais des aménagements sont annoncés dans le village de Puylaurens. Une véloroute et une voie verte de soixante kilomètres vont être créées. Les surfaces de zones humides recréées seront plus vastes que celles qui seront touchées.
Le seul argument valable contre le chantier concerne la pollution engendrée par les deux installations mobiles de fabrication d'enrobé, qui posent effectivement un problème.
Le projet de l'A69 a réussi à faire l'unanimité de plus de 2 000 scientifiques contre lui, dont des spécialistes du Giec. Cela fait des années que je suis ce dossier et je croyais en connaître toutes les absurdités. Eh bien grâce aux auditions organisées par la rapporteure, j'en ai découvert de nouvelles.
Saviez-vous que, pour l'étude des zones humides, seulement un quart du protocole annoncé a été suivi et surtout qu'il repose sur un postulat erroné quant à l'origine de ces zones ? Ce n'est pas du tout exemplaire, monsieur Terlier. Résultat : sur 55 hectares de zones de compensation, seulement 11 pourraient servir à une restauration. Et, du fait de l'erreur d'analyse de départ, cela ne fonctionnera même pas. La compensation sera donc égale à zéro. Et je ne parle même pas des arbres centenaires qu'on prétend remplacer par des arbustes.
Saviez-vous également que si les promoteurs de l'A69 n'ont que le mot « désenclavement » à la bouche, l'activité agricole, elle, va bien être enclavée par l'autoroute ? Plus de 300 hectares de terres agricoles fertiles artificialisées. Le travail du sol de toute une vie détruit. Des parcelles démembrées. Le risque de sécheresse accru. Le transport et la circulation des engins ralenti et compliqué.
Alors que les agriculteurs de tout le pays viennent de nous hurler leur colère, ce projet les a, lui aussi, méprisés au bénéfice de quelques intérêts économiques privés.
Et aucune alternative à cette catastrophe n'a été étudiée sérieusement, madame la rapporteure. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'Autorité environnementale dans son rapport.
Il y a déjà dix ans, des élus locaux ont financé une étude sur le réaménagement de la nationale 126, que l'autoroute double littéralement. Cette étude a été balayée d'un revers de la main. L'an dernier, un incroyable travail citoyen a permis de proposer une alternative innovante et écologique. Il a lui aussi été méprisé.
Mme Delga a martelé qu'une alternative ferroviaire était impossible car elle coûterait plus de 1 milliard. Pourtant, il a été démontré il y a quinze jours que c'était faux et que 100 millions suffiraient. Cette option n'a pas non plus été réellement étudiée.
J'ai honte parce que l'aménagement du territoire devrait être enthousiasmant. Nous devrions discuter dans cette commission de projets pour soutenir la transition écologique, la préservation du vivant et l'adaptation au changement climatique. Or nous parlons d'un projet d'un autre temps, destructeur et injuste, que plus rien ne justifie si ce n'est l'entêtement des pouvoirs publics et du concessionnaire.
Gagner quelques minutes de trajet pour tant de dégâts écologiques, sociaux et même démocratiques est inacceptable. Ce projet a tout faux et notre commission devrait unanimement demander son abandon – ou au moins que l'on attende le jugement au fond, qui n'a pas encore été rendu.
Nous débattons ce matin de l'opportunité du projet d'autoroute A69 entre Castres et Toulouse – sujet qui a déjà donné lieu à de nombreux débats à l'échelle locale. Ce projet est attendu depuis de nombreuses années et il est soutenu par la présidente de région, Mme Delga, ainsi que par le président du conseil départemental du Tarn.
Mais cette autoroute n'est déjà plus un projet, puisque le chantier est désormais bien avancé. Ce débat sur un éventuel abandon de l'A69 est donc inutile, ou en tout cas bien tardif.
Il souligne aussi la lourdeur des procédures actuelles, qui portent à vingt-cinq ans la durée requise pour valider un projet d'infrastructure – sans pour autant le prémunir de remises en cause ultérieures. Le cas de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes en a été un exemple frappant, puisque le projet avait pourtant été validé par un référendum local. Ainsi, en France, un projet soutenu par une majorité peut être mis à mal par quelques opposants. On voudrait prouver l'inutilité du peuple et de ses élus qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Ce débat illustre aussi l'inefficacité de notre droit qui, croyant satisfaire les exigences environnementales, ne fait qu'alourdir la facture des projets pour un bénéfice souvent nul en matière de biodiversité. Une route est une route, et débattre de ses bienfaits pour la nature est assez démagogique. C'est à l'aune des avantages espérés pour la communauté urbaine, l'attractivité économique, le temps de trajet, la sécurité et la fluidité du trafic qu'il faut mesurer la pertinence de ces projets.
