Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • IRA
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  • ukraine
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  • États-unis

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 22 novembre 2023

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 15 heures 02.

I. Compte-rendu de la mission du Bureau de la commission en Ukraine (M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Président)

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Je vous propose de faire un point sur le déplacement des vices présidents de la Commission en Ukraine qui s'est tenu les 8 et 9 novembre derniers. J'étais accompagné de nos collègues Pierre-Henri Dumont, Frédéric Petit et Charles Sitzenstuhl. Marietta Kamaranli en qualité de vice-présidente était également conviée mais elle n'a pas pu se déplacer. Nous nous sommes rendus sur place en Ukraine afin de nous rendre compte de la situation et de témoigner au gouvernement et au peuple ukrainien notre solidarité dans le double défi que doit relever ce pays.

Le premier de ces défis est l'agression russe qui a commencé en février 2022 et qui se poursuit aujourd'hui. Le second est l'affirmation du destin européen de l'Ukraine par sa candidature au statut d'État membre de l'Union européenne.

Nous avons eu de nombreux entretiens à haut niveau, aussi bien au niveau du gouvernement que du parlement et je souhaiterais remercier le service diplomatique sur place.

Ce déplacement s'est tenu dans un contexte singulier, celui de l'approche de l'hiver redouté par les Ukrainiens ainsi que la publication par la Commission européenne du rapport d'élargissement 2023 qui a été le principal fil conducteur de nos entretiens sur place.

Permettez-moi de vous faire part de certaines convictions au retour de Kiev. La première c'est qu'en dépit des difficultés rencontrées sur le champ de bataille, l'exposé que nous en a fait l'attaché militaire ou le ministère de la Défense fait état d'une guerre difficile où chaque offensive de part et d'autre se révèle extrêmement coûteuse en hommes et en matériel. Les pertes humaines subies par l'Ukraine ne sont pas communiquées publiquement mais on les devine importantes, même si elles restent inférieures aux pertes russes. Malgré cette situation difficile et le détournement de l'attention internationale vers le Proche-Orient, la détermination des Ukrainiens demeure intacte. Notre visite, comme celle de Catherine Colonna il y a quelques semaines, ont été appréciées et vues comme une marque de soutien de la France dans la durée.

Après deux ans de guerre, j'ai porté un message simple : nous sommes aux côtés de l'Ukraine pour qu'elle puisse recouvrer sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale car il en va également de la sécurité de la France et de l'Europe.

La France est louée pour son soutien en faveur de l'Ukraine, à travers la fourniture de matériels et la formation de militaires ukrainiens, soit en France même, soit en Pologne.

Les Ukrainiens reconnaissent bien entendu que leur capacité à modifier la situation dépend étroitement de l'assistance des pays occidentaux, et notamment de la poursuite, voire de l'intensification des livraisons de matériel et de munitions. Tous les responsables que nous avons rencontrés ont souligné l'importance de la coopération dans le domaine militaire et, surtout, leur volonté de ne pas être un acteur passif mais un véritable contributeur à la sécurité de l'Europe.

Il nous a cependant été rappelé à plusieurs reprises, au Parlement comme au sein du gouvernement, que l'Ukraine aura très rapidement besoin d'une aide militaire accrue avec l'arrivée de l'hiver, qui devrait s'accompagner de frappes aériennes russes visant les infrastructures énergétiques. L'Ukraine craint que les capacités russes se soient accrues depuis l'hiver dernier et aura par conséquent besoin de renforcer ses défenses aériennes afin de les protéger. Les systèmes français ont un rôle important à jouer dans cette phase du conflit.

La seconde conviction dont je voulais vous faire part concerne la candidature de l'Ukraine à l'Union. Nous étions sur place le jour de la remise du rapport de la Commission sur l'état d'avancement de la candidature ukrainienne.

Les autorités ukrainiennes ont fait en sorte de pouvoir rendre compte de l'usage fait de chaque matériel fourni par les partenaires occidentaux. Un système de suivi de ces matériels, appuyé sur une base de données nourrie en temps réel, permet ainsi de couper court aux rumeurs qui ont pu courir faisant état d'un écoulement frauduleux de certains armements. L'industrie ukrainienne s'efforce également, à chaque fois qu'elle le peut, d'assurer elle-même l'adaptation ou la réparation de matériels endommagés. Malgré sa dépendance actuelle, qui est inévitable, l'Ukraine vise un degré d'autonomie maximal.

Les responsables que nous avons rencontrés ont surtout souligné que l'Ukraine voulait jouer un rôle actif dans la défense du continent. L'assistance militaire à l'Ukraine, comme nous l'ont rappelé plusieurs de nos interlocuteurs, doit être vue comme un investissement dans notre propre sécurité.

Il est surtout important que notre attention ne se détourne pas de l'Ukraine malgré la situation internationale, et en particulier les événements du Moyen-Orient. En réalité la discussion ne porte plus sur la question de l'acceptation de l'Ukraine dans l'Union européenne. En effet, elle a obtenu le statut de pays candidat sous présidence française en 2022. La question est sous quelle forme et selon quelles modalités cette adhésion doit se réaliser. De nombreuses réformes ont été demandées aux Ukrainiens et ils les mènent avec abnégation bien qu'ils soient encore loin d'avoir tout accompli notamment concernant la corruption, l'état de droit ou l'indépendance judiciaire entre autres. Ils reconnaissent leurs propres manquements mais conservent une volonté et une habilité à réformer en temps de guerre qui est admirable. Soit nous les excluons de l'espace de l'Union et ils resteront soumis à la déstabilisation et à la guerre, soit nous les accompagnons sur le chemin de l'adhésion et nous stabiliserons le continent européen. Je précise qu'une candidature au rabais ne serait acceptable ni pour nous ni pour les Ukrainiens. Quelle que soit la décision des chefs d'États en décembre, l'adhésion de l'Ukraine prendra plusieurs années pour permettre la libération, la reconstruction et la réforme de ce pays

Je voulais faire un dernier point sur la déportation de dizaines de milliers d'enfants ukrainiens. Il y a quelques mois, nous avions fait adopter une PPRE sur ce sujet. Nous avons rencontré sur place des acteurs gouvernementaux, des parlementaires et des ONG qui nous ont fait état d'une situation critique pour ces dizaines de milliers d'enfants qui sont souvent déportés très loin des frontières de l'Ukraine au cœur de la Fédération de Russie pour empêcher leur retour bien que quelques-uns y soient arrivés. C'est une blessure profonde pour la société ukrainienne et ce problème ne pourra être résolu que par la défaite militaire de la Russie et la mobilisation de la communauté internationale. S'il n'a pas fait la une des gazettes en France, notre texte avait été remarqué en Ukraine et je pense qu'il est important de rappeler que nos résolutions ne sont pas vaines : elles ont un poids à l'étranger.

