Je suis honoré et ému d'être devant vous pour cette audition. Ému parce que j'ai consacré une partie de ma vie professionnelle au Parlement, ému aussi parce que l'EFS occupe une place particulière dans notre système de santé et même dans notre organisation sociale. C'est un acteur majeur de la santé et du lien social ; il assure une mission vitale au croisement des enjeux de sécurité sanitaire, de souveraineté et d'innovation.
Je reviendrai sur les missions de l'EFS sans être très long, puisque vous avez entendu plusieurs fois François Toujas auquel je rends hommage pour l'action qu'il a conduite pendant onze ans à la tête de l'établissement, avec les équipes. Je vous dirai quelques mots de mon parcours avant d'évoquer les défis que l'EFS devra relever dans les années à venir et de tracer quelques perspectives, en partageant avec vous l'état de mes connaissances, qui n'est pas encore celui qui serait le mien après les échanges avec les nombreuses parties prenantes.
En France, le service public de la transfusion sanguine a longtemps été assuré par 160 établissements aux statuts divers qui cumulaient de nombreuses activités. À la suite du scandale du sang contaminé, les lois de 1993 et de 1998 ont défini une nouvelle architecture institutionnelle visant à assurer le plus haut niveau possible de sécurité sanitaire. La loi de 1993 a progressivement réduit le nombre d'établissements de transfusion ; la loi du 1er juillet 1998 a créé l'EFS.
L'exigence de sécurité sanitaire est donc inscrite dans les gènes de l'établissement. Cela signifie que la mission de collecte et de production est séparée des missions de contrôle et de régulation, qui ont été confiées à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé devenue l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cela signifie également que l'EFS et ses établissements régionaux sont agréés par l'ANSM, qui définit les bonnes pratiques transfusionnelles et organise l'hémovigilance. Le cadre de sécurité sanitaire est également assuré par le Haut Conseil de santé publique, par Santé publique France qui surveille l'épidémiologie des donneurs et par la direction générale de la santé. Dans cet écosystème, l'EFS veille à la sécurité des receveurs et des donneurs par la sélection des donneurs et la qualification biologique des dons. En application de la loi, le respect des règles visant à assurer la sécurité sanitaire est placé sous le contrôle d'un responsable ; c'est actuellement le Dr Pascal Morel, qui assure la présidence par intérim de l'établissement et dont je salue l'action.
L'éthique et la souveraineté sanitaire ont forgé l'identité très forte de l'EFS. Le modèle éthique du don du sang conjugue bénévolat, anonymat, volontariat et absence de profit ; c'est un acte de générosité et de citoyenneté. Chacun peut donner son sang, dans le respect, bien sûr, des conditions d'éligibilité au don, liées aux voyages, aux antécédents médicaux et au mode de vie ; il est donc préférable de pouvoir s'appuyer sur des déclarations fiables inspirées par le caractère altruiste du geste, hors de toute pression. Le bénévolat fait également que l'on peut compter sur la mobilisation des donneurs ; je vois là un gage de sécurité et d'efficacité. La souveraineté sanitaire est un autre trait marquant de l'histoire et de l'identité de l'EFS. L'établissement a pour mission d'assurer l'autosuffisance en produits sanguins, indispensables à la médecine. Les personnels de l'EFS qui assurent le fonctionnement de la chaîne transfusionnelle permettent de soigner un million de malades par an, pour des actes chirurgicaux comme pour le traitement de pathologies hématologiques.
L'EFS compte 9 700 collaborateurs répartis au sein de treize établissements régionaux dont trois dans les Outre-mer – un pour la Guadeloupe et la Guyane, un pour La Réunion et l'océan Indien, un pour la Martinique. La dimension territoriale de l'établissement est essentielle pour collecter presque sur l'ensemble du territoire – pour des raisons sanitaires, il n'y a pas de collecte en Guyane ni à Mayotte – et pour délivrer les produits sanguins aux 1 500 hôpitaux et cliniques de notre pays. Les associations de bénévoles jouent un rôle primordial dans l'organisation des collectes, dans la mobilisation nécessaire pour assurer un stock suffisant de produits sanguins et pour assurer avec l'EFS la promotion du modèle éthique. Elles permettent avec le soutien des élus un maillage territorial indispensable : aujourd'hui encore, 40 000 collectes, soit 75 % de l'ensemble, sont des collectes mobiles.