On parle aussi beaucoup de routes décarbonées. Mais encore faut-il pour cela qu'il y ait des routes dans notre pays. L'insuffisance des crédits routiers dans les contrats de plan État-région (CPER), l'abandon des routes aux régions et le recours très récurrent aux concessions privées – comme c'est le cas pour l'A69 – constituent un aveu d'échec de l'État à mettre en œuvre une politique forte pour les transports et l'aménagement du territoire. Il faut mettre un terme au dénigrement permanent de la route.
Notre groupe s'opposera donc à la demande d'abandon de l'A69 formulée par cette pétition et nous réclamons que le Gouvernement mène une politique ambitieuse pour des infrastructures de mobilité modernisées et sécurisées, car c'est une condition essentielle pour désenclaver et développer nos territoires.
L'autoroute A69 n'est pas un projet théorique ; c'est un chantier qui a débuté il y a plusieurs mois et une réalité pour tous ceux qui, comme moi, vivent dans ce territoire. Le tracé de cette autoroute borde ma circonscription et traverse Vendine, près du village où je suis né et où vit encore ma mère.
Cette infrastructure est soutenue par de nombreux élus locaux et nationaux, de tous bords. Il est approuvé par les chefs d'entreprise, les commerçants et une large majorité des habitants. On peut disserter sur les sondages, mais la réalité est que tous les élus qui soutiennent ce projet ont été élus et réélus – qu'il s'agisse des maires, des conseillers départementaux, des députés comme mon collègue Jean Terlier ou encore de la présidente de région, Carole Delga. C'est la preuve que les Tarnais et les Haut-Garonnais, qui sont concernés par cette autoroute, souhaitent qu'elle voit le jour.
Cette autoroute est parfois contestée, je ne le nie pas, mais le projet, bien qu'ancien, répond à des besoins toujours d'actualité. Il permettra de désenclaver le sud du Tarn et profitera aux habitants de Revel, au sud de ma circonscription, dont les liens avec Castres sont nombreux.
Dans les territoires ruraux et excentrés, la voiture – qui sera demain électrique – reste et restera une solution de mobilité incontournable. Et cela d'autant plus que les projets alternatifs ne sont ni viables ni réalisables. S'opposer à l'A69 revient à condamner nos territoires à une déprise économique et à accroître encore la concentration de population dans les grandes métropoles – là où vivent les gens qui contestent le projet –, au prix d'une urbanisation incompatible avec nos objectifs écologiques.
Nous avons besoin de villes moyennes fortes, qui permettent de développer l'emploi local, de maintenir les services publics et aux territoires de rester attractifs.
Le débat provoqué par cette pétition est utile et légitime. Cependant, dans un État de droit, il faut respecter les procédures. L'ensemble des recours ont été rejetés et le projet a fait l'objet de toutes les autorisations nécessaires. Les travaux ont déjà commencé et ce n'est plus le moment de s'y opposer. J'invite donc mes collègues à soutenir ce chantier de l'A69, parce qu'il correspond à un besoin, parce qu'il est soutenu par les élus locaux et les habitants et parce qu'il a été autorisé en suivant les procédures légales.
Le projet d'autoroute A69, qui vise à relier Castres à Toulouse, a suscité une opposition notable, principalement en raison de ses conséquences environnementales. Avec plus de 51 000 signataires, la pétition que nous examinons pose à notre commission la question de l'abandon de ce projet.
Que la représentation nationale et notre commission travaillent sur des sujets soumis par voie de pétition, conformément à l'article 148 du règlement, est une très bonne décision. Notre groupe salue le travail mené avec objectivité par la rapporteure depuis le 8 janvier afin d'auditionner les différents acteurs et de recueillir leur vision de ce projet.
Les différentes prises de position ont bien montré qu'une tension subsiste entre, d'une part, ceux qui considèrent que le projet répond au double enjeu de mobilité et de désenclavement de Castres et du sud du Tarn et, d'autre part, ceux qui estiment que l'impact environnemental est disproportionné.
Pour ce qui est des mobilités, il est important de rappeler que la ligne ferroviaire qui relie Castres à Toulouse ne dispose que d'une seule voie de circulation, ce qui limite fortement la fréquence des trains entre les deux villes. De plus, cette ligne n'est pas électrifiée, ce qui impose d'y faire circuler des locomotives diesel. Mettre à niveau cette voie ferrée nécessiterait un investissement dont l'évaluation diverge de manière importante selon les interlocuteurs. Il semble que le développement de l'infrastructure routière existante ne soit pas ou plus possible en raison de l'emprise foncière limitée du fait de l'urbanisation progressive au fil des années.