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Je voulais vous demander si vous avez évoqué les sujets démographiques. Il me semble qu'un important problème est l'évolution démographique en baisse en Russie mais encore plus en Ukraine, de l'ordre de 18 % il me semble. Cela fait peser, il me semble, d'importantes craintes sur l'évolution du conflit à l'avenir.

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Nous ne l'avons pas évoqué directement car ce sujet n'est pas revenu directement dans nos discussions. Cela a été évoqué à travers la question du vieillissement de l'armée ukrainienne. On ne connaît pas la mesure des pertes au front mais nous les savons considérables. Avec le prolongement de la guerre, nous avons constaté que les jeunes soldats sont de plus en plus remplacés par des plus âgés. Effectivement vos chiffres sont préoccupants pour l'avenir mais le plus important pour les Ukrainiens est leur capacité à mobiliser davantage de forces vives pour faire face à l'agression russe. Les Russes quant à eux font bien moins cas du sort de leurs soldats et font beaucoup moins d'efforts pour évacuer les dépouilles et les remettre à leurs familles. C'est cette marée humaine russe qui pose problème au-delà des difficultés d'armement ukrainiennes.

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Nous avons eu à la France Insoumise l'occasion de nous exprimer par écrit dans un communiqué car nous n'étions pas conviés à ce voyage alors que je fais partie du Bureau de cette commission. Ce qui compte ici c'est d'afficher notre solidarité aux victimes ukrainiennes et à leur nation. Il faut cependant aussi avertir contre le risque d'escalade et de guerre totale. Tout doit être mis en place pour réunir les conditions pour une paix négociée en envoyant par exemple des casques bleus autour des centrales nucléaires ukrainiennes. À la France Insoumise, nous avons auditionné à l'Assemblée nationale les opposants socialistes russes à la politique de Vladimir Poutine et il est important de rappeler qu'il n'y a pas de soutien unanime à ce dernier dans son propre pays. Nous avons aussi auditionné des militants écologistes ukrainiens car il y a aussi une mobilisation militante en Ukraine.

Enfin je voudrais dire que l'adhésion de l'Ukraine ne pourra se faire qu'au terme d'un long processus de réformes internes sur la corruption, la transparence ou le système judiciaire. Quelques jours avant le déplacement de la délégation de cette commission, il y a eu l'arrestation de deux responsables de la Défense en Ukraine suspectés d'avoir détourné plusieurs millions d'euros dans une opération d'achat de gilets pare-balles. Cet évènement n'est pas anecdotique et montre que la corruption en Ukraine reste un problème majeur. L'ONG Transparency International classait dans son rapport de 2021 à la 122e sur 180 dans la liste des pays les moins corrompus sur Terre. Il y a eu une légère progression mais elle reste très loin des pays de l'Union européenne. Ce n'est pas un phénomène nouveau et le soulèvement de Maïdan en 2013 était d'ailleurs lié à cette question. Vous semblez très optimistes mais ce problème semble tellement prédominant que je souhaiterai savoir comment vous avez abordé cette question.

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Je l'ai rappelé en préambule : des réformes ambitieuses ont été menées par les autorités ukrainiennes. Le plus grand ennemi de l'Ukraine après la Fédération de Russie et Vladimir Poutine, c'est aujourd'hui la corruption. Ce chantier immense est devant eux. Le Président Zelenski a été très clair sur le sujet, il en a fait une de ses priorités. Les responsables ukrainiens qui ont été convaincus de corruption ont été remerciés et vilipendés publiquement : il faut saluer ce volontarisme politique. Il n'y a évidemment pas d'angélisme en la matière et nous serons attentifs aux progrès de la lutte anti-corruption en Ukraine dans le chemin vers son entrée dans l'Union européenne.

Par ailleurs, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse au communiqué de presse publié sur les réseaux sociaux par le groupe de La France Insoumise concernant le déplacement de la commission en Ukraine. Par mail en date du 12 septembre, j'ai proposé aux membres du Bureau qu'une délégation composée des quatre vice-présidents de notre commission et de moi-même se rende en Ukraine pour discuter avec les autorités de ce pays des perspectives d'adhésion à l'Union européenne. Il n'y a pas de vice-président LFI au sein de cette commission. Compte tenu des difficultés de déplacement pour rejoindre l'Ukraine, il était difficile d'envisager une délégation de plus grand effectif. J'avais proposé que, sous réserve des éventuelles remarques d'ici vendredi 15 septembre, il en serait ainsi décidé. Aucune remarque ou proposition n'ayant été faite par retour de mail, il en a été ainsi décidé. Par ailleurs, la NUPES était représentée au sein de la délégation en la personne de notre collègue Mme Marietta Karamanli qui a été finalement empêchée. Je me permets également de répondre au Rassemblement National, dont certains membres se sont étonnés de ne pas pouvoir participer à ce déplacement. Aucun député du Rassemblement National n'étant membre du Bureau de la Commission, ils ne pouvaient se joindre à la délégation.

Voilà ce que je voulais partager avec vous. L'ordre du jour de notre réunion appelle maintenant l'examen du rapport d'information et de la proposition de résolution européenne de nos collègues Marietta Karamanli et Sabine Thillaye sur la réponse européenne à l' Inflation Reduction Act.

II. Réponse européenne à l'Inflation Reduction Act (IRA) : communication de Mmes Marietta KARAMANLI et Sabine THILLAYE et examen d'une proposition de résolution européenne

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Monsieur le Président, mes chers collègues. Nous avons choisi de travailler sur la réponse européenne à la loi américaine sur la réduction de l'inflation, plus connue sous son acronyme « IRA ».

