La réunion commence à dix-sept heures quinze.
La commission auditionne, en application des dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, de M. Frédéric Pacoud, dont la nomination aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Établissement français du sang est envisagée.
Par courrier en date du 4 octobre dernier, Mme la Première ministre a informé Mme la présidente de l'Assemblée nationale qu'il est envisagé de nommer M. Frédéric Pacoud aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Établissement français du sang (EFS). Ce mandat de cinq ans peut être renouvelé pour trois ans. En application des dispositions de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, il appartient à notre commission de vous entendre, monsieur Pacoud, préalablement à votre nomination qui interviendra par décret.
Notre commission, très attentive à la situation de l'EFS et de la transfusion sanguine dans notre pays, a régulièrement entendu M. François Toujas, dont les fonctions à la tête de l'établissement ont pris fin le 15 octobre dernier. En outre, nous venons d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, dont l'article 31 amorce une refonte structurelle du modèle de financement de l'EFS. Nous vous remercions par avance de la présentation que vous voudrez bien nous faire de votre parcours et de la manière dont vous abordez les fonctions qu'il est envisagé de vous confier.
Je suis honoré et ému d'être devant vous pour cette audition. Ému parce que j'ai consacré une partie de ma vie professionnelle au Parlement, ému aussi parce que l'EFS occupe une place particulière dans notre système de santé et même dans notre organisation sociale. C'est un acteur majeur de la santé et du lien social ; il assure une mission vitale au croisement des enjeux de sécurité sanitaire, de souveraineté et d'innovation.
Je reviendrai sur les missions de l'EFS sans être très long, puisque vous avez entendu plusieurs fois François Toujas auquel je rends hommage pour l'action qu'il a conduite pendant onze ans à la tête de l'établissement, avec les équipes. Je vous dirai quelques mots de mon parcours avant d'évoquer les défis que l'EFS devra relever dans les années à venir et de tracer quelques perspectives, en partageant avec vous l'état de mes connaissances, qui n'est pas encore celui qui serait le mien après les échanges avec les nombreuses parties prenantes.
En France, le service public de la transfusion sanguine a longtemps été assuré par 160 établissements aux statuts divers qui cumulaient de nombreuses activités. À la suite du scandale du sang contaminé, les lois de 1993 et de 1998 ont défini une nouvelle architecture institutionnelle visant à assurer le plus haut niveau possible de sécurité sanitaire. La loi de 1993 a progressivement réduit le nombre d'établissements de transfusion ; la loi du 1er juillet 1998 a créé l'EFS.
L'exigence de sécurité sanitaire est donc inscrite dans les gènes de l'établissement. Cela signifie que la mission de collecte et de production est séparée des missions de contrôle et de régulation, qui ont été confiées à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé devenue l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cela signifie également que l'EFS et ses établissements régionaux sont agréés par l'ANSM, qui définit les bonnes pratiques transfusionnelles et organise l'hémovigilance. Le cadre de sécurité sanitaire est également assuré par le Haut Conseil de santé publique, par Santé publique France qui surveille l'épidémiologie des donneurs et par la direction générale de la santé. Dans cet écosystème, l'EFS veille à la sécurité des receveurs et des donneurs par la sélection des donneurs et la qualification biologique des dons. En application de la loi, le respect des règles visant à assurer la sécurité sanitaire est placé sous le contrôle d'un responsable ; c'est actuellement le Dr Pascal Morel, qui assure la présidence par intérim de l'établissement et dont je salue l'action.
L'éthique et la souveraineté sanitaire ont forgé l'identité très forte de l'EFS. Le modèle éthique du don du sang conjugue bénévolat, anonymat, volontariat et absence de profit ; c'est un acte de générosité et de citoyenneté. Chacun peut donner son sang, dans le respect, bien sûr, des conditions d'éligibilité au don, liées aux voyages, aux antécédents médicaux et au mode de vie ; il est donc préférable de pouvoir s'appuyer sur des déclarations fiables inspirées par le caractère altruiste du geste, hors de toute pression. Le bénévolat fait également que l'on peut compter sur la mobilisation des donneurs ; je vois là un gage de sécurité et d'efficacité. La souveraineté sanitaire est un autre trait marquant de l'histoire et de l'identité de l'EFS. L'établissement a pour mission d'assurer l'autosuffisance en produits sanguins, indispensables à la médecine. Les personnels de l'EFS qui assurent le fonctionnement de la chaîne transfusionnelle permettent de soigner un million de malades par an, pour des actes chirurgicaux comme pour le traitement de pathologies hématologiques.
L'EFS compte 9 700 collaborateurs répartis au sein de treize établissements régionaux dont trois dans les Outre-mer – un pour la Guadeloupe et la Guyane, un pour La Réunion et l'océan Indien, un pour la Martinique. La dimension territoriale de l'établissement est essentielle pour collecter presque sur l'ensemble du territoire – pour des raisons sanitaires, il n'y a pas de collecte en Guyane ni à Mayotte – et pour délivrer les produits sanguins aux 1 500 hôpitaux et cliniques de notre pays. Les associations de bénévoles jouent un rôle primordial dans l'organisation des collectes, dans la mobilisation nécessaire pour assurer un stock suffisant de produits sanguins et pour assurer avec l'EFS la promotion du modèle éthique. Elles permettent avec le soutien des élus un maillage territorial indispensable : aujourd'hui encore, 40 000 collectes, soit 75 % de l'ensemble, sont des collectes mobiles.
L'EFS assure d'autres missions de première importance. La première est la collecte de plasma pour fractionnement ; le plasma collecté est cédé au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), qui fabrique ensuite des médicaments dérivés. L'EFS est aussi le plus grand laboratoire d'analyses biologiques de France en raison des analyses réalisées sur les échantillons prélevés lors des dons du sang et des analyses hématologiques et immunologiques réalisées pour la délivrance des produits sanguins et dans le cadre de greffes de cellules et de tissus. C'est enfin un établissement d'excellence, porteur d'innovation, avec des activités de recherche particulièrement importantes dans le contexte que nous connaissons en France et en Europe pour disposer des moyens de produire les médicaments de demain.
J'en viens à mon parcours professionnel, consacré, au service de l'État, à des questions principalement juridiques, d'organisation et de transformation qui impliquaient le plus souvent beaucoup de dialogue et de diplomatie. Je suis particulièrement sensible à la dimension de souveraineté sanitaire des activités de l'EFS, que l'on pourrait qualifier de régaliennes, et à la solidarité qu'exprime le modèle du don de sang en France. Après une formation en sciences humaines et sociales, histoire et philosophie essentiellement, et à l'Institut d'études politiques de Paris, j'ai accompli mon service national au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale avant de devenir administrateur des services du Sénat, où j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années, notamment pendant plus de sept ans à la commission des lois.
J'ai ensuite effectué plusieurs missions en cabinets, notamment en qualité de directeur du cabinet du ministre des relations avec le Parlement de 2014 à 2016, alors qu'était discutée au Parlement la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, qui traitait de plusieurs aspects concernant l'EFS. Début 2016, j'ai rejoint le Conseil d'État ou j'ai pendant six ans été rapporteur à la première chambre de la section du contentieux, qui traite en particulier de la santé et de l'aide sociale. J'ai ensuite été chargé d'élaborer deux études annuelles du Conseil d'État en qualité de rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études, l'une sur le sport, l'autre sur l'évaluation des politiques publiques. J'ai enfin siégé à la section de l'intérieur.
Parallèlement à ces activités au Conseil d'État, j'ai effectué plusieurs missions auprès de dirigeants d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche pour accompagner leur regroupement et leur transformation. Début 2022, j'ai été nommé secrétaire général de la région académique d'Île-de-France, où j'ai assuré le pilotage de neuf directions régionales, notamment en matière de formation, d'orientation, d'immobilier, de systèmes d'information, d'achat, avant d'être appelé au printemps de l'année dernière au cabinet de la Première ministre en qualité de chef du pôle parlementaire et des questions institutionnelles. J'ai rejoint le Conseil d'État au début du mois de septembre dernier. Mon parcours ne fait pas de moi un spécialiste de la transfusion sanguine mais il me donne, je crois, une très bonne connaissance du fonctionnement de l'État et m'a appris à appréhender des dossiers complexes, à prendre des décisions dans des situations parfois compliquées et à travailler avec des personnalités de sensibilités très diverses.
La solidarité et l'engagement qui relient les donneurs, les professionnels, les bénévoles et les élus locaux sont aussi pour moi une importante motivation à rejoindre l'EFS. Je suis convaincu de la nécessité de travailler au plus près des territoires avec les élus et les associations qui connaissent le terrain. L'EFS est à mes yeux un acteur capital de la démocratie sanitaire. L'échange et le dialogue sont au cœur de son fonctionnement et ce sera un axe essentiel pour moi en tant que, je l'espère, futur président de l'établissement.