Du point de vue environnemental, il est évident que la construction d'une infrastructure autoroutière entraîne l'artificialisation de plusieurs dizaines d'hectares naturels et arables, mais aussi d'une modification du milieu – sans compter les aménagements ultérieurs qui pourraient poursuivre l'artificialisation des sols. Il est clair que l'avenir des mobilités et de l'aménagement du territoire ne peut plus passer par le modèle de l'autoroute, qui privilégie bitume et vitesse.
Il semble que le développement des alternatives pour désenclaver le sud du Tarn ait été balayé par l'État depuis la présidence Sarkozy. C'est regrettable. Il ne paraît pas envisageable d'arrêter le chantier de l'A69, mais la question du développement des mobilités collectives sur cette autoroute et celle des compensations, notamment des zones humides, restent posées. Ces compensations sont-elles suffisantes ? La tarification des péages est-elle satisfaisante ? Des questions subsistent sur les aménagements périphériques. Bref, changeons de paradigme en matière de mobilités et de routes.
Nous saluons, en tant que telle, l'initiative qui nous permet d'avoir ce débat, mais on peut tout de même s'interroger sur la pertinence de celui-ci, puisqu'il ne s'agit plus d'un simple projet : tout ce qui pourra être dit au sein de notre commission ne changera strictement rien, le chantier ayant été lancé, avec l'appui de l'ensemble des acteurs locaux. Faisons confiance aux élus, aux acteurs économiques et à la population, qui ont soutenu le projet, après 500 réunions publiques. Il serait difficile pour nous, qui ne sommes pas sur le terrain, d'émettre un avis.
Nous sommes naturellement très sensibles à la question de l'impact environnemental. Le contournement ouest de Strasbourg, dont le projet avait été très décrié, permet à la zone la plus dense du Bas-Rhin de s'éloigner des seuils critiques en matière de qualité de l'air et de reporter la mise en œuvre d'une ZFE – zone à faibles émissions. On voit bien la pertinence de cette infrastructure, pourtant très critiquée il y a quelques années.
Nous n'avons pas à nous prononcer sur les aménagements que les acteurs locaux ont décidé de réaliser, notamment pour désenclaver des territoires. Construire une ligne ferroviaire directe entre Castres et Toulouse aurait certainement un impact tout aussi important que de construire une autoroute. Les véritables enjeux sont la décarbonation des mobilités et la multimodalité. Les routes sont nécessaires dans nos territoires pour assurer la mobilité de toutes et de tous.
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir respecté votre engagement et de nous permettre d'avoir ce débat. Merci également à Mme la rapporteure pour les auditions qu'elle a organisées. Malgré les accusations d'instrumentalisation qui ont été formulées, par moments, dans ce cadre, nous devons réjouir que nos concitoyens se saisissent de cet outil de participation à la vie démocratique que sont les pétitions.
S'agissant du fond, peut-on nier l'absurdité environnementale et l'aberration sociale que dénonce cette pétition ? Peut-on nier, par ailleurs, la forte opposition locale à ce projet ? Assurément non.
En ce qui concerne l'absurdité environnementale, ce projet d'autoroute est un concentré des contradictions de la politique menée en matière de transition écologique et d'aménagement du territoire – je n'ai pas besoin de revenir davantage sur ce point.
S'agissant de l'aberration et même de l'injustice sociale du projet, l'argument majeur de ceux qui le défendent est qu'il permettrait de lutter contre la pauvreté. Or c'est une idée très contestable compte tenu des données de l'Insee : les villes traversées par une autoroute, comme Foix, Tarbes et Carcassonne, ont des taux de pauvreté bien plus élevés que d'autres, telles que Rodez et Auch, et c'est vrai aussi bien à l'échelle des communes directement concernées qu'à l'échelle des bassins de vie. Je tiens des études à votre disposition. Une autoroute ne garantit certainement pas une baisse de la pauvreté.
Si elle voyait le jour, l'A69 serait la deuxième autoroute la plus chère de France : un aller-retour entre Toulouse et Castres coûterait 20 euros pour les particuliers et 26,50 euros pour les véhicules utilitaires légers des artisans, et ces montants risquent d'augmenter encore avec l'inflation. Comment justifier de tels coûts pour une population qu'on peut qualifier de très modeste ? Je ne reprendrai pas les propos infamants qui ont été utilisés pour désigner les personnes vivant à Castres.