Notre communication propose une analyse préliminaire des défis posés à l'économie européenne et des actions engagées par l'Union et les 27 États membres. Elle prolonge la table ronde organisée à ce sujet le 22 mars dernier par notre commission, durant laquelle nous avions pu échanger avec des experts de haut niveau.

En premier lieu, de quoi la loi américaine sur la réduction de l'inflation est-elle le nom ? Ce texte marque le ralliement nécessaire des États-Unis à la lutte contre le changement climatique. Les errements de l'ère Trump laissent place au volontarisme de l'administration Biden. En effet, l'IRA mobilise sur 10 ans près de 370 milliards de dollars de financements publics pour soutenir l'investissement et la demande dans les filières de l'industrie verte. C'est une bonne nouvelle pour l'action climatique au niveau international. Les États-Unis ont pu être soupçonnés par le passé d'adopter un comportement de « passager clandestin », laissant aux autres nations le soin de supporter les efforts liés à la protection de l'environnement. La trajectoire carbone actuelle des États-Unis devait conduire à une réduction de 26 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, par rapport à 2005. Cette baisse devrait atteindre 42 % avec l'IRA. Si nous saluons la prise conscience de nos partenaires américains, c'est bien le fond et la forme de la solution retenue qui posent d'importantes difficultés.

C'est un « coup de boost » (permettez-moi l'expression) à l'industrie américaine financé par la puissance publique.

Disons-le aussi, l'adoption de l'IRA a laissé penser que l'économie européenne allait faire face à un déficit de compétitivité du fait du montant des aides, de leur simplicité et de la perspective de long terme qu'elles ouvrent.

Nous pouvons évoquer ici l'un des éléments les plus connus et les plus contestés. Un crédit d'impôt de 7 500 dollars est institué, sous conditions de ressources, au profit des ménages pour l'achat d'un véhicule électrique neuf. Or l'octroi de l'aide dans sa totalité est soumis à des exigences de contenu local préjudiciables aux constructeurs européens qui exportent vers les États-Unis. Trois critères discriminatoires peuvent être identifiés. D'abord, le véhicule devra être assemblé aux États-Unis, au Canada ou au Mexique. Ensuite, les composants de la batterie devront entièrement être produits aux États-Unis d'ici à 2029. Enfin, les minerais critiques nécessaires à la fabrication de la voiture devront, d'ici 2027, être extraits, transformés ou recyclés à 80 % en Amérique du Nord ou dans un pays signataire d'un accord de libre-échange avec les États-Unis. Ce n'est pas le cas de l'Union européenne, les négociations du partenariat transatlantique – le fameux TAFTA – se trouvant au point mort depuis plusieurs années. Un seul modèle produit par un constructeur étranger en Amérique du Nord, en l'occurrence une voiture Volkswagen, est aujourd'hui éligible à ce crédit d'impôt.

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Il ne fait aucun doute que la majorité des dispositions de l'IRA portant sur les technologies propres sont contraires au droit de l'Organisation mondiale du commerce. La clause de traitement national prévue à l'article 3 du GATT interdit expressément toute mesure discriminatoire à l'encontre des produits étrangers similaires. L'Organe de règlement des différends de l'OMC a reconnu à plusieurs reprises le caractère illégal des exigences de contenu local.

Le protectionnisme vert pratiqué par les États-Unis manque ainsi sa cible environnementale. La révision du bonus écologique en France, fondée sur des critères objectifs liés à l'empreinte carbone du véhicule, démontre pourtant que des marges de manœuvre existent dans le respect du droit de l'OMC. C'est bien la performance environnementale de la voiture – et non la localisation de sa production – qui déterminera l'éligibilité à l'aide.

L'Europe peut s'inspirer de la révision du bonus écologique en France. Il faut s'assurer que les normes édictées en matière de réduction d'émissions ne soient pas seulement applicables aux industries européennes, mais à tous les acteurs internationaux qui investissent et vendent sur notre continent. L'analyse du cycle de vie des voitures électriques y contribue.

La principale incertitude réside désormais dans l'ampleur des conséquences du plan américain sur l'attractivité et la résilience de notre industrie. L'appel d'air créé par l'IRA, à l'origine d'un risque de délocalisations ou d'éviction des investissements vers les États-Unis, est difficile à mesurer. Dans cette bataille des chiffres, la Commission européenne, comme les instituts économiques à l'image du Conseil franco-allemand d'experts économiques, ou du CEPII que nous avons auditionné, se veulent rassurants. Il est encore difficile d'évaluer précisément les implications financières de l'IRA, mais nous avons que le volume financier global des divers programmes déjà lancés par l'Union pour faciliter la transition verte est comparable à celui de l'IRA. En termes relatifs, les subventions de l'IRA représentent moins de 0,2 % du PIB américain par an – contre près de 0,5 % du PIB européen pour les dépenses équivalentes. La taille du marché unique, la qualité des infrastructures et la disponibilité de la main d'œuvre formée sont autant d'atouts à mettre au crédit du tissu productif européen.

Les projections alarmistes de l'automne dernier, ponctuées de quelques annonces de réorientation de projets industriels, ont ainsi laissé place à des analyses plus mesurées.

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Ces éléments de cadrage soulignent que l'Europe n'est pas désarmée face à l'IRA américain. Ils démontrent néanmoins des fragilités et des insuffisances, auxquelles il convient de remédier rapidement. Comme elle le démontre régulièrement dans les situations de crise depuis quelques années maintenant, l'Union européenne a ainsi su réagir rapidement, pour protéger l'industrie européenne.

La Commission européenne a présenté le 1er février 2023 son plan industriel du Pacte vert. Les propositions de la Commission dépassent la seule réponse conjoncturelle à l'IRA. C'est bien le développement de l'industrie verte européenne et l'atteinte de l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 qui sont en jeu.

Le plan industriel du Pacte vert s'articule autour de plusieurs axes de travail. Nous nous sommes attachées en priorité aux leviers de la réglementation, du financement et de la politique commerciale, qui appellent diverses observations et recommandations de notre part.

D'abord, la simplification de l'environnement réglementaire sur l'ensemble de la chaîne de valeur de l'industrie verte nous semble prioritaire. C'est le sens des propositions de règlement de la Commission européenne sur les matières premières critiques et pour une industrie « zéro net », présentées le 16 mars 2023.

Le texte sur les matières premières critiques vise en priorité à accélérer les procédures d'autorisation des projets d'extraction, de transformation ou de recyclage de matières premières critiques. Il est important que l'Union réduise ses dépendances stratégiques sur la phase « amont » de la production, alors que les sites d'extraction et de transformation sont aujourd'hui extrêmement concentrés. La Chine raffine par exemple 90 % des terres rares mondiales. C'est un matériau qui entre dans la fabrication de nombreuses technologies vertes, dont les aimants permanents des éoliennes. En complément de nouveaux partenariats avec les pays tiers, la Commission souhaite donc renforcer les capacités de production sur le sol européen.

Sur ce texte relatif aux matières premières critiques, nous souhaitons souligner que la position du Conseil relève l'ambition de la proposition initiale de la Commission. Notre proposition de résolution européenne envisage ainsi de soutenir la position du Conseil, notamment avec des cibles ambitieuses pour le recyclage et la transformation de matières premières critiques. Les trilogues sont en cours.

Le second texte en cours de négociation, relatif à l'industrie « net zéro », fixe un objectif global de 40 % de production européenne dans les secteurs des technologies propres, telles que les batteries électriques et les électrolyseurs pour l'hydrogène. Cette approche dite de « fast-tracking » est bienvenue et renvoie, en France, aux dispositions à la loi relative l'industrie verte récemment adoptée par le Parlement. Ce texte prévoit également de créer deux nouveaux critères d'évaluation dans l'attribution des marchés publics, relatifs à la durabilité et à la résilience de l'offre proposée. L'idée générale est de soutenir l'implantation d'installations durables.

Ce texte dit « NZIA » est toujours en cours de négociation au Conseil. Le Parlement européen, qui a adopté sa position officielle hier, a profondément revu l'architecture du texte, en laissant chaque État membre décider, parmi une liste prédéfinie et très large, quelles technologies propres soutenir. Nous craignons que cette nouvelle architecture ne mène ensuite les autorités administratives nationales et européennes à mobiliser des moyens humains très importants, pour déterminer ensuite concrètement quels projets soutenir ou non.

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Ensuite, la capacité de l'Union et des États membres à déclencher efficacement les financements privés est au cœur de la réponse européenne à l'IRA. La simplicité et la prévisibilité des aides gagneraient à être renforcées en Europe. C'est le sens des recommandations récemment formulées par notre collègue Charles Sitzenstuhl sur le fonctionnement des projets importants d'intérêt européen commun, les PIIEC, dans son rapport sur le projet de loi relatif à l'industrie verte. Nous insistons sur la portée transnationale de ce dispositif, à l'heure où le soutien budgétaire déployé par chaque État membre pour soutenir son économie crée un risque de fragmentation du marché intérieur. L'ampleur des réponses nationales peut varier : seules l'Allemagne et la France sont encore en mesure de mobiliser des milliards euros, les autres États ont moins cette capacité.

La mise en place d'un véritable Fonds de souveraineté européen est donc nécessaire. L'Union européenne ne peut pas se contenter de faire les « fonds de tiroirs » en ré-agençant les dispositifs existants et en proposant seulement 10 milliards d'euros de nouveaux financements. Identifier les projets stratégiques au niveau européen et mobiliser le budget de l'Union, voilà qui devrait rationaliser les initiatives redondantes voire concurrentes au niveau national. Dans un contexte de stress budgétaire intense à l'occasion de la révision du cadre financier pluriannuel, la Commission a proposé la création d'une plateforme dite « STEP », pour le soutien aux technologies industrielles innovantes, dotées de 10 milliards d'euros d'argent « neuf ». Si cette solution se comprend à court terme, l'Union ne peut faire l'économie de la création d'un véritable Fonds de souveraineté d'ampleur à moyen terme.

Enfin, la réponse européenne à l'IRA suppose d'explorer toutes les options de politique commerciale à la disposition de l'Union. Il nous semble peu opportun, à ce stade, d'introduire une plainte devant l'OMC ou de reproduire les exigences de contenu local mises en place outre-Atlantique. Nous aurions tout à perdre d'une guerre commerciale. Les États-Unis demeurent un partenaire privilégié au niveau international, en particulier alors que l'Union réévalue son approche stratégique à l'égard de la Chine.

Une Task Force commune entre les États-Unis et l'Union a permis de maintenir le dialogue et d'obtenir de premières concessions, par exemple pour les véhicules assemblés en Europe et mis sur le marché américain en leasing. Ces efforts se poursuivent avec la négociation d'un accord sur les matières premières critiques. Il permettrait aux matériaux extraits ou transformés en Europe de bénéficier du crédit d'impôt pour les véhicules électriques prévu par l'IRA. En 2022, les pays européens ont exporté aux États-Unis pour plus de 8 milliards d'euros de matières premières entrant dans la fabrication de véhicules électriques. L'effet d'un tel partenariat ne serait donc pas négligeable.

Notre attachement au cadre commercial multilatéral ne doit pas nous empêcher, au contraire, de recourir si nécessaire aux instruments de défense commerciale. L'entrée en application en septembre 2023 du règlement sur les subventions étrangères complète utilement la boîte à outils de l'Union pour lutter contre les pratiques déloyales. La Commission pourra se saisir d'office des subventions étrangères faussant le marché intérieur, par exemple dans le cadre d'un marché public.

Nous souhaitions, chers collègues, vous présenter notre première analyse des difficultés soulevées par l'IRA et de la réponse européenne en cours de déploiement. La proposition de résolution européenne que nous vous soumettons aujourd'hui reprend les principaux points que nous avons développés. Le soutien à des projets de règlements ambitieux sur les matières premières critiques et l'industrie à zéro émission net ; la création d'un véritable fonds de souveraineté pour rassembler tous les fonds existants et simplifier l'accès ; la mobilisation de la politique commerciale européenne pour conclure un partenariat avec les États-Unis, de manière à garantir l'éligibilité des produits européens à un maximum de disposition de l'IRA. Je vous remercie.

La capacité de l'Union et des États membres à déclencher efficacement les financements privés est au cœur de la réponse européenne à l'IRA. La simplicité et la prévisibilité des aides gagneraient à être renforcées en Europe. C'est le sens des recommandations récemment formulées par notre collègue Charles Sitzenstuhl sur le fonctionnement des projets importants d'intérêt européen commun, les PIIEC, dans son rapport sur le projet de loi relatif à l'industrie verte. Nous insistons sur la portée transnationale de ce dispositif, à l'heure où le soutien budgétaire déployé par chaque État membre pour soutenir son économie crée un risque de fragmentation du marché intérieur. L'ampleur des réponses nationales peut varier : seules l'Allemagne et la France sont encore en mesure de mobiliser des milliards d'euros, tandis que les autres États membres n'ont pas les mêmes capacités.

La mise en place d'un véritable Fonds de souveraineté européen est donc nécessaire. L'Union européenne ne peut pas se contenter de faire les « fonds de tiroirs » en réagençant les dispositifs existants et en proposant seulement 10 milliards d'euros de nouveaux financements. Identifier les projets stratégiques au niveau européen et mobiliser le budget de l'Union, voilà qui devrait rationaliser les initiatives redondantes, voire concurrentes au niveau national. Dans un contexte de stress budgétaire intense à l'occasion de la révision du cadre financier pluriannuel, la Commission a proposé la création d'une plateforme dite « STEP », pour le soutien aux technologies industrielles innovantes, dotées de 10 milliards d'euros d'argent « neuf ». Si cette solution se comprend à court terme, l'Union ne peut faire l'économie de la création d'un véritable Fonds de souveraineté d'ampleur à moyen terme.

Enfin, la réponse européenne à l'IRA suppose d'explorer toutes les options de politique commerciale à la disposition de l'Union. Il nous semble peu opportun, à ce stade, d'introduire une plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou de reproduire les exigences de contenu local mises en place outre-Atlantique. Nous aurions tout à perdre d'une guerre commerciale. Les États-Unis demeurent un partenaire privilégié au niveau international, en particulier alors que l'Union réévalue son approche stratégique à l'égard de la Chine.

Une Task Force commune entre les États-Unis et l'Union a permis de maintenir le dialogue et d'obtenir de premières concessions, par exemple pour les véhicules assemblés en Europe et mis sur le marché américain en leasing. Ces efforts se poursuivent avec la négociation d'un accord sur les matières premières critiques. Il permettrait aux matériaux extraits ou transformés en Europe de bénéficier du crédit d'impôt pour les véhicules électriques prévu par l'IRA. En 2022, les pays européens ont exporté aux États-Unis pour plus de 8 milliards d'euros de matières premières entrant dans la fabrication de véhicules électriques. L'effet d'un tel partenariat ne serait donc pas négligeable.

Notre attachement au cadre commercial multilatéral ne doit pas nous empêcher, au contraire, de recourir si nécessaire aux instruments de défense commerciale. L'entrée en application en septembre 2023 du règlement sur les subventions étrangères complète utilement la boîte à outils de l'Union pour lutter contre les pratiques déloyales. La Commission pourra donc se saisir d'office des subventions étrangères faussant le marché intérieur, par exemple dans le cadre d'un marché public.

Nous souhaitions, chers collègues, vous présenter notre première analyse des difficultés soulevées par l'IRA et de la réponse européenne en cours de déploiement. La proposition de résolution européenne que nous vous soumettons aujourd'hui reprend les principaux points que nous avons développés, c'est-à-dire : le soutien à des projets de règlements ambitieux sur les matières premières critiques et l'industrie à zéro émission net ; la création d'un véritable fonds de souveraineté pour rassembler tous les fonds existants et simplifier l'accès ; la mobilisation de la politique commerciale européenne pour conclure un partenariat avec les États-Unis, de manière à garantir l'éligibilité des produits européens à un maximum de disposition de l'IRA.

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Avec l'adoption de l'IRA – puissant catalyseur de subventions aux industries vertes –, les États-Unis mettent en péril la compétitivité de notre industrie européenne, tout en faisant peser le risque d'une délocalisation massive outre-Atlantique. L'IRA est donc un vrai danger pour la réindustrialisation de notre pays et de l'Union. C'est pourquoi nous devons apporter une réponse européenne rapide et coordonnée, tout en repensant les fondamentaux de notre économie et la protection de notre marché unique, sur le court et le moyen terme. Il y va de la stabilité et de la prospérité économique de notre continent : la déstabilisation du marché unique est un danger vital pour l'Union européenne.

Il y a urgence, car l'avenir de nos emplois se joue maintenant. Six mois après le lancement de l'IRA, plusieurs géants industriels ont déjà annoncé l'abandon de projets en Europe et leur redéploiement aux États-Unis. On peut citer Iberdrola pour l'Espagne, Safran pour la France, Northvolt pour la Suède ou encore BASF pour l'Allemagne. Nous devons maintenir l'emploi dans l'Union, mais aussi attirer les industries de l'économie de demain. Dès lors, pour inverser la tendance et sauver nos emplois, c'est résolument en Européens que nous devons répondre. Si l'Union ne se dote pas aujourd'hui d'une stratégie robuste et offensive, elle prend le risque de voir les entreprises européennes délocaliser massivement demain.

Nous devons agir dès aujourd'hui pour rattraper notre retard vis-à-vis des autres puissances dans la course aux technologies vertes. Un choc de simplification des procédures est nécessaire pour faciliter les investissements de nos entreprises sur le sol européen.

Le fonds de souveraineté, initiative soutenue notamment par la France, permettra un soutien rapide de toutes les entreprises européennes, pour éviter notamment qu'elles ne quittent le territoire européen. L'Union a la responsabilité de protéger ses entreprises – quelle que soit leur taille – des conséquences de l'IRA.

Le groupe Renaissance soutient la réponse européenne forte à l'IRA : l'Union doit faire preuve d'unité face à ce défi.

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Le 7 août 2022, le Sénat Américain approuvait l'IRA, un plan prévoyant 400 milliards de dollars de dépenses pour promouvoir l'énergie propre et lutter contre le changement climatique, ainsi que 100 milliards de dollars pour réduire les coûts des soins de santé. Cette législation s'inscrit dans la continuité d'une politique économique américaine protectionniste, parfois au détriment des alliés européens. Ses objectifs sont de favoriser la production nationale, de soutenir une politique industrielle respectueuse de l'environnement, ainsi que de renforcer la sécurité sociale tout en combattant l'inflation.

À cette fin, la loi propose – entre autres mesures – des avantages fiscaux aux entreprises qui produisent aux États-Unis, et offre des subventions pour encourager la production d'énergies renouvelables. Le maintien du patriotisme économique aux États-Unis est un message fort. Il nous rappelle que, dans un monde en constante évolution, les nations ont la responsabilité de protéger leurs économies de manière souveraine.

Les accords de libre-échange ne doivent pas être suivis aveuglément. L'IRA démontre que les traités internationaux, tels que le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement – ou TTIP – ne sont pas la seule réponse. Chaque nation doit défendre ses intérêts économiques. L'IRA est également un rappel important pour les pays européens de la concurrence à laquelle ils sont confrontés sur ces marchés ouverts. Il est impératif de souligner que les États-Unis ne sont pas les seuls à embrasser cette orientation. L'Union européenne devrait également puiser des enseignements de cette tendance.

Au Rassemblement National, nous penchons en faveur d'une approche d'un patriotisme économique impulsé au niveau des États membres de l'Union européenne, plutôt que d'une forme de protectionnisme centralisé au niveau européen. Il convient de noter que chaque entité possède ses particularités, lesquelles doivent également être dûment prises en considération. L'heure est venue pour l'Union européenne de changer de paradigme et de respecter la souveraineté des États membres dans ce domaine.

Nous devons encourager la production en Europe, soutenir nos industries et créer des incitations pour les entreprises qui investissent sur notre continent. Cela ne signifie pas un repli sur nous-mêmes, mais plutôt une stratégie économique plus équilibrée et résiliente. En résumé, la législation américaine dite « IRA » nous rappelle l'importance de protéger nos économies, tout en favorisant une économie respectueuse de l'environnement.

Les États-Unis ont maintenu leur tradition de patriotisme économique, et il est temps que l'Union européenne emprunte une voie similaire, en préservant la souveraineté de ses États membres. Il y a urgence : nous devons agir résolument pour créer un environnement propice à la production en Europe, ce qui protégera nos industries et assurera notre avenir économique.

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En décembre dernier, Emmanuel Macron, en déplacement aux États-Unis, était allé se plaindre à Joe Biden de l' Inflation Reduction Act. Ce plan de 370 milliards de dollars de soutien à l'économie des États-Unis a toujours été perçu comme venant mettre à mal la concurrence avec l'Europe. Emmanuel Macron n'avait reçu aucune réponse concrète de Joe Biden, contrairement à ce que le gouvernement français n'a cessé de prétendre. Les grandes phrases sur l'amitié franco-américaine et le partenariat solide et historique ne sont pas des engagements.

En somme, Emmanuel Macron, la France, l'Europe ont encore une fois été considérés comme des partenaires subalternes dont les États-Unis n'ont pas à s'inquiéter. La guerre en Ukraine a démenti la prétendue solidarité occidentale, avec l'envolée des prix du gaz et du pétrole que nous vendent les États-Unis. Nous aurions tout intérêt à discuter avec les États-Unis des urgences de notre époque – l'écologie et la sortie de l'économie globalisée notamment – mais il n'en est jamais question.

Or, Joe Biden a pris des orientations dont l'Europe et la France pourraient s'inspirer : le conditionnement des aides publiques à la création d'emplois locaux, la relocalisation des productions pour réduire la vulnérabilité des États-Unis, le fléchage de 80 milliards de dollars au renforcement de la lutte et de l'évasion contre la fraude fiscale. En parallèle, la politique néolibérale et libre-échangiste du gouvernement français paraît complètement dépassée avec 140 milliards d'euros d'aides annuelles aux entreprises sans contreparties, un plan de relance européen qui n'aura fait que gaver la finance, le refus de tout protectionnisme, l'obsession des équilibres budgétaires alors même que cela gonfle la dette contre laquelle ce gouvernement prétend lutter.

Il faut arrêter changer de politique en France et en Europe. Nous défendons, à la France insoumise, une vision indépendante dans laquelle la France n'est alignée ni sur les États-Unis, ni sur la Russie, ni sur la Chine, ni sur personne. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons construire un projet et un avenir pour l'industrie, l'emploi, et renforcer notre indépendance énergétique, sanitaire, stratégique.

Nous regrettons donc que nous ne mettions pas nos efforts au service du protectionnisme écologique et social européen. C'est en désobéissant aux traités européens qu'un tel protectionnisme pourra être mis en place en France. Nous n'avons jamais autant parlé d'écologie, d'environnement, de protection sociale. Pourtant, les politiques qui causent la course au moins-disant social et écologique ne changent pas. Il est temps d'organiser la planification à partir de nouveaux indicateurs de progrès humain.

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Ce rapport porte sur une loi américaine dotée de beaucoup d'ambition, adoptée dans un contexte de crise énergétique sur le sol européen et d'inflation au niveau mondial. Elle met en place un système fait de subventions, d'allègements fiscaux et d'autres outils incitatifs. Nos inquiétudes à son égard sont nombreuses et ont été exprimées dans le rapport. Elles portent sur les risques de délocalisation mais aussi de technologies innovantes aux États-Unis plutôt qu'en France. Il y a même un risque d'abandon du marché européen, et il faut faire attention à ne pas devenir une zone de seconde classe.

Face à ce mouvement d'ampleur, la Commission européenne a répondu en début d'année 2023 par une série de mesures : le règlement sur les matières premières critiques, la proposition de règlement pour une industrie zéro net, la mise en place de la plateforme technologique stratégique pour l'Europe pour regrouper les capacités de financement existantes, et la réforme du marché de l'électricité. On peut dire de cette réponse qu'elle est extrêmement salutaire car elle prend bien en compte la totalité des énergies décarbonées, dont le nucléaire. La réforme du marché et les avancées récentes vont bénéficier réellement à l'attractivité du continent européen et de notre pays.

Cette proposition de résolution européenne permet de couvrir l'ensemble du spectre de la réponse européenne à l'IRA. Vous avez raison de dire qu'il nous faut avancer sur le financement des technologies vertes et bénéficier d'un budget propre. Le fonds de souveraineté serait absolument nécessaire pour porter ces investissements au niveau européen.

Il ne faut pas dénoncer l'IRA auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour diverses raisons. Vous maintenez en revanche que l'impact sur le marché européen sera somme toute assez limité. Nous pouvons l'espérer mais nous pouvons tout de même toujours craindre l'inverse.

Il y a donc globalement une vraie réponse à l'IRA, y compris avec le projet de loi « industrie verte » et les crédits d'impôts qui sont alloués en France. Mais il ne faut jamais oublier à qui l'on s'adresse : plus les choses sont simples et lisibles, plus elles sont compréhensibles et accessibles, tandis que plus les choses se complexifient, plus la perte de temps orientera les entreprises vers des marchés extérieurs. En l'état, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.

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Je suis très frappé que dans la foulée de l'IRA, dans l'année qui s'est écoulée, les réponses qui ont été mises en place en matière de politique industrielle, de matières premières critiques ont marqué une rupture profonde dans l'approche européenne de la politique économique. Elles se situent très loin du néolibéralisme que l'on a longtemps associé aux politiques européennes. L'appel de la France a donc été entendu.

Il est étonnant d'entendre La France insoumise critiquer les aides importantes mises en place en réponse à la politique américaine, qui ont permis à nos industries, nos commerçants, nos artisans et nos PME de tenir le choc. Nous assumons, pour notre part, cette politique d'inspiration keynésienne et ce renouveau de la politique industrielle, loin du « tout marché ».

Il nous faut continuer à aller plus loin. L'IRA marque aussi du côté américain une rupture profonde dans leur approche des politiques économiques aux Etats-Unis. Nous verrons ce qu'il se passera lors des prochaines élections américaines, mais tout laisse à penser que cette inspiration va, d'une manière ou d'une autre, perdurer. Cela vaut pour le meilleur, les États-Unis devraient pouvoir embrasser la transition énergétique davantage qu'ils ne le faisaient avant, et relancer une politique industrielle d'innovation technologique qui bénéficiera à l'économie mondiale. Mais cela vaut aussi pour le pire, par ce protectionnisme et cet unilatéralisme.

Nous devons nous interroger sur le cadre européen qu'il va falloir construire pour être capables de répondre aux prochains IRA. Cela pose la question des relations commerciales avec les États-Unis, alors même qu'ils dévitalisent le cadre commercial international sur fond de rivalité avec la Chine.

Il y a également la possibilité d'un contre-feu financier si ces mesures venaient à s'amplifier au-delà du fonds de souveraineté. Nous aurons besoin de mettre en place des investissements très importants, et cela soulève la question du cadre financier européen pour les années à venir.

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Ce rapport est instructif et accablant sur l'incapacité de l'Union européenne à apporter des réponses proportionnées et rapides à l'IRA américain, mais aussi plus largement aux exigences qui sont partout relevées s'agissant de la transition écologique.

Ainsi que vous l'avez rappelé, ce sont 369 milliards de dollars du côté américain pour soutenir à la fois l'offre et la demande, et quasiment aucun fonds nouveau mobilisé du côté européen, si ce n'est des fonds existants et la plateforme pour les technologies stratégiques. Cela représente à peine 10 milliards d'euros. C'est assez négligeable, ainsi que le dit l'eurodéputée libérale espagnole Eva Maria Poptcheva. J'en profite pour rappeler qu'en France non plus nous ne sommes pas à la hauteur. Je vous rappelle que la partie financement du projet de loi « industrie verte » ne contenait rien, si ce n'est le plan épargne avenir climat. Le gouvernement l'évalue à un milliard d'euros mais nous sommes très sceptiques sur cette estimation.

Je souhaite appeler votre attention sur la dernière partie du rapport. Vous y préconisez des mesures contre lesquelles je m'insurge. Vous souhaitez développer et amplifier une coopération avec les États-Unis alors même qu'ils sont dans une stratégie et une position protectionnistes qui ne nous est pas favorable, même hostile. J'aimerais savoir pourquoi vous faites ce choix d'aller plus amplement vers un développement des relations avec les Américains, alors que l'Union européenne aurait tout intérêt à se protéger.

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Dans le rapport d'information, il est indiqué que l'Union européenne doit apporter une réponse commerciale à l'IRA mais, dans le même temps, les rapporteures jugent peu opportun le recours aux instruments de défense commerciale. Je ne méconnais pas les risques de mesures de rétorsions qui courent lorsque l'on prend des mesures de défense commerciale trop importantes, et je comprends la pertinence de ne pas saisir l'OMC. Néanmoins, l'Union européenne est dotée d'une boîte à outils pour assurer sa défense commerciale, par exemple par des mesures anti-dumping ou des clauses de sauvegarde.

Dès lors, pourquoi semblez-vous considérer comme peu opportun le recours aux instruments de défense commerciale dans la relation entre les États-Unis et l'Union européenne ?

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Pour répondre à Brigitte Klinkert, les dangers immédiats de l'IRA sont, selon nous, à relativiser. Si l'on regarde les chiffres, nous avons effectivement 370 milliards de dollars mis sur la table par les États-Unis, mais l'Union européenne met, sur 10 ans, 600 milliards d'euros sur la table, ce qui est une somme conséquente.

Cela ne signifie pas qu'il faille rester les bras croisés. Nous avons besoin d'un choc de simplification, dans l'Union européenne et dans les États membres, dont le nôtre. Nous avons également besoin de financements privés. Il nous faut donc regarder comment faire en sorte que nos entreprises trouvent les financements publics et privés adéquats. Mais tout cela intervient dans un cadre budgétaire assez restreint et dans un contexte de réticences des États membres dès lors qu'il s'agit de ressources propres ou d'augmentation du financement de l'Union européenne. Si l'on veut davantage d'action de l'Union européenne sans lui en donner les moyens adéquats, il nous faut faire preuve d'honnêteté avec nous-mêmes.

Pour répondre à Pierrick Berteloot, j'apprécie le fait que vous jugiez que l'Union européenne doit apporter des réponses, et pas seulement les États membres. Les deux apportent aujourd'hui des réponses. En effet, les États membres peuvent prendre des mesures suite à l'assouplissement des critères des aides d'État, adopté récemment au niveau européen pour prolonger le dispositif. Nous ne sommes pas non plus sans atouts. L'Union européenne représente aujourd'hui un marché d'une taille extrêmement intéressante pour nos concurrents, et je crois qu'il ne faut pas le sous-estimer.

Pour répondre à Nathalie Oziol, vous avez dit souhaiter un non-alignement par rapport à la Russie et à la Chine. C'est également notre cas, et je crois que tous les États membres de l'Union européenne souhaitent ce non-alignement. C'est la raison pour laquelle nous parlons de souveraineté européenne et que nous souhaitons tous arrêter les délocalisations. Cela suppose également d'en avoir les moyens, au-delà des règles commerciales. Peut-être devrions-nous revoir les règles de concurrence au niveau de l'Union européenne puisque nous ne sommes aujourd'hui pas en mesure de créer des entités de taille suffisante pour faire face à la concurrence.

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Quand nous avons décidé de se saisir de cette question de l'IRA, nous étions dans un moment particulier où nous reprochions aux États-Unis ce que nous aurions pu faire. Et en observant et en analysant ce que les États-Unis ont fait, cela nous a permis d'être dans une approche dynamique et positive qui permet aujourd'hui de faire des propositions. Les investissements dans les véhicules propres et les batteries sont concentrés dans des zones défavorisées aux États-Unis, où les salaires, les taux de personnes diplômées et de personnes employées sont parmi les plus faibles. L'IRA a donc un fort aspect social.

Nous parlons beaucoup des investissements qui ont réalisé dans l'industrie, les 400 milliards souvent évoqués. Toutefois, l'IRA présente trois aspects : les entreprises décarbonées, mais aussi un volet santé et un volet recettes. Le volet santé traite de la question de la sécurité sociale et c'est un élément que je salue chez Joe Biden. Il y a aussi un volet recettes qui figure dans le rapport que je vous invite à lire et qui traite de la taxation pharmaceutique. Nous parlons souvent du volet industrie et beaucoup moins des autres. Il faut insister sur ce côté volontariste et nous en inspirer dans l'Union européenne.

Il y a une dimension de souveraineté qui est indispensable pour embarquer les populations et les décideurs.

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Pour compléter ce qui vient d'être dit et élargir la réflexion, il ressort de nos auditions que l'IRA n'est pas nécessairement tourné contre l'Union européenne, mais surtout un message à l'adresse de la Russie et de la Chine.

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Nous en passons maintenant à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution européenne et des amendements déposés.

Amendement n°1 de Mme Constance Le Grip et sous-amendement n° 4 des rapporteures

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J'ai souhaité compléter l'excellente proposition de résolution européenne de nos deux rapporteures en ajoutant un alinéa supplémentaire dans lequel je souhaite que soit approfondie la réflexion sur les nouvelles mesures d'aides d'État c'est-à-dire le cadre temporaire qui a été adopté le 9 mars 23. Le sujet des aides d'État doit être abordé dans le cadre des réflexions actuelles.

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La prolongation des mesures d'aides d'État est actée et la Commission européenne a entendu les États membres en permettant à ceux-ci d'aider les entreprises affectées par l'inflation énergétique jusqu'en 2024. Nous saluons cette réflexion dans notre sous-amendement. Nous sommes favorables à l'amendement de Madame Le Grip si notre sous-amendement, qui distingue ce qui est déjà fait de ce qui doit encore être réalisé, est adopté.

Le sous-amendement n° 4 est adopté.

L'amendement n° 1 est adopté.

Amendement n°2 de Mme Constance Le Grip

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L'amendement n° 2 vise à saluer un certain nombre d'États membres qui ont pris des initiatives, à l'instar de la France, avec la loi « Industrie verte ».

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Nous émettons un avis plutôt favorable à cet amendement qui vise à faciliter les investissements dans les industries vertes.

L'amendement n° 2 est adopté.

Amendement n°4 des rapporteures

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L'amendement vise à soutenir nos entreprises européennes dans la compétition mondiale. Nous avons besoin de revoir nos règles de concurrence. Nous proposons donc d'ouvrir une réflexion sur l'adaptation de nos règles aux enjeux industriels européens, afin de favoriser la compétitivité de nos entreprises.

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Nous allons vraiment nous opposer à cet amendement qui propose un assouplissement des règles pour les entreprises au moment où nous avons besoin de règles pour conditionner écologiquement et socialement les aides d'État. Par ailleurs, dans le contexte actuel nous ne pouvons pas faire plus sur le volet énergétique. La question posée est : que voulons-nous ? Voulons-nous amorcer une transition énergétique ? Voulons-nous harmoniser dans ce domaine ou voulons-nous comme vous le dites, lever des barrières et enlever le peu de protections qui existent encore ? Nous nous y opposons très fermement.

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Ce n'est pas du tout ce que les rapporteures proposent. Que ce soit en France ou en Europe, nous sommes particulièrement bloqués sur une question d'opérateur public ou privé : nous ne pouvons subventionner d'opérateurs privés que dans le cadre restrictif des aides d'Etat. Nous ferions mieux de nous poser la question de savoir si un secteur est stratégique ou non. Et cette dimension stratégique devrait permettre de déroger à un certain nombre de règles, et d'allouer des aides d'État car nous en avons bien besoin au regard de l'intérêt stratégique. J'aurais souhaité, Mesdames les rapporteures, que vous ajoutiez la mention de l'intérêt stratégique.

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La question que vous évoquez ici est celle de la défense des secteurs stratégiques au niveau européen avec l'ensemble des États pour investir plus.

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À la fin de l'alinéa 49, nous souhaitons rajouter « l'émergence de champions européens dans les domaines stratégiques » et ouvrir une réflexion sur la suspension temporaire des aides d'État.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'article unique modifié de la proposition de résolution européenne est adopté.

Par conséquent, la proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

La séance est levée à 16 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Henri Alfandari, M. David Amiel, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, Mme Sophia Chikirou, Mme Annick Cousin, Mme Marietta Karamanli, Mme Brigitte Klinkert, Mme Constance Le Grip, Mme Lysiane Métayer, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. Jean-Pierre Pont

Excusés. – M. Pierre-Henri Dumont, Mme Nicole Le Peih, Mme Joëlle Mélin, Mme Louise Morel, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Liliana Tanguy