La séance est ouverte à 9 heures 15.
Présidence de Mme Véronique Riotton, présidente
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne M. Arthur Delaporte, député du Calvados, et M. Stéphane Vojetta, député des Français de l'étranger, coauteurs de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (n° 790).
Ces débats n'ont pas fait l'objet d'un compte rendu écrit ; ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne ensuite Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027.
Mme la ministre, la délégation se réjouit de vous recevoir ce matin, afin que vous lui exposiez le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2023-2027, qui a été présenté par la Première ministre le 8 mars.
Outre la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, de nouveau érigée en grande cause du quinquennat, le plan s'articule autour de quatre axes : lutte contre les violences conjugales, dans la continuité du Grenelle des violences conjugales, santé des femmes, égalité professionnelle et économique, et culture de l'égalité.
Nous serons particulièrement intéressés par le détail des mesures annoncées, les moyens qui leur seront alloués, votre feuille de route pour les mettre en œuvre et les éventuelles modifications législatives dont nous pourrions être saisis.
Je suis intervenue devant vous pour la première fois il y a huit mois. À cette occasion, j'avais évoqué les défis auxquels nous devons faire face pour parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes et faire progresser les droits des femmes. Je vous avais présenté mes priorités pour ce quinquennat et les grandes lignes de la feuille de route interministérielle que m'a confiée la Première ministre.
Le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons lancé avec la Première ministre le 8 mars, sera déployé au cours des quatre prochaines années. Il s'articule autour de quatre axes.
Avant de vous le présenter, je salue la richesse de la collaboration avec votre délégation et particulièrement avec vous, Madame la présidente. Je rappelle également que, depuis 2017, le budget de mon ministère a pratiquement doublé, ce qui nous permet de financer des actions concrètes en faveur des femmes victimes de violences et de sauver des vies. Vous savez combien ce sujet me tient à cœur. Depuis 2021, un numéro d'urgence, le 3919, est accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Je pourrais y revenir plus en détail.
Depuis notre premier échange, la députée Émilie Chandler et la sénatrice Dominique Vérien ont conduit une mission parlementaire sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Certaines de leurs préconisations ont déjà été reprises dans le plan lancé le 8 mars. La proposition de loi de Valérie Létard, qui vise à instituer une aide universelle d'urgence en faveur des victimes de violences, a par ailleurs été adoptée à l'unanimité par les deux chambres, ce qui constitue un symbole fort. Ce vote transpartisan est exemplaire. À un moment où il est important de restaurer la confiance avec nos concitoyens, il montre que nous pouvons nous entendre sur un sujet aussi capital que l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est la grande cause du quinquennat. La vie des femmes, qui représentent 52 % de l'humanité, est un sujet capital. Nous sommes capables de voter à l'unanimité sur des sujets qui constituent des enjeux de société et d'avenir, pour nous-mêmes et pour nos enfants. En tant qu'optimiste résolue, j'y vois un message d'espoir.
Malheureusement, depuis le début de l'année, trente-cinq femmes ont perdu la vie. Ces trente-cinq féminicides doivent nous appeler à faire preuve d'humilité, mais aussi à redoubler d'efforts à différents niveaux.
J'ai lancé, il y a quelques semaines, le pack nouveau départ, qui permettra un accompagnement et un suivi rigoureux des femmes victimes de violences, en s'assurant qu'au moment où elles prennent conscience de la situation de danger, toutes les conditions matérielles sont réunies pour qu'elles puissent s'extraire des griffes de leur bourreau. Dans ce moment de fragilité extrême, tout doit être fait pour limiter les freins économiques et matériels qui risquent de pousser les victimes à faire machine arrière.
Contrairement à ce que certains contempteurs de l'action du Gouvernement ont pu, de mauvaise foi, indiquer dans la presse, ce pack ne vise pas à faire fuir les femmes, mais à les protéger. Certaines ne souhaitent pas rester au domicile, parce qu'elles ont peur. Le pack pourra s'appliquer à celles qui décident de quitter le domicile, notamment pour aller dans des foyers d'hébergement sécurisés où elles pourront cacher leur nouvelle adresse, comme à celles qui préfèrent que leur conjoint soit écarté du domicile par décision judiciaire.
Afin d'adapter le dispositif aux besoins de chaque victime, j'ai souhaité que ce pack soit déployé progressivement. Il a été lancé dans le Val-d'Oise, pour douze semaines. La direction interministérielle de la transformation publique effectuera un suivi attentif, permettant d'éventuels ajustements. Le déploiement interviendra ensuite dans quatre autres territoires, dont un territoire ultramarin, avant une généralisation en 2025.
Autre exemple de travail parlementaire constructif : l'adoption en première lecture à l'Assemblée de la proposition de loi de Cécile Untermaier, qui porte la durée de validité de l'ordonnance de protection de six à douze mois. C'est un marqueur fort de notre volonté de mieux protéger les victimes.
Je vous remercie pour ce formidable travail, qui n'est possible que grâce à une mobilisation conjointe et exemplaire des parlementaires. Je souhaite également insister sur l'importance de la concertation – que j'opère quasiment quotidiennement – avec les associations qui accompagnent les femmes victimes de violences. Les droits des femmes ne sont l'apanage d'aucun groupe politique. Leur défense transcende et devra toujours transcender tous les clivages.
Le plan a été construit en lien avec tous les ministères concernés – une quinzaine de réunions interministérielles se sont tenues –, ainsi qu'avec les acteurs associatifs et de terrain. Il prévoit 160 mesures concrètes et ambitieuses en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour la première fois, nous proposons un plan global, s'articulant autour de quatre axes intégrant tous les sujets liés à l'égalité entre les femmes et les hommes. Les plans précédents traitaient seulement de la lutte contre les violences faites aux femmes ; celui-ci y ajoute la santé des femmes, l'égalité économique et professionnelle, et la culture de l'égalité.
Je ne m'attarderai pas sur le volet concernant la lutte contre les violences faites aux femmes ; je répondrai plutôt à vos questions. Même si le travail mené par les deux parlementaires reste en cours, la Première ministre a déjà retenu trois de leurs préconisations. Des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales seront créés dans toutes les juridictions – tribunal comme cour d'appel – pour garantir la transversalité et assurer une cohérence entre le traitement civil et pénal des affaires. Des ordonnances de protection pourront par ailleurs être rendues dans les vingt-quatre heures pour protéger les victimes et leurs enfants en cas de danger immédiat, ce qui permettra notamment de dissimuler leur nouvelle adresse. La formation des magistrats qui rejoindront ces pôles spécialisés a également été inscrite dans le plan.
La santé des femmes constitue le deuxième axe du plan. Le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, il y a un an, a marqué une étape clef. Nous devons cependant poursuivre nos efforts en faveur de la santé sexuelle et reproductive des femmes, notamment pour lever le tabou lié aux fausses couches, auxquelles donnent lieu environ 15 % des grossesses. Une femme sur dix sera confrontée à cette épreuve au cours de sa vie. Nous avons donc décidé de supprimer le délai de carence en cas d'arrêt maladie consécutif à une fausse couche, ce qui permettra une indemnisation dès le premier jour. Cette mesure fait l'objet de la proposition de loi déposée par la députée Sandrine Josso, visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausses couches, qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée le 8 mars, date éminemment symbolique pour les droits des femmes.
La lutte contre la précarité menstruelle est un autre sujet important, qui a émergé ces dernières années. Environ 12 % des jeunes filles et des jeunes femmes renoncent à acheter des protections périodiques en raison de leur coût. Nous avons donc prévu le remboursement par la sécurité sociale des protections périodiques réutilisables pour les jeunes femmes, jusqu'à 25 ans inclus. Nous doublerons également le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle, afin de financer des projets associatifs destinés aux femmes précaires.
De nombreuses autres mesures sont prévues concernant la santé des femmes. Je pourrai y revenir en répondant à vos questions.
Le troisième axe de ce plan est dédié à l'égalité économique et professionnelle. Ce n'est qu'en garantissant l'accès des femmes aux mêmes opportunités professionnelles et aux mêmes niveaux de rémunération que les hommes que nous atteindrons l'égalité réelle. Des actions permettront de soutenir les publics les plus fragiles dans la parentalité et l'accès à l'emploi. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, les familles monoparentales bénéficient d'une revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial. Les congés maternité et paternité seront également améliorés, en diminuant de dix à six mois la durée d'affiliation nécessaire pour percevoir une indemnisation.
L'apprentissage de la culture de l'égalité, qui constitue le quatrième axe du plan, doit être renforcé dans les lieux de socialisation, dont l'école. Pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles, il est indispensable que les séances d'éducation à la sexualité prévues par la loi soient organisées. Nous déploierons un plan de formation des personnels et diffuserons des ressources pédagogiques qui faciliteront leur tenue. Une enquête quantitative sera publiée chaque année, afin de s'assurer de l'application de la loi.
Nous avons également inscrit dans le plan une mesure assez symbolique. La France ne compte, à ce jour, aucun lieu dédié à la valorisation de l'histoire des luttes pour les droits des femmes. Il est pourtant essentiel de transmettre la mémoire de celles et ceux qui ont combattu pour l'égalité entre les femmes et les hommes et de leur rendre hommage. Nous soutiendrons donc la création d'un musée des féminismes.
Je ne vous ai présenté qu'un petit aperçu des mesures du plan, qui sont très nombreuses.
Au cours des prochaines semaines, j'effectuerai une tournée de