Il ne fait aucun doute que la majorité des dispositions de l'IRA portant sur les technologies propres sont contraires au droit de l'Organisation mondiale du commerce. La clause de traitement national prévue à l'article 3 du GATT interdit expressément toute mesure discriminatoire à l'encontre des produits étrangers similaires. L'Organe de règlement des différends de l'OMC a reconnu à plusieurs reprises le caractère illégal des exigences de contenu local.
Le protectionnisme vert pratiqué par les États-Unis manque ainsi sa cible environnementale. La révision du bonus écologique en France, fondée sur des critères objectifs liés à l'empreinte carbone du véhicule, démontre pourtant que des marges de manœuvre existent dans le respect du droit de l'OMC. C'est bien la performance environnementale de la voiture – et non la localisation de sa production – qui déterminera l'éligibilité à l'aide.
L'Europe peut s'inspirer de la révision du bonus écologique en France. Il faut s'assurer que les normes édictées en matière de réduction d'émissions ne soient pas seulement applicables aux industries européennes, mais à tous les acteurs internationaux qui investissent et vendent sur notre continent. L'analyse du cycle de vie des voitures électriques y contribue.
La principale incertitude réside désormais dans l'ampleur des conséquences du plan américain sur l'attractivité et la résilience de notre industrie. L'appel d'air créé par l'IRA, à l'origine d'un risque de délocalisations ou d'éviction des investissements vers les États-Unis, est difficile à mesurer. Dans cette bataille des chiffres, la Commission européenne, comme les instituts économiques à l'image du Conseil franco-allemand d'experts économiques, ou du CEPII que nous avons auditionné, se veulent rassurants. Il est encore difficile d'évaluer précisément les implications financières de l'IRA, mais nous avons que le volume financier global des divers programmes déjà lancés par l'Union pour faciliter la transition verte est comparable à celui de l'IRA. En termes relatifs, les subventions de l'IRA représentent moins de 0,2 % du PIB américain par an – contre près de 0,5 % du PIB européen pour les dépenses équivalentes. La taille du marché unique, la qualité des infrastructures et la disponibilité de la main d'œuvre formée sont autant d'atouts à mettre au crédit du tissu productif européen.
Les projections alarmistes de l'automne dernier, ponctuées de quelques annonces de réorientation de projets industriels, ont ainsi laissé place à des analyses plus mesurées.