La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Marie-Hélène Loison, directrice générale adjointe de l'Agence française de développement.
Ces débats n'ont pas fait l'objet d'un compte rendu écrit ; ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
Suspension et reprise de la séance.
La Délégation a ensuite auditionné Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Madame la secrétaire d'État, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale vous remercie chaleureusement pour cette audition. La diplomatie féministe conduite par la France se situe en effet au cœur de nos préoccupations. Nous avons d'ailleurs été plusieurs à nous rendre au Sénégal il y a quelques semaines, et avons pu y observer concrètement l'importance et les résultats de cette politique, ce qui était une expérience passionnante.
Madame la secrétaire d'État, vous avez la parole pour nous présenter un état des lieux et nous donner des perspectives concernant l'évolution de l'aide publique au développement de la France, en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la progression des droits des femmes dans le monde.
C'est un grand honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui. Les droits des femmes sont l'engagement de toute ma vie, et j'ai d'ailleurs choisi le métier de gynécologue pour promouvoir la santé des femmes. Comme médecin et comme ancienne présidente d'une association, je me suis battue avec détermination pour faire connaître l'endométriose. Le Président de la République a fait de cette maladie, qui touche une femme sur dix, un enjeu de santé publique.
Comme députée européenne je me suis battue pour les droits des femmes, j'ai lutté contre toutes les violences à leur égard et j'ai défendu l'idée d'une diplomatie féministe ambitieuse. Je l'ai fait également en tant que rapporteure du plan d'action de l'Union européenne en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et je poursuis ce combat en tant que secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Depuis 2019, sous l'impulsion du Président de la République et dans le prolongement de son engagement national, nous avons une diplomatie féministe. Dans le monde, une douzaine de pays soutiennent cette vision. Elle est particulièrement importante car, en cas de conflit, les femmes sont toujours les premières victimes. Elles le sont aussi en cas de crise, que celle-ci soit sanitaire, alimentaire ou climatique. Les femmes sont également des cibles dans la montée des conservatismes et des forces réactionnaires.
Trente-cinq États ont signé la Déclaration de consensus de Genève, texte antiavortement soutenu à l'époque par le président Donald Trump. Nulle part et à aucun moment, les droits des femmes ne sont acquis : je l'ai constaté dans les cinquante-cinq pays que j'ai pu visiter en quatorze mois. Au Niger, et d'ailleurs dans l'ensemble du continent africain, les inégalités sont criantes concernant l'accès à l'éducation ou à l'eau. J'ai observé les souffrances des femmes autochtones en Colombie ou des femmes victimes de violences en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La diplomatie féministe n'est pas qu'un slogan. La France défend les droits des femmes dans le cadre des conflits. Lorsqu'elle évoque les questions de climat, d'agriculture ou de santé, elle promeut l'inclusion des femmes. Dans tous les entretiens bilatéraux et dans toutes les enceintes multilatérales, la défense des droits des femmes constitue une priorité. Nous ne tenons pas ce discours pour nous donner bonne conscience, mais parce que notre pays est très respecté pour les valeurs qu'il incarne. La France est une voix forte sur la scène internationale, particulièrement dans cette période où le monde connaît de multiples bouleversements. Nos partenaires attendent que nous prenions position à ce sujet, comme me l'ont confirmé les défenseurs des droits des femmes que j'ai rencontrés lors de mes déplacements dans tous les continents.
Les droits des femmes sont au cœur de notre politique de développement. Plus de 60 % des projets que nous finançons dans le cadre de l'aide au développement ont un impact positif sur l'égalité des genres. Vous avez auditionné une représentante de l'Agence française de développement (AFD). Nous soutenons, notamment par ce biais, des dizaines de projets concrets à travers le monde. Nous avons par exemple contribué à l'ouverture d'une nouvelle maternité à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), pour permettre aux femmes d'accoucher avec dignité, dans un environnement préservant leur santé et celle de leurs bébés.