L'aberration, l'injustice sociale de ce projet, doublée de son absurdité environnementale, suscite une forte opposition locale. Une vraie question se pose donc sur le plan démocratique. Contrairement à ce que prétendent certaines personnes, comme nous l'avons constaté lors des auditions, seuls 20 % des élus du Tarn ont déclaré publiquement soutenir le projet, et l'absence de consensus ne date pas d'aujourd'hui : les maires de treize communes du Tarn situées sur le tracé de l'A69 avaient déjà constitué en 2014 un collectif d'opposants, qu'ont rejoint par la suite d'autres élus du même département et de la Haute-Garonne.
Enfin, personne, ici – j'insiste sur ce point –, n'a eu connaissance des termes précis du contrat conclu entre Jean Castex, alors Premier ministre, et la société Atosca. Ce contrat a été approuvé par le décret n° 2022-599 du 20 avril 2022, et publié au Journal officiel deux jours plus tard, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Notre groupe appelle à marquer une pause dans la réalisation de ce projet pour faire toute la lumière sur ses nombreuses zones d'ombre.
Je rappelle simplement que ce n'était pas à moi, mais à notre rapporteure, de décider quelles auditions devaient être menées dans ce cadre un peu inédit.
La pétition dont nous discutons n'ouvre pas un débat – il existe depuis la genèse du projet – mais témoigne de son intérêt public et de l'existence de certaines contradictions. Il convient, comme vous l'avez fait, monsieur le président, ainsi que Mme Arrighi, de saluer cet exercice démocratique. Présent parmi vous depuis peu, je n'ai pas pu suivre les auditions, mais je me suis penché sur ce dossier avec attention et en dehors de toute posture.
Le groupe GDR se rallie aux arguments des plus de 50 000 pétitionnaires qui dénoncent un projet d'autoroute inutile, destructeur pour l'environnement, socialement injuste et d'une utilité douteuse, en comparaison d'autres projets reposant sur davantage de liaisons de bus et de train et un réaménagement ponctuel de la RN126. Selon le rapport d'enquête publique, aucune démonstration concrète d'un impact économique favorable n'a été faite et aucune évaluation chiffrée n'a même été présentée en la matière. La commission d'enquête qui commencera ses travaux dans les prochaines semaines mettra certainement en lumière des éléments qui confirmeront ce point.
Il s'agit, quoi qu'on en dise, d'un projet destructeur pour l'environnement et sans compensation dans ce domaine. L'Autorité environnementale a émis, à l'instar du Conseil national de la protection de la nature, un avis négatif. Selon elle, « ce projet routier, initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution de l'air, d'arrêt de l'érosion de la biodiversité et de l'artificialisation du territoire et d'évolution des pratiques de mobilité ». Les opposants au projet ont reçu le soutien d'environ 1 500 scientifiques, dont dix membres du Giec et des représentants de l'IPBES – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques –, qui ont directement appelé le Président de la République à renoncer à le mener à bien.
Enfin, ce qui est prévu est socialement injuste. Il est proprement scandaleux d'inclure dans le tracé de cette autoroute payante, qui fait l'objet d'une concession, les contournements aujourd'hui gratuits de Puylaurens et de Soual, ainsi que le doublement de la route nationale, gratuite et financée sur les deniers publics, qui était prévu à l'origine. Nous réaffirmons la nécessité de construire une solution alternative à cette autoroute pour les riches, sous la forme d'un réseau de transport public moderne, incluant notamment, dans un cadre multimodal, le ferroviaire, qui est évidemment complémentaire des autres modes de transport.
J'entends les critiques à l'égard du projet d'autoroute Toulouse-Castres, tout particulièrement les inquiétudes quant à son impact environnemental. Disons tout de même que cet impact sera limité, dans la mesure du possible, par les mesures dites ERC – « éviter, réduire, compenser » – qui permettront de recréer ailleurs, sur une surface quasi équivalente, les environnements détruits.
Rappelons aussi que le projet a été décidé démocratiquement, que toutes les étapes des procédures de consultation ont été respectées et qu'une grande majorité d'élus y est favorable. Les habitants concernés et les acteurs économiques appellent également de leurs vœux la réalisation de ce projet.
La justice, quant à elle, a systématiquement confirmé son bien-fondé. J'en veux pour preuve le recours en référé qui a été soumis au tribunal administratif de Toulouse en septembre. Le 6 octobre, un jugement favorable à la construction de l'A69 a été rendu. C'était la quatrième fois que la justice se prononçait en faveur du projet.
Par ailleurs, n'oublions pas que cette autoroute permettra de recréer de l'attractivité au sud du Tarn, où vivent 200 000 personnes, dont la moitié sont installées dans le bassin Castres-Mazamet, et qu'elle est synonyme de gains de temps – vingt minutes selon les plus critiques, trente-cinq pour les plus optimistes. Quel que soit le scénario retenu, cela représente un gain notable pour qui fait le trajet régulièrement.
Parce que ce projet d'aménagement a été décidé localement et qu'il bénéficie du soutien des principaux acteurs concernés, mon groupe s'y montrera favorable. La concertation et la compensation permettent d'établir des propositions réalistes qui apportent des améliorations sans remettre en cause le principe même des travaux autoroutiers.
Je remercie tous les collègues qui se sont exprimés. Je n'ai rien à ajouter, car leurs interventions ne comportaient pas de questions et je pense que mon propos liminaire a déjà permis d'apporter un éclairage sur la pétition et le projet de l'A69.
Je rappelle d'abord que le Conseil d'orientation des infrastructures ne s'est pas prononcé sur ce projet, puisqu'il était considéré comme déjà lancé. Le message adressé par notre rapport était que la priorité devait aller aux infrastructures existantes et à leur mise à niveau.
Il me paraît compliqué d'adopter une position de principe à l'égard de ce projet. Un des paramètres essentiels pour les élus du territoire de Castres est la possibilité d'un rattachement à la croissance formidable de la métropole de Toulouse, qui est aujourd'hui une des plus fortes en France sur le plan démographique.
Je me suis posé une question en vous écoutant, madame la rapporteure, celle de la modernité de cette infrastructure, au sens de la transition de la route : quels équipements – bornes de recharge électrique sur les aires de service ou voies réservées – sont prévus ? En quoi est-ce une autoroute du XXIe et non du XXe siècle ?
Alors qu'un Français sur six ne mange pas à sa faim et que 4,2 millions de personnes souffrent de mal-logement ou d'absence de logement, le Gouvernement soutient la création d'une des autoroutes les plus chères de France. L'A69 est un projet du siècle dernier, constitutif d'un écocide et antisocial.
Je ne reviens pas sur l'écocide : Anne Stambach-Terrenoir en a parlé. S'agissant du second point, cette autoroute sera empruntée par environ 7 000 voitures par jour et ne sera pas rentable, vous le savez. Qui sont les Tarnais qui pourront l'utiliser ? Cette autoroute des riches n'existe même pas encore, mais son tarif ne cesse d'augmenter. Il est question non plus de 17 euros par aller-retour, mais de 20 euros, et cela sans compter la hausse des tarifs des péages d'autoroute qui a été actée début février.
Alors que l'inflation alimentaire et les prix de l'énergie ne cessent d'augmenter, que le revenu moyen des Tarnais est d'environ 2 000 euros et que seulement 45 % de la population locale est imposable, qui pourra emprunter cette autoroute ?
Seulement 25 % des élus du Tarn – ce n'est pas donc une majorité – sont pour ce projet. J'alerte, une fois encore, les élus locaux : quels sont leurs concitoyens qui pourront vraiment payer pour emprunter cette autoroute ?
Le projet de l'A69 ne se résume pas à la construction d'une autoroute. Cela entraînera une multiplication du passage de camions et de voitures pendant des années, y compris au beau milieu des villages, parce que beaucoup voudront éviter le péage, qui sera beaucoup trop cher. Cela signifie donc une multiplication des émissions de gaz à effet de serre et de particules fines, ainsi qu'une artificialisation rampante aux abords de l'autoroute, pour construire des zones d'activités ou des entrepôts.
Par ailleurs, n'oublions pas les usines d'enrobés, qui polluent et présentent un risque pour la population et l'agriculture qui se trouvent à proximité. La construction de cette autoroute, c'est aussi la perturbation du cycle de l'eau, l'extraction de granulats dans des carrières en Ariège, ce qui pollue et assèche une nappe phréatique cruciale pour l'Occitanie, et la destruction d'arbres centenaires, de zones humides, d'espèces protégées et de terres agricoles, tandis que les projets de compensation ressemblent fort à du greenwashing. Tout cela suscite, évidemment, une forte opposition locale et même nationale.
Ce projet incarne tout ce qu'on ne peut plus accepter face à l'urgence climatique et à l'effondrement du vivant. Nous pourrions au moins soutenir, en tant que parlementaires et dans un esprit d'apaisement social, la demande, formulée par les pétitionnaires, d'une expertise indépendante, qui serait confiée à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable.