L'EFS est à un tournant de sa jeune histoire de vingt-trois années d'existence, pendant lesquelles il n'a cessé de se transformer. Son organisation a été rationalisée : les établissements régionaux ont été ramenés de dix-huit à treize, le nombre de plateformes de préparation des produits sanguins à dix-huit, celui des plateaux de qualification biologique des dons à sept, dont quatre en métropole et trois dans les outre-mer. Lorsque notre pays a été frappé par des attentats, en 2015 et en 2016, et lorsque nous avons traversé la pandémie de covid-19, l'EFS a fait face avec une organisation et une réactivité hors pair, grâce à l'engagement exceptionnel de ses personnels.
Beaucoup de transformations importantes ont donc été engagées, que François Toujas vous a exposées. Cependant, l'établissement devra affronter dans les années à venir plusieurs défis : l'autosuffisance, la réforme du modèle économique, l'attractivité, la collecte de plasma et les activités de recherche. Je les évoquerai devant vous sous réserve des échanges complémentaires que j'aurai, si je suis nommé, avec le ministère, les équipes de l'EFS, les organisations syndicales et les associations.
L'autosuffisance est la mission quotidienne de l'EFS, chargé d'assurer des stocks suffisants de produits dont la durée de conservation est limitée. Cet objectif, quantitatif et aussi qualitatif en raison des sangs rares, n'est jamais acquis. La diversité des donneurs de sang doit refléter celle de la population pour garantir à chaque patient l'accès à une transfusion de produits compatibles ; c'est particulièrement important, par exemple, pour soigner la drépanocytose. Sur le plan quantitatif, l'objectif est d'avoir un stock compris entre 90 000 et 95 000 poches de concentré de globules rouges, ce qui représente douze à quinze jours de consommation. Le passage sous les 80 000 poches est un seuil d'alerte ; il a été franchi deux fois en 2022.
La crise sanitaire a fait que l'établissement a accéléré certaines avancées qui ont un impact sur l'activité des associations : le développement du don sur rendez-vous ; la téléassistance médicale en collecte qui permet à un infirmier de superviser une collecte en ayant la possibilité de joindre rapidement un médecin à distance en cas de difficulté ; la création d'une nouvelle application numérique. Mais les efforts doivent se poursuivre, dans la continuité de ce qui a été déjà engagé, pour assurer l'autosuffisance quantitative et qualitative, qui n'est réelle que si elle répond aux besoins des patients. Or, l'appareil de collecte n'a pas retrouvé ses repères d'avant la crise sanitaire, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, l'attractivité et une tension en matière de ressources humaines. L'année 2024 sera une année particulière en raison des jeux Olympiques et Paralympiques. À Paris, les conditions de circulation seront sans doute un peu transformées, ce qui aura un impact sur la mobilisation des donneurs en été, saison qui suppose toujours de s'organiser en amont pour disposer de stocks suffisants, singulièrement pour les plaquettes, qui ne se conservent que sept jours. L'établissement s'y prépare déjà, par une organisation particulière pour cette période.
Si je suis nommé aux fonctions de président, je poursuivrai bien entendu ce qui a été engagé avec les équipes pour créer de nouveaux partenariats avec les associations, les institutions culturelles et les fédérations sportives. Je pense utile d'aller vers les jeunes gens pour les fidéliser : les moins de 35 ans assurent près d'un tiers des dons lors des collectes. Il faudra aussi adapter le système de collecte dans chaque région en s'inspirant des meilleures pratiques pour articuler avec les établissements régionaux et les associations de bénévoles les maisons du don et les collectes mobiles.
Le deuxième défi à relever est celui d'un modèle économique qu'un rapport de 2019 de la Cour des comptes a estimé insoutenable. Ce modèle a longtemps reposé sur la cession des produits sanguins labiles (PSL), les concentrés de globules rouges en particulier. La cession permettait, parce qu'elle produisait une petite marge bénéficiaire, de financer le reste des activités de l'EFS. Mais, depuis quatre ans, un effet ciseaux se confirme. Non seulement la cession des concentrés de globules rouges ne produit plus de marge, le tarif auquel les concentrés sont cédés aux établissements de santé ne couvrant plus l'intégralité du coût de revient, mais la cession elle-même connaît une baisse continue que la crise sanitaire a accentuée. Cette baisse a des raisons de fond : le fait que la médecine est moins consommatrice de transfusion ; le développement de la médecine ambulatoire, avec une chirurgie qui veille à moins transfuser ; la prévention de l'anémie chez les patients. Ces facteurs expliquent que l'on a moins besoin de transfusions – et l'EFS contribue à cette évolution par le conseil transfusionnel. La crise sanitaire a accentué la baisse de la cession des PSL en réduisant l'activité hospitalière, qui n'a peut-être pas encore complètement repris.
François Toujas vous l'a dit, les recettes de l'établissement ont aussi été affectées par la modification du régime de TVA appliqué sur les cessions de PSL. Elle a provoqué une perte estimée à 50 millions d'euros. Cet effet a été compensé par une subvention de l'État de 40 millions d'euros en 2019, prévue pour diminuer progressivement. Au nombre des paramètres qui pèsent sur le solde financier de l'EFS, je mentionnerai aussi la cession, également déficitaire, du plasma pour fractionnement au LFB. Et tout cela se produit alors que les dépenses ont augmenté en raison de l'inflation et de l'augmentation de la masse salariale.
Le PLFSS 2024 apporte une réponse structurelle à cette situation en faisant évoluer le modèle économique de l'EFS par une dotation pérenne de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), dont le montant est fixé à 100 millions d'euros pour 2024. Désormais, le financement de l'EFS sera assuré à hauteur de 10 % par une dotation. C'est une évolution majeure que ce modèle économique mixte. La dotation financera des missions de service public ou des activités ne pouvant être valorisées par une tarification spécifique – par exemple, le fait d'assurer sept jours sur sept et 24 heures sur 24, en métropole comme dans les Outre-mer, la délivrance des produits sanguins aux établissements de santé de la meilleure façon possible. La dotation doit aussi financer des investissements consacrés au renouvellement des actifs ou à la conduite de chantiers de modernisation.
Cette évolution essentielle marque la volonté de l'État d'assurer la pérennité de l'EFS et de lui redonner un horizon, ce qui devrait lui permettre de programmer des investissements nécessaires à son développement et sa modernisation. La dotation pérenne est aussi assortie, je l'espère, d'objectifs et d'outils d'évaluation permettant à l'établissement de progresser, et au Parlement de traiter chaque année du montant et de l'utilisation de la dotation, ce qui devrait assurer une plus grande transparence et un meilleur suivi de la situation de l'EFS par les deux assemblées.
Il me paraît éminemment souhaitable que cette réforme permette à l'établissement de se projeter et de se moderniser. Le soutien pérenne de l'État doit s'accompagner, à mes yeux, d'une reprise des transformations nécessaires pour que l'EFS réponde mieux encore à l'évolution des besoins du système de santé et assure la meilleure efficience possible. L'EFS doit rester à la pointe de la sécurité sanitaire et répondre aux besoins des patients. La générosité des donneurs le pousse à s'assurer que chaque euro dont il dispose est utilisé au mieux. Si je suis nommé à sa présidence, je souhaite que le nouveau contrat d'objectifs et de performance qui devrait être élaboré l'année prochaine fixe une stratégie partagée avec l'État sur les ressources de l'établissement, la poursuite de sa modernisation et la programmation des investissements pour appuyer cette stratégie. Il me paraît notamment souhaitable d'investir dans la modernisation des outils numériques ; une réflexion doit être engagée sur le système de paye et sur la dématérialisation de l'entretien pré-don. Il convient aussi d'affiner l'expertise sur les perspectives de cession des concentrés de globules rouges car, pour l'instant, on mesure mal les besoins du système de santé et l'état de l'appareil de collecte. La stratégie à venir doit aussi viser à impliquer pleinement les établissements régionaux qui connaissent le terrain et à travailler avec les agences régionales de santé (ARS), les établissements de santé et les associations. La révision du modèle économique et de la stratégie devra se faire dans le dialogue ; la relance du dialogue social en sera donc une condition essentielle.
Voilà qui me conduit à vous parler du troisième défi auquel est confronté l'EFS : l'attractivité. L'établissement connaît, comme tous les établissements de santé, une pénurie de personnels qualifiés. L'établissement compte 97 % de salariés de droit privé, dont 3 500 techniciens de laboratoire, 1 500 infirmiers et infirmières, 800 biologistes, médecins et pharmaciens et 400 chauffeurs. Le taux de rotation moyen des personnels atteint 10 %, on recense près de 320 postes vacants et le taux d'absentéisme est plutôt élevé. Même si une importante revalorisation salariale a eu lieu en 2021 et en 2022, le fait que l'EFS, qui n'est pas un établissement de santé, n'ait pas été intégré dans le Ségur de la santé a laissé quelques traces. Des élections professionnelles ont eu lieu en septembre et en octobre, et les conditions de la reprise d'un dialogue constructif seront au centre de mes préoccupations, la qualité du dialogue social conditionnant largement la capacité de l'EFS à mener à bien les transformations qui assureront son avenir.