Je suis fortement engagée dans la promotion de l'éducation. Au Niger, le président Bazoum a fait de l'éducation des filles une priorité. La moitié de notre contribution au Partenariat mondial pour l'éducation, qui s'élève à 333 millions d'euros, est destinée à soutenir l'éducation des filles. Dans les différents pays où nous intervenons, nous travaillons avec la société civile locale. Nous en sommes fiers, car nous sommes convaincus que l'émancipation des femmes passe par l'implication des acteurs locaux. Le fonds de soutien aux organisations féministes a ainsi mobilisé 133 millions d'euros pour accompagner près d'un millier d'associations féministes dans des pays partenaires, notamment en Afrique. Nous allons le pérenniser.
La France défend également l'entrepreneuriat des femmes. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République lors du G7 à Biarritz, nous avons soutenu la Banque africaine de développement et l'initiative Afawa – Affirmative Finance Action for Women in Africa –, qui vise à favoriser l'accès des femmes au financement. Lors de nos échanges vous pourrez d'ailleurs me donner vos impressions sur votre déplacement au Sénégal.
Il me semble également important d'aborder la question de la santé sexuelle et reproductive, qui constitue une priorité absolue. Entre 2021 et 2025, nous allons investir 400 millions d'euros pour promouvoir l'éducation à la sexualité, ainsi que l'accès à la contraception et à un avortement sûr et légal. La France se bat avec détermination contre toutes les atteintes faites aux droits sexuels et reproductifs. Elle le fait au niveau international, notamment dans le cadre des Nations unies. Elle le fait aussi au niveau européen, car malheureusement, même sur notre continent, les conservateurs gagnent du terrain.
En matière de santé des femmes et des enfants, le fonds français Muskoka a déjà bénéficié à 160 millions de personnes. Il permet de mener des actions décisives pour l'accès aux soins, la vaccination ou la formation des professionnels de santé. Certains d'entre vous ont pu constater certaines de ces réalisations il y a quelques semaines. Je vous remercie pour les courriers que vous m'avez adressés à l'issue de vos visites. Soyez assurés de la poursuite de l'engagement de la France dans ces domaines ! Nous continuerons à privilégier une stratégie centrée sur les individus et leurs droits.
La diplomatie féministe consiste à défendre les droits des femmes dans toutes les circonstances. La France promeut l'agenda « Femmes, paix et sécurité » au Conseil de sécurité des Nations unies comme au niveau européen. Notre pays a fait adopter des résolutions qui appellent les États à renforcer la protection des femmes et des filles pendant les conflits et à accroître la participation des femmes aux processus de paix. Elles en sont trop souvent absentes, alors qu'elles pourraient être au cœur des solutions !
Nous avons souhaité – et obtenu – l'exclusion de l'Iran de la commission de la condition de la femme et soutenu la résolution du Conseil de sécurité qui a condamné à l'unanimité l'inacceptable politique de ségrégation menée en Afghanistan.
Nous soutenons évidemment les femmes ukrainiennes, grâce à une contribution de 4 millions d'euros au fonds dédié de l'ONU et à l'aide que nous apportons aux policiers ukrainiens qui enquêtent sur les affaires de viols.
Pour toutes les femmes victimes de conflits, nous contribuons au fonds mondial pour les survivants. Créé à l'initiative de mon confrère, le docteur Mukwege, et de Nadia Murad, il a été lancé au sommet du G7 de Biarritz.
Afin de démultiplier les effets de notre diplomatie féministe, nous menons une action permanente de mobilisation de nos partenaires internationaux. En 2019, nous avons coprésidé, avec le Mexique, le Forum Génération Égalité. Celui-ci a permis de débloquer plus de 40 milliards de dollars de financements inédits et de recueillir plus d'un millier d'engagements en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes au niveau mondial.
Lorsqu'elle a assuré, au premier semestre 2022, la présidence du Conseil de l'Union européenne, la France a fait des droits des femmes une priorité. Alors qu'elles étaient bloquées depuis des années, les négociations ont enfin pu aboutir concernant la transparence en matière d'égalité salariale dans les vingt-sept États membres ou l'obligation d'avoir au moins 40 % de femmes siégeant dans les conseils d'administration.
Le réseau des pays soutenant une diplomatie féministe se réunit régulièrement. J'ai participé à des rencontres avec certains de mes homologues aux Nations unies. Il y a deux semaines, la ministre Colonna s'est rendue en Mongolie.