Je ne comprends pas, je le dis franchement, pourquoi nous discutons de ce projet d'autoroute entre Castres et Toulouse. Tous les acteurs locaux – les élus, le monde économique, les agriculteurs, la population – sont d'accord : ils valident le projet. Il faut respecter la démocratie et nos procédures juridiques ou administratives. Le plan de financement est également validé. Ce n'est plus un simple projet, mais une opération qu'il faut désormais mener.
Tous les élus que nous sommes se battent, tous les jours, pour maintenir nos écoles, implanter des entreprises et garder nos services publics. Or tout cela repose sur la qualité des infrastructures routières. Leur développement permet de renforcer l'attractivité des territoires, notamment ruraux, et d'améliorer la sécurité des automobilistes. Je le dis haut et fort : là où s'arrête la route s'arrête aussi la vie dans les territoires ruraux. Par conséquent, oui à l'A69 et oui aux projets de développement des infrastructures routières, notamment en milieu rural.
Ancien maire et député d'une circonscription rurale, je connais les attentes légitimes qui existent en matière de développement économique dans nos territoires et les espoirs que peuvent susciter certains projets, y compris les plus néfastes. En réponse à certaines interventions, je rappelle aux collègues de la commission de l'aménagement du territoire que trente ans de recherches dans ce domaine ont démontré qu'il n'existe aucun lien automatique entre la création d'un équipement autoroutier et le développement ou l'attractivité territoriale. C'est la construction d'un projet de territoire partagé par les différents acteurs qui favorise le développement économique. Celui-ci, me semble-t-il, ne peut se faire contre l'avis de la majorité de la population.
Je crains, par ailleurs, que ce débat ne montre que certains parlementaires n'ont toujours pas intégré la réalité du changement climatique et de l'effondrement de la biodiversité ou bien qu'ils font simplement preuve de déni. La France dispose de scientifiques qui comptent parmi les plus brillants au monde, mais les investissements réalisés en la matière sont vains : les travaux qui sont menés et la parole des scientifiques ne comptent pas. Des milliers d'entre eux ont dénoncé un projet délétère et injustifiable. Des membres du CNRS – Centre national de la recherche scientifique –, du Collège de France, de l'IPBES et du Giec expliquent, de façon pédagogique, les consensus scientifiques au sujet de la nécessité de réduire la vitesse ou du mirage de la compensation. Mais à quoi bon crier quand on s'adresse à des sourds ?
Cependant, il n'est pas trop tard : l'autoroute n'est pas encore là et des recours sont pendants, ce qui justifie un moratoire. Que direz-vous si cet ouvrage est condamné par la justice ?
Quand on sait que 78 % des Français doivent prendre leur voiture pour aller travailler et que cette autoroute permettra de désenclaver des territoires, notamment de montagne, on se dit qu'on ne peut pas passer à côté d'une telle occasion de développer les espaces ruraux sur le plan économique, agricole et même touristique. Les mesures de compensation prévues sont décriées, mais on peut tout critiquer, surtout quand les pétitions sont signées par des populations urbaines qui ne connaissent pas forcément l'avis des gens qui vivent et travaillent dans les territoires ruraux et de montagne.
Je remercie Pascale Boyer d'avoir rappelé la réalité des territoires ruraux, ainsi que l'impérieuse nécessité d'un renforcement de leur attractivité et du désenclavement. En tant que député de la troisième circonscription du Tarn, qui est concernée par ce chantier, je remercie également tous les collègues qui ont souligné que la démocratie s'était exprimée à tous les niveaux, départemental, régional et national, et que l'ensemble des procédures avaient été menées à leur terme à l'issue d'un débat très nourri. Des recours sont effectivement pendants, mais ils n'ont pas conduit à la suspension des travaux. L'ensemble des autorisations administratives, notamment celle environnementale, ont été validées. Ceux qui s'opposent à l'autoroute laissent penser qu'il n'y aurait pas de compensation environnementale, mais c'est faux.
Je rappelle également, en réponse à notre collègue David Valence, qui a évoqué les autoroutes nouvelles, que ce projet est exemplaire. Seuls 100 hectares seront artificialisés, alors que 200 hectares seront renaturés à l'issue du projet, des zones de covoiturage inédites et une véloroute verront le jour, on replantera cinq fois plus d'arbres et les zones humides sauvegardées seront deux fois plus importantes que celles affectées par le projet.