Pour faire face aux difficultés de recrutement, les conditions de qualification des personnels pour la réalisation de l'entretien pré-don ont été simplifiées, et un décret paru dimanche dernier au Journal officiel vise à développer la téléassistance médicale en collecte de plasma par aphérèse. Le lancement d'une réflexion sur l'évolution du système de classification et de rémunération de l'EFS, qui n'a pas été révisé depuis 2008, était prévue pour se tenir en 2023, mais elle n'a pas eu lieu en raison du blocage de la situation sociale. Je souhaite que nous reprenions les chantiers concernant le dialogue social et les ressources humaines. Ainsi pourrons-nous réviser enfin la convention collective et le système de classification et construire des parcours professionnels plus dynamiques et plus attractifs ; nous donner les moyens de mieux compenser les déséquilibres liés aux horaires de nuit et de week-ends ; améliorer la qualité de vie au travail, quelque peu chamboulée par des collectes plus difficiles à mettre sur pied dans les lieux de travail et les universités en raison du développement du télétravail et des collectes mobiles à organiser plus tard dans la journée, quand les donneurs sont disponibles – ce qui implique que le personnel de l'EFS travaille plus avant dans la soirée.
Il faudra aussi réfléchir à la « marque employeur » pour faire connaître l'EFS et ses métiers, et définir une politique active de formation. Le personnel de l'établissement est très investi dans ses missions et a une grande expertise médicale et technique. C'est une chance. J'ai pour ambition que la filière française du sang reste une filière d'excellence. Selon moi, trouver une solution au problème de l'attractivité, c'est aussi se donner les moyens de moderniser l'outil de collecte, d'assurer l'autosuffisance, de retrouver une meilleure productivité et d'assurer une plus grande efficience.
Le quatrième défi, c'est la collecte de plasma pour fractionnement destiné au LFB, le laboratoire pharmaceutique qui fabrique les médicaments dérivés du plasma. Cette entreprise couvre 30 à 35 % des besoins nationaux en immunoglobulines, médicaments qui permettent de soigner les patients immunodéprimés. La demande augmente de 6 à 8 % par an en France et elle est également en forte croissance dans le monde. Notre pays, vous l'avez compris, est très loin de couvrir ses besoins en ce domaine, si bien qu'une grande partie des médicaments dérivés du plasma utilisés en France sont produits à partir de prélèvements effectués sur des donneurs rémunérés, essentiellement aux États-Unis. Développer la collecte de plasma par l'EFS est un enjeu de souveraineté sanitaire, c'est se donner les moyens d'une meilleure réponse aux besoins des patients et c'est être cohérent avec notre modèle éthique. L'ouverture, prévue vers 2027, d'une nouvelle usine à Arras permettra au LFB de tripler sa capacité de production. L'enjeu, pour l'EFS, est de s'inscrire pleinement dans le développement de la filière française du plasma, en rehaussant sa capacité de collecte du plasma pour fractionnement.
Les difficultés rencontrées en 2022 pour assurer l'autosuffisance en produits sanguins ont été mentionnées ; elles persistent un peu cette année sur l'appareil de collecte. Le niveau de production de l'EFS atteindra environ 815 000 litres de plasma pour fractionnement en 2023. Le plan Plasma de l'EFS prévoit de parvenir à recueillir 1 400 000 litres dans les prochaines années. Cette collecte est exigeante et plus difficile parce qu'elle demande un peu plus de temps – 1 heure 30 plutôt que 45 minutes – que le don de sang et qu'elle ne peut se faire qu'en maison du don. Elle suppose donc une mobilisation particulière, à laquelle l'EFS se donne déjà les moyens de répondre par le décret paru le 5 novembre 2023 qui autorise la téléassistance médicale pour les collectes de composants sanguins par aphérèse.
Le cinquième défi auquel est confronté l'EFS est celui de la recherche et du développement de la filière française de bioproduction. Vous le savez, 95 % des médicaments de thérapie innovante (MTI) sont fabriqués à l'étranger. L'EFS est le chef de file de la filière française de bioproduction, avec quatre plateformes de fabrication de MTI et de bioproduction pour le compte de tiers. C'est un domaine dans lequel l'EFS a su anticiper : parce qu'il s'occupe depuis toujours de cellules sanguines, il a acquis une grande expertise et maîtrise une chaîne de valeur qui va de la recherche fondamentale aux patients. Plus de soixante projets sont en cours, menés avec les organismes de recherche et les centres hospitaliers universitaires (CHU). Cent vingt personnes travaillent sur ces projets à l'EFS, pour un budget un peu supérieur à 40 millions d'euros ; leurs travaux portent sur la médecine régénérative et sur les cellules CAR-T ( chimeric antigenic receptor -T) qui permettent de traiter des lymphomes et certaines leucémies.
Cette filière revêt donc une importance stratégique. J'entends m'engager en faveur du maintien de l'effort de recherche sur les biothérapies, en liaison avec les organismes de recherche et les entreprises du secteur. Cela me paraît essentiel pour notre souveraineté sanitaire et aussi parce que cette activité de recherche participe du récit positif qui doit animer l'EFS pour continuer d'attirer des talents et des compétences et pour garder sa capacité à toujours innover afin que notre système de transfusion soit au plus haut niveau de sécurité sanitaire.
Je souhaite agir pour la pérennité et la modernisation de la filière française du sang et du plasma, avec un attachement intangible à la sécurité sanitaire et au modèle éthique du don. J'entends accomplir ma mission dans le respect de l'histoire de l'EFS et de ses principes éthiques, en travaillant avec toutes les parties prenantes – organisations syndicales, associations de donneurs et de patients –, en prenant en compte la dimension territoriale de l'EFS. Je serai particulièrement attentif à la pleine association des établissements de transfusion sanguine régionaux à la démarche de transformation.
Je me réjouis que notre commission vous accueille, monsieur Pacoud, en qualité de président futur de l'EFS. Il a pour mission principale d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins, dont le plasma et les plaquettes, dans des conditions de sécurité et de qualité optimales, et de les mettre à disposition des établissements de santé publics et privés. Pour cela, l'EFS est chargé de la collecte, de la préparation, de la qualification et de la distribution des PSL sur tout le territoire afin de garantir l'approvisionnement de plus de 1 500 établissements de santé. L'établissement dispose, en plus du siège national, de treize établissements régionaux de transfusion sanguine et de 40 000 points de collecte mobile. Il assure ainsi, dans tous les départements, une mission régalienne en contribuant directement à l'offre de soins à nos concitoyens. Nous, parlementaires sommes les garants du bon fonctionnement de l'établissement et devons accompagner les changements structurels à venir.
L'EFS connaît actuellement une triple crise : une crise sociale et économique, une crise liée à l'inflation et une crise liée à la sous-activité hospitalière et au prix de cession, historiquement bas, des PSL aux hôpitaux et établissements de santé.
Le rapport d'activité de l'établissement pour 2022 signale une légère augmentation du nombre de donneurs, qui sont un peu plus de 1 500 000 en France, un nombre de 2 % supérieur à ce qu'il était en 2021 mais toujours inférieur à la période pré-covid. Malgré ce sursaut, l'autosuffisance en PSL reste fragile, ce qui doit nous inciter à une réflexion et nous oblige à prévoir des garde-fous pour ne pas nous trouver un jour dans la situation sans précédent que la santé des Français ne serait plus assurée.
Outre les difficultés relatives au volume de dons, l'EFS accuse depuis plusieurs mois un manque de personnel médical récurrent qui conduit à l'annulation de collectes dans plusieurs régions. Les personnels de l'EFS sont principalement des professionnels de santé, les autres exerçant des métiers scientifiques liés à la recherche et des métiers supports.
L'EFS a le statut d'établissement public administratif mais les contrats de son personnel sont des contrats de droit privé, comme au sein d'un établissement public à caractère industriel et commercial, une structure qui surprend. Pour pallier un déficit d'attractivité, le Gouvernement a procédé depuis 2021 à plusieurs revalorisations tarifaires et augmenté ainsi les moyens dont dispose l'EFS pour rémunérer au mieux ses collaborateurs. Je salue l'engagement de notre Gouvernement de soutenir l'établissement à hauteur de 100 millions d'euros dans le cadre du PLFSS 2024, l'accompagnant ainsi dans ses réformes structurelles. Les nouvelles dotations traduisent un soutien pérenne de l'État qui permettra à l'établissement de conduire sa modernisation.
Enfin je déplore que la gestion des PSL ne soit pas uniforme sur l'ensemble du territoire. En effet, dans mes anciennes fonctions de directeur de clinique, j'ai connu des situations ubuesques : l'EFS réalisait des campagnes de communication pour encourager les dons et, dans le même temps, nous étions dans l'obligation de détruire des PSL pour des raisons de simplification de processus... Je vous sais soucieux de ce sujet et j'espère que nous aurons l'occasion d'étudier ensemble ce point spécifique.
Le modèle de l'EFS doit être transformé. Plus que jamais, nous devons soutenir l'établissement et l'accompagner dans les mutations à venir, notamment sur le plan économique, car il doit rester la tête de pont d'une filière d'excellence tant en matière de gestion des produits sanguins que dans la recherche médicale en bioproduction. Ces constats étant faits et en l'état de vos connaissances actuelles, pouvez-vous nous dire quels risques court l'EFS à court et à moyen terme ?
L'EFS assure une mission essentielle, l'autosuffisance de la France en matière de produits sanguins, et maintient l'équilibre entre les donneurs et les receveurs. Au regard de vos connaissances, de vos compétences et de votre parcours, le groupe Renaissance sait que vous êtes la personne capable d'accompagner l'établissement pour faire face aux défis qui l'attendent, en particulier la mise en œuvre du financement prévu par le PLFSS 2024.
L'EFS joue un rôle essentiel dans la chaîne vitale de solidarité qui permet de produire les médicaments dérivés du sang. Le don de plasma permet notamment de produire des immunoglobulines. Alors que la consommation de ces médicaments utilisés en immunothérapie augmente régulièrement depuis quarante ans, nous observons une baisse des dons, qui s'est accentuée pendant la crise sanitaire. En octobre 2021 déjà, l'ANSM avait alerté sur les tensions à venir en ce domaine et lancé des groupes de travail avec des fabricants pour rechercher des sources d'approvisionnement complémentaire. Le ministre de la santé et de la prévention s'est pleinement engagé pour accroître la collecte de plasma et optimiser la sécurisation de l'approvisionnement de ces traitements sur notre territoire. Moins d'un tiers des immunoglobulines utilisées en France proviennent du plasma collecté en France : le constat est sans appel : il y a inadéquation entre l'approvisionnement et nos besoins. Alors que 67 % du plasma utilisé pour la production de médicaments immunomodulateurs sont collectés aux États-Unis, avec les réserves que l'on peut émettre dans ce contexte, quels leviers d'action envisagez-vous en faveur de la collecte nationale pour notre approvisionnement en plasma ?
Monsieur Pacoud, vous êtes donc pressenti pour prendre la présidence du conseil d'administration de l'EFS, qui traverse une crise majeure, avec un déficit de 41 millions d'euros en juillet 2023, une pénurie de personnel médical et paramédical, une pénurie de donneurs et une inflation qui touche aussi l'établissement alors que le prix des produits du sang qu'il vend, fixé par arrêté ministériel, n'est pas indexé. Malgré l'aide apportée, l'EFS est obligé de baisser ses dépenses d'une vingtaine de millions d'euros, dont 9 millions d'euros en réduction de frais de personnel. Ces contraintes se produisent alors que l'EFS doit augmenter l'ensemble des prélèvements de sang et de plasma pour assurer la souveraineté sanitaire nationale sur les médicaments dérivés du sang.
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) ont été conjointement chargées d'une mission visant à créer un nouveau modèle économique pour l'EFS, probablement fondé sur la fin du don gratuit. Vous présentez, monsieur, un curriculum vitae intéressant en tant que haut fonctionnaire. Avez-vous eu connaissance du contenu du rapport des inspections générales ? Face à cette crise historique, de quels atouts techniques disposez-vous pour préserver notre souveraineté nationale sur les médicaments dérivés du sang ? Quel est votre avis sur la fin du don gratuit ?
Nous traitons d'un organisme aux missions consensuelles : fournir, en dehors de tout marché lucratif, des globules rouges, des plaquettes, du plasma à quiconque en a besoin en cas d'accident grave ou d'hémorragie et aussi pour préparer le sérum nécessaire aux vaccins. En bref, même sans bénéficier d'une transfusion sanguine, nous avons toutes et tous besoin des dons du sang. Quel est alors l'enjeu de notre discussion ?
Pour en avoir une idée plus précise, j'ai visité, vendredi dernier, le site toulousain de l'EFS, et constaté que l'un des problèmes importants est celui des conditions permettant que cette mission consensuelle soit menée à bien. Ce n'est pas pour rien que l'établissement connaît un mouvement de grève illimitée depuis fin juillet, pour les raisons qui viennent d'être évoquées : crise salariale, inflation et niveau des prix de vente, lequel a pour conséquence 19 millions d'euros d'économies imposées, notamment par le biais de 150 suppressions de postes en équivalent temps plein. Les salariés qui restent, oubliés du Ségur de la santé, subissent le gel des grilles salariales depuis quinze ans et ne bénéficient ni de la hausse du point d'indice dans le secteur public ni des avantages du secteur privé. À ces conditions de travail difficiles s'ajoute un manque de perspectives, notamment pour la collecte du plasma, dont on sait qu'il provient pour deux tiers de l'étranger, notamment des États-Unis, où les « donneurs » le vendent pour 40 dollars par visite, ce qui les conduit à faire de fausses déclarations pour en vendre plus souvent et survivre grâce à cela, fournissant aussi un plasma de moindre qualité.
La France a besoin d'une feuille de route et d'une stratégie déterminée en matière de collecte de plasma. Nous avons les savoir-faire nécessaires à la production de médicaments à base de plasma mais le manque de donneurs menace toute la filière. Mon groupe parlementaire sera vigilant. Il soutient les revendications du personnel et s'intéresse de près aux solutions que vous pourriez apporter aux problèmes que j'ai évoqués.
Je tiens en premier lieu à souligner le travail accompli pendant onze ans par votre prédécesseur, François Toujas, pour transformer l'EFS, et les chantiers majeurs qu'il a conduits.
Notre groupe a des inquiétudes sur la pérennité et la viabilité de l'EFS. Vous avez rappelé ses objectifs : la sécurité et la souveraineté sanitaires pour parvenir à l'autosuffisance. Nous serons intransigeants sur notre modèle de don du sang, qu'il faut tenir. Je crois pouvoir compter sur votre approbation totale de l'idée qu'il faut défendre ce modèle, qui sera toujours attaqué par certains, et respecter les amicales de donneurs, si précieux. La question des collectes mobiles de dons de sang a été rappelée, mais ce n'est pas la seule : aurons-nous le matériel et le personnel médical nécessaires pour rendre possible partout la collecte du plasma ?
Notre groupe s'inquiète de votre capacité à faire, compte tenu du sentiment diffus que les autorités gouvernementales abandonnent l'EFS. Avez-vous des garanties, monsieur Pacoud, sur ce que vous pourriez avoir à faire, et sur un équilibre financier de plus en plus fragile ?
Faute de temps, je ne reviendrai ni sur un modèle économique qui nous paraît à bout de souffle ni sur l'avenir de notre filière de production de médicaments dérivés du plasma, mais nos interrogations sont vives, et pour tout dire nos inquiétudes, parce qu'en dépit de la qualité de la gestion de François Toujas, on a vu l'EFS abîmé au cours des dernières années par manque de réactivité de l'autorité de tutelle. Quels engagements avez-vous qui nous permettrons d'être compétitifs dans les biothérapies et dans les MTI ?
Le don du sang gracieux et anonyme est un acte citoyen par essence, source de qualité. Mon propos portera sur les associations de donneurs du sang, qui ont créé une chaîne de solidarité et un maillage territorial et qui, en raison des difficultés que connaît l'EFS, sont elles-mêmes en grande difficulté. Ces dernières années, de nombreuses annulations de dernière minute ont démotivé à la fois les donneurs qui avaient parfois bloqué une demi-journée ou une fin de soirée et les volontaires qui s'étaient mobilisés plusieurs jours auparavant pour aller convaincre des gens de donner leur sang et qui sont finalement mis en échec par une annulation de dernière minute dont ils subissent le reproche. La consigne de n'organiser que des collectes de cinquante dons au minimum a pour conséquence d'exclure de fait les zones rurales alors qu'elles étaient souvent particulièrement mobilisées grâce aux associations. Cette évolution me déplaît fortement. J'aimerais, pour que l'on trouve des solutions, que l'on appréhende bien les causes de ces annulations soudaines, que je pense multiples : est-ce un manque de médecins ? Est-ce l'absentéisme ? Est-ce lié à des questions de rémunération ? Est-ce une question de climat social, puisque l'on constate des différences notables entre établissements régionaux ? J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
S'agissant de la mauvaise situation financière de l'EFS, on se doit de relever la situation schizophrénique dans laquelle se trouve la sécurité sociale : si l'on rémunère mieux les poches de sang, cela coûtera plus cher aux hôpitaux, dont le déficit s'aggravera d'autant. Mais cette difficulté à court terme peut être compensée par une meilleure santé à moyen terme si on a du sang de qualité produit en France. Enfin, le modèle économique relatif au plasma est-il calé pour assurer une rentabilité et donc un équilibre pour l'établissement ?
Le 7 octobre dernier, j'ai reçu, comme chaque année, un appel de Laurent, le président de l'amicale des donneurs de sang d'Argences, qui me souhaitait un bon anniversaire, comme il le fait pour tous les donneurs. C'est l'exemple que j'ai choisi pour saluer toutes celles et ceux qui, chaque jour, œuvrent pour ce modèle unique et précieux dans lequel vous souhaitez, monsieur Pacoud, inscrire la suite de votre carrière. Vous nous avez dit que vous connaissez les arcanes de l'État et nous avez montré que vous êtes intéressé par le don de sang. Vous avez peut-être lu le rapport IGF-Igas ; ce n'est pas notre cas, parce qu'il ne nous a pas été communiqué. Je trouve dommage que nous, parlementaires, n'ayons pas cette information et je souhaite que vous vous engagiez à nous communiquer ce document pour que nous soyons mieux informés des enjeux et du financement de l'EFS.
Je remercie évidemment tous les bénévoles mais aussi tous les salariés qui œuvrent pour ce modèle. De fortes tensions sociales ont été évoquées, des grilles de salaires qui n'ont pas bougé depuis quinze ans, un établissement dans lequel le personnel ne bénéficie pas des revalorisations des grilles salariales du secteur public et qui est en concurrence avec le secteur privé ; que proposez-vous, de manière tangible, à ce sujet ?
Dans un autre domaine, quel est, selon vous, le niveau des besoins d'investissements ? À mon sens, ils sont énormes. Pour le seul site de Caen, le coût de la rénovation énergétique du bâtiment est d'un million d'euros. Je ne parle pas du site de Bois-Guillaume, ni de celui de Lille pour l'établissement Hauts-de-France Normandie. Il faut vraiment agir, parce que l'on est dans des passoires énergétiques et parce que cela rend difficiles les conditions de travail.
Au sujet du plasma, vous avez commencé d'apporter des réponses, mais elles supposent des moyens importants.
Enfin, pour revenir un instant sur ce que vient de dire notre collègue Turquois, oui, il faut revaloriser le prix du sang, et parce que cela pèsera sur les dépenses hospitalières, cela suppose que le législateur revalorise l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Je pense que c'est nécessaire ; quel est votre point de vue ?
Votre audition est l'occasion de rappeler notre attachement au modèle français de don du sang, porté par l'EFS et l'ensemble de ses collaborateurs, les associations et tous les bénévoles. Notre pays connaît depuis plusieurs décennies une pénurie de professionnels de santé et comme tous les établissements de santé, l'EFS fait face à des difficultés de recrutement majeures, ce qui peut avoir pour grave conséquence la réduction du nombre de collectes. En complément des dernières mesures de revalorisation salariale et pour préserver la souveraineté sanitaire et la qualité de la chaîne de transfusion, le PLFSS 2024 prévoit l'allocation d'une dotation à l'EFS. Pensez-vous que cette dotation permettra à l'établissement d'absorber une partie des effets de l'inflation ? Comment envisagez-vous les conséquences du nouveau financement mixte de l'établissement ? Enfin, comment mobiliserez-vous les donneurs, particulièrement les jeunes donneurs qui assureront le renouvellement nécessaire ?
L'EFS, établissement respecté par tous, est pris dans une triple contrainte : ses finances, son personnel, les donneurs. Votre nomination intervient dans un contexte de difficultés économiques persistantes pour l'établissement. La dotation complémentaire de 15 millions d'euros attribuée à l'EFS par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 n'a visiblement pas suffi à combler le déficit ; l'établissement manque encore des moyens nécessaires pour faire face à l'augmentation des frais de fonctionnement due à l'inflation galopante, à la baisse du nombre de transfusions sanguines et au manque de personnel infirmier qui limite la collecte de plasma par un établissement public qui s'autofinance pourtant à 80 % grâce aux PSL. L'article 31 du PLFSS 2024 envisage une dotation par la Cnam afin de diversifier le mode de financement de l'EFS. Considérez-vous les mesures annoncées suffisantes pour mettre fin à la détérioration financière et à l'instabilité permanente qui frappent l'EFS depuis plusieurs années ?
L'EFS peut-il sécuriser les besoins transfusionnels du pays alors qu'à la pénurie de personnel infirmier auquel il fait face s'ajoute la suppression délibérée de 150 emplois dans la recherche par le conseil d'administration que vous présiderez potentiellement ? La stabilisation des financements est une nécessité, mais comment assurer l'autosuffisance nationale et publique du pays si l'EFS est maintenu dans un manque croissant et organisé de personnel ? Le groupe Écologiste est inquiet de la capacité humaine et financière de l'EFS à fournir les médicaments dérivés du plasma sanguin sans passer par du plasma prélevé aux États-Unis ; du délitement de la recherche publique sur les thérapies cellulaires ; du risque d'une dépendance toujours plus forte de la France aux laboratoires privés qui grèvent notre budget en vendant des traitements à des prix indécents. Qu'en sera-t-il ?
L'EFS, précieux bien commun, souffre depuis quelques années d'un déficit chronique dû à un sous-financement et sans doute du manque de reconnaissance du caractère crucial de ses missions. Sa capacité de collecte est donc menacée, et avec elle l'autosuffisance de notre pays en matière de produits sanguins d'autant que nous ne sommes pas non plus en état de collecter le plasma nécessaire – la question se pose également du coût des machines à plasmaphérèse. Nous ne pouvons nous résoudre à cette situation. Cette crise a un impact sur le personnel et le conduit à se mobiliser. L'EFS doit être relancé, ce qui ne pourra se faire sans la Fédération française pour le don de sang bénévole (FFDSB) et les associations locales. Les parlementaires ont leur propre responsabilité, et nous avions besoin de vous entendre dire, comme vous l'avez fait, votre attachement à notre modèle de don du sang gratuit, dans un monde où les tentatives de marchandisation de la santé doivent être combattues. Il faudra de la ténacité pour prendre soin de l'EFS et, au-delà, permettre à l'établissement de répondre complètement à nos besoins et développer les outils de l'avenir.
Le don du sang est un don de soi auquel il n'existe pas d'alternative. Le rapport d'activité de l'EFS pour 2022 mentionne la signature d'une nouvelle convention de partenariat entre l'établissement, l'Association des maires de France et la FFDSB. Ce partenariat renouvelé prévoit notamment la possibilité d'attribuer un label « Commune partenaire du don de sang » pour valoriser l'engagement d'une commune participant à la promotion du don par l'organisation des collectes, la sensibilisation et l'engagement citoyen à cette fin. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet encore à l'étude ?
Présider l'EFS est un grand défi, en ce moment particulièrement. Le mot « bénévole » n'est pas revenu assez souvent à mon goût dans votre propos liminaire, monsieur Pacoud, alors que, partout en France, les donneurs de sang bénévoles jouent un rôle capital. Tous groupes politiques confondus, nous sommes attachés au modèle français du don de sang gratuit, anonyme et volontaire. Malheureusement, les alertes sur stock sont de plus en plus fréquentes et les besoins croissants. Quelque 4 % des personnes donnent leur sang en France en moyenne nationale mais dans certains territoires ruraux le taux atteint parfois 12 % ; cela signifie qu'il est parfois dix fois moindre dans certains centres métropolitains. Une des clefs de ce succès, c'est la mobilisation des bénévoles et la convivialité qu'ils ont su créer lors des collectes. Or, les moyens mis à leur disposition ont été réduits et cela se fait sentir lors de certaines collectes. Comptez-vous donner aux bénévoles les moyens de poursuivre ces belles collectes conviviales qui attirent un grand nombre de gens de toutes les générations ?
Quels leviers comptez-vous activer pour améliorer la collecte du sang, du plasma en particulier ? Quelles difficultés entraveraient votre action ?
Il y a un an presque exactement, j'interrogeais M. François Toujas, alors président de l'EFS, sur les difficultés que connaissait cet établissement qui assure une mission de service public essentielle. Ces difficultés persistent et les collectes peinent à approvisionner convenablement les réserves françaises de produits sanguins. Dans le même temps, l'EFS fait face à l'augmentation de la demande de médicaments dérivés du sang, notamment de plasma. Les salariés s'inquiètent pour leur avenir, déplorent le manque de moyens et des conditions de travail difficiles ; des grèves ont d'ailleurs eu lieu cet été. Le « service public du sang » souffre d'un important déficit qui l'empêche de réaliser convenablement ses missions et de satisfaire les exigences de ses effectifs en termes de rémunération et de recrutement. Dans ce contexte, le PLFSS 2024 a prévu une nouvelle ressource, allouant à l'EFS une dotation de la Cnam pour garantir sa viabilité. Cette mesure permettra-t-elle de pallier les manques ? En qualité de nouveau président du conseil d'administration de l'établissement, quelles premières mesures envisageriez-vous pour améliorer la situation et garantir la stabilité de ce service public crucial ?