En 2024, la France aura l'honneur d'accueillir le sommet de la francophonie. J'aurai besoin de vous, car cet événement constituera, ainsi que les Jeux olympiques, un moment majeur. Puisque toute la planète se retrouvera ici, chez nous, l'égalité entre les femmes et les hommes aura l'opportunité d'être placée en haut de l'agenda.
Pour mener une diplomatie féministe, il faut une diplomatie féminine. En 2011, la France comptait 11 % d'ambassadrices. Elles sont aujourd'hui 36 % et certaines sont en poste à l'OTAN, à Londres ou au Brésil. Nous devons continuer à nous améliorer et poursuivre nos efforts, notamment pour mieux faire connaître ces métiers.
Nous utilisons tous les outils à notre disposition et nous nous appuyons sur tous nos partenaires pour accroître la mobilisation internationale et obtenir des avancées concrètes. Le sujet est complexe, car il dépend de beaucoup de facteurs, notamment culturels et religieux, et qu'il renvoie à des modèles de société différents. Il est à la fois passionnant, vertigineux et frustrant. Nous aimerions faire plus et surtout plus vite.
Mesdames les députées, je connais beaucoup d'entre vous, votre engagement au niveau national et au niveau international et la force que vous avez pour mener des batailles, y compris dans notre territoire. Je suis à votre disposition pour concevoir des événements, faire connaître la diplomatie féministe française et convaincre d'autres pays de s'engager dans cette voie.
Notre délégation sera à vos côtés pour soutenir tous les événements mettant en avant la diplomatie féministe.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Le Président de la République a, de nouveau, fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son second quinquennat. De nombreuses mesures ont déjà été adoptées, notamment pour promouvoir l'aide au développement et la diplomatie féministe.
L'article 1er de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 rappelle que « dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, [la politique de développement] a pour objectif transversal la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et entre les filles et les garçons ».
Nous avons pu participer à cette diplomatie féministe en tant que députés, notamment lors de la réunion de la Commission de la condition de la femme, en mars, à New York. Des événements seront également organisés dans le cadre du Forum Génération Égalité.
De manière encore plus concrète, 75 % des volumes annuels d'engagement de l'aide publique au développement bilatérale programmable de la France doivent avoir pour objectif principal ou significatif l'égalité entre les femmes et les hommes et, pour 20 % d'entre eux, celle-ci doit constituer l'objectif principal.
Il paraît essentiel de renforcer la place de l'égalité dans l'aide au développement mais, puisque nous sommes exigeants avec les pays qui en bénéficient, nous pourrions également être exemplaires et intégrer cette dimension dans notre processus budgétaire. Nous avons fait part de ce souhait à Gabriel Attal, que nous avons reçu il y a quelques semaines.
Quels sont, à votre avis, les enseignements à tirer de l'application de la loi de 2021 et de l'intégration de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre politique d'aide publique au développement ?
Depuis 2017, l'intégration des enjeux de genre et de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre politique de développement constitue une priorité pour le Président et le Gouvernement. La loi du 4 août 2021 a été adoptée à l'unanimité, ce qui montre que nous soutenons tous cette orientation.
En septembre, à New York, j'ai annoncé le maintien de notre fonds de soutien aux ONG féministes, qui luttent pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans un contexte difficile. Grâce à cet instrument innovant, elles bénéficient de 120 millions d'euros.
L'État fixe des objectifs très ambitieux à ses opérateurs, en l'occurrence l'Agence française de développement et Expertise France, en matière de financement consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes. En 2022, notre politique de développement a encore été au rendez-vous. Par l'intermédiaire de l'AFD, nous avons engagé 249 nouveaux projets en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour un total de 5,1 milliards d'euros. Ils représentent presque 62 % de l'activité de l'Agence. Près de 20 % des projets de l'AFD font de l'égalité de genre leur objectif principal.
Nous avons par exemple mené un programme de 12 millions d'euros pour encourager les femmes entrepreneures en RDC ou soutenir la Fondation Panzi dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles.
Marie-Hélène Loison, que vous avez auditionnée, a certainement détaillé les indicateurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que nous utilisons pour construire notre politique de développement. Ils nous permettent de mesurer l'incidence des prêts et des subventions que nous accordons sur la réduction des inégalités de genre.