L'EFS assure d'autres missions de première importance. La première est la collecte de plasma pour fractionnement ; le plasma collecté est cédé au Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), qui fabrique ensuite des médicaments dérivés. L'EFS est aussi le plus grand laboratoire d'analyses biologiques de France en raison des analyses réalisées sur les échantillons prélevés lors des dons du sang et des analyses hématologiques et immunologiques réalisées pour la délivrance des produits sanguins et dans le cadre de greffes de cellules et de tissus. C'est enfin un établissement d'excellence, porteur d'innovation, avec des activités de recherche particulièrement importantes dans le contexte que nous connaissons en France et en Europe pour disposer des moyens de produire les médicaments de demain.
J'en viens à mon parcours professionnel, consacré, au service de l'État, à des questions principalement juridiques, d'organisation et de transformation qui impliquaient le plus souvent beaucoup de dialogue et de diplomatie. Je suis particulièrement sensible à la dimension de souveraineté sanitaire des activités de l'EFS, que l'on pourrait qualifier de régaliennes, et à la solidarité qu'exprime le modèle du don de sang en France. Après une formation en sciences humaines et sociales, histoire et philosophie essentiellement, et à l'Institut d'études politiques de Paris, j'ai accompli mon service national au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale avant de devenir administrateur des services du Sénat, où j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années, notamment pendant plus de sept ans à la commission des lois.
J'ai ensuite effectué plusieurs missions en cabinets, notamment en qualité de directeur du cabinet du ministre des relations avec le Parlement de 2014 à 2016, alors qu'était discutée au Parlement la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, qui traitait de plusieurs aspects concernant l'EFS. Début 2016, j'ai rejoint le Conseil d'État ou j'ai pendant six ans été rapporteur à la première chambre de la section du contentieux, qui traite en particulier de la santé et de l'aide sociale. J'ai ensuite été chargé d'élaborer deux études annuelles du Conseil d'État en qualité de rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études, l'une sur le sport, l'autre sur l'évaluation des politiques publiques. J'ai enfin siégé à la section de l'intérieur.
Parallèlement à ces activités au Conseil d'État, j'ai effectué plusieurs missions auprès de dirigeants d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche pour accompagner leur regroupement et leur transformation. Début 2022, j'ai été nommé secrétaire général de la région académique d'Île-de-France, où j'ai assuré le pilotage de neuf directions régionales, notamment en matière de formation, d'orientation, d'immobilier, de systèmes d'information, d'achat, avant d'être appelé au printemps de l'année dernière au cabinet de la Première ministre en qualité de chef du pôle parlementaire et des questions institutionnelles. J'ai rejoint le Conseil d'État au début du mois de septembre dernier. Mon parcours ne fait pas de moi un spécialiste de la transfusion sanguine mais il me donne, je crois, une très bonne connaissance du fonctionnement de l'État et m'a appris à appréhender des dossiers complexes, à prendre des décisions dans des situations parfois compliquées et à travailler avec des personnalités de sensibilités très diverses.
La solidarité et l'engagement qui relient les donneurs, les professionnels, les bénévoles et les élus locaux sont aussi pour moi une importante motivation à rejoindre l'EFS. Je suis convaincu de la nécessité de travailler au plus près des territoires avec les élus et les associations qui connaissent le terrain. L'EFS est à mes yeux un acteur capital de la démocratie sanitaire. L'échange et le dialogue sont au cœur de son fonctionnement et ce sera un axe essentiel pour moi en tant que, je l'espère, futur président de l'établissement.
L'EFS est à un tournant de sa jeune histoire de vingt-trois années d'existence, pendant lesquelles il n'a cessé de se transformer. Son organisation a été rationalisée : les établissements régionaux ont été ramenés de dix-huit à treize, le nombre de plateformes de préparation des produits sanguins à dix-huit, celui des plateaux de qualification biologique des dons à sept, dont quatre en métropole et trois dans les outre-mer. Lorsque notre pays a été frappé par des attentats, en 2015 et en 2016, et lorsque nous avons traversé la pandémie de covid-19, l'EFS a fait face avec une organisation et une réactivité hors pair, grâce à l'engagement exceptionnel de ses personnels.
Beaucoup de transformations importantes ont donc été engagées, que François Toujas vous a exposées. Cependant, l'établissement devra affronter dans les années à venir plusieurs défis : l'autosuffisance, la réforme du modèle économique, l'attractivité, la collecte de plasma et les activités de recherche. Je les évoquerai devant vous sous réserve des échanges complémentaires que j'aurai, si je suis nommé, avec le ministère, les équipes de l'EFS, les organisations syndicales et les associations.