Je ne parlerai pas de chantier exemplaire ou d'autoroute du XXIe siècle, parce que cela me paraît excessif, mais je partage la question de David Valence : j'ai demandé tout à l'heure en quoi ce projet était moderne ou tout simplement acceptable pour l'ensemble des populations. Comment le développement des mobilités collectives peut-il être intégré ? Par ailleurs, les compensations prévues sont-elles suffisantes ? Pour ce qui est des zones humides, je ne suis pas certain que les réponses soient totalement satisfaisantes. La question de la tarification a également été posée. Va-t-on vers une hausse des prix ou y a-t-il des perspectives de baisse, par exemple dans le cadre d'abonnements ? Il a également été question des aménagements périphérique auxquels conduit, à terme, la construction d'une autoroute : qu'en est-il sur ce plan ?
Je reviens sur la question des zones de montagne. L'autoroute Toulouse-Castres sera construite dans une plaine et se terminera par un cul-de-sac, à Castres. La zone de montagne se trouve dans la circonscription de M. Terlier : c'est le bassin mazamétain, qui sera encore plus enclavé. Il est oublié et méprisé. On ne peut pas dire, en tout cas, qu'il bénéficiera d'un développement. L'argument de la montagne est fallacieux.
Il ne s'agit pas d'un cul-de-sac. Il existe une voie rapide qui part de Castres en direction de Revel, dont le contournement est acté – il sera un jour réalisé et Revel sera raccordé à Castres. Le développement économique des deux villes est lié.
Même en présence d'un cul-de-sac, relatif, je ne vois pas pourquoi il faudrait renoncer à désenclaver un territoire de montagne.
Je pensais entendre au sein de la commission du développement durable, dont tous les membres sont particulièrement sensibles aux questions de transition écologique, de souveraineté alimentaire et d'aménagement du territoire, d'autres propos qu'à la commission des finances. Or ils sont quasiment identiques. Mais je suis surtout frappée d'entendre des affirmations qui ne reposent sur aucune réalité. Je l'ai dit tout à l'heure, le fait qu'une ville ou un bassin de vie soit relié à une autoroute n'est absolument pas un gage en matière d'activité économique. Je vais vous donner des chiffres de l'Insee que vous pourrez vérifier.
Le taux de pauvreté est de 20 % à Castres et de 16 % dans son bassin de vie. À Auch, où il n'y a pas d'autoroute, mais seulement une double voie, le taux de pauvreté de 18 %, et le chiffre est de 13 % pour le bassin de vie. Le taux de pauvreté est de 20 % à Foix, où se trouve une autoroute, et de 17 % dans son bassin de vie. Le taux de pauvreté de Tarbes, qui a une autoroute, est de 26 %, et celui du bassin de vie est de 15 %. Enfin, le taux de pauvreté est de 32 % à Perpignan et de 24 % dans son bassin de vie, malgré la présence d'une autoroute.
Pour échanger de façon apaisée et objective, encore faudrait-il qu'on se renseigne, qu'on écoute les scientifiques au lieu de répéter sans cesse des affirmations ne reposant sur aucune réalité statistique et scientifique.
Quand j'ai parlé d'autoroute du XXIe siècle, ce n'était pas sous la forme d'une affirmation mais d'une question. Le COI n'est pas entré dans les détails de ce projet, que je ne connais donc pas. L'un des enjeux majeurs qui se posent est celui de la transition de la route, qui coûtera sans doute beaucoup plus cher qu'on l'imagine actuellement. Mon raisonnement était le suivant : on construit des infrastructures routières nouvelles – il y en aura forcément dans les décennies qui viennent, même si le rythme sera sans doute bien plus faible –, ce qui est l'occasion de penser la route différemment. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas parlé de la compensation, qu'on peut qualifier de question classique, mais plutôt des voies réservées, des bornes de recharge électrique sur les aires de service et de l'intermodalité, qui sont les questions de demain.
L'enjeu est effectivement celui de la route de demain, de la route durable. Dans mon département, qui compte 5 000 kilomètres de routes, nous travaillons déjà sur la question des enrobés et sur tout ce qu'il y a autour des projets, qui ne sont pas simplement autoroutiers : d'autres concernent des rocades et diverses infrastructures qu'il faut développer. La route durable peut exister, il est important de le souligner.
Par ailleurs, on peut être pour ou contre ce projet d'autoroute, mais personne ne peut nier son impact économique. Toutes les chambres consulaires l'ont reconnu, très clairement. Nous avons 250 kilomètres d'autoroute dans mon département : sans cela, il n'y aurait qu'un désert entre Lyon et Genève. Heureusement que nous avons eu ces kilomètres d'autoroute pour faire du désenclavement et développer l'activité économique et l'emploi. Notre taux de chômage est deux fois moins élevé que la moyenne nationale et nous avons une activité économique importante. Ce type de projet ne fait pas tout, bien sûr, mais il peut contribuer au désenclavement d'un certain nombre de territoires.
