La mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable a auditionné Mmes Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine agglo et première vice-présidente, Claire Delpech, responsable du pôle « Habitat » et Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement d'Intercommunalités de France.
La mission d'information sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable vise à identifier les difficultés que rencontrent nos concitoyens, à chaque étape de leur vie, pour obtenir un logement. L'objectif premier est de répondre aux besoins en qualité plutôt qu'en quantité.
Nous vous avons fait parvenir un questionnaire aussi large que possible, qui correspond aux questions que nous posons aux nombreux acteurs du logement. Il s'agit de disposer d'une boîte à outils pour améliorer le parcours résidentiel, qui est grippé à chaque étape : l'étudiant a du mal à se loger, l'actif a du mal à se loger près de son lieu de travail, le retraité a du mal à quitter son logement faute d'une offre suffisante.
Dans la mesure où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) jouent un rôle essentiel dans la définition et la mise en œuvre locale des politiques du logement et de l'habitat, comment faire pour qu'ils disposent d'une boîte à outils adaptée à chaque territoire ? Certains bassins de vie, celui de Dunkerque par exemple, peuvent accueillir une entreprise de mille salariés, mais ils n'ont pas mille logements à proposer. Tel territoire de l'ouest de la France dont la population vieillit n'a pas d'offre de logements pour les populations nombreuses qui souhaitent s'y établir. En zone rurale, des gens renoncent à des emplois faute de trouver un logement.
Le parc de logement, public et privé, est soumis à une tension croissante. Le problème des logements vacants et celui des locations saisonnières n'arrangent rien, et couper une jambe à l'un pour la donner à l'autre n'est pas une solution. Comment rendre confiance aux propriétaires pour les inciter à investir dans la pierre ? Quelles solutions apporter aux problèmes du logement ?
Au durcissement de l'accès à la propriété provoqué par la hausse des taux d'intérêt s'ajoutera l'impact de l'objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Au cours des dernières décennies, nous avons étendu de façon massive le tissu urbain sans véritablement résoudre le problème du logement. Comment, désormais, faire une dentelle à même de satisfaire les besoins des diverses étapes de la vie et de toutes les bourses ?
Je préside la communauté d'agglomération Caux Seine agglo, qui compte quatre-vingt mille habitants. Entre Le Havre, Rouen et la mer, organisée autour de l'axe de la Seine, elle présente une dominante rurale. Polycentrique, elle compte trois villes de plus de dix mille habitants ainsi que des implantations industrielles – nous serons sans doute, lorsque la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) aura tout vendu, l'une des dernières réserves foncières de France.
Au sein d'Intercommunalités de France, de nombreuses collectivités locales dressent le constat alarmant de l'extension du domaine des locations saisonnières. Dans certaines communes de Bretagne et sur le littoral normand, leur proportion atteint 60 %, ce qui tend à en faire des villes fantômes.
Depuis 2004, les intercommunalités se voient déléguer des compétences en matière de logement. La possibilité de devenir autorité organisatrice de l'habitat (AOH), dont la mise en œuvre n'est pas aboutie, est le point d'orgue de cette évolution. Le ministre délégué chargé du logement Patrice Vergriete a fait part de sa volonté d'ouverture pour affiner les choses et arrêter des règles de bon fonctionnement sur les territoires.
La position d'Intercommunalités de France est que les territoires sont à même de formuler des propositions tenant compte de leurs spécificités, en collaboration avec les services de l'État représentés par le préfet. Tous les territoires ne se ressemblent pas, c'est notre fil rouge. Dans le mien, coincé entre Rouen et Le Havre, je pilote le volet « Logement » de notre projet « Territoire d'industrie » et je ne dialogue pas de la même façon avec Fécamp, Goderville ou les autres communes. Au sein d'Intercommunalités de France, la volonté domine de mettre au point des outils aussi souples que possible, de les expérimenter et d'en rendre compte. Le rapport d'information sur le rôle de l'État dans les territoires, présenté en septembre 2022 par les sénateurs Agnès Canayer et Eric Kerrouche, a souligné que le préfet peut accompagner les territoires dans le cadre d'une réelle décentralisation des compétences, ce que nous appelons de nos vœux s'agissant de l'habitat.
Dans la communauté d'agglomération Caux Seine agglo, nous nous apprêtons à recevoir trois implantations industrielles qui représentent près de 2,5 milliards d'euros d'investissements et créeront un millier d'emplois. À Paluel, la seule construction du réacteur pressurisé européen (EPR) mobilise 1 200 ingénieurs, qu'il faut loger temporairement – ce qui n'est pas toujours adapté, compte tenu du ZAN – ou faire venir en train.
Faut-il faire des EPCI le cadre de référence de la conception et de la mise en œuvre des politiques de logement territorialisées ?
Pour nous, la réponse est affirmative. Nous proposons de rendre obligatoire le statut d'AOH pour les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d'agglomération. Toutes ou presque ont un programme local de l'habitat (PLH), à défaut d'un programme local de l'habitat intercommunal (PLHI) ayant vocation à être intégré dans un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI).