L'autosuffisance est la mission quotidienne de l'EFS, chargé d'assurer des stocks suffisants de produits dont la durée de conservation est limitée. Cet objectif, quantitatif et aussi qualitatif en raison des sangs rares, n'est jamais acquis. La diversité des donneurs de sang doit refléter celle de la population pour garantir à chaque patient l'accès à une transfusion de produits compatibles ; c'est particulièrement important, par exemple, pour soigner la drépanocytose. Sur le plan quantitatif, l'objectif est d'avoir un stock compris entre 90 000 et 95 000 poches de concentré de globules rouges, ce qui représente douze à quinze jours de consommation. Le passage sous les 80 000 poches est un seuil d'alerte ; il a été franchi deux fois en 2022.
La crise sanitaire a fait que l'établissement a accéléré certaines avancées qui ont un impact sur l'activité des associations : le développement du don sur rendez-vous ; la téléassistance médicale en collecte qui permet à un infirmier de superviser une collecte en ayant la possibilité de joindre rapidement un médecin à distance en cas de difficulté ; la création d'une nouvelle application numérique. Mais les efforts doivent se poursuivre, dans la continuité de ce qui a été déjà engagé, pour assurer l'autosuffisance quantitative et qualitative, qui n'est réelle que si elle répond aux besoins des patients. Or, l'appareil de collecte n'a pas retrouvé ses repères d'avant la crise sanitaire, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, l'attractivité et une tension en matière de ressources humaines. L'année 2024 sera une année particulière en raison des jeux Olympiques et Paralympiques. À Paris, les conditions de circulation seront sans doute un peu transformées, ce qui aura un impact sur la mobilisation des donneurs en été, saison qui suppose toujours de s'organiser en amont pour disposer de stocks suffisants, singulièrement pour les plaquettes, qui ne se conservent que sept jours. L'établissement s'y prépare déjà, par une organisation particulière pour cette période.
Si je suis nommé aux fonctions de président, je poursuivrai bien entendu ce qui a été engagé avec les équipes pour créer de nouveaux partenariats avec les associations, les institutions culturelles et les fédérations sportives. Je pense utile d'aller vers les jeunes gens pour les fidéliser : les moins de 35 ans assurent près d'un tiers des dons lors des collectes. Il faudra aussi adapter le système de collecte dans chaque région en s'inspirant des meilleures pratiques pour articuler avec les établissements régionaux et les associations de bénévoles les maisons du don et les collectes mobiles.
Le deuxième défi à relever est celui d'un modèle économique qu'un rapport de 2019 de la Cour des comptes a estimé insoutenable. Ce modèle a longtemps reposé sur la cession des produits sanguins labiles (PSL), les concentrés de globules rouges en particulier. La cession permettait, parce qu'elle produisait une petite marge bénéficiaire, de financer le reste des activités de l'EFS. Mais, depuis quatre ans, un effet ciseaux se confirme. Non seulement la cession des concentrés de globules rouges ne produit plus de marge, le tarif auquel les concentrés sont cédés aux établissements de santé ne couvrant plus l'intégralité du coût de revient, mais la cession elle-même connaît une baisse continue que la crise sanitaire a accentuée. Cette baisse a des raisons de fond : le fait que la médecine est moins consommatrice de transfusion ; le développement de la médecine ambulatoire, avec une chirurgie qui veille à moins transfuser ; la prévention de l'anémie chez les patients. Ces facteurs expliquent que l'on a moins besoin de transfusions – et l'EFS contribue à cette évolution par le conseil transfusionnel. La crise sanitaire a accentué la baisse de la cession des PSL en réduisant l'activité hospitalière, qui n'a peut-être pas encore complètement repris.
François Toujas vous l'a dit, les recettes de l'établissement ont aussi été affectées par la modification du régime de TVA appliqué sur les cessions de PSL. Elle a provoqué une perte estimée à 50 millions d'euros. Cet effet a été compensé par une subvention de l'État de 40 millions d'euros en 2019, prévue pour diminuer progressivement. Au nombre des paramètres qui pèsent sur le solde financier de l'EFS, je mentionnerai aussi la cession, également déficitaire, du plasma pour fractionnement au LFB. Et tout cela se produit alors que les dépenses ont augmenté en raison de l'inflation et de l'augmentation de la masse salariale.
Le PLFSS 2024 apporte une réponse structurelle à cette situation en faisant évoluer le modèle économique de l'EFS par une dotation pérenne de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), dont le montant est fixé à 100 millions d'euros pour 2024. Désormais, le financement de l'EFS sera assuré à hauteur de 10 % par une dotation. C'est une évolution majeure que ce modèle économique mixte. La dotation financera des missions de service public ou des activités ne pouvant être valorisées par une tarification spécifique – par exemple, le fait d'assurer sept jours sur sept et 24 heures sur 24, en métropole comme dans les Outre-mer, la délivrance des produits sanguins aux établissements de santé de la meilleure façon possible. La dotation doit aussi financer des investissements consacrés au renouvellement des actifs ou à la conduite de chantiers de modernisation.