Nous devons trouver un équilibre, sinon nous ne ferons plus rien. Je me dis souvent que si le TGV voyait le jour maintenant, on ne créerait pas de nouvelles lignes ferroviaires, compte tenu de l'état d'esprit actuel. Il faut raison garder.
La question n'est pas de savoir si on continue ou non à construire des routes, a fortiori celles de demain ou du XXIe siècle, mais si on mène ce projet complètement démesuré, qui n'est pas adapté aux enjeux actuels, notamment l'urgence climatique. Je rappelle que la plupart des avis indépendants étaient défavorables, en particulier celui du Conseil national de protection de la nature. L'Autorité environnementale était également réservée. Or tout cela n'a pas été pris en compte.
Par ailleurs, le fait qu'aucune solution alternative n'ait été sérieusement étudiée pose vraiment une question sur le plan de l'aménagement du territoire. Il ne s'agit pas, encore une fois, de ne plus construire aucune infrastructure, mais de penser les projets en fonction de ce que nous vivons sur le plan écologique, économique et social.
Une expertise indépendante permettrait d'apaiser le débat et serait utile pour la suite, notamment d'autres projets. Je vous appelle donc à soutenir cette demande.
Je voudrais répondre à David Valence. Selon les éléments transmis par le concessionnaire, cette autoroute n'aura pas de barrières de péage, ce qui est intéressant du point de vue de la gestion des flux. Des véloroutes seront créées tout le long de l'infrastructure, qui comptera, de plus, un nombre inédit d'aires de covoiturage. Des bus à hydrogène desservant toutes les petites communes rurales permettront de rejoindre l'autoroute pour faire le trajet entre Castres et Toulouse. Enfin, des bornes de recharge aideront à faire la part belle aux voitures électriques, pour lesquelles une réduction de 75 % du montant du péage est envisagée.
Merci à tous les collègues qui se sont exprimés.
Monsieur Valence, on peut dire qu'il s'agit d'une autoroute de nouvelle génération dans la mesure où des améliorations sont prévues, comme l'a montré l'audition des responsables d'Atosca. Je pense notamment aux voies réservées aux transports en commun, aux bornes électriques et aux voies cyclables.
Pour ce qui est de l'aménagement des territoires, nous avons adopté dans le cadre de la loi « mobilités » des mesures qui sont en train d'être déployées, naturellement, dans toutes les collectivités, que ce soit à Figeac, dans le Lot, ou dans le Tarn. Une modernisation des voies se déroule indépendamment des projets tels que celui de l'A69, et un certain nombre d'éléments sont prévus pour remettre celui-ci au goût du jour.
M. Leseul a posé une série de questions, mais je pense que ce débat avait surtout pour objet de permettre aux groupes de prendre position. Certains sujets, qui vont au-delà de la pétition, seront abordés dans le cadre de la commission d'enquête.
La science doit éclairer les positions politiques, y compris en matière d'aménagement du territoire. C'est un travail que nous faisons : notre commission peut saisir l'Opecst, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et un certain nombre d'entre nous, comme M. Fugit, sont aussi des scientifiques et peuvent donc contribuer à éclairer le Parlement. Je plaide plutôt pour réconcilier science et politique : c'est important pour l'avenir de nos territoires, en particulier leur aménagement.
Merci à tous d'avoir participé ce débat, qui donnera lieu, je le rappelle, à l'établissement d'un rapport constitué de la reproduction du texte de la pétition et du compte rendu de notre réunion, sans qu'il y ait lieu de procéder à un vote.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 7 février 2024 à 10 h 05
Présents. - M. Damien Abad, M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Christophe Barthès, M. José Beaurain, M. Édouard Bénard, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Jean-Louis Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, M. Vincent Descoeur, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Luc Fugit, Mme Maud Gatel, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Matthieu Marchio, Mme Manon Meunier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Hubert Ott, Mme Christelle Petex, M. Bertrand Petit, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. Jean Terlier, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, Mme Huguette Tiegna, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Antoine Villedieu, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Aymeric Caron, M. Jean-Victor Castor, Mme Claire Colomb-Pitollat, M. Johnny Hajjar, M. Marcellin Nadeau, Mme Marie Pochon, Mme Véronique Riotton
Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, Mme Christine Arrighi, M. Frédéric Cabrolier, M. Sylvain Carrière, M. Pierre Dharréville, Mme Karen Erodi, M. Jean-Claude Raux, M. Jean-Pierre Vigier