La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.
Mes chers collègues, nous auditionnons l'amiral Pierre Vandier, cher d'état-major de la marine, dans le cadre de nos travaux préparatoires à l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Quatre sujets domineront nos discussions : l'enjeu capacitaire, les dispositifs déployés outre-mer, l'impact du décalage de certains programmes et les ressources humaines.
Amiral, j'ai autant de plaisir à vous accueillir qu'à vous lire. Nous avons évoqué, lors d'une précédente audition, votre livre La dissuasion au troisième âge nucléaire. J'en recommande la lecture, ainsi que celle de l'article « Comment s'adapter à un monde d'incertitudes », récemment publié, où vous précisez des notions telles que le commandement par l'intention et l'arbitrage entre performance et résilience. Ces contributions alimentent utilement les réflexions, au sein de notre commission et au-delà.
Je vous remercie de m'offrir l'occasion d'exposer les points qui sont au cœur de la réflexion de la Marine pour atteindre l'ambition décrite par le ministre et par le chef d'état-major des armées, que vous avez auditionnés récemment.
Je me place ce soir sous le regard des marins qui sont en mer ou de quart dans les centres opérationnels, les centres de transmissions, les sémaphores ou les bases de la Marine. Le 28 février dernier, ils étaient 5 200, notamment dans le cadre de la mission Antarès. Ces hommes et ces femmes font le choix d'être en moyenne 152 jours hors de leur foyer chaque année. Que ce soit au large ou près des côtes, dans le gros temps de l'Atlantique ou sur les flots du Pacifique, ils assurent la protection de la France et des Français. Ils sont la raison d'être de notre action.
Je suis tout récemment rentré d'un déplacement dans le Pacifique, commencé à Nouméa pour l'arrivée d'un patrouilleur outre-mer (POM), l' Auguste Bénébig, du nom d'un Compagnon de la Libération de Nouvelle-Calédonie. Je me suis ensuite rendu en Australie, partenaire majeur de la région, avec lequel la reprise de relations pragmatiques et constructives était attendue.
J'ai pu toucher du doigt combien les outre-mers sont un immense atout et une immense responsabilité, selon les mots du Président de la République, dans une zone en pleine ébullition. Le renouvellement de nos moyens y marque concrètement notre détermination à surveiller et à protéger ces immenses espaces maritimes ainsi que leurs habitants.
Si j'ai été reçu avec une telle attention en Australie, c'est en raison de l'importance de nos moyens prépositionnés, mais également du fait de nos déploiements réguliers sur zone, avec des moyens du haut du spectre, aux côtés de ceux de nos camarades de l'Armée de terre, et de l'Armée de l'air et de l'espace. Ces moyens réalisent un signalement stratégique témoignant de l'engagement de la France dans la sécurité de la zone et de sa volonté d'y nouer des partenariats contributifs de stabilité. Compte tenu de l'immensité des espaces à protéger, gagner la guerre avant la guerre suppose de nous déployer régulièrement, d'entretenir une interopérabilité forte et de haut niveau avec nos partenaires et de montrer nos capacités à intervenir dans les domaines de pointe.
Comme l'a dit le Ministre des armées le 3 avril dernier, toute naïveté sur la réalité du durcissement sécuritaire du monde serait coupable. Tel est l'esprit dans lequel nous avons déployé, dans le cadre de la mission Antarès, le groupe aéronaval, qui a été jusqu'en Inde en janvier avant de participer à l'exercice Orion. De même, dans le cadre de la mission Jeanne d'Arc, le Dixmude et la frégate La Fayette font actuellement escale en Australie avant de rallier Nouméa, puis la Polynésie française. Ils ont réalisé avec la marine australienne des exercices de haut niveau.
Je n'évoquerai pas davantage le contexte pour concentrer mon propos sur les effets pour la Marine du projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mes précédentes auditions, la construction des capacités d'une marine s'inscrit dans la durée. Elle requiert des efforts sur plusieurs LPM.
La LPM pour les années 2019 à 2024 a été celle de la réparation. Elle a permis de parer au plus urgent et de consolider le modèle, qui était en danger. Les matériels mis en service à l'heure actuelle sont le résultat des investissements consentis dans ce cadre.
Outre l'exemple du patrouilleur Auguste Bénédig, je citerai celui du bâtiment ravitailleur de forces (BRF) Jacques Chevallier, premier d'une série de quatre navires, qui vient d'effectuer ses premiers ravitaillements à la mer, notamment avec le Charles de Gaulle. Je me suis rendu à bord à cette occasion : ce bâtiment est bien né, avec un doublement des capacités de ravitaillement par rapport à la classe précédente, mais également des capacités qui le placent au niveau d'une marine de combat, notamment en matière d'armement défensif. Le potentiel de ce très beau bateau va au-delà du seul domaine logistique. Les essais se poursuivent, conduits conjointement par l'équipage et les industriels dans un excellent état d'esprit.
Le deuxième des six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de la classe Suffren, le Duguay-Trouin, débute ses essais. Il a fait sa première prise de plongée le 27 mars à Cherbourg, et commencera ses premières navigations en eaux libres dans les prochains jours.
Par ailleurs, la première des cinq frégates de défense et d'intervention (FDI), l 'Amiral Ronarc'h, a été mise à l'eau le 7 novembre 2022. Premier bateau nativement digital, il marque l'entrée de la Marine dans l'ère du tout-numérique.
Du point de vue capacitaire, la LPM sur laquelle vous travaillez sera bien une LPM de transformation, conformément au souhait exprimé par le Président de la République lors de ses vœux aux Armées à Mont-de-Marsan. Cette transformation, pour la Marine, se manifestera par l'arrêt de l'exploitation des équipements les plus anciens, maintenus à niveau pendant des décennies grâce aux trésors d'imagination et au dévouement des marins.
Au cours de cette LPM, nous assisterons au désarmement de notre dernier aviso A69, conçu dans ces années-là, de notre dernier patrouilleur de service public de la classe Flamant, de notre dernier SNA de la classe Rubis, de notre dernier pétrolier-ravitailleur d'escadre de la classe Durance et de notre dernier Falcon 200 Gardian. Nous assisterons également au départ de nos derniers chasseurs de mines Tripartites et de nos derniers Falcon 50 à l'horizon 2030.
Tous ces moyens seront remplacés par des matériels bien plus performants et plus évolutifs, capables de s'intégrer dans des environnements complexes. Les engagements de la prochaine LPM permettront notamment la mise en œuvre des premiers patrouilleurs hauturiers en métropole, de la première corvette hauturière en remplacement des frégates de surveillance, des deuxième et troisième BRF, des moyens de guerre des mines entièrement dronisés et des premiers avions Falcon 2000 Albatros, qui remplaceront les Falcon 200.
Cette LPM permettra également de préparer et de financer les capacités qui arriveront après 2030, telles que l'avion de patrouille maritime futur, qui succédera à l'Atlantique 2, le porte-avions de nouvelle génération (PANG) et la poursuite du renouvellement des moyens liés à la dissuasion.
D'ici là, nous aurons fort à faire pour continuer à remplir nos contrats opérationnels. Leur tenue repose sur la qualité du maintien en condition opérationnelle (MCO) et sur l'activité, qui sont des axes d'effort de cette LPM.
Afin d'anticiper l'arrivée des futurs moyens, nous essayons jusqu'au bout de valoriser les actuels. Les avisos A69, par exemple, ont été équipés à l'été 2022, en dépit de leur âge, du système de mini-drones aériens embarqués pour la marine (SMDM). Fin mars, le Premier-Maître L'Her a été engagé dans la libération d'un navire de commerce pris par les pirates dans le Golfe de Guinée. Quelques jours plus tard, il a participé à une saisie de près de 5 tonnes de cocaïne.