Il y a plus d'incertitudes pour le niveau de la communauté de communes : un temps de latence serait sans doute nécessaire, sur le modèle de ce qui a été fait pour la compétence « Eau et assainissement », qui a été rendue obligatoire d'abord pour les autres strates ; les communautés de communes, par manque d'ingénierie, d'expérience ou d'outils, n'ont pas de délégation d'aides à la pierre, pas même de deuxième niveau, mais pourraient en obtenir sur la base du volontariat. Ce qui importe, pour nos adhérents, est de ne pas procéder par seuils – le seuil de dix mille habitants n'a pas la même signification selon les territoires – et d'assurer l'accompagnement des communautés de communes par les services de l'État et la mise à disposition d'outils optionnels. Certaines délégations existent d'ores et déjà.
Une question est de savoir si les départements peuvent apporter une aide en matière d'ingénierie : la plupart pilotent des organismes HLM et ils connaissent bien le parc social. Nous avons posé cette question à M. François Sauvadet, président de l'Assemblée des départements de France : faire entrer les communautés de communes progressivement dans le dispositif permettrait, selon lui, de régler certains problèmes ; au demeurant, une expérimentation consistant à faire du département l'AOH lorsque la communauté de communes n'a pas la compétence « Logement » est en cours en Côte-d'Or et en Loire-Atlantique. Il importe d'agir par étapes et de ne pas mettre les territoires en difficulté.
La question du zonage est essentielle. S'agissant du millier d'emplois attendu dans mon territoire, le ministre Patrice Vergriete m'a dit que, pour accueillir cette population qui relève de la catégorie immédiatement supérieure à celle éligible au prêt locatif social (PLS), il faudrait construire des logements locatifs intermédiaires (LLI) ou des logements financés par le prêt locatif intermédiaire (PLI). Or cela suppose d'être situé en zone B1, ce à quoi une commune d'une dizaine de milliers d'habitants ne peut prétendre sans intervention du ministère… alors que nous aurions très bien pu, dans le cadre du PLHI, élaborer des projets, sur la base d'un noyau de logements à venir dans les dix prochaines années.
Comment autoriser une évolution du zonage pour que les organismes HLM, qui ont des fonds disponibles, puissent construire du PLI ? Pour nous, l'essentiel, en tant qu'AOH, est de participer aux débats des organismes HLM. À cet égard, je préfère parler de « loyer réglementé », ayant constaté, lors de mes campagnes, que l'expression « logement social » est souvent stigmatisante et dissuade de construire : certains territoires, notamment les villages, refusent le logement social par crainte de voir arriver une population catégorisée en tant que « cas sociaux ». Nous travaillons donc sur la dénomination du logement social pour faire évoluer ces représentations, d'autant que la mixité « au palier » est satisfaisante dans le logement social – pour trois F2 sur un palier, le loyer va de 200 à 450 euros en fonction de la catégorie du logement.
La plupart des aides, celles de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) et MaPrimeRénov', sont nationales. Nous en demandons la territorialisation, dans le cadre de contrats signés directement avec les territoires. Il faut faire en sorte que les AOH participent aux débats, dans le cadre de conventions d'objectifs conclues avec les bailleurs sociaux. Je suis administratrice du bailleur social Logéal, qui, après fusion avec d'autres bailleurs, représente plus de vingt mille logements en Normandie. Je constate le poids de la logique financière : la vente de logements sert à dégager des marges de manœuvre pour construire. Mais il n'y a pas de prospective ou d'articulation avec un projet de territoire : là est le problème. Au demeurant, tel est le cas de la plupart des bailleurs sociaux : ils rénovent et vendent des logements construits vingt ou trente ans auparavant, dans le cadre de programmes pluriannuels d'intervention (PPI), mais en dehors de toute concertation avec les EPCI, qui ne sont qu'informés de la convention d'utilité sociale (CUS). Le rôle de l'AOH, me semble-t-il, est d'informer les bailleurs de ses projets pour le territoire et de développer avec eux une vision prospective.
J'en viens à votre question sur les raisons pour lesquelles la production de logements sociaux se situe aujourd'hui à un niveau historiquement bas et inférieur aux besoins. La réduction des marges de manœuvre des bailleurs sociaux est la première explication qui vient à l'esprit. Souvent, ils ont compensé la réduction de loyer de solidarité (RLS) et la diminution des aides personnelles au logement (APL), alors même que les gros bailleurs, en Normandie en tout cas, sont financièrement à l'aise.
Un autre problème tient à la territorialisation et au foncier. L'interdiction de louer les logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est F ou G a amené les bailleurs sociaux à concentrer une grande part des financements sur la rénovation thermique des logements, qui avait pris énormément de retard. Je salue ainsi la loi « Climat et résilience » : il y va de la salubrité des logements, ainsi que de l'équité et de la mixité sociales – d'autant que la rénovation énergétique est souvent l'occasion d'améliorer l'accessibilité des logements. Nous le rappelons régulièrement aux bailleurs : « Ne faites pas une isolation par l'extérieur sans penser à la salle de bains pour le maintien à domicile. Essayez de repenser en prospective le logement senior par rapport au logement non senior. Faites changer les appartements de catégorie. ». Si les AOH sont d'emblée associées au dialogue avec les bailleurs sociaux, les EPCI seront plus à même de construire une politique commune avec le parc social.
Par ailleurs, la diminution des aides à la construction de logements à loyer réglementé du Fonds national d'aide à la pierre (Fnap) induit une diminution de l'offre de construction, même si elle est anticipée par les bailleurs. Les aides du Fnap n'ont pas disparu, mais l'évolution d'Action Logement laisse augurer d'une poursuite de la diminution des aides, même si le ministre délégué a annoncé qu'il faut consommer l'ensemble des crédits disponibles et construire absolument.
Pour ce qui concerne le parc privé, le principal problème est sa mise au niveau des normes énergétiques et le manque de terrains constructibles. Dans le cadre des PLUI, les maires peuvent recourir au sursis à statuer pour différer la construction de logements, puisque nous n'avons plus d'espace de constructibilité en extensif. Il importe que les EPCI portent les politiques de l'habitat de manière pleine et entière, eux qui dialoguent avec les maires et construisent avec eux les PLUI ainsi que les PLHI. Nous sommes capables de présenter les questions de la densification et de la verticalité sous un jour favorable, mais ce dialogue ne prospère pas, faute de disposer de la compétence « Logement ».
Au maire qui affirme : « Je ne peux plus construire à cause du ZAN », je réponds : « Si, mais autrement, en élevant la constructibilité d'un ou deux étages dans le plan local d'urbanisme (PLU) ou en profitant des rénovations énergétiques pour augmenter la surface constructible. ». Le PLU de Paris, que nous avons étudié cette semaine, prévoit de végétaliser les cours, d'utiliser les extérieurs, de surélever les immeubles d'au moins un étage et d'occuper les terrasses. Traiter les « dents creuses » et la végétalisation au sol incite les bailleurs privés et sociaux à construire et à prévoir des espaces sur les toits. Le toit est utile aux économies d'énergie comme à l'occupation sociale, car tout le monde a le droit d'accéder aux étages élevés : cette perspective permet de réconcilier énormément de constructions avec la verticalité et la densification, qui suscitent à l'heure actuelle une forme d'opposition culturelle.
Sur ce point, il faut ouvrir un véritable dialogue avec les bailleurs privés et publics.
Une étude récente de la Banque des territoires montre que les opérateurs sont confrontés à un mur d'investissements pour rénover le parc existant et construire des logements neufs. Les organismes HLM donnent la priorité à la rénovation de leurs logements, de crainte de ne plus pouvoir les louer. Au demeurant, le Fnap a alloué des crédits à la rénovation des logements dont le DPE est E, ce à quoi la loi « Climat et résilience » n'oblige pas.
La réduction des moyens donnés aux opérateurs est un réel point faible de la politique nationale de l'habitat, qu'il s'agisse du logement vertical ou du logement horizontal, plutôt familial, offrant trois chambres et permettant d'accueillir des familles dans les territoires. Le nombre de constructions diminue, leur surface aussi. La construction de maisons sur des terrains de 500 m2 dans les campagnes soulève bien plus de problèmes de voisinage qu'en ville. Le lobbying de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) auprès des maires concernés n'aide pas à les inciter à élaborer des PLU et des PLUI, ni à allouer à la construction des terrains de petite surface.
Notre agence d'urbanisme se penche depuis quinze ans – bien avant que la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) n'incite les EPCI à instruire les permis de construire – sur des constructions telles que les maisons Boomerang et les maisons basses ainsi que sur les toits non occupés. Les EPCI sont capables d'accompagner le parcours résidentiel de A à Z, en recrutant des architectes paysagistes et des architectes dans leurs équipes, et en ouvrant des maisons de l'habitat ainsi que des matériauthèques.
Par ailleurs, la hausse des taux d'intérêt ayant eu pour effet de réduire le nombre de constructions, il faut peut-être envisager des mécanismes de soutien. Le Crédit agricole offre aujourd'hui aux primo-accédants, de façon volontaire, 1 € par euro accordé par l'État dans le cadre d'un prêt à taux zéro (PTZ). Il serait aussi envisageable de demander aux banques d'accorder des PTZ pour la production d'énergie renouvelable (EnR) par les maisons : dépenser quinze mille euros de plus pour l'isolation et le chauffage permet d'économiser deux cent euros par mois pour une augmentation du prêt de cent euros par mois ; tout le monde y gagne.
Les AOH pourraient jouer le rôle d'organisme certificateur, par le biais des espaces Info énergie et des plateformes du Service d'accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare). Notre expérience en la matière nous permet de dire à la banque : « Vous pouvez dépasser le taux d'usure, car les frais de fonctionnement seront plus faibles ». Si complexe que cela puisse paraître, un EPCI ayant la volonté de construire peut faire venir dans le territoire, grâce à un « Welcome Package », une entreprise et ses salariés, en accompagnant ces derniers auprès des banques et des professionnels de l'habitat – sinon à l'échelle des grandes métropoles, du moins à celle d'une centaine de milliers d'habitants. Au Havre, des dispositifs souples sécurisent le parcours de l'habitat. En prospective, nous savons exactement le nombre de logements pour seniors qu'il faut construire en centre-ville, ce qui permet de libérer des espaces en périphérie.
Nombre de ménages logés dans le parc privé souhaiteraient accéder à la propriété. Alors que la somme du loyer et des charges qu'ils acquittent est bien supérieure à ce qu'ils paieraient s'ils étaient propriétaires, on leur dit qu'ils ne remplissent pas les conditions. C'est une aberration, sachant qu'ils auraient un reste à vivre bien supérieur !
En effet, la situation est plus défavorable, financièrement, pour les locataires que pour les propriétaires d'une petite maison, par exemple. Cela contribue certainement à la sédentarité. En France, on a le culte de la propriété, contrairement au reste de l'Europe. De plus, on veut réindustrialiser et fixer les gens sur le territoire. De ce fait, notre modèle, qui était critiquable il y a dix ou quinze ans, ne l'est plus aujourd'hui, me semble-t-il.