Je salue à mon tour le travail réalisé par les antennes de donneurs de sang, et le rôle primordial des bénévoles. Mais ils déplorent le manque de dotations et par ricochet le manque de matériel, ce qui les contraint à refuser des prélèvements. Quels moyens de communication et de sensibilisation pourriez-vous mettre en œuvre pour valoriser le don de sang et de plasma ? Par quels relais passer – établissements de santé, professionnels sur place, associations sportives ou culturelles – pour diffuser l'information sur le don de sang, le démocratiser et responsabiliser chacun ? Nous avons tous un rôle à jouer, et le Gouvernement comme l'établissement que vous allez présider doivent faire confiance en donnant les moyens à nos territoires de faire les choses comme il faut.
Notre modèle assurait jusqu'à présent l'autosuffisance de notre pays en produits sanguins. Or la FFDSB, qui compte 2 850 associations locales, ne parvient plus à assurer les collectes faute de personnel. L'EFS ne réussit pas à pourvoir 300 postes de médecins et d'infirmières – vous avez mentionné la question des salaires, le personnel de l'établissement n'ayant pas bénéficié de la revalorisation salariale intervenue au terme du Ségur de la santé. En 2022, l'EFS a dû procéder deux fois à des appels d'urgence aux dons en raison de stocks insuffisants. C'est que plus de mille collectes ont été annulées, ce qui provoque des difficultés d'approvisionnement en médicaments dérivés du sang telles les immunoglobulines, approvisionnement déjà fortement touché par les effets de la pandémie.
Je salue la dotation de 100 millions d'euros, financée par la Cnam, allouée pour stabiliser la situation et le modèle économique, mais le mal dont souffre l'EFS est plus profond et de nature structurelle. Je crains que, si la désorganisation actuelle perdure, elle n'aboutisse à la démobilisation des bénévoles, pourtant très investis, dans des centaines de comités locaux. Je salue à mon tour leur remarquable travail, mais ils n'en peuvent plus de subir ordres et contrordres, de manquer de personnel, de manquer de matériel, de devoir organiser puis annuler des collectes. De nombreux membres de comités locaux ont déjà cessé leur activité ; à terme, l'exceptionnel maillage du territoire français qui assure l'efficacité de notre modèle sera remis en cause. Face aux périls qui menacent la pérennité de l'EFS, il est urgent de réfléchir à une réforme de fond sans laquelle l'établissement ne sera plus en mesure d'accomplir sa mission : assurer une transfusion sanguine éthique, fondée sur le bénévolat, le volontariat et l'anonymat.
La tonalité générale des questions exprime une forte inquiétude, un questionnement que je ne pense pas avoir moi-même passé sous silence dans mon propos liminaire. Je le redis donc : pour moi, l'EFS est un établissement exceptionnel – surtout si l'on se rappelle l'image qu'avait la transfusion sanguine en France il y a une trentaine d'années et si l'on voit où on en est aujourd'hui. Par son niveau de sécurité sanitaire, par sa capacité à couvrir les besoins du territoire en PSL même dans les périodes difficiles, par son écosystème dans lequel un travail très important et très fructueux se fait avec les associations de bénévoles partout en France, l'EFS est, comme l'a souligné M. Dharréville, un bien commun. L'établissement a une image de très haute expertise et de service public vital et il ne faut pas le perdre de vue, tout en appréciant sa situation pour ce qu'elle est. Notre objectif est d'assurer que l'EFS se maintienne à ce niveau, qui est excellent. Comme je l'ai indiqué, j'entends travailler à ce que nous conservions une filière française du sang et du plasma à son niveau d'excellence et qui obtienne pour ses salariés la juste reconnaissance attendue.
M. Sertin m'a interrogé sur les risques auxquels l'établissement peut être confronté. Le premier qui m'apparaît est l'inadéquation entre la collecte et les besoins des malades en PSL, notamment pour les sangs rares. Depuis deux ans est organisée une semaine de sensibilisation aux sangs rares ; la prochaine aura lieu en janvier 2024.
L'EFS a la particularité d'être un établissement public administratif qui, pour l'application du code du travail, est considéré comme un établissement public à caractère industriel et commercial, fonctionnant essentiellement avec des salariés de droit privé. Les produits qu'il cède au terme de processus industriels relèvent du domaine particulièrement surveillé de la santé et des produits sanguins. Autant dire que l'appareil de production, l'outil de collecte, l'écosystème local ne sont pas choses que l'on fait évoluer du jour au lendemain. Ce qui est déterminant pour l'EFS est la capacité de ses équipes à travailler avec les amicales, les associations de donneurs de sang bénévoles et, bien sûr, avec les élus qui aident à la collecte en mettant des salles à disposition, contribuent à prévoir ce qui est nécessaire aux collations et, de manière générale, à la bonne ambiance qui fait que le don du sang renforce le tissu social et transcende les appartenances politiques. C'est particulièrement précieux.
Nous sommes dans un moment où l'on a quelque peu perdu les repères, la pandémie ayant brouillé notre analyse des besoins des établissements de santé. Le premier rôle de l'EFS étant de répondre aux besoins du système de santé, l'appareil de collecte doit évoluer pour plus d'efficience. Ce n'est pas un gros mot : on part d'une matière issue de dons, il appartient à l'établissement de veiller à l'utilisation la plus juste de ces dons et au bon usage des deniers publics. Je reviendrai sur les annulations de collectes, mais le premier risque auquel nous devons être très attentifs est l'adéquation entre les collectes et les besoins en PSL. Cela suppose sans doute, je l'ai dit, que l'établissement se dote d'outils plus fins de prévision de ces besoins.
Maintenant que le gros de la crise sanitaire s'éloigne, on doit parvenir, en analysant les données des dix dernières années, à une évaluation plus juste des besoins. Il y a en effet des disparités régionales. Au sein de l'EFS, certaines régions sont dites exportatrices de produits sanguins – parce que leur système de collecte est plus productif que d'autres, ou que jouent des données culturelles – vers d'autres régions qui, déficitaires en ce domaine, doivent bénéficier de la solidarité nationale. L'EFS y est attentif : François Toujas, avec certains directeurs d'établissements régionaux, a créé un espace de réflexion, l'EFS Social Lab, qui puise dans l'anthropologie, la sociologie et l'économie pour analyser les déterminants du don, leur évolution et les phénomènes socioculturels qui peuvent jouer dans la capacité des régions à collecter, à collecter moins ou à collecter mieux.
Le deuxième risque que je perçois est la tension en matière de ressources humaines, ce qui recoupe la question de l'attractivité de l'établissement. Cela nuit à la prévisibilité des collectes, dont certaines peuvent être annulées faute de personnel. C'est qu'il devient plus difficile, dans un établissement où le personnel a beaucoup donné au cours des dernières années, d'assurer le remplacement au pied levé d'une infirmière malade qui ne peut pas se rendre sur les lieux de la collecte prévue le lendemain. Cela entraîne effectivement des conséquences en chaîne pour l'amicale locale qui avait organisé la collecte au mieux et se retrouve les bras ballants. On a recensé 1 700 collectes annulées pour raisons de ressources humaines en 2022 et il en ira de même cette année. Il est indispensable d'analyser les caractéristiques de ces très nombreuses annulations.
Des réponses doivent être apportées en matière de salaires, de qualité de vie au travail et aussi de marque employeur. L'image de la filière de la transfusion sanguine est radicalement différente de ce qu'elle était il y a trente ans ; il doit être possible d'en tirer un bénéfice en termes d'attractivité et l'EFS doit capitaliser sur son image. En particulier, une réflexion doit être menée sur les petits sites isolés. À l'EFS, il y a plusieurs façons de travailler. L'établissement compte, en métropole, quatre plateformes de qualification biologique du don, où arrivent les échantillons prélevés ; travaillent en ces lieux des techniciens de laboratoire et des biologistes, qui font un métier de haute technologie. De plus petits sites livrent les poches à de petits hôpitaux, pas nécessairement à côté d'un CHU. Travaillent là des personnes qui ont des compétences et des connaissances mais qui sont plus loin des travaux de recherche menés au sein d'un CHU, alors que cela pourrait les intéresser. Il faut donc s'attacher à construire un réseau, mettre les personnes qui travaillent dans les petits sites en lien avec les équipes plus en pointe sur la recherche, favoriser les échanges en impliquant tout le monde dans ce qui se fait et utiliser ainsi au mieux l'expertise qui prévaut au sein de l'EFS. D'autre part, une réflexion s'impose sur la classification des emplois, qui est en souffrance, sur une définition des métiers et sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. De nombreuses pistes existent donc qui peuvent permettre de répondre aux tensions sur les ressources humaines.
Le troisième risque est d'ordre financier ; j'y reviendrai en répondant plus en détail aux questions relatives à la collecte de plasma. La même chose vaut pour le financement des activités de recherche. Je n'ai pas encore mentionné un autre risque qui doit l'être compte tenu que les investissements ont été ralentis depuis trois ans faute de capacité financière : le risque de cyberattaque auquel l'EFS, au regard de sa mission essentielle, doit être en mesure de faire face par un plan de continuité de l'activité et, en premier lieu, d'investissements.
Le regroupement, au niveau mondial, des fournisseurs du secteur de la santé pose un autre problème, moins clairement perçu. Il y a quelques années encore, l'EFS pouvait s'adresser à trois ou quatre fournisseurs différents, dans une logique de marché public classique ; il trouve aujourd'hui beaucoup moins de fournisseurs potentiels. Il doit même parfois réfléchir à adapter ses besoins à ce qui est disponible sur le marché parce que les producteurs ne se plieront pas forcément aux exigences de l'établissement national. Ce renversement de perspective présente aussi un risque.
M. Rousset a évoqué les leviers d'action à mobiliser pour la collecte de plasma. L'EFS en a déjà plusieurs. Le premier est la volonté manifeste de l'établissement de s'investir pleinement dans le développement de cette filière, par exemple en utilisant à cette fin les marges de manœuvre qui seraient libérées par la baisse des besoins en matière de concentrés de globules rouges, mais cela ne peut se faire immédiatement car les modalités de collecte ne sont pas les mêmes. La collecte de plasma se fait en maison du don exclusivement ; les machines nécessaires étant trop lourdes pour être transportées en vue de collectes mobiles, il faut faire venir les donneurs. On peut en tout cas réfléchir à une réallocation des moyens.
L'autre levier, tout récent, est le décret du 5 novembre 2023, qui étend la téléassistance médicale à la plasmaphérèse. Les infirmières pourront désormais superviser les collectes de plasma comme elles supervisent le don de sang – à condition, bien sûr, d'avoir suivi la formation requise –, avec la garantie de pouvoir joindre à distance un médecin référent en cas de difficulté.
De plus, une réflexion doit être conduite avec les amicales, qui s'investissent plus couramment en faveur des collectes mobiles que dans les maisons du don, pour définir comment permettre aux populations locales d'accéder à la collecte de plasma, puisqu'il faut recruter plus de donneurs pour arriver à fournir le LFB à hauteur des besoins. Des outils de communication devront être mobilisés ; d'ailleurs, ceux d'entre vous qui suivent l'EFS sur les réseaux sociaux auront peut-être vu la campagne de communication en cours.
Et puis, bien sûr, des moyens financiers devront être mis en œuvre. La dotation de 100 millions d'euros ne doit pas, à mon sens, être interprétée comme intégrant les financements qui seront nécessaires au développement de la collecte de plasma par l'EFS. Si l'on se fie à l'étude d'impact qui accompagne l'article 31 du PLFSS, un financement spécifique sera consacré aux investissements nécessaires au développement de la collecte de plasma – investissements sur lesquels l'établissement a déjà travaillé, bien sûr : peut-être des recrutements, sous réserve du redéploiement de l'appareil de collecte pour le sang total, ce qui signifie l'achat de nouvelles machines et des investissements dans des maisons du don, selon des modalités à déterminer car les règles de construction et de développement d'infrastructures de ce type emportent des délais. En résumé, il faut recourir aux dispositifs les plus efficaces possible, mais il y a aussi une question de moyens et d'investissements.
Ayant eu connaissance, monsieur Frappé, des principales conclusions des travaux de la mission IGF-Igas, je peux dire que la dotation inscrite au PLFSS est sans doute une des premières conséquences tangibles de ce rapport. Dans la ligne du rapport de la Cour des comptes et du rapport sur la filière du sang qu'avait rendu Olivier Véran en 2013, les deux inspections ont mis en question le modèle économique de l'EFS. J'ai interrogé les inspecteurs généraux, et la première réponse apportée est la dotation inscrite dans le PLFSS.
Quelle peut-être l'évolution des modalités du don, m'avez-vous demandé, évoquant même l'hypothèse de la fin de ce que vous avez appelé le don gratuit ? Pour moi, les principes éthiques sont intangibles. La loi dispose que « la transfusion sanguine s'effectue dans l'intérêt du receveur et relève des principes éthiques du bénévolat et de l'anonymat du don et de l'absence du profit ». Vous le savez sans doute, le nouveau projet de règlement sur les substances d'origine humaine en discussion à l'échelon européen comporte un article 54 relatif aux modalités du don. Plusieurs pays européens compensent forfaitairement le don de sang. Ce n'est pas la ligne de la France et je ne pense pas que cela puisse le devenir.
En revanche, si l'on veut que tous les Français puissent participer au don de plasma – qui est aussi un enjeu de souveraineté et d'éthique puisqu'on évitera de la sorte d'acheter du plasma obtenu de manière moins éthique ailleurs –, sachant qu'il faut pour cela se rendre dans une maison du don qui peut être sensiblement distante du lieu d'habitation du donneur, la question du défraiement peut se poser, en tout cas celle de la neutralité de l'acte pour les donneurs. Mais cette hypothèse mérite une réflexion approfondie. Aujourd'hui, les textes permettent à l'EFS de défrayer ceux qui vont donner leur sang ; pour les donneurs qui parcourent une certaine distance, au regard du prix des carburants, ce peut être intéressant, mais il y a des disparités régionales et les défraiements sont plafonnés. Quand on cherchera à inciter les gens à parcourir parfois plusieurs dizaines de kilomètres pour donner leur plasma, peut-être faudra-t-il se poser à nouveau la question de savoir comment permettre aux donneurs d'accéder plus facilement aux maisons du don. Ce n'est nullement une remise en cause du « don gratuit » : le don restera gratuit, mais il ne doit pas être source d'un coût exorbitant pour le donneur.
Monsieur Clouet, vous avez évoqué la situation des personnels. Je l'ai indiqué, je souhaite y répondre en discutant. Je commence à le faire avec les ministères et je le ferai bien sûr, dès mon arrivée à l'EFS, avec les organisations syndicales et en préparant le conseil d'administration de la fin de l'année, qui fixera le budget de l'établissement pour 2024.
Monsieur Viry, vous vous interrogiez sur les garanties concernant l'activité de recherche. Le développement des MTI est pour moi un point d'attention majeur. La loi prévoit que l'EFS développe les connaissances scientifiques et mène des activités de recherche dans des domaines innovants liés à la transfusion sanguine. Cette mission légitime, essentielle pour notre souveraineté sanitaire, doit s'appuyer sur l'expertise de l'établissement. Pour ce qui est des moyens et des garanties sur les moyens, l'EFS doit sans doute aller chercher des financements. L'établissement participe aux côtés de la société Urgo au projet Genesis de médecine régénérative de la peau qui vise notamment à soigner les grands brûlés. Ce projet bénéficie déjà de l'appui de France 2030 ; nous devrions étudier la possibilité de financer d'autres projets par ce biais, et peut-être réfléchir au développement du mécénat. L'image de l'EFS peut lui permettre de trouver des moyens.
Je comprends très bien, monsieur Turquois, que les associations de donneurs soient, légitimement, perturbées par les annulations de collectes. Supprimer les collectes inférieures à cinquante poches s'explique par une recherche d'efficience ; mais elle appelle des nuances. Si une équipe partie le matin ne met que 20 minutes pour se rendre sur le lieu d'une collecte qui lui permettra d'obtenir trente ou quarante poches de sang, il faut évaluer s'il y a véritablement manque d'efficience. Particulièrement à un moment où l'on a quelque peu perdu les repères et où des collectes sont annulées, une telle collecte doit s'analyser après discussion avec les élus et les associations, dans le cadre du schéma régional d'organisation de la transfusion sanguine, au regard des besoins de la région. Si la région est déficitaire, on peut, à mon sens, envisager de maintenir une collecte de moins de cinquante poches, en tout cas ne pas décider immédiatement sa suppression. En revanche, si l'on est sûr – c'est le plus compliqué, et les directeurs régionaux en parleraient mieux que moi – qu'une équipe de l'EFS mettra plus de deux heures pour se rendre à un point de collecte mobile pour ne recueillir que quinze, vingt ou même trente poches puis rentrer chez soi à 22 heures, la question se pose en d'autres termes. Voilà ce qu'il faut analyser précisément, mais j'entends bien que l'on ne peut faire passer tout le monde sous la même toise. Actuellement, un certain nombre de collectes de moins de cinquante poches demeurent, surtout quand elles sont organisées en des lieux pas trop éloignés du point de départ des équipes. Il faut aussi s'assurer que même si les collectes sont réorganisées, nos concitoyens n'ont pas à parcourir des dizaines de kilomètres pour aller donner leur sang. Et, je le redis, le don de plasma obéit à d'autres règles.
Sur la situation financière de l'établissement, la dotation apporte une réponse ; pour le développement de la collecte de plasma, la page est à compléter.
Monsieur Delaporte, je vous ferai la réponse traditionnelle qu'un rapport d'inspection appartient à ceux qui l'ont commandé. S'agissant ici d'inspections ministérielles, c'est aux ministres qu'il appartient de décider la communication de ce rapport à la représentation nationale.
Sur la hausse des tarifs de cession des produits sanguins, je vois une double réponse dans les dispositions de l'article 31 du PLFSS. Si on le lit attentivement, on constate qu'il réécrit les règles de fixation du tarif des produits sanguins, qui doit couvrir à peu près l'ensemble des coûts de revient pour l'EFS ; aujourd'hui, on est au coût de revient. D'autre part, la dotation couvre les coûts des missions de service public. Effectivement, les établissements de santé ont plutôt intérêt à ce que le prix de cession ne flambe pas tous les ans – et ce n'est pas le cas. Mais toutes ces sommes provenant de la Cnam, je pense que la dotation est aussi un moyen d'apaiser les relations entre les établissements de santé et l'EFS. Dans une recherche d'efficience, il faut réfléchir, en particulier pour les petits sites, à mutualiser la délivrance des produits sanguins ou à partager ce qui peut l'être : en certains lieux où l'on maintient des personnels de l'EFS avec un recrutement compliqué, on pourrait envisager que ce soit plutôt l'hôpital. Mais cela demande une étude : ce n'est pas une annonce, c'est une réflexion à mener par les ARS et les directeurs régionaux de l'EFS, et je pense que la dotation peut contribuer à créer un climat plus favorable à cette discussion.
M. Christophe m'interroge sur les moyens de mobiliser les jeunes donneurs. L'EFS a créé le programme Innovadon qui vise à améliorer « l'expérience donneur ». Cela a conduit à développer une application présentant le don de sang de manière plus ludique, en soulignant que le don est un moment pour les autres mais aussi pour soi, une pause en pleine journée, et que les jeunes gens peuvent prendre rendez-vous à plusieurs dans une maison du don. Mais il faut faire encore mieux, en s'inspirant aussi de l'inventivité de nos homologues d'autres pays, tels le Canada ou l'Australie, dans leur communication vers les jeunes gens.
Mme Rousseau s'interroge : les mesures prévues à l'article 31 du PLFSS 2024 sont-elles suffisantes ? Je vous l'ai dit, la production de plasma ne me paraît pas intégrée dans ces dispositions et, s'agissant de développer la recherche en bioproduction, on peut penser trouver des financements ailleurs.
Avant même d'être confronté à des difficultés de recrutement, l'EFS avait engagé depuis longtemps une réflexion sur l'évolution des métiers dans des conditions permettant d'assurer la sécurité de la chaîne transfusionnelle. Après l'affaire du sang contaminé, on était au « tout médecin » : le médecin devait superviser la collecte, le médecin devait faire l'entretien pré-don, le médecin était partout. Aujourd'hui, il y a pénurie de médecins. Le plus haut niveau de sécurité sanitaire ne devant en aucun cas être remis en cause, l'EFS et les autorités sanitaires ont décidé des réformes. Dans cette perspective, il fallait réfléchir en bonne intelligence à utiliser les compétences acquises par les infirmières et les techniciens, d'autant que l'EFS s'est doté d'un outil de formation, EFS Campus. C'est ainsi que l'entretien pré-don peut désormais être réalisé par des infirmiers ou des infirmières et que la téléassistance médicale en collecte permet maintenant la supervision par un infirmier ou une infirmière qui peut contacter un médecin à distance si besoin est.
Sur le plan général, il est plus qu'urgent de revoir une classification des métiers qui remonte à 2008 pour rendre les emplois plus attractifs et plus intéressants pour les personnels de l'EFS et prendre en compte la qualité de vie au travail. J'ai mentionné que certaines collectes peuvent conduire une équipe à rentrer à la maison à 22 heures ; manifestement, il ne peut pas en être ainsi cinq jours par semaine. Ce travail de fond doit être conduit avec toutes les parties prenantes, organisations syndicales, bénévoles et élus.
Monsieur Dharréville, je ne connais pas le prix des appareils d'aphérèse mais je pourrai le préciser ultérieurement. Ce que je peux dire c'est que l'évaluation du coût du plan Plasma qui permettrait de passer à 1 400 000 litres de collecte de plasma pour fractionnement est de quelques dizaines de millions d'euros.
Vous parlez de relancer l'EFS ; c'est le souhait que j'exprimais dans mon propos liminaire et je partage donc votre avis. En s'appuyant sur la nouvelle dotation et en mobilisant toutes les parties prenantes en faveur d'une reprise du dialogue social, nous devons parvenir à fluidifier les relations et à prendre un chemin de transformation plus vigoureux. La situation financière de l'établissement ne lui permettait pas d'investir, alors que c'est une condition pour plus d'efficience et de sécurité sanitaire. Il faudra donc parvenir avec la tutelle à reprogrammer des investissements et à relancer la machine.
M. Frei m'a interrogé sur le label « Commune partenaire du don de sang ». J'ai connaissance de ce label et de la convention passée avec l'AMF et la FFDSB mais je n'ai pas d'éléments sur l'étude en cours. Je pourrai revenir vous en parler.
M. Di Filippo s'interroge sur la manière de favoriser l'action des bénévoles. Ce doit être une préoccupation permanente de l'EFS, qui travaille main dans la main avec eux, et pour cause : l'autosuffisance ne pourrait être atteinte sans leur appui. Quand ils apportent, en plus, qualité d'accueil et convivialité, on ne peut que se réjouir, parce que le don du sang, acte altruiste et généreux, doit rassembler. Je suis convaincu qu'il faut continuer à développer les échanges avec les bénévoles. L'EFS Social Lab réfléchit à ces questions. Je n'ai pas encore eu de contacts avec les représentants nationaux de la FFDSB, mais cela viendra très vite si je suis nommé à cette nouvelle fonction.
Monsieur Alauzet, la difficulté de la collecte de plasma tient notamment à ce qu'il n'existe pas d'appareils de plasmaphérèse permettant de faire des collectes mobiles, ce qui freine les dons. Cela va nous amener à beaucoup travailler sur la communication et l'accompagnement vers la collecte.
Je pense avoir répondu à Mme Levavasseur sur les réponses apportées par le PLFSS.
Madame Gruet, vous avez souligné le rôle primordial des bénévoles et je partage votre opinion, il faut tout faire pour trouver appui dans le milieu culturel. J'ai eu vent de collectes extrêmement réussies au musée d'Orsay et au Panthéon, parce que l'on permet aux donneurs de se retrouver dans un lieu exceptionnel. Inciter au don de sang dans un contexte qui sort de l'ordinaire peut être une occasion d'attirer le public ; il faut y travailler avec le monde culturel et avec les fédérations sportives. Le don de sang est une cause unanimement partagée ; il faut de l'imagination pour attirer les donneurs
Mme Corneloup m'a interrogé sur l'essentiel maillage territorial de l'EFS. Si dans certaines communes on voit disparaître des services publics tels que La Poste, et aussi la boulangerie et si, en plus, la collecte disparaît, le sentiment peut se former qu'on est sorti d'une communauté, ce qui peut être très dur. Nous devons absolument prendre cela en compte pour maintenir le don de sang et la collecte de plasma comme outils du lien social.
Je vous remercie, monsieur Pacoud, pour vos réponses très précises, comme le souhaitaient les députés. Ils sont, vous l'avez constaté, attachés à l'EFS et ont salué le travail des professionnels et des bénévoles. Nous continuerons d'examiner avec vigilance le fonctionnement de l'établissement. Je ne doute pas que, dans l'hypothèse où votre nomination serait confirmée, notre commission aura à cœur de vous auditionner prochainement. Je saisis cette occasion pour remercier chaleureusement les donneurs et les bénévoles qui participent aux collectes et pour encourager nos concitoyens à continuer d'y contribuer.
La réunion s'achève à dix-neuf heures cinq.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, Mme Justine Gruet, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Christine Le Nabour, M. Laurent Leclercq, Mme Katiana Levavasseur, M. Didier Martin, M. Yannick Monnet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Nicolas Turquois, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Elie Califer, Mme Caroline Fiat, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva
Assistait également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo