En effet, la situation est plus défavorable, financièrement, pour les locataires que pour les propriétaires d'une petite maison, par exemple. Cela contribue certainement à la sédentarité. En France, on a le culte de la propriété, contrairement au reste de l'Europe. De plus, on veut réindustrialiser et fixer les gens sur le territoire. De ce fait, notre modèle, qui était critiquable il y a dix ou quinze ans, ne l'est plus aujourd'hui, me semble-t-il.
On doit multiplier les opérations d'accession à la propriété, même pour les logements privés. Dans la perspective de l'arrivée des mille emplois d'ici 2025 à 2026, j'ai souhaité la construction, dans ma ville, d'un immeuble de logements loués sur le mode « Airbnb ». Cela nous permettra d'accueillir des salariés en période d'essai, des ingénieurs et des techniciens participant à la construction des usines, des médecins… C'est un projet coûteux, car je veux un immeuble entièrement réversible, qui puisse devenir une résidence pour seniors dans dix à quinze ans, quand nous n'aurons plus besoin de ces logements. Comme nous prévoyons déjà les espaces partagés, les services de l'État me disent que le coût au mètre carré est trop élevé pour du logement mais pas assez pour des bureaux ; ils ne comprennent pas ce que nous faisons. Je vais donc être confrontée à un problème de financement pour réaliser cette construction hybride adaptée aux besoins actuels et adaptables aux besoins futurs. Le sous-préfet, tout en connaissant la problématique du territoire, me dit que nous ne remplissons pas les conditions pour prétendre au Fonds vert ou à d'autres aides nationales.
À l'avenir, les industries s'implanteront dans des territoires intermédiaires comme le nôtre, c'est-à-dire des territoires qui ne sont pas compris dans les zonages B1 ni soumis aux dispositifs des métropoles, dont la densification est assumée depuis des années.
Notre territoire, comme tous les autres, est spécifique : cela justifie de recourir, pour chaque territoire, à des projets et des contrats « sur mesure ». Nous sommes prêts à renoncer à certaines choses si ça ne marche pas et à partager les projets qui fonctionnent avec d'autres territoires aux caractéristiques similaires. Il ne faut pas rater ce virage, car on n'aura plus beaucoup de terrains ni de moyens, et énormément de gens à loger.
En Normandie, nous avons construit beaucoup de logements, mais nous n'avons pas plus d'habitants – nous en perdons même, par exemple des étudiants qui ne trouvent pas à se loger dans les métropoles caennaise, havraise et rouennaise. Nous sommes aussi confrontés au desserrement des familles. Sur mon territoire, de nombreux logements à loyer réglementé – par exemple, des appartements familiaux de quatre chambres – ne sont plus occupés que par les parents, une fois les enfants partis. Il faudrait que nous puissions inciter ces personnes à trouver un logement plus petit ; c'est un sujet prégnant, pour nous comme pour les bailleurs. On a besoin de parcours sécurisés, qui impliquent que l'on annonce dès le départ aux locataires qu'ils ne pourront pas rester si certaines conditions ne sont plus remplies.
Le principal outil de soutien à la production de logements devrait être, à mon sens, l'assouplissement du PLI. Sur des territoires intermédiaires, il faut penser à ce dispositif, qui est très concentré sur les zones en tension. Les services de l'État ont rejeté notre PLH au motif que nous n'en avons pas besoin aujourd'hui, quand bien même je leur ai fait observer que de nouvelles implantations industrielles étaient annoncées – j'ai déjà deux permis de construire et 357 fiches de poste. Les services de l'État en sont conscients, mais ils ne peuvent pas prendre en considération ces données pour le contrôle du PLH.
Je travaille très bien avec la DDTM, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et l'Agence de la transition écologique (Ademe), mais, au stade de l'instruction, elles se disent « coincées » par les outils actuels. Il faut davantage de souplesse et privilégier une approche « bottom-up » : dans le cadre de la décentralisation de la compétence « Habitat », il va falloir aborder ces sujets.
La prime aux maires bâtisseurs instituée par le Gouvernement est méconnue de mes services, alors que j'ai bâti près de huit cents logements en dix ans. J'avais entendu parler de cette aide de deux mille euros par logement, mais je n'ai pas fait le lien et le sous-préfet ne m'en a jamais parlé. Un faible nombre de nos adhérents a utilisé le dispositif et nous allons les réinterroger pour vous en donner les raisons ; peut-être est-il trop restrictif.
Quant à la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV), il faudrait les fusionner et laisser la main aux intercommunalités, qui pourraient proposer au préfet, en fonction des zonages, des mécanismes incitant davantage les propriétaires à rénover. La plupart du temps, les logements sont vacants en raison de leur vétusté. À titre d'exemple, au sein de mon agglomération, plus de 10 % du parc de la commune historique sont vétustes et insalubres. Je n'ai pas trouvé les moyens qui nous permettraient de faire rénover ces logements sans que cela coûte trop cher aux propriétaires. Souvent, dans le cadre d'indivisions avec plusieurs héritiers, personne ne veut mettre la main à la poche. La plupart du temps, les propriétaires préfèrent ne pas louer plutôt qu'investir. Nous multiplions les réunions avec les notaires et autres syndics pour leur demander d'informer que nous accordons des aides aux copropriétés. Il arrive parfois qu'un immeuble entier soit laissé vacant : c'est un problème que nous partageons certainement avec de grandes métropoles comme Marseille.
L'intercommunalité ne me semble pas suffisamment identifiée sur la question du logement. De ce point de vue, la décentralisation, telle que la veut le ministre délégué, présentera un grand intérêt, car nous connaissons les interlocuteurs à l'échelon local. Si on est correctement identifié, ces interlocuteurs se serviront spontanément d'outils comme notre plateforme de rénovation énergétique pour accéder aux financements. Au lieu d'attendre que les gens se rendent à la maison de l'intercommunalité, nous envoyons un bus faire le tour des villes et des villages, en commençant par les quartiers les plus énergivores, pour inciter les habitants à remettre en location ou à vendre leur bien.
S'agissant du ZAN, l'effort de pédagogie devra, à mes yeux, porter sur la densification et la verticalité. Il faut occuper les toits, il existe de nombreuses façons de construire pour densifier.