Cette évolution essentielle marque la volonté de l'État d'assurer la pérennité de l'EFS et de lui redonner un horizon, ce qui devrait lui permettre de programmer des investissements nécessaires à son développement et sa modernisation. La dotation pérenne est aussi assortie, je l'espère, d'objectifs et d'outils d'évaluation permettant à l'établissement de progresser, et au Parlement de traiter chaque année du montant et de l'utilisation de la dotation, ce qui devrait assurer une plus grande transparence et un meilleur suivi de la situation de l'EFS par les deux assemblées.
Il me paraît éminemment souhaitable que cette réforme permette à l'établissement de se projeter et de se moderniser. Le soutien pérenne de l'État doit s'accompagner, à mes yeux, d'une reprise des transformations nécessaires pour que l'EFS réponde mieux encore à l'évolution des besoins du système de santé et assure la meilleure efficience possible. L'EFS doit rester à la pointe de la sécurité sanitaire et répondre aux besoins des patients. La générosité des donneurs le pousse à s'assurer que chaque euro dont il dispose est utilisé au mieux. Si je suis nommé à sa présidence, je souhaite que le nouveau contrat d'objectifs et de performance qui devrait être élaboré l'année prochaine fixe une stratégie partagée avec l'État sur les ressources de l'établissement, la poursuite de sa modernisation et la programmation des investissements pour appuyer cette stratégie. Il me paraît notamment souhaitable d'investir dans la modernisation des outils numériques ; une réflexion doit être engagée sur le système de paye et sur la dématérialisation de l'entretien pré-don. Il convient aussi d'affiner l'expertise sur les perspectives de cession des concentrés de globules rouges car, pour l'instant, on mesure mal les besoins du système de santé et l'état de l'appareil de collecte. La stratégie à venir doit aussi viser à impliquer pleinement les établissements régionaux qui connaissent le terrain et à travailler avec les agences régionales de santé (ARS), les établissements de santé et les associations. La révision du modèle économique et de la stratégie devra se faire dans le dialogue ; la relance du dialogue social en sera donc une condition essentielle.
Voilà qui me conduit à vous parler du troisième défi auquel est confronté l'EFS : l'attractivité. L'établissement connaît, comme tous les établissements de santé, une pénurie de personnels qualifiés. L'établissement compte 97 % de salariés de droit privé, dont 3 500 techniciens de laboratoire, 1 500 infirmiers et infirmières, 800 biologistes, médecins et pharmaciens et 400 chauffeurs. Le taux de rotation moyen des personnels atteint 10 %, on recense près de 320 postes vacants et le taux d'absentéisme est plutôt élevé. Même si une importante revalorisation salariale a eu lieu en 2021 et en 2022, le fait que l'EFS, qui n'est pas un établissement de santé, n'ait pas été intégré dans le Ségur de la santé a laissé quelques traces. Des élections professionnelles ont eu lieu en septembre et en octobre, et les conditions de la reprise d'un dialogue constructif seront au centre de mes préoccupations, la qualité du dialogue social conditionnant largement la capacité de l'EFS à mener à bien les transformations qui assureront son avenir.
Pour faire face aux difficultés de recrutement, les conditions de qualification des personnels pour la réalisation de l'entretien pré-don ont été simplifiées, et un décret paru dimanche dernier au Journal officiel vise à développer la téléassistance médicale en collecte de plasma par aphérèse. Le lancement d'une réflexion sur l'évolution du système de classification et de rémunération de l'EFS, qui n'a pas été révisé depuis 2008, était prévue pour se tenir en 2023, mais elle n'a pas eu lieu en raison du blocage de la situation sociale. Je souhaite que nous reprenions les chantiers concernant le dialogue social et les ressources humaines. Ainsi pourrons-nous réviser enfin la convention collective et le système de classification et construire des parcours professionnels plus dynamiques et plus attractifs ; nous donner les moyens de mieux compenser les déséquilibres liés aux horaires de nuit et de week-ends ; améliorer la qualité de vie au travail, quelque peu chamboulée par des collectes plus difficiles à mettre sur pied dans les lieux de travail et les universités en raison du développement du télétravail et des collectes mobiles à organiser plus tard dans la journée, quand les donneurs sont disponibles – ce qui implique que le personnel de l'EFS travaille plus avant dans la soirée.
Il faudra aussi réfléchir à la « marque employeur » pour faire connaître l'EFS et ses métiers, et définir une politique active de formation. Le personnel de l'établissement est très investi dans ses missions et a une grande expertise médicale et technique. C'est une chance. J'ai pour ambition que la filière française du sang reste une filière d'excellence. Selon moi, trouver une solution au problème de l'attractivité, c'est aussi se donner les moyens de moderniser l'outil de collecte, d'assurer l'autosuffisance, de retrouver une meilleure productivité et d'assurer une plus grande efficience.
Le quatrième défi, c'est la collecte de plasma pour fractionnement destiné au LFB, le laboratoire pharmaceutique qui fabrique les médicaments dérivés du plasma. Cette entreprise couvre 30 à 35 % des besoins nationaux en immunoglobulines, médicaments qui permettent de soigner les patients immunodéprimés. La demande augmente de 6 à 8 % par an en France et elle est également en forte croissance dans le monde. Notre pays, vous l'avez compris, est très loin de couvrir ses besoins en ce domaine, si bien qu'une grande partie des médicaments dérivés du plasma utilisés en France sont produits à partir de prélèvements effectués sur des donneurs rémunérés, essentiellement aux États-Unis. Développer la collecte de plasma par l'EFS est un enjeu de souveraineté sanitaire, c'est se donner les moyens d'une meilleure réponse aux besoins des patients et c'est être cohérent avec notre modèle éthique. L'ouverture, prévue vers 2027, d'une nouvelle usine à Arras permettra au LFB de tripler sa capacité de production. L'enjeu, pour l'EFS, est de s'inscrire pleinement dans le développement de la filière française du plasma, en rehaussant sa capacité de collecte du plasma pour fractionnement.
Les difficultés rencontrées en 2022 pour assurer l'autosuffisance en produits sanguins ont été mentionnées ; elles persistent un peu cette année sur l'appareil de collecte. Le niveau de production de l'EFS atteindra environ 815 000 litres de plasma pour fractionnement en 2023. Le plan Plasma de l'EFS prévoit de parvenir à recueillir 1 400 000 litres dans les prochaines années. Cette collecte est exigeante et plus difficile parce qu'elle demande un peu plus de temps – 1 heure 30 plutôt que 45 minutes – que le don de sang et qu'elle ne peut se faire qu'en maison du don. Elle suppose donc une mobilisation particulière, à laquelle l'EFS se donne déjà les moyens de répondre par le décret paru le 5 novembre 2023 qui autorise la téléassistance médicale pour les collectes de composants sanguins par aphérèse.
Le cinquième défi auquel est confronté l'EFS est celui de la recherche et du développement de la filière française de bioproduction. Vous le savez, 95 % des médicaments de thérapie innovante (MTI) sont fabriqués à l'étranger. L'EFS est le chef de file de la filière française de bioproduction, avec quatre plateformes de fabrication de MTI et de bioproduction pour le compte de tiers. C'est un domaine dans lequel l'EFS a su anticiper : parce qu'il s'occupe depuis toujours de cellules sanguines, il a acquis une grande expertise et maîtrise une chaîne de valeur qui va de la recherche fondamentale aux patients. Plus de soixante projets sont en cours, menés avec les organismes de recherche et les centres hospitaliers universitaires (CHU). Cent vingt personnes travaillent sur ces projets à l'EFS, pour un budget un peu supérieur à 40 millions d'euros ; leurs travaux portent sur la médecine régénérative et sur les cellules CAR-T ( chimeric antigenic receptor -T) qui permettent de traiter des lymphomes et certaines leucémies.
Cette filière revêt donc une importance stratégique. J'entends m'engager en faveur du maintien de l'effort de recherche sur les biothérapies, en liaison avec les organismes de recherche et les entreprises du secteur. Cela me paraît essentiel pour notre souveraineté sanitaire et aussi parce que cette activité de recherche participe du récit positif qui doit animer l'EFS pour continuer d'attirer des talents et des compétences et pour garder sa capacité à toujours innover afin que notre système de transfusion soit au plus haut niveau de sécurité sanitaire.
Je souhaite agir pour la pérennité et la modernisation de la filière française du sang et du plasma, avec un attachement intangible à la sécurité sanitaire et au modèle éthique du don. J'entends accomplir ma mission dans le respect de l'histoire de l'EFS et de ses principes éthiques, en travaillant avec toutes les parties prenantes – organisations syndicales, associations de donneurs et de patients –, en prenant en compte la dimension territoriale de l'EFS. Je serai particulièrement attentif à la pleine association des établissements de transfusion sanguine régionaux à la démarche de transformation.