La réduction des inégalités passe aussi par les organisations multilatérales. En 2023, la France a doublé sa contribution à ONU Femmes et a multiplié par quatre sa contribution au fonds des Nations unies pour la population.
Lors du Forum Génération Égalité, la France s'était engagée à consacrer 400 millions d'euros aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR) entre 2021 et 2025. Cet engagement a été confirmé dans la stratégie DSSR pour la période 2023-2027. Il constitue un pas dans la bonne direction, mais les efforts doivent être accélérés et intensifiés. En effet, alors que l'échéance de 2030 approche, nous sommes encore loin d'atteindre les cibles fixées par les objectifs de développement durable.
D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 40 % des femmes en âge de procréer vivent dans un pays où les lois restreignent ou refusent le droit à l'avortement. La conséquence concrète est une mise en danger de la vie des femmes qui souhaitent accéder à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Plus de 25 millions d'avortements non sécurisés ont lieu chaque année. Ils représentent l'une des principales causes de morbidité des femmes.
En 2020, selon l'OMS, une femme mourait toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l'accouchement. Cette situation tragique est empreinte d'une profonde inégalité, l'Afrique subsaharienne concentrant 70 % des décès maternels.
Il est urgent de garantir l'accès aux droits et à la santé sexuels et reproductifs pour que chaque personne puisse disposer librement de son corps dans des conditions sûres. Les DSSR ont besoin de financements permettant une politique volontariste et de la mobilisation d'une vaste coalition à l'international.
Si la France est la septième puissance économique mondiale, elle n'occupe que la dix-septième place parmi les contributeurs à ONU Femmes. Elle gagnerait à y renforcer son engagement et à amplifier son soutien à des initiatives comme le fonds français Muskoka, qui agit en faveur de la santé maternelle et infantile en Afrique de l'ouest et centrale.
Pouvez-vous nous confirmer que la France tiendra les engagements financiers pris lors du Forum Génération Égalité ? Quelles sont les mesures envisagées pour renforcer notre action en matière de DSSR d'ici à 2030, s'agissant à la fois des moyens et du plaidoyer international ?
Les inégalités d'accès à la santé sont très importantes, particulièrement en ce qui concerne les droits sexuels et reproductifs.
La contribution de la France doit être appréciée de manière globale. Le soutien apporté à ONU Femmes a été doublé. Notre pays est l'un des plus engagés dans les questions de santé mondiale, y compris la santé sexuelle et reproductive. Il existe des dispositifs multilatéraux, mais les coopérations bilatérales sont également très nombreuses, notamment en Afrique subsaharienne.
J'ai évoqué la pérennisation du fonds de soutien aux associations féministes qui opèrent dans des pays partenaires. Nous avons pu mobiliser 133 millions d'euros pour accompagner des actions coconstruites avec la société civile.
Nous avons pris, dans le cadre du Forum Génération Égalité, des engagements sur lesquels nous ne reviendrons pas. Nous pouvons être fiers de ce que nous faisons. Il est toujours possible de faire mieux, mais il faut aussi que les pays partenaires se mobilisent pour construire leur système de santé. Ce n'est pas à nous, Français ou Européens, de leur expliquer ce qu'ils doivent faire. Notre politique de développement est uniquement là pour soutenir leurs initiatives. Nous le faisons notamment au Niger. Nous ne pouvons toutefois avancer ensemble que si nous sommes sollicités.
En outre, le problème n'est pas seulement budgétaire. En Afrique subsaharienne notamment, beaucoup de financements ne sont pas consommés, car les professionnels formés ne sont pas en nombre suffisant. Il faut pouvoir s'appuyer sur des infirmières, des sages-femmes ou des médecins qui ont des compétences en matière de santé sexuelle et reproductive.
Les quatre-vingt-huit États qui composent l'espace francophone, regroupant plus de 300 millions d'habitants, représentent des cultures riches et différentes, mais sont unis par la langue française et des valeurs communes. Le combat contre les inégalités entre les femmes et les hommes en fait partie.