On doit multiplier les opérations d'accession à la propriété, même pour les logements privés. Dans la perspective de l'arrivée des mille emplois d'ici 2025 à 2026, j'ai souhaité la construction, dans ma ville, d'un immeuble de logements loués sur le mode « Airbnb ». Cela nous permettra d'accueillir des salariés en période d'essai, des ingénieurs et des techniciens participant à la construction des usines, des médecins… C'est un projet coûteux, car je veux un immeuble entièrement réversible, qui puisse devenir une résidence pour seniors dans dix à quinze ans, quand nous n'aurons plus besoin de ces logements. Comme nous prévoyons déjà les espaces partagés, les services de l'État me disent que le coût au mètre carré est trop élevé pour du logement mais pas assez pour des bureaux ; ils ne comprennent pas ce que nous faisons. Je vais donc être confrontée à un problème de financement pour réaliser cette construction hybride adaptée aux besoins actuels et adaptables aux besoins futurs. Le sous-préfet, tout en connaissant la problématique du territoire, me dit que nous ne remplissons pas les conditions pour prétendre au Fonds vert ou à d'autres aides nationales.
À l'avenir, les industries s'implanteront dans des territoires intermédiaires comme le nôtre, c'est-à-dire des territoires qui ne sont pas compris dans les zonages B1 ni soumis aux dispositifs des métropoles, dont la densification est assumée depuis des années.
Notre territoire, comme tous les autres, est spécifique : cela justifie de recourir, pour chaque territoire, à des projets et des contrats « sur mesure ». Nous sommes prêts à renoncer à certaines choses si ça ne marche pas et à partager les projets qui fonctionnent avec d'autres territoires aux caractéristiques similaires. Il ne faut pas rater ce virage, car on n'aura plus beaucoup de terrains ni de moyens, et énormément de gens à loger.
En Normandie, nous avons construit beaucoup de logements, mais nous n'avons pas plus d'habitants – nous en perdons même, par exemple des étudiants qui ne trouvent pas à se loger dans les métropoles caennaise, havraise et rouennaise. Nous sommes aussi confrontés au desserrement des familles. Sur mon territoire, de nombreux logements à loyer réglementé – par exemple, des appartements familiaux de quatre chambres – ne sont plus occupés que par les parents, une fois les enfants partis. Il faudrait que nous puissions inciter ces personnes à trouver un logement plus petit ; c'est un sujet prégnant, pour nous comme pour les bailleurs. On a besoin de parcours sécurisés, qui impliquent que l'on annonce dès le départ aux locataires qu'ils ne pourront pas rester si certaines conditions ne sont plus remplies.
Le principal outil de soutien à la production de logements devrait être, à mon sens, l'assouplissement du PLI. Sur des territoires intermédiaires, il faut penser à ce dispositif, qui est très concentré sur les zones en tension. Les services de l'État ont rejeté notre PLH au motif que nous n'en avons pas besoin aujourd'hui, quand bien même je leur ai fait observer que de nouvelles implantations industrielles étaient annoncées – j'ai déjà deux permis de construire et 357 fiches de poste. Les services de l'État en sont conscients, mais ils ne peuvent pas prendre en considération ces données pour le contrôle du PLH.
Je travaille très bien avec la DDTM, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et l'Agence de la transition écologique (Ademe), mais, au stade de l'instruction, elles se disent « coincées » par les outils actuels. Il faut davantage de souplesse et privilégier une approche « bottom-up » : dans le cadre de la décentralisation de la compétence « Habitat », il va falloir aborder ces sujets.
La prime aux maires bâtisseurs instituée par le Gouvernement est méconnue de mes services, alors que j'ai bâti près de huit cents logements en dix ans. J'avais entendu parler de cette aide de deux mille euros par logement, mais je n'ai pas fait le lien et le sous-préfet ne m'en a jamais parlé. Un faible nombre de nos adhérents a utilisé le dispositif et nous allons les réinterroger pour vous en donner les raisons ; peut-être est-il trop restrictif.
Quant à la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), il faudrait les fusionner et laisser la main aux intercommunalités, qui pourraient proposer au préfet, en fonction des zonages, des mécanismes incitant davantage les propriétaires à rénover. La plupart du temps, les logements sont vacants en raison de leur vétusté. À titre d'exemple, au sein de mon agglomération, plus de 10 % du parc de la commune historique sont vétustes et insalubres. Je n'ai pas trouvé les moyens qui nous permettraient de faire rénover ces logements sans que cela coûte trop cher aux propriétaires. Souvent, dans le cadre d'indivisions avec plusieurs héritiers, personne ne veut mettre la main à la poche. La plupart du temps, les propriétaires préfèrent ne pas louer plutôt qu'investir. Nous multiplions les réunions avec les notaires et autres syndics pour leur demander d'informer que nous accordons des aides aux copropriétés. Il arrive parfois qu'un immeuble entier soit laissé vacant : c'est un problème que nous partageons certainement avec de grandes métropoles comme Marseille.
L'intercommunalité ne me semble pas suffisamment identifiée sur la question du logement. De ce point de vue, la décentralisation, telle que la veut le ministre délégué, présentera un grand intérêt, car nous connaissons les interlocuteurs à l'échelon local. Si on est correctement identifié, ces interlocuteurs se serviront spontanément d'outils comme notre plateforme de rénovation énergétique pour accéder aux financements. Au lieu d'attendre que les gens se rendent à la maison de l'intercommunalité, nous envoyons un bus faire le tour des villes et des villages, en commençant par les quartiers les plus énergivores, pour inciter les habitants à remettre en location ou à vendre leur bien.
S'agissant du ZAN, l'effort de pédagogie devra, à mes yeux, porter sur la densification et la verticalité. Il faut occuper les toits, il existe de nombreuses façons de construire pour densifier.
Le ZAN est un outil qui crispe, en raison de l'augmentation du coût au mètre carré qu'il entraînera. À mes yeux, il doit permettre de réaménager la ville. Les 125 000 hectares restant constructibles au cours des dix prochaines années pourraient constituer une manne financière pour les territoires ayant des projets de démolition-reconstruction ou de réhabilitation en centre-bourg et en centre-ville. De ce fait, des propriétaires qui ne vivent plus sur place, parfois depuis des décennies, pourraient engranger des plus-values : ne pensez-vous pas que celles-ci devraient profiter aux territoires pour répondre aux besoins de la population locale qui paie des impôts, éviter la mort d'une école ou d'un bourg, etc. ?
Nous subissons, de surcroît, les conséquences des lotissements dont nous avons autorisé la construction. Alors que les centres-villes et les centres-bourgs ont été aménagés par des architectes urbanistes, les lotissements, eux, l'ont été par des géomètres.
De fait, ma commune comporte un lotissement malbâti, qui a été conçu par une société de voies et réseaux divers. Les études architecturales et paysagistes sont essentielles en matière d'urbanisme : lorsqu'on les interroge, les gens répondent que le bonheur réside d'abord un logement préservant leur intimité et pas trop éloigné de leur travail, pour avoir du temps pour leurs proches. Les lotissements construits dans les années trente offraient plus d'intimité que ceux des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. On devrait imposer que tout projet de construction d'un lotissement soit accompagné d'une étude urbanistique, architecturale et paysagiste. J'insiste sur la fonctionnalité du végétal : plutôt que de désherber des trottoirs, il vaut mieux implanter des noues et plutôt que de recourir à la climatisation, installer des îlots de fraîcheur – ou encore un cloître – dans les écoles.
Dès lors, le ZAN peut être une opportunité à saisir en ce qu'il rend le sol précieux et exigera de construire plus intelligemment.
Concernant la fiscalité, nous pensons que le « 1 % logement » pourrait être réattribué dans le cadre de la décentralisation de la compétence « Logement » pour financer l'accompagnement du dispositif. Je pense aussi que l'on pourrait fiscaliser les plus-values qui sont dues non pas à l'action des propriétaires, mais à la réalisation d'investissements publics – la création d'une liaison ferroviaire, l'installation d'une entreprise, la construction d'équipements, etc. Cela permettrait de financer les politiques qui visent à renforcer la verticalité et la densification de la construction, sur des terrains plus chers, comme les friches, qu'il faut dépolluer. On pourrait aussi, par le jeu de la péréquation, aider des territoires qui renoncent à demander l'installation d'une industrie, mais qui sont parfois limitrophes de zones industrielles dont ils subissent les conséquences. Cette taxation devrait être réalisée d'une manière subtile et être spécifique à chaque territoire : un tableur Excel national ne saurait être un outil adapté.
Il faut aussi prendre en compte la spéculation : certains achètent des quartiers entiers à bas prix. Parfois, les maires n'arrivent pas à acquérir des terrains non encore constructibles pour y installer des équipements publics ou améliorer l'attractivité du territoire, car, lorsque cela se sait, on les leur propose au prix fort.
Le bail réel solidaire (BRS) est difficile à utiliser, même si de nombreux organismes HLM sont agréés pour le conclure. L'agrément étant compliqué à obtenir, on pourrait autoriser des agréments à l'échelon intercommunal. Cela étant, l'agrément par un organisme de foncier solidaire (OFS) ne suffit pas : encore faut-il trouver les terrains, car on se heurte, ici aussi, à la spéculation. Je connais peu d'opérations de ce type.
Le BRS est néanmoins un bon dispositif. De nombreux OFS sont apparus au cours des dernières années, mais la production n'est qu'en état de devenir. Différents montages économiques existent. On produit des logements en accession sociale, avec des niveaux de redevance raisonnables, dans des secteurs tendus et de grandes métropoles, comme Lyon, Rennes, Bayonne ou encore Biarritz. Ces dispositifs souffrent toutefois de la cherté du foncier.
Je voudrais revenir sur les liens entre l'accès à l'emploi et le logement. Il y a quinze ans, les entreprises s'implantaient près des sièges sociaux et des lieux de transport multimodal – fluvial, ferroviaire, etc. Aujourd'hui, elles s'établissent là où elles pensent trouver des salariés, présents ou susceptibles de s'y installer. C'est un vrai changement : alors qu'on subissait la décision des entreprises, à présent c'est l'attractivité du territoire qui les fait venir. Avant de s'installer chez nous, Eastman nous a demandé notre PLH, notre vision prospective en matière de logement, notre taux de vacance, toutes choses sur lesquelles on ne nous avait jamais interrogés auparavant : ils voulaient savoir si nous avions des marges pour accueillir de nouveaux salariés. Ils ont été rassurés par le fait que nous investissons onze millions d'euros dans de gros ensembles immobiliers en centre-ville, où pourront s'installer leurs salariés ; ils sont prêts à réserver des espaces.
Cela me paraît être une bonne idée que de recourir à une gestion en flux – et non plus de se fonder sur un stock – pour attribuer les logements sociaux. De nombreux maires n'ont pas compris cette évolution et regrettent de ne plus pouvoir inscrire ceux qu'ils souhaitent sur leur quota de logements. Pour que cette disposition soit réellement intéressante, il faudrait que l'EPCI ait une véritable légitimité à leurs yeux pour traiter des questions d'habitat, dans le cadre d'une conférence intercommunale du logement qui permettrait un dialogue avec l'ensemble des maires.
Une fausse bonne idée, en revanche, a été de dire aux maires des communes rurales qu'ils avaient tous « droit » à un hectare d'artificialisation. Ils ont compris qu'ils pouvaient y prétendre même s'ils n'étaient pas propriétaires et n'avaient pas de projet. Or ce droit est soumis à de nombreuses conditions, parmi lesquelles l'existence d'un projet d'aménagement, la possibilité de libérer du foncier, le respect de la règle littorale, etc. Pour nous, cette disposition a constitué un frein au dialogue : alors que nous avions établi un PLHI, un PLUI avec un vrai projet d'aménagement et de développement durables intercommunal (Paddi) en accord avec toutes les collectivités, les maires sont venus nous dire qu'ils voulaient simplement un hectare – ce qu'ils ne le souhaitaient pas un mois avant…
Je suis à l'origine de l'amendement qui a introduit la possibilité de mutualiser un hectare…
Ils ne l'ont pas compris comme cela !
Une commune rurale peut avoir un projet qui nécessite 1,5 hectare – pour installer une école ou une entreprise, par exemple – et auquel elle pourrait être contrainte de renoncer. Or ce projet peut avoir de l'intérêt pour les communes voisines : cette disposition permet donc de mutualiser un terrain à l'échelle des communes rurales ou de l'agglomération.
Parmi les cinquante communes qui composent notre territoire, certaines, en zone rurale, souhaitaient avoir deux ou trois hectares pour mener un véritable projet de développement.
Il y a eu un problème d'interprétation. Nous avions compris que cette disposition constituait un outil, mais il n'a pas été vu comme cela politiquement – ce qui a malheureusement créé beaucoup de confusion. C'était une fausse bonne idée, car elle a été utilisée à des fins politiques.
Dès le départ, nous avions bien compris que les différentes contraintes empêcheraient le système de fonctionner s'il n'y avait pas d'entente avec les collectivités voisines. Cela conduit souvent à un blocage politique de l'élaboration du PLUI, alors que son adoption est l'une des conditions pour devenir AOH. Nous proposons plutôt d'exiger un accord sur un Paddi, c'est-à-dire sur une stratégie commune : ce serait un bon critère pour devenir AOH. Les conditions exigées actuellement sont tellement restrictives que seulement sept EPCI sont AOH. Beaucoup d'EPCI sont déjà délégataires des aides à la pierre de niveau 2 et devraient passer au niveau 3, ce qui leur permettra de devenir AOH presque automatiquement.
Il faut aussi probablement convaincre les communes rurales que les intercommunalités ne vont pas essayer de les voler. L'intercommunalité que je dirige est composée pour l'essentiel de communes rurales et un véritable dialogue avait été engagé. L'AMRF s'est emparée de ce sujet…
Lorsque j'ai été élue maire en 2014, celui de Céret, dans les Pyrénées-Orientales, m'avait dit que je n'aurai plus d'amis dans un an parce que j'aurai refusé des permis de construire.
L'urbanisme et l'habitat sont des sujets complexes, avec un très grand nombre d'interlocuteurs et qu'il est difficile d'expliquer aux citoyens. Il s'agit, au fond, de choisir ce que l'on va faire d'un espace et dans quel délai. Sans urbanisme, il n'est pas possible d'avoir une vision de l'avenir d'un territoire.
En effet, un outil au service de projets.
Dans le cas de mon intercommunalité, c'est l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCoT) qui a permis à nos quatre EPCI de comprendre qu'ils étaient d'accord sur l'essentiel. Ils ont donc fusionné dès 2008 et nous n'avons pas attendu la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi « Maptam ». Auparavant, nous avions mis en place un schéma directeur, puis un SCoT, communs. Comme nous nous étions déjà mis d'accord sur l'organisation de l'espace et la localisation des équipements et des routes, ainsi que sur la préservation des sols, des forêts et de l'eau, nous nous sommes dit que nous serions forcément d'accord sur les écoles, les transports et le développement économique.
L'urbanisme peut donc être un véritable outil pour organiser le dialogue ; il ne faudrait pas qu'il devienne une source de conflits.
J'ai déposé une proposition de loi qui vise à créer les conditions pour que les employeurs s'impliquent davantage pour loger leurs employés.
De manière très pratique, dans le cadre d'une AOH, quels sont les outils dont une intercommunalité aurait besoin pour réaliser les études prospectives qui permettront aux employeurs de compter sur des logements au plus près des lieux de travail ? Quelles sont les relations à établir avec les employeurs pour cela ? Je ne parle pas de l'implantation de très grandes usines, car ces projets ambitieux bénéficient de moyens importants, mais bien des besoins des commerçants, des artisans et des PME, pour lesquels la question du logement est devenue cruciale pour attirer des personnels compétents.
Nous avons créé une société publique locale (SPL) d'aménagement qui regroupe désormais sous une même direction l'agence de développement économique, l'agence d'urbanisme et la maison des compétences : nous avons en effet estimé qu'il était impossible de s'occuper de ces trois domaines séparément.
Les logements que nous sommes en train de construire ont été présentés préalablement aux entreprises. Nous avons travaillé avec des architectes urbanistes dans le cadre du concours Europan, ouvert en 2019 et consacré aux villes productives ; ils nous ont montré comment créer une ville vivante et de la fluidité territoriale.
Nous avons donc sorti de leurs silos respectifs les questions du logement, du développement économique et de la formation professionnelle.
À côté des logements, nous avons prévu des bureaux, une crèche – au financement de laquelle les entreprises ont participé – ainsi que des organismes de formation, un laboratoire et des ateliers relais. Tout cela forme un écosystème en ville, destiné à assurer la symbiose avec les entreprises – car les TPE et les PME sont très importantes.
Il n'existe, à ma connaissance, pas d'obligation pour les entreprises d'investir dans le logement lorsqu'elles s'implantent. Nous avons décidé de les inciter à réserver un certain nombre de logements pour leurs salariés et nous étudions s'il serait possible qu'elles participent financièrement à leur construction – puisqu'on nous dit partout que ces structures hybrides ne correspondent à aucun schéma existant. Je ne souhaite pas que ces logements relèvent du logement social, car il s'agit de pouvoir accueillir des personnes aux activités très différentes, par exemple des médecins. Les entreprises qui envisagent de s'installer se renseignent en effet aussi sur l'offre de soins pour leurs salariés ou sur les modes de garde d'enfants en horaires décalés.
Nous nous sommes aussi dit qu'il faudrait intégrer l'office du tourisme à la SPL, afin de prendre en compte ce volet de l'attractivité du territoire.
Reste que nous ne pouvons pas répondre en totalité aux besoins en logement liés au dynamisme économique – notamment en raison du ZAN : c'est utopique. Il fallait donc aussi prendre en compte les besoins de mobilité, si possible décarbonée, y compris pour les personnes qui télétravaillent. Nous avons négocié avec la région Normandie pour que la ligne ferroviaire utilisée pour le fret le soit aussi de nouveau pour le transport de passagers. La SPL consacrée à la mobilité sera également fusionnée dans l'outil constitué par l'entité unique.
Présidence de M. Dominique Da Silva, vice-président de la mission
Est-ce que cette SPL permet de répondre à l'ensemble des différents besoins exprimés ? Comment ce modèle intéressant a-t-il été financé et comment envisagez-vous l'avenir ?
La SPL Caux Seine développement a interrogé l'ensemble des entreprises installées sur le territoire, mais aussi certaines qui avaient l'intention de le faire, pour savoir comment elles voyaient la situation dans dix ou quinze ans. Ce sont elles qui ont déterminé les besoins en logement. Nous avons ensuite trouvé le foncier pour y répondre.
Je mène une rénovation « Cœur de ville » depuis 2010, avec une concession d'aménagement depuis 2013. Pendant longtemps, on nous a seulement demandé de créer des logements, des parkings et des cases commerciales. Mais nous avons choisi d'avoir moins de commerces, pour qu'ils marchent mieux. Nous avons réduit l'emprise routière et nous avons réfléchi à ce qu'une entreprise souhaitait trouver pour s'installer chez nous. Nous avons travaillé avec l'établissement public foncier de Normandie (EPFN), qui s'occupe de développement économique, et avec la foncière de Normandie, qui aide à nous financer.
La concession d'aménagement est un outil extrêmement efficace pour se projeter à l'horizon de vingt ans – puisque c'est le temps qu'il faut pour amortir les investissements en raison du coût de la construction. La commune ou l'intercommunalité ne peut pas consentir directement un tel investissement ; elle intervient à travers une foncière ou grâce à un mandataire – dans notre cas, il s'agit de la Société d'économie mixte d'aménagement normande (Shema). Nous nous attachons à l'effet de levier produit par notre action : nous savons que chaque euro investi dans la Shema en rapporte cinq.
La SPL est, quant à elle, financée par la vente de prestations aux communes. Elle s'occupe de l'animation commerciale, mais aussi des opérations de revitalisation de territoire (ORT) et des programmes « Petites Villes de demain » (PVD) – qui concerne trois des villes de la communauté d'agglomération – et « Villages d'Avenir ». Elle fournit également des prestations d'ingénierie aux communes. Ces recettes permettent de financer des interventions réalisées par le biais de sociétés d'économie mixte (SEM). La SPL est une petite structure composée d'une vingtaine de personnes et elle s'autofinance. Nous avons en quelque sorte créé notre petit cabinet d'ingénierie.
Nous vous détaillerons par écrit ce qui devrait, selon nous, figurer dans le statut d'AOH.
Le pilotage de certains instruments pourrait être amélioré : c'est notamment le cas de MaPrimeRénov', qui est un outil extrêmement important. Actuellement, lorsque je monte des dossiers, je constate que, dès le mois de juin, l'Anah a épuisé ses crédits. Les demandeurs doivent alors se tourner vers la région, le département et, dans notre cas, la communauté d'agglomération, qui intervient aussi pour faire un effet de levier. Compte tenu de l'importance des primes versées par l'Anah, des centaines de dossiers se trouvent de fait reportés au mois de janvier suivant. Une véritable décentralisation de MaPrimeRénov' permettrait de faire remonter plus vite les informations sur le rythme de consommation des crédits par rapport aux besoins, mais aussi d'offrir un véritable service intégré pour orienter les citoyens et déterminer quels sont les travaux les plus opportuns : j'ai moi-même pu bénéficier de MaPrimeRénov' pour changer de chaudière, alors qu'une isolation aurait probablement été une meilleure solution.
Intercommunalités de France insistent sur l'importance des financements, car on ne peut pas balayer le sujet d'un revers de la main : les besoins sont en effet considérables. Mais on pourrait mieux utiliser l'argent disponible en mettant en place un guichet unique, au plus près des habitants dans les territoires.
Vous avez évoqué la mobilité dans le parc social. J'imagine que, comme partout, vous avez plus de demandes que de logements disponibles. Comment envisagez-vous la décentralisation de la gestion de ce parc ?
On sait que le but premier du parc social est de loger les populations les plus défavorisées. De quels outils auriez-vous besoin pour mieux gérer ce parc et pouvoir prendre aussi en compte la démarche globale de retour vers l'emploi et de formation ? Il faut sans doute introduire une notion de parcours résidentiel car, s'il est normal que les gens accèdent au logement social, ils n'ont pas forcément vocation à y rester toute leur vie.
La saturation du parc social s'explique par plusieurs raisons dont, tout d'abord, l'absence de rénovation. Je le constate dans l'une des communes de ma communauté d'agglomération : les nouvelles opérations de logements à loyer réglementé ont vidé les programmes anciens. Le bailleur de ces derniers ne retrouve pas l'équilibre financier et n'a plus les moyens de financer une rénovation, qu'il aurait certes peut-être dû engager plus tôt.
La deuxième raison, c'est que beaucoup trop de gens installés dans des logements sociaux ont des revenus au-dessus des plafonds de ressources et payent des surloyers – je serais d'ailleurs curieuse d'en connaître le nombre exact. Quand trop de locataires paient des surloyers, il devrait être possible de dire au bailleur qu'il doit contractualiser avec ses locataires et qu'ils ne relèvent plus du logement social.
Enfin, il y a des problèmes de comptabilisation des logements sociaux. Lorsqu'un bailleur social vend ses logements, ces derniers continuent pourtant à être considérés comme des logements sociaux pendant dix ans au titre de la dotation générale de fonctionnement (DGF). Cela affecte les équilibres du PLHI. Il faut en finir avec cette règle.
Quand le bailleur social vend un logement, il le propose en priorité au locataire et une rénovation énergétique est souvent réalisée au préalable. C'est donc très intéressant pour le locataire, mais il ne s'agit plus de logement social. Il faut donc libérer en parallèle du potentiel pour créer du logement social ailleurs. Dans ma commune, un immeuble assez agréable comprend 50 % de locataires qui paient des surloyers. Ils préfèrent le faire plutôt que d'avoir à quitter leur logement : on s'éloigne de la logique de baux à caractère social.
Une solution pourrait être d'indiquer dès le départ les règles du jeu au locataire d'un logement à loyer réglementé, afin qu'il sache qu'il devra quitter ce logement lorsque son revenu dépassera un certain seuil. Il faut aussi prévoir un dispositif qui permette de proposer le transfert vers un logement moins grand dans le même immeuble quand les enfants n'y habitent plus – par exemple, à partir du moment où leur domicile fiscal est différent de celui des parents. Le logement social est destiné à répondre aux besoins de la population française, dans le cadre d'un parcours résidentiel : il ne faut pas dériver vers un droit à y demeurer ad vitam aeternam.
Le maintien dans les lieux lorsque les enfants sont partis et le surloyer sont des sujets sensibles.
L'une des solutions consisterait à mettre entre les mains des collectivités territoriales, dans le cadre de l'AOH, des dispositifs qui leur permettent vraiment d'agir en tenant compte des réalités locales.
Cela passe principalement par un droit de regard sur la stratégie patrimoniale menée par les bailleurs sociaux – qu'il s'agisse de la production de logements neufs comme de la réhabilitation. Comme cela a été dit, cette dernière produit des effets de vases communicants. Il faut aussi pouvoir questionner la politique des loyers ou la vente de logements sociaux, car celle-ci a des effets sur les collectivités dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), ainsi que sur le montant de la DGF, de manière indirecte.
Les collectivités peuvent négocier dans de bonnes conditions avec les bailleurs lorsqu'elles sont représentées à leur conseil d'administration – et, bien entendu, dans des conditions encore meilleures lorsqu'il s'agit de leurs propres bailleurs, c'est-à-dire d'offices publics de l'habitat (OPH). Mais cela peut devenir plus compliqué avec les offices départementaux, car les démarches de regroupement débouchent parfois sur des stratégies patrimoniales qui voient s'opposer la communauté d'agglomération et la grande ville, ou bien la communauté d'agglomération et la métropole. Et c'est encore plus difficile lorsque l'on a affaire à de grands bailleurs, comme CDC Habitat ou d'autres groupes, qui mènent une stratégie à l'échelle nationale et ne tiennent pas compte des territoires.
Il est nécessaire que les collectivités disposent d'un droit de regard et d'une capacité de négociation nettement plus affirmés sur les plans patrimoniaux et sur les conventions d'utilité sociale. C'est ce que nous souhaitons pouvoir introduire dans le cadre de l'AOH.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 15 h 30
Présents. – M. Mickaël Cosson, M. Dominique Da Silva.