La LPM pour les années 2024 à 2030 arrive à un moment charnière. Une marine est un objet du temps long : seule la continuité d'effort paie. Les efforts consentis dans le cadre de cette LPM auront des effets bien après 2030. Disposer d'un successeur au Charles de Gaulle sans discontinuité opérationnelle imposait d'en lancer la réalisation au cours de cette LPM. L'annonce faite par le ministre contient deux points essentiels : la continuité des compétences de l'industrie de la propulsion nucléaire et la continuité de la capacité opérationnelle à l'horizon 2040.
Le premier enjeu est technologique : c'est celui de la propulsion nucléaire. Comme l'a rappelé le Président de la République au Creusot en décembre 2020, le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique. Le programme PA-Ng permettra de former une nouvelle génération de jeunes ingénieurs, qui prendra la relève de celle qui a conçu et qui entretient les chaufferies des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) actuels et du Charles de Gaulle, ainsi que des SNA de classe Rubis et Suffren.
Le second enjeu est humain. Il incombe à la Marine de générer les compétences des marins qui seront à bord le jour où débuteront les essais de ce bateau, à l'horizon 2036. Cela commence dès aujourd'hui : l'officier qui en prendra le commandement est déjà dans nos rangs – il doit être enseigne de vaisseau actuellement – et le directeur chef de pont d'envol qui ordonnera le catapultage du premier avion poussera la porte d'un centre de recrutement cette année. L'enjeu est d'assurer sans à-coup la montée en puissance d'un nouveau navire tout en exploitant jusqu'au bout les capacités du Charles de Gaulle. C'est un défi qui va nécessiter 15 ans d'efforts.
Pour cela, les deux moteurs de la marine sont l'activité, et les marins.
L'activité à la mer vise avant tout à conduire les opérations qui nous sont confiées et à maintenir le niveau de nos équipages. La Marine dispose de savoir-faire qui ne peuvent être transmis qu'à la mer. C'est par exemple le cas pour la mise en œuvre du propulseur sous-marin de troisième génération (PSM 3G) depuis le hangar de pont des SNA de type Suffren. La maîtrise de cette capacité majeure nous fait entrer dans un club très restreint des pays capables de mettre en œuvre des nageurs de combat de façon discrète en plongée.
En ce qui concerne nos effectifs, l'enjeu est d'accompagner la manœuvre de retrait des bateaux les plus anciens et l'admission des nouveaux, tout en générant les compétences nécessaires au combat dans les nouveaux champs de conflictualité. Cette transformation en matière de ressources humaines concernera 4 000 marins sur la durée de la LPM, dont plus de 3 000 feront l'objet d'une transformation interne de métier. Nos marins ne font absolument pas les mêmes métiers sur les bateaux anciens et modernes. Sur le BRF Jacques Chevallier, les mécaniciens ne relèvent plus des températures dans les locaux diesel, ils sont devant des écrans tactiles et dirigent l'ensemble des automates de la machine. Même pour des métiers assez simples, les quartiers-maîtres et les seconds maîtres sont déjà des pré-experts. Nous devons donc être capables de transformer nos métiers.
Comme le montrent les analyses de la revue nationale stratégique (RNS) de 2022, nous entrons dans une période d'incertitude stratégique et d'inconfort opératif, conséquence directe des profonds déséquilibres qui agitent le monde. La LPM pour les années 2024 à 2030 est la traduction d'une ambition. Dans ce cadre, la Marine se voit confier un engagement dans quatre grands segments de missions.
Le premier est la mise en œuvre d'une dissuasion océanique permanente et souveraine. La LPM prévoit la poursuite de l'effort de conception et de construction du premier SNLE de troisième génération, dont la première tôle sera découpée à Cherbourg en fin d'année, pour une mise en service au cours de la décennie 2030. Assurer la permanence à la mer d'au moins un SNLE demande un effort auquel participent de près ou de loin quasiment toutes les unités de la Marine. Cela suppose un niveau d'excellence technique et opérationnelle qui tire en avant tous les moyens de la Marine, des FREMM aux Atlantique 2, de nos fusiliers marins à nos moyens hydrographiques. C'est avant tout pour remplir cette mission que l'arrivée de nouveaux moyens de guerre des mines, de la composante frégates et du successeur de l'Atlantique 2 sera considérée de près.
Le deuxième axe consiste à développer notre capacité à combattre dans un contexte de haute intensité. Elle repose sur la capacité à déployer loin et longtemps un groupe aéronaval (GAN) ou un groupe amphibie, avec un niveau de menace caractérisé par le réarmement massif de nos compétiteurs. Cette capacité nous donne une place singulière de nation-cadre parmi nos alliés. Déployer un GAN a indéniablement un effet agrégateur. Au cours des douze dernières années, le Charles de Gaulle a été accompagné, dans ses missions, par des unités de douze nations différentes.
Le troisième axe consiste à protéger nos concitoyens, de la métropole aux outre-mer. En 2022, la marine a sauvé 5 000 vies en mer. Ce chiffre résulte en partie de la crise que nous connaissons dans le Pas-de-Calais. En février, je suis allé à la rencontre des marins qui assurent cette mission méconnue et difficile. Le 4 avril dernier, le Pluvier a porté secours à 28 migrants dont l'embarcation avait coulé dans une eau à moins de huit degrés.
Dernière mission : investir dans les nouveaux champs de conflictualité. En mer, tous les usages se croisent, qu'ils soient civils ou militaires. La mer est par essence le lieu de l'action hybride. Ce constat nous a incité à investir dans le champ cyber et dans la maîtrise des fonds marins, avec l'ambition de disposer d'une capacité d'intervention à 6 000 mètres, permettant de couvrir 97 % des fonds marins, à échéance de la fin de la LPM. Orion 23 comprenait logiquement un volet maîtrise des fonds marins. Il consistait à tester nos capacités à récupérer un hélicoptère abîmé en mer et à conduire une mission de surveillance de câble.
Ces missions supposent d'agir dans le temps court sans attendre les effets du temps long. L'objectif est de gagner les combats d'aujourd'hui et de demain. L'adaptation devient le mode de fonctionnement normal
C'est la confirmation de l'ambition Polaris définie il y a 2 ans. Polaris a d'abord été un exercice en 2021, reproduit récemment avec Orion. C'est devenu aujourd'hui une marque, celle de notre nouvel entraînement. L'ambition est double : une ambition de niveau, par un fort réalisme, et une ambition de complexité, par l'agrégation de tous les domaines de lutte, du fond des mers à l'espace en passant par le cyber. Polaris dope la pugnacité des marins, leur engagement, leur autonomie et leur débrouillardise. J'ai constaté, lors de mon embarquement sur le Charles de Gaulle, à la fin de la mission Antarès, l'engouement suscité par l'exercice Orion.
Combattre en mer, c'est aussi durer. Tel est le sens que nous donnons à la résilience. Par-delà la question des stocks de munitions, nous continuerons à réfléchir à nos méthodes de MCO, pour développer une capacité à réparer dans un contexte de haute intensité. C'est pourquoi nous avons mené, en parallèle de l'exercice Orion, deux exercices de maintien en condition opérationnelle de combat, impliquant les acteurs étatiques et industriels du MCO naval et aéronautique, respectivement intitulés Ursa Minor et Orionis. De nombreuses idées nouvelles en sont issues, ainsi qu'une implication accrue de l'industrie.
Grâce à la LPM, nous pourrons poursuivre la recherche de capacités et d'armes de rupture. L'objectif est de discerner, dans l'innovation du moment, la capacité qui offrira le meilleur levier et assurera la supériorité en mer. Nous avons lancé cette année, avec la direction générale de l'armement (DGA), la démarche Perseus, qui vise à fédérer les acteurs de l'innovation et à favoriser la rencontre de trois mondes : celui de l'industrie, celui des ingénieurs et de la DGA, et celui des marins. L'objectif est de permettre à ceux qui ont des idées de se rencontrer, pour développer des cas d'usage sur le terrain et les expérimenter dans le monde réel. Le but est de tester, d'apprendre et de s'adapter plus vite.
Accélérer, c'est aussi faire le pari du lien de la nation avec la jeunesse. La croissance des effectifs prévue par la LPM et les départs naturels provoqueront un rajeunissement de la marine dans les années à venir. L'âge moyen passera de 29 ans aujourd'hui à 28 ans dans deux ans. Il s'agit d'un véritable défi en matière de génération de compétences et de fidélisation. L'enjeu est de toucher la jeunesse pour recruter, mais aussi pour soutenir la force morale de la nation – comme l'a dit le Président de la République, celle de la nation et celle des armées se nourrissent mutuellement. Dans cet esprit, nous avons organisé le 21 janvier la Journée des préparations militaires Marine (PMM), qui fut une belle réussite, réunissant la quasi-totalité des 3 200 jeunes des quatre-vingt-sept PMM de France.
Par ailleurs, la Marine est pleinement engagée dans l'augmentation des réserves souhaitée par le ministre, avec une structuration en trois axes : l'appui aux marins d'active, la création de flottilles côtières pour renforcer l'action littorale de la Marine et le développement de compétences spécifiques dont la Marine ne dispose pas ou pas assez.
La LPM pour les années 2024 à 2030 reflète l'effort que la nation consent pour sa sécurité. La Marine est tout entière mobilisée pour donner à chaque euro dépensé un effet militaire utile. Cette loi offre une occasion historique de poursuivre l'effort de la LPM précédente, dans un moment où la montée des périls en mer est chaque jour un peu plus prégnante.
Nous en venons aux questions des orateurs des groupes, précédées par celles du rapporteur de la LPM, Jean-Michel Jacques.
Amiral, j'aimerais évoquer avec vous la nécessité d'adaptation de la marine au regard de l'évolution du contexte géostratégique, dont vous rappelez souvent qu'il est bouleversé, en raison notamment de la remaritimisation des conflits. La marine doit donc innover, s'adapter et former ses marins en indexant son entraînement opérationnel sur les évolutions en cours. Comment la marine parviendra-t-elle à concilier le temps long et le temps court et à s'adapter de façon permanente aux menaces ?
Par ailleurs, l'outre-mer bénéficie d'un fléchage de 13 milliards d'euros pour les besoins programmés. Que fera la marine de ces moyens supplémentaires ? Dans quel territoire ?
Nous assistons à un phénomène d'augmentation des tensions et d'accélération du rythme d'apparition des désordres.
La difficulté, pour la Marine, est de concilier le temps long, ce temps nécessaire à la construction des bâtiments, et le temps court de l'action. Je m'emploie avec beaucoup d'énergie à changer l'état d'esprit de nos marins à l'entraînement. Cet entraînement mérite d'être plus exigeant. Il impose non seulement de maîtriser ses savoir-faire, mais aussi de s'adapter aux différents contextes possibles, pour être capable d'agir dans tout le spectre de la conflictualité. Ainsi, pour sauver les 28 migrants qui étaient à l'eau, la douzaine de marins du Pluvier ont fait preuve d'une adaptabilité remarquable, chacun donnant le meilleur de lui-même.
L'adaptation de la Marine est construite sur 3 axes :
L'axe Polaris, pour la préparation au combat. Il consiste à mettre en place un entraînement plus réaliste, basé sur l'idée que l'ennemi peut sans cesse de nouvelles tactiques.
L'axe Perseus vise à favoriser l'innovation continue sans attendre les grands programmes pour se doter de capacités plus modernes, notamment dans le domaine de l'exploitation des données et de la transformation numérique.
Le troisième axe est celui des talents et du changement des métiers. Il s'agit de gagner en agilité pour faire passer rapidement les marins formés sur des bâtiments anciens vers les unités les plus modernes.
On peut se demander si, compte tenu de la rapidité de l'évolution technologique, les RNS ne devraient pas être actualisées selon un cycle accéléré, sur le modèle des clauses de revoyure utilisées pour les LPM.
La LPM prévoit d'abord le renouvellement des moyens, après plusieurs années de réductions temporaires de capacité. D'ici à la fin de l'année 2025, la flotte de surface présente dans nos outre-mer aura retrouvé sa dimension nominale. Que ce soit aux Antilles-Guyane, à La Réunion, en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie, la trame de patrouilleurs sera complète, avec des bateaux modernes équipés notamment de liaisons satellites, de drones et de canons modernes. En 2025 débutera le renouvellement de la flotte de surveillance maritime, en deux mouvements : les Falcon 200 seront désarmés et remplacés par des Falcon 50 en provenance de métropole, lesquels seront eux-mêmes remplacés par des Falcon 2000 – les premiers de la LPM. À la fin de la décennie et au début de la suivante, des Falcon 2000 supplémentaires seront livrés aux outre-mer. On assistera donc à un renforcement qualitatif des moyens accordés aux outre-mer.
Nous y associerons une augmentation du financement des services spatiaux afin de mieux orienter nos patrouilles. Il s'agit de faire en sorte que les patrouilleurs se dirigent directement vers les zones où se concentrent les pêcheurs illicites, ce qui rendra les jours de mer plus rentables.
Après plusieurs décennies de non-respect des lois de programmation militaire qui ont profondément abîmé nos armées, l'actuelle LPM, respectée à l'euro près, aura permis de commencer à réparer nos forces. Mais le travail n'est pas terminé.
Pour ce qui concerne la marine, des programmes aussi importants que les BRF, les SNA nouvelle génération, les POM, les BSAOM et les Atlantique 2 au standard 6 ont été lancés, quand ces appareils ne sont pas déjà en situation opérationnelle ou admis au service actif. Cet effort décidé avant le conflit en Ukraine fut heureux au regard du changement visible et radical du contexte international.
Le projet de LPM qui nous est proposé fera passer les crédits annuels des armées de 32 milliards d'euros en 2017 à 69 milliards en 2030.
Le sujet du remplacement du Charles de Gaulle ayant été largement développé, je rappellerai simplement l'importance de posséder un tel outil, véritable multiprise qui agrège autour de lui de nombreux bâtiments de marines amies.
Il sera sans doute nécessaire de faire de très gros travaux d'infrastructures au quai Milhaud 7 de la base navale de Toulon.
Outre-mer, pour pallier la tyrannie des distances, nous positionnons en permanence plusieurs bâtiments de combat, des personnels et des aéronefs.
Le canal du Mozambique, route maritime importante, renferme dans ses fonds 6 à 12 milliards de barils de pétrole et 5 milliards de mètres cubes de gaz. Des revendications territoriales sont d'ailleurs assez régulièrement exprimées.
Confirmez-vous la construction d'infrastructures portuaires à Mayotte permettant d'accueillir durablement des bâtiments de combat ? Si oui, de quels types de bâtiments pourrait-il s'agir ?
Nos frégates de surveillance, peu armées, sont âgées. Leur désarmement devrait débuter en 2031, ce qui nécessitera la construction de nouvelles unités dans le cadre de la LPM. Pour ces corvettes hauturières dont vous avez parlé, que prévoyez-vous en termes d'armement, de capacités de lutte anti-sous-marine et d'emport de drones ?
La LPM ne prévoit pas à ce stade de moyens hauturiers stationnés en permanence à Mayotte.
S'agissant des corvettes hauturières, la réflexion a été lancée. La LPM prévoit le financement de la première corvette de ce type, dont l'objectif est de remplacer les frégates de surveillance construites par les Chantiers de l'Atlantique dans les années 1990. Ces bateaux étaient conçus pour assurer une présence : leur système d'armes avait été adapté en conséquence.
Dans la zone Indo-pacifique, caractérisée par un réarmement très rapide, nous devons disposer de bateaux mieux armés et capables de s'intégrer dans notre dispositif militaire, avec une liaison de données, un radar tridimensionnel, un hélicoptère de combat, un système d'autodéfense, probablement une artillerie principale, ainsi que des moyens de savoir ce qui se passe sous l'eau.
La France possède le deuxième domaine maritime mondial, avec près de 11 millions de kilomètres carrés répartis sur tous les océans. Cette présence, qui fait notre fierté, induit un positionnement stratégique qui nous oblige. Le retour des nations sur la scène internationale implique une présence forte de nos armées, notamment dans la zone indopacifique. Les défis sont nombreux : sécurisation des axes maritimes, montée en puissance des flottes de guerre extra-européennes, compétition inédite pour le contrôle et la délimitation des espaces maritimes, menaces environnementales… La recrudescence des actes de piraterie et de terrorisme compromet la sécurité du territoire maritime par lequel transitent 90 % de nos importations.
Au-delà du maintien des routes commerciales actuelles, le changement climatique implique l'ouverture de nouvelles routes, notamment dans la région arctique. La sécurisation de ces routes est un enjeu de souveraineté pour la France. Comme vous aimez le rappeler, ce qui n'est pas surveillé est pillé, et ce qui est pillé est revendiqué. Les mers et océans du globe sont au cœur de rivalités pour l'accès aux ressources naturelles, énergétiques et halieutiques et aux terres rares. Dans le cadre de la stratégie d'exploitation de nos fonds marins, on estime que la France possède l'un des plus gros stocks de terres rares du monde. Les gisements de pétrole offshore au large de la Guyane sont estimés à 300 millions de barils bruts ; quant à ceux des eaux françaises du canal du Mozambique, ils sont estimés à 16 milliards de barils.
Face à ces défis, je m'interroge sur le gabarit des capacités de la marine. Notre flotte est-elle à la hauteur des ambitions et de la place de la France dans le monde ? La cible de frégates de défense et d'intervention est passée de cinq à trois à horizon 2030, tandis que le nombre de Fremm reste limité. Avons-nous suffisamment de bâtiments, notamment en surface, pour faire face aux enjeux que je viens d'évoquer ?
Tous les segments de la Marine sont concernés par le renouvellement des moyens dans les années à venir. Ces efforts s'échelonneront sur plusieurs LPM.
Nous travaillons donc à la cohérence de notre flotte pour être en mesure de remplir les missions qui nous sont confiées. Tout cela a mené à des aménagements visant à atteindre une cohérence de format.
Vous avez souligné les enjeux maritimes auxquels nous nous trouvons confrontés. Là encore, notre souci est celui de la cohérence globale par rapport à l'ambition de la revue stratégique.
De nombreux cas d'usage interviennent dans le cadre de coalitions. Les missions de lutte contre la piraterie ou les trafics et de présence dans le golfe Persique ont été engagées avec nos alliés européens. La valeur de ces missions repose sur la capacité à être interopérable au bon niveau.
De toutes les armées, la Marine est peut-être la mieux lotie dans ce projet de LPM. Je m'attarderai sur quelques points considérés comme moins centraux.
Pour m'intéresser particulièrement à la question de la maîtrise des fonds marins, il me semble déceler une relative imprécision dans le tableau présenté en annexe. Vous prévoyez la mise en place d'une capacité « moyens et grands fonds », mais la nature de cette dernière n'est pas précisée. J'aimerais que nous puissions la sécuriser.
Il y a quelques mois, j'ai visité un centre de traitement des données de la marine : son personnel lance un cri du cœur, réclamant plus de collègues pour traiter le volume considérable de données que la marine brasse désormais quotidiennement. Les moyens humains suivront-ils dans ce domaine ?
Vous savez que nous avons un doute quant à la façon dont le PANG contribuera à la souveraineté et à l'indépendance de notre pays, dans la mesure où la technologie des brins d'arrêt et catapultes est américaine. Cet outil de souveraineté sera donc tributaire, in fine, de la volonté de nos partenaires américains. Or, selon le témoignage du général Bentégeat, en 2003, lorsque la France n'a pas soutenu l'invasion de l'Irak, les Américains n'ont pas manqué de mettre dans la balance le MCO des brins d'arrêt et, je l'ai appris par ailleurs, de certains calculateurs de haute performance qui n'intéressaient pas directement la marine.
Enfin, quel est votre regard sur l'évolution de la doctrine française dans la zone indo-pacifique ? Ces derniers jours ont vu une forme d'inflexion du discours politique ; or je n'ai pas l'impression que le discours militaire ait changé. Suivra-t-il la même trajectoire, ou pensez-vous que nous ne venons d'assister qu'à un épiphénomène ?
S'agissant des fonds marins, la feuille de route est claire : d'ici fin 2025 début 2026, nous disposerons d'une capacité exploratoire sur la base d'AUV ( autonomous underwater vehicle, drone sous-marin) et de ROV ( remotely operated underwater vehicle, robot sous-marin téléguidé). D'ici là, nous avons sélectionné les meilleurs, sur étagère, afin d'approfondir notre appréciation du besoin. En 2026, nous poursuivrons avec une capacité nationale partagée, avec un AUV et un ROV 6000 mètres qui seront financés dans le cadre du plan France 2030. En 2029, le ministère des armées disposera ainsi d'une capacité pérenne, incrémentale : autour de ces vecteurs, nous pourrons avoir une charge utile évolutive.
Cette montée en puissance est certes cadencée en termes de volume, mais très volontariste. Il ne s'agit pas de se substituer aux responsabilités des opérateurs mais de comprendre les enjeux. Notre but n'est pas de remplacer les opérateurs civils, mais d'avoir des capacités d'intervention militaires autonomes et souveraines. Nous avançons de manière raisonnée, progressive, en essayant de comprendre aussi ce que font les autres. Le processus durera plusieurs années. Ai-je bien répondu à votre question ?
Pas complètement. Cela ne correspond pas tout à fait à ce que j'aurais préconisé. Je vous transmettrai le rapport d'information de la mission flash sur les fonds marins, ne serait-ce que pour caler les armoires…
Pour ce qui concerne la donnée, je suis très heureux que vous ayez rencontré les marins du Centre de services de la donnée Marine (CSD-M). J'encourage tous ceux qui n'y sont pas encore allés à le faire. Il y a trois ou quatre ans, avec l'arrivée des premiers bateaux numériques, nous avons eu l'intuition que la donnée en mer deviendrait un sujet majeur. Le CSD-M s'est développé à la manière d'une start-up : nous travaillons avec des industriels, nous collectons les données des systèmes de combat, nous avons nos premiers data lakes et nous produisons des cas d'usage.
Les remarques quant à l'insuffisance des ressources doivent être replacées dans le cadre de l'effort général du ministère : plusieurs milliards d'euros seront consacrés à la numérisation et des effectifs viendront au secours de ce centre pionnier, qui fait progresser tout le monde grâce à la maîtrise des cas d'usage.
J'en viens au PANG. S'il y a un domaine où nous ne transigeons pas en matière de souveraineté des technologies, c'est bien celui de la dissuasion nucléaire. Pour ce qui concerne les aéronefs de la force aéronavale nucléaire et les SNLE, nous nous assurons de maîtriser l'ensemble du spectre des matériels. Pour le reste des équipements de défense, nous nous inscrivons dans une économie assez ouverte : nous acquérons donc auprès de pays étrangers, à commencer par les États-Unis, un certain nombre de technologies, que ce soit des puces, des systèmes électroniques ou des dispositifs plus complexes.
Vous appelez mon attention sur la technologie des catapultes, mais le porte-avions sera aussi équipé d'avions de surveillance E-2D qui seront acquis dans le cadre de la prochaine LPM. Lors des travaux de préparation du PANG, nous nous étions demandé s'il fallait se doter d'une capacité nationale de fabrication de catapultes. Ce n'est pas impossible en soi, mais l'investissement serait considérable pour un bénéfice assez limité.
Je voulais savoir si des orientations avaient été données récemment, qui infléchiraient notre positionnement conformément aux propos tenus par le Président après son voyage en Chine.
Très concrètement, la Marine a d'abord pour mission de garantir notre souveraineté dans nos zones économiques exclusives, dont une grande partie est située dans la zone indo-Pacifique. Nous entretenons avec les pays de cette zone des relations de voisinage. Par ailleurs, dans le cadre du signalement stratégique, nous menons des missions majeures et des exercices de haut niveau ; par là même, nous montrons à nos compétiteurs, à nos potentiels contestataires, tout notre poids militaire. Par la manifestation de notre présence, nous contribuons à la sécurité et à la stabilité de cette zone.
Cette LPM se caractérise par un paradoxe : alors que nous dépenserons plus d'argent, nos armées n'augmenteront pas en masse et subiront même le décalage de plusieurs programmes majeurs – pour ce qui concerne la marine, je pense notamment aux frégates et aux BRF. Comment expliquez-vous ces décalages ? Ce paradoxe entraînera-t-il une révision des contrats opérationnels de la marine ?
Le taux de préparation opérationnelle et d'entraînement des équipages sera-t-il amélioré ?
Ma troisième question porte plus spécifiquement sur nos outre-mer. Nous savons qu'ils sont une priorité, et que l'une des conditions de notre présence et de notre dissuasion est notre capacité à projeter des forces, éventuellement terrestres. Les bâtiments de transport léger (Batral) dont nous disposions autrefois ont, me semble-t-il, tous été désarmés dans nos outre-mer. Qu'est-il prévu pour les remplacer ? Comment faire face à des menaces, le cas échéant sous le spectre de la coalition ? En cas d'opération dans les îles Éparses, serions-nous capables de projeter rapidement une compagnie d'infanterie, par exemple ?
Enfin, le programme de guerre des mines est décalé. Cela se traduira-t-il par une réduction temporaire de capacité ? La guerre des mines est pourtant essentielle non seulement pour la dilution de notre dissuasion, mais également dans d'autres champs de conflictualité, comme nous avons pu le voir en mer Noire, par exemple, avec les mines dérivantes.
La LPM permet de maintenir et de renforcer la préparation opérationnelle, qui représente à peu près 20 % de notre activité – les autres 80 % sont consacrés aux opérations. La démarche Polaris vise à optimiser le temps consacré à l'entraînement. La simulation permet par ailleurs de rentabiliser chaque jour de mer.
S'agissant du successeur de Batral, nous avons eu avec le CEMA une réflexion assez approfondie, qui reste ouverte. Les bâtiments susceptibles de faire de l'amphibie léger, c'est-à-dire d'apporter sur une île des capacités légères, du soutien et de l'assistance, ont un coût de l'ordre de 15 à 20 millions. La notion de signalement stratégique par prépositionnement dans les outre-mer est importante et elle passe par le fait de montrer régulièrement des unités militaires dans ces zones parfois très isolées.
En ce qui concerne la guerre des mines, les cadencements que vous citez vont conduire à maintenir plus longtemps les chasseurs de mines Tripartite.
Pour ce qui est des contrats opérationnels, ils sont fixés par le CEMA, tandis que mon rôle est de les remplir.
Étant auditeur à l'Institut des hautes études de défense nationale, mes questions porteront sur les enjeux capacitaires.
La modernisation des armées s'est parfois faite au détriment des effectifs et des matériels. La présente LPM, si elle doit poursuivre l'effort de modernisation des armées, ne doit pas oublier de les massifier. Vous me voyez venir : il y a actuellement dix-sept patrouilleurs, et la LPM prévoit de porter leur nombre à dix-neuf pour la marine. Les P400 arrivant en fin de vie, l'effort sera porté sur les patrouilleurs d'outre-mer, qui seront six au terme de la prochaine LPM. Cet effort est salutaire, mais sera-t-il suffisant ? Vous avez commencé à répondre à cette question. La France possédant la deuxième zone économique exclusive mondiale grâce à ses territoires d'outre-mer, pensez-vous que les six patrouilleurs suffiront à affronter les enjeux qui s'y profilent pour les années à venir ? Cette une question récurrente. Je pense en particulier à la zone indo-pacifique, particulièrement disputée, où la France est la seule nation européenne réellement présente.
Par ailleurs, je vous ai déjà interrogé, ainsi que vos prédécesseurs, sur le logement des marins dans les zones tendues, notamment à Toulon. Il s'agit d'un frein à la poursuite de la carrière dans la marine. J'ai été rapporteur d'une mission d'information sur la politique immobilière du ministère des armées durant la précédente législature : on percevait des signes d'amélioration à Toulon, où en sommes-nous actuellement ? Est-ce un enjeu pour la LPM ? Peut-on améliorer les choses avec le nouveau contrat d'externalisation pour la gestion des logements du ministère des armées (Cegelog) ?
Pour ce qui est du format, l'effort de renouvellement est lancé, et le potentiel de nos nouveaux moyens est très supérieur à celui qu'ils remplacent. Un patrouilleur outre-mer, c'est 1 500 tonnes de déplacement contre 400 tonnes pour un P400 ; il y a une plateforme pour un drone, des moyens satellitaires, une drome consistante, un radier et trente hommes d'équipage On peut faire beaucoup de choses avec cela ! À moyens constants, la performance sera bien supérieure. Dans la période de cette LPM, nous verrons nos capacités d'action augmenter significativement – comme celles des autres pays, d'ailleurs.
Nous avons investi dans les outre-mer. Nous sommes là pour assurer la protection des Français qui y habitent et la maîtrise des ressources, notamment halieutiques, et pour lutter contre la pêche illégale, la pollution et les conséquences du réchauffement climatique. Nous intervenons de manière responsable et efficace, en tout cas à la hauteur des moyens de la LPM.
Je ne peux que saluer la poursuite des efforts sur les logements notamment grâce à la mise en œuvre du plan ambition logement (CEGELOG). Plusieurs centaines de logements seront livrés dans les quatre prochaines années. Les signaux sont donc positifs.
La composante navale de cette nouvelle LPM apparaît décisive. Permettez-moi d'exprimer l'attachement tout particulier du groupe Socialistes à la marine nationale. Les marins, les sous-mariniers et leurs familles sont une force vive pour les territoires, particulièrement dans le Finistère.
La contre-ingérence revêt une dimension très concrète pour la façade littorale de notre territoire compte tenu du trafic enregistré par exemple dans la zone du rail d'Ouessant. La présence de câbles sous-marins au large des côtes soulève des questions. Comment la LPM intègre-t-elle l'impératif de surveillance des côtes, des câbles et des installations critiques, ainsi que celui de la conduite, par la marine, de missions de renseignement ?
Un effort important sera consacré aux drones et aux robots marins : le maintien en condition opérationnelle et la conception des SNLE de troisième génération apparaissent essentiels. Pour la surface, les inquiétudes portant sur la suffisance des unités de frégates de défense et d'intervention et de frégates de surveillance ont déjà été évoquées.
Par ailleurs, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, vous aviez évoqué l'interconnexion entre les armées et les opérateurs câbliers, pétroliers et gaziers. Pouvez-vous nous rendre compte des efforts entrepris en la matière ? Comment le dialogue avec les opérateurs de câbles se poursuivra-t-il ? Une coopération avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) serait-elle opportune ? Le Centre de services de la donnée Marine a-t-il un rôle à jouer dans cette affaire ?
Nous avons le même sentiment que vous sur la nécessité de durcir la défense maritime du territoire. Nous sommes en train de retendre notre dispositif global, qui repose notamment sur la chaîne sémaphorique. Les moyens des sémaphores seront renouvelés et certains d'entre eux seront équipés de drones. Nous allons renforcer nos liens avec les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross), afin de pouvoir corréler les faits qu'ils observent avec la situation militaire.
Toujours dans l'idée de durcir la défense maritime du territoire et dans le cadre du doublement des réserves, nous allons constituer des flottilles côtières : il y en aura une par façade en métropole, avec des antennes outre-mer. L'objectif est de constituer des moyens de surveillance nautique qui seront armés par des réservistes, à la fois anciens et jeunes. Ces derniers navigueront sur des embarcations à coque semi-rigide et patrouilleront en lien avec les sémaphores dans des missions d'assistance publique et de renseignement.
Je vous remercie du travail que vous avez effectué dans le domaine des fonds marins. Nous avons structuré par des accords nos relations avec les opérateurs câbliers qui nous permettent de savoir où sont les câbles et de connaître les incidents. Notre objectif est de caractériser au plus tôt l'incident pour déterminer s'il s'agit d'un événement anodin ou d'une agression volontaire.
L'arrachage d'un câble par le navire que vous avez évoqué nous a été raconté par l'amiral Lebas lorsqu'il est venu exposer les enjeux de défense maritime auprès de l'association des maires et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale du Finistère. Vous partagez ces éléments avec la représentation nationale, mais il serait intéressant d'imaginer une concertation plus large avec les élus locaux : les maires des communes littorales ont très envie de s'impliquer et de comprendre les enjeux du moment en matière de défense maritime.
C'est pour cela que nous allons créer des flottilles côtières ; par les réserves, nous aurons des interactions plus intéressantes avec les collectivités du littoral. L'objectif des flottilles côtières est de combler les angles morts.
La LPM ancre le renouvellement du groupe aéronaval en lui allouant 5 milliards entre 2024 et 2030. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette bonne nouvelle.
S'agissant de la propulsion navale nucléaire, plusieurs questions se posent sur la fabrication des cuves, des couvercles et des viroles, notamment pour la chaufferie K22 – les travaux seront effectués par Framatome. Le contexte est particulier, car nous devons remonter en puissance à la fois sur le nucléaire civil et militaire. Quel sera le calendrier du K22 ? Quelle sera la contractualisation sur les approvisionnements à long délai, sachant qu'une échéance était fixée à la fin du mois qui devait conditionner l'entrée en phase de réalisation du PANG à l'horizon 2025 ou 2026 ?
S'agissant de la maquette d'ensemble, un groupe aéronaval ne repose pas uniquement sur le PANG ni même sur des frégates : il y a bien d'autres choses, qui touchent aux appuis, aux soutiens, à la logistique et même au commandement. Sur ce dernier point, nous pourrions évoquer le projet Overmatch de la marine américaine visant à développer un groupe aéronaval pouvant être commandé en combat collaboratif, y compris en mode dégradé ou sans informations spatiales. Je note la commande d'avions E-2D, qui sont des Hawkeye avancés. Nous pourrions évoquer la logistique navale afférente au groupe aéronaval et la question du décalage du quatrième BRF, mais également les bâtiments-ateliers et les drones ravitailleurs, en un mot, la cohérence de l'ensemble du groupe, au-delà du PANG.
Le projet de LPM permet-il de renouveler notre supériorité aéromaritime dans l'ensemble des capacités du haut du spectre, laquelle assure la crédibilité de deux composantes de la dissuasion, la force aéronavale nucléaire et le SNLE ?
Votre question relative à la construction du PA-Ng est à poser au délégué général pour l'armement. Le Président de la République a annoncé avoir choisi la propulsion nucléaire pour le porte-avions dans son discours du Creusot le 8 décembre 2020. Le ministre a déclaré que l'avant-projet détaillé serait signé avant la fin du mois d'avril. L'objectif de cet avant-projet détaillé est de lancer la réalisation du bateau à la fin 2025 ou au début 2026. Le DGA vous donnera les détails de cette opération.
Nous souhaitons que le bateau puisse effectuer ses premiers essais en mer en 2036 et 2037, de manière à avoir deux ans et demi de tuilage avec le Charles de Gaulle. Nous mettrons à profit cette période pour transférer des compétences du Charles de Gaulle vers le PA-Ng. Il faudra inventer une nouvelle vie sur un nouveau bateau, mais avec des gens qui connaissent les porte-avions. Le ministre a lancé le projet sans délai pour assurer ce tuilage, de manière à ce qu'en 2038, lors de l'admission au service actif du PANG, il n'y ait pas de trou capacitaire.
Nous recrutons annuellement environ quatre-vingts marins qui deviendront des atomiciens. La reprise de l'activité nucléaire civile va certes créer des tensions, mais va surtout tirer en avant toute la filière et attirer des talents.
La force de la Marine réside dans sa capacité à former des jeunes : de bachelier à ingénieur atomicien en une dizaine d'années. C'est un escalier social qui fonctionne très bien. Je vous invite à visiter l'Ecole des applications militaires de l'énergie atomique (EAMEA) de Cherbourg. Nous intégrons des jeunes, nous les faisons progresser, parce que nous avons confiance en eux. Avec cette méthode, nous parvenons à atteindre quatre-vingts atomiciens chaque année. Le problème est de garder les plus compétents après dix-sept ans de service.
Comme vous l'avez souligné, le Groupe aéronaval n'est pas qu'un bateau. Nous examinons régulièrement la cohérence d'ensemble de l'outil capacitaire du GAN. L'avion E-2D qui va arriver sur le Charles de Gaulle sera embarqué sur le PANG ; les différents standards du Rafale le seront également, tout comme le SCAF (système de combat aérien du futur). Il s'agit d'un programme d'ensemble.
La Marine tient sur deux grands piliers capacitaires : les SNLE et toute leur suite – guerre des mines, patrouilles maritimes, frégates anti-sous-marines – et le GAN, qui nous tire vers le haut dans la projection de puissance et le combat naval.
Je tiens à saluer l'engagement des marins, qui ont notamment permis de sauver 5 000 vies dans la Manche. Ma question portera sur la construction du nouveau porte-avions à propulsion nucléaire.
Ce porte-avions sera au cœur de notre stratégie de défense maritime. Pourtant, le ministre l'a reconnu la semaine dernière, ce choix fait l'objet de débats, y compris dans l'armée. Nous sommes certes le seul pays avec les États-Unis à disposer d'un porte-avions à propulsion nucléaire, mais les Américains possèdent une flotte significative, dont la France n'a ni les moyens budgétaires, ni les capacités industrielles de se doter. En outre, la disponibilité opérationnelle du porte-avions est limitée en moyenne à 40 %, compte tenu des phases techniques nécessaires de MCO, de repos, de formation et d'entraînement des équipages.
Dans une période de retour des conflits de haute intensité, de multiplication des zones de conflit potentielles et de développement de nouvelles menaces, telles que le réchauffement climatique, le porte-avions est-il, au-delà d'une vitrine, l'outil le plus pertinent pour préserver nos intérêts stratégiques ? Ne faut-il pas investir davantage dans des bâtiments de plus petite taille mais plus nombreux – patrouilleurs océaniques, bâtiments polyvalents de soutien et d'assistance maritimes, porte-hélicoptères amphibies ?
Le 20 janvier dernier, le Président de la République a rappelé son souhait d'acquérir une capacité de maîtrise des fonds marins jusqu'à une profondeur de 6 000 mètres. Cet effort est indispensable pour des raisons environnementales face au pillage et au saccage des fonds marins, mais également économiques puisque la quasi-intégralité des échanges numériques passent par des câbles sous-marins. Les moyens prévus par la LPM vous semblent-ils suffisants pour atteindre cet objectif de contrôle des profondeurs marines ?
Le débat sur le porte-avions existait déjà quand je suis entré dans la Marine : la liste des arguments est longue.
La précédente LPM a repris le sujet à la base. Nous sommes repartis de zéro, en nous posant toutes les questions : Avons-nous besoin d'un porte-avions ? Pourrait-il s'agir d'un bâtiment plus petit ? Avec quel type d'avions ? Ce travail a abouti à proposer au Président de la République la construction d'un porte-avions de supériorité. Certes, nous n'en aurons qu'un, mais les cas dans lesquels la France pourrait employer seule la force en mer sont peu nombreux, hormis la dissuasion nucléaire.
La disponibilité opérationnelle, une fois achevés les cycles de qualification et de régénération, atteint 65 %. Sans me prononcer sur son caractère suffisant ou insuffisant ; c'est en tout cas le maximum que nous puissions obtenir.
La question sur la taille des bateaux renvoie à celle de la performance des avions lancés. Un F-35 à décollage vertical a une durée de vol sans ravitaillement – ce que l'on appelle le playtime – réduit et ne peut donc pas s'éloigner très loin du porte-avions. Pendant l'exercice Orion, nous avons pu mener, avec le Rafale, des raids contre des navires à plus de 1 000 kilomètres du porte-avions. Dans la perspective du retour du combat naval, les vainqueurs posséderont un porte-avions, car ils donneront des coups à ceux qui n'en ont pas : voilà la démonstration que nous avons faite.
Je salue l'engagement des hommes et des femmes au service de la marine et du pays, et l'ensemble du travail que vous faites : les vies que vous sauvez, les combats que vous menez contre la piraterie, pour la protection des fonds marins, contre les trafics, notamment de stupéfiants… Il importe de connaître et de faire connaître l'étendue de vos missions. Le groupe Gauche démocrate et républicaine salue les efforts consentis pour créer les conditions de la transformation et de la modernisation des armées, l'objectif étant qu'elles disposent des moyens pour assurer toutes ces missions, essentiellement celles de défense auxquelles nous sommes particulièrement attachés. Il convient de protéger nos frontières, notamment maritimes, puisque nous sommes effectivement la deuxième puissance maritime au monde.
Nous nous interrogeons cependant sur les moyens que la LPM consacre à la transformation des armées, en doublant leur budget, porté à une soixantaine de milliards, dans une période où nous avons peut-être d'autres besoins et d'autres priorités. Protéger et transformer l'armée est certes essentiel, mais à un tel niveau ? Vous avez qualifié d'angoissante la montée des moyens déployés par certains pays, notamment la Chine et les États-Unis : ne participons-nous pas à nourrir cette angoisse ? Nous nous interrogeons nous aussi sur l'opportunité d'investir 10 milliards dans un immense porte-avions, lourd, lent, vulnérable et cher. N'est-il pas préférable d'investir dans des navires plus nombreux, plus légers, plus rapides et plus discrets pour assurer la défense de nos territoires maritimes et surtout des outre-mer, puisque plusieurs de nos collègues vous ont interpellé sur un manque de moyens pour l'outre-mer ? Nous nous interrogeons sur ce choix stratégique du Président de la République. Vous avez déjà répondu, mais je voulais néanmoins vous faire part de nos doutes.
Le porte-avions sera lourd, oui, car il faut déplacer entre 75 000 et 80 000 tonnes emporter des avions de supériorité aérienne.
Lent, non. Je ne sais pas si vous connaissez un équivalent d'une base aérienne de trente avions avec toutes les munitions et le carburant correspondant qui se déplace de 1 000 kilomètres par jour.
Vulnérable, non plus : comme le dit mon homologue américain, les porte-avions sont les bases aériennes les mieux défendues de toute l'histoire militaire. C'est assez difficile de trouver autour d'une base aérienne l'équivalent de cinq ou six frégates emportant chacune quatre-vingt-dix missiles antiaériens et déployées dans la profondeur de l'océan… Il faut imaginer que si vous mettez le Charles de Gaulle place de la Concorde, sa frégate de défense aérienne est à Rungis, sa frégate de défense antisurface est à Lyon, son sous-marin nucléaire d'attaque est à Toulon et le Hawkeye est au-dessus de la Corse : on voit donc venir le raid assaillant d'assez loin.
L'ambition du Président de la République est que la France pèse dans les coalitions déployées dans des conflits. Il faut disposer des capacités permettant d'orienter les coalitions. On peut effectivement avoir plus de bateaux plus petits. C'était la grande théorie de la Jeune école, au début du XXe siècle, défendue par l'amiral Aube, qui préférait les torpilleurs aux gros croiseurs. On en est revenu. J'ai évoqué en répondant à Mme Chatelain tout le travail que nous avons mené sur la question : il est tout sauf dogmatique. Nous avons accepté d'ouvrir tous les livres, de repartir de zéro.
Dans notre rapport portant sur la précédente LPM, avec mon excellent collègue Chenevard, nous avions constaté que la disponibilité, pour la marine, des hélicoptères NH90 n'était pas au plus haut – elle était même en baisse. L'actuel projet de LPM présente-t-il, à cet égard, des éléments rassurants ?
La France connaît un retard significatif dans le développement des drones aériens : la LPM prévoit la création d'une filière française pour combler ce retard aux alentours de 2030. Qu'en est-il de la situation de nos stocks de drones sous-marins ? Une filière souveraine est-elle envisagée ? Quelle est la stratégie de lutte contre les mines marines ?
En janvier dernier, le Centre d'études stratégiques de la marine a publié un rapport soulignant qu'en tant que lieu de contestation et de compétition, la mer devient une zone de confrontation, et potentiellement d'affrontements. Il indique que l'affrontement n'est cependant pas inéluctable et que la détention de moyens navals puissants permet de faire prévaloir ses intérêts sans aller jusqu'au combat direct : si vis pacem, para bellum. Vous avez vous-même mis en avant le fait que nous sommes entrés dans une ère carnivore sur le plan naval, où la démonstration de force et l'affrontement feront partie de la feuille de route des différents chefs d'État.
Pourtant, malgré un contexte justifiant le réarmement de la France, le projet de LPM dispose que le format de la marine s'appuiera sur quinze frégates de premier rang – prenant en compte les frégates de type La Fayette modernisées – et ne sera pas revu à la hausse. Un tel format ne semble adapté ni à la menace actuelle, ni aux risques futurs. Pour la marine, la cible des frégates de défense et d'intervention est réduite à trois, à horizon 2030. Les mêmes projections à la baisse s'appliquent à d'autres capacités, comme les actions de surveillance et d'intervention maritimes. Pouvez-vous nous préciser comment notre marine pourra assurer la défense de notre domaine maritime, le deuxième au monde ?
En évoquant les réserves et la création de flottilles côtières, ce qui est une excellente initiative, vous avez indiqué que vous solliciteriez les collectivités locales. Qu'en est-il ? Chaque commune est en effet supposée désigner un correspondant défense, pouvant s'appuyer sur les délégués militaires départementaux (DMD), ce qui implique que ces derniers soient formés : l'efficacité de votre projet en dépend.
Deuxièmement, les îles Éparses disposent d'un potentiel de 1 600 milliards d'euros de pétrole, sans même parler des stocks de gaz. On en finance, des choses, avec ça ! Si la France a décidé d'en faire abstraction, en tout cas tant que la loi de 2017 interdit tout nouvelle exploitation pétrolière, une telle perspective pourrait susciter des convoitises au fil du temps. Certains pays ont-ils manifesté un intérêt pour les îles Éparses ? En cas de tentative de pénétration du sol français, serions-nous en mesure de réagir ?
Dans un entretien accordé au quotidien Ouest-France en novembre dernier, le ministre des armées Sébastien Lecornu a affirmé que notre surface maritime était l'une des plus importantes du monde et que notre marine devait avoir la même dimension. La crédibilité maritime française passe bien évidemment par son porte-avions et son groupe aéronaval, la dimension aérienne étant assurée par des Rafale Marine.
En raison de l'usure liée à leur emploi opérationnel au sein d'un environnement complexe et de contraintes mécaniques importantes, ces Rafale sont aujourd'hui en passe d'être obsolètes. Or, le projet de LPM fait l'impasse sur le renouvellement des 41 Rafale Marine, bien que vous ayez fait part de votre inquiétude à plusieurs reprises. Cela ne risque-t-il pas d'entraîner une faille capacitaire et de menacer notre format aérien embarqué ?
Vous avez évoqué l'importance de la cyberdéfense. Or la cybersécurité concerne aussi nos systèmes d'information. À cet égard, l'un des chapitres du projet de LPM vise à donner davantage de prérogatives à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information. Quelle est votre relation avec l'Anssi ? Comment s'articulent les spécificités de la marine avec la sécurité globale des systèmes d'information ?
Permettez au député de Marseille que je suis de vous interroger sur le bataillon des marins-pompiers de la ville : le projet de LPM prévoit-il une trajectoire financière particulière pour cette unité de 2 600 hommes, la première de la marine nationale, qui est engagée pour la sécurité des Marseillais, et est intervenue lors du drame récent de la rue de Tivoli ?
Par ailleurs, cette prochaine LPM dont vous venez nous parler, comment la présenteriez-vous face aux marins, à ces hommes et à ces femmes que vous dirigez ?
La Marine a reçu son dernier NH90 il y a dix-huit mois, ce qui porte leur nombre total à vingt-sept. La disponibilité moyenne est un sujet de préoccupation. J'entretiens à cet égard des relations soutenues avec le groupe NH Industries et Airbus Helicopters, qui m'ont fait un certain nombre de propositions. Leurs plans d'action visent à remonter à douze hélicoptères disponibles pour la fin de l'année prochaine. Nous y travaillons de manière régulière, de façon à identifier les points de blocage.
Les principaux problèmes sont la complexité du plan de maintenance et les difficultés de la chaîne d'approvisionnement, ainsi qu'une accumulation de désagréments liés à la corrosion, due à des problèmes de conception. Nous espérons, à force d'efforts, parvenir à cet objectif d'une disponibilité de douze machines l'année prochaine.
Je ne reviendrai pas en détail sur la question du format des frégates : c'est une donnée d'entrée pour moi, fixée par le CEMA avec le ministre. Je note cependant que le renouvellement des frégates de surveillance va contribuer à durcir notre ligne de bateaux de surface.
Les flottilles côtières suivent un développement innovant : l'idée générique est d'incorporer nos réservistes, de prendre des jeunes ayant envie de naviguer et d'aller dans les territoires. L'architecture retenue consiste à essaimer dans de petites escouades, sur le littoral. Ces structures vont doucement se monter, à partir de gens qui ont de l'expérience et en incorporant des jeunes. Les DMD seront bien évidemment associés à cette ambition.
Quelle était précisément la question concernant la surveillance des îles Éparses ?
Il ne s'agit pas vraiment de notre capacité de surveillance : une plateforme ne s'installe pas du jour au lendemain, je suis certain que nous nous en rendrions compte assez vite ! Mais si demain un pays tiers, volumineux, décidait vraiment d'investir les lieux, serions-nous en mesure de l'éviter ?
Nous sommes clairement en mesure d'agir et de réagir.
S'agissant des Rafale, la LPM donne la priorité à la reconstitution du stock de l'armée de l'air, compte tenu des engagements à l'export qu'elle a supportés. Il a donc été décidé de reporter l'insertion des Rafale Marine destinés à anticiper le vieillissement de la flotte.
Nous travaillons à maintenir nos avions au dernier standard. Toute la flotte Marine est actuellement au standard F3R et les premiers rétrofit vers le standard F4 ont été menés récemment avec succès. La Marine doit consacrer une partie de son parc à des chantiers de renouvellement : une part significative des 41 Rafale Marine doit donc être immobilisée pour qu'ils ne deviennent pas obsolètes. Notre ambition est de parvenir au même standard sur l'ensemble de la flotte, de façon à être totalement interopérables.
S'agissant de la cybersécurité, je n'ai pas de liens opérationnels avec l'Anssi : c'est le travail du commandement de la cyberdéfense (COMCYBER). Nous avons une organisation à plusieurs niveaux : l'industrie, la cyber-résilience, avec des exercices réguliers, et la dimension opérationnelle, pilotée par le COMCYBER.
Le budget de fonctionnement et d'équipement du bataillon des Marins-pompiers est voté et géré par la ville de Marseille. Pour ma part, je recrute, je forme et je mets à disposition des hommes et femmes, marins, qui sont ensuite équipés par la ville de Marseille. Il s'agit de la plus grosse unité de la Marine nationale, qui est sur tous les fronts, comme l'a montré le drame de la rue de Tivoli.
Enfin, que dis-je à mes marins ? Qu'ils sont en train de changer de monde. En l'espace de sept ou huit ans, les métiers qu'ils font, les bateaux sur lesquels ils servent, les missions qu'ils accomplissent vont être complètement renouvelés. Mon principal effort vise à ne pas perdre de temps : nous sommes profondément redevables de l'investissement financier considérable de la nation et le moindre euro doit être rentabilisé, surtout au regard de l'urgence de la situation internationale. L'objectif que je fixe à mes marins est d'être au rendez-vous de ces nouvelles capacités, en anticipant suffisamment pour en tirer tout le potentiel.
Enfin, s'agissant des drones, les drones de surface de type SMDM sont opérationnels sur les avisos et vont être déployés au Cross Gris-Nez, près des migrants, de façon à identifier plus rapidement les situations de détresse. Nous sommes également en phase d'expérimentation d'un petit drone hélicoptère Schiebel. Le projet de LPM prévoit quant à lui des travaux de développement autour du SDAM (système de drone aérien pour la marine). L'objectif est de plusieurs SDAM en fin de LPM. Quant aux drones sous-marins, nous partons de matériels sur étagère, l'AUV d'Hugin et le ROV de Travocean, avec pour objectif de développer notre capacité souveraine à l'horizon de la fin de la LPM, sur la base du plan France 2030.
La séance est levée à dix-neuf heures cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Vincent Bru, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Delphine Lingemann, Mme Lysiane Métayer, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Mélanie Thomin
Excusés. - M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Bastien Lachaud, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre
Assistait également à la réunion. - Mme Sabine Thillaye