Lors du dernier rassemblement de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, des résolutions concernant la précarité menstruelle dans l'espace francophone ont été proposées par le Réseau des femmes parlementaires. En effet, 500 millions de femmes et de filles dans le monde n'ont pas accès aux produits et aux services essentiels pour leur menstruation. La problématique de la précarité menstruelle touche tout l'espace francophone, notamment l'Afrique. Dans certains États, des femmes doivent cesser leur travail ou s'isoler lors de leurs périodes menstruelles, principalement à cause du manque de moyens pour acheter des protections, mais également à cause de l'existence de stéréotypes et de tabous.
Au vu des conclusions du rapport élaboré par le Réseau des femmes parlementaires et des nombreux progrès que nous avons pu réaliser en France, en Belgique ou au Canada, comment pourrions-nous contribuer à résoudre le problème de la précarité menstruelle au sein de l'espace francophone ? Pourrions-nous envisager une collaboration plus étroite et renforcer le partage d'idées, notamment entre l'Agence française de développement et l'Organisation internationale de la francophonie ?
Plus que de précarité, nous devrions parler d'hygiène menstruelle. J'ai défendu ce sujet dans le monde associatif et, en 2017, aux Nations unies, nous avions évoqué la question des femmes rurales, de l'éducation et de leur autonomisation. La question s'est ensuite imposée dans notre politique nationale.
Nous utilisons peu le potentiel de cet espace francophone, qui regroupe quatre-vingt-huit pays. Nous pourrions pourtant lancer de nombreuses actions, y compris en matière de précarité ou d'hygiène menstruelles.
Comme vous l'avez rappelé, 500 millions de femmes n'ont pas accès aux services essentiels pour leur menstruation, en commençant par l'eau. Nous n'y pensons pas, mais celle-ci est indispensable. Lorsqu'elle n'est pas présente dans les écoles, les jeunes filles ne peuvent pas continuer leurs études et devenir autonomes.
Nous sommes très engagés dans la coalition pour les droits sexuels et reproductifs. Des financements inédits ont été mobilisés dans le cadre du Forum Génération Égalité. Au total, 400 millions d'euros seront consacrés à ces questions entre 2021 et 2025. Nous avons alloué 90 millions d'euros à UNFPA – United Nations Population Fund – Supplies Partnership pour l'achat et la distribution de produits contraceptifs et de santé sexuelle et reproductive. L'Agence française de développement dispose en outre de 250 millions d'euros.
Si vous ne l'avez pas encore fait, et puisque nous sommes à un an du sommet de la francophonie, je vous suggère d'auditionner la secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Elle est personnellement engagée en faveur de l'égalité et de l'autonomisation des femmes. « La Francophonie avec elles » est l'un des programmes phares de l'OIF. La France soutient ce fonds à hauteur de 1 million d'euros en 2023.
Je retiens votre proposition de réunir des parlementaires de différents pays francophones, en associant la secrétaire générale de l'OIF et mon ministère. Ces échanges peuvent nous permettre de trouver des solutions, que nous pourrons ensuite défendre au sein des instances multilatérales.
La diplomatie féministe ne doit pas s'exprimer uniquement dans l'aide au développement. Les informations qui nous parviennent d'Afghanistan ou d'Iran sont terribles, parce qu'elles montrent que les sinistres personnages qui sont au pouvoir dans ces pays haïssent les femmes. Ils leur retirent progressivement le droit de se déplacer, le droit de travailler ou le droit d'aller dans les instituts de beauté. En Iran, une surveillance de plus en plus étroite vise à débusquer les femmes ne s'habillant pas selon les canons en vigueur. Nous devons être humbles, mais comment pourrions-nous néanmoins agir, du côté de l'exécutif ou du côté des parlementaires, pour essayer de préserver l'égalité entre les femmes et les hommes ?
Nous sommes tous très préoccupés face à ces violations massives des droits et libertés en Afghanistan ou en Iran.
Dès qu'ils ont pris le pouvoir en Afghanistan, les talibans ont imposé la fermeture des salons de beauté. Ils s'acharnent de manière systématique sur les femmes, qui ne peuvent pas travailler dans les ONG, qui ne peuvent pas étudier, qui ne peuvent pas se déplacer, etc. Dans tous les conflits à connotation religieuse et fanatique, nous assistons toujours au même schéma. Les filles ne doivent plus aller à l'école. Nous le constatons aussi au Nigéria. Les femmes deviennent toujours une cible.
Lors de la prise de Kaboul, le Conseil de sécurité des Nations unies avait fixé cinq conditions pour la normalisation des relations avec les talibans. Elles n'ont pas été respectées. Nous travaillons avec des pays partenaires, pour qu'ils puissent nous aider et éventuellement dialoguer avec les talibans au sujet des femmes.
Les droits des femmes iraniennes diffèrent de ceux des hommes dans presque tous les domaines de la vie quotidienne. Les femmes doivent demander l'autorisation pour certains déplacements. Elles ne peuvent pas exercer certaines fonctions. Elles ne peuvent pas assister à des compétitions sportives. Au tribunal, leur témoignage vaut la moitié de celui d'un homme !
Nous avons soutenu les aspirations des Iraniennes, jeunes et moins jeunes, qui luttaient pour les valeurs universelles auxquelles notre pays est profondément attaché. Avec nos partenaires européens, nous avons adopté neuf trains de sanctions visant les responsables de la répression, y compris la police des mœurs, des juges, des députés, des ministres et des médias.
La France se présente comme l'un des principaux défenseurs des droits des femmes dans le monde. Elle a ainsi coprésidé le Forum Génération Égalité en 2021 et promeut le développement d'une diplomatie féministe. Pourtant, les actions du Gouvernement paraissent insuffisantes lorsqu'il s'agit d'aide au développement dans des pays où les femmes sont les plus vulnérables.
Les projets dont l'égalité est l'objectif principal – qui sont les plus efficaces dans une perspective féministe – ne représentent que 5 % de l'aide au développement, alors que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes recommande d'atteindre le seuil de 20 % et de fixer l'égalité comme objectif significatif pour 75 % des projets.
Par ailleurs, la France, qui est la septième puissance économique mondiale, n'est que le dix-septième contributeur à ONU Femmes.
Que diriez-vous de relever quelques défis, comme de faire en sorte que notre pays devienne l'un des principaux financeurs de l'ONU Femmes et du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), de former l'ensemble des personnels des administrations centrales et en poste à la diplomatie féministe dès 2024 ou de créer un poste d'ambassadrice dédié, qui serait doté des moyens nécessaires pour agir ?
En tant que députée européenne ou dans le cadre de mes actuelles fonctions, j'ai eu beaucoup de discussions avec des représentants des gouvernements, des acteurs de la société civile, des femmes engagées, etc. Comme femme politique française, vous devez être fière de ce que fait notre pays ! Évidemment, il est toujours possible de faire mieux. Nous devons poursuivre nos efforts, y compris en matière d'aide au développement, mais nous avons déjà fait des progrès significatifs. Cette année, nous avons doublé notre contribution à ONU Femmes et quadruplé notre contribution au FNUAP.
Pour que les politiques soient plus efficaces, nous avons besoin, au-delà des financements, de la participation des femmes à toutes les actions bilatérales et multilatérales. Nous vivons beaucoup de conflits, notamment en Ukraine, et nous sommes convaincus que l'association des femmes à tous les processus de décision aurait des effets très positifs. Il s'agit véritablement d'un manque. Selon les Nations unies, leur participation aux différentes instances permettrait d'augmenter de 35 % les chances de conclure un accord que les populations concernées pourraient s'approprier.
Nous devons continuer à travailler ensemble sur tous ces sujets. Je partage néanmoins avec vous l'ambition de faire plus.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir témoigné de l'engagement de la France et d'avoir donné une dimension internationale à nos travaux.
Je tiens également à souligner le caractère transpartisan qui règne au sein de notre délégation ; il permet à nos échanges d'être constructifs.
La séance est levée à dix-neuf heures.
Membres présents ou excusés
Présentes. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Céline Calvez, Mme Mireille Clapot, Mme Sandrine Josso, Mme Élise Leboucher, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Panonacle, Mme Véronique Riotton, Mme Ersilia Soudais
Excusées. - Mme Agnès Carel, Mme Julie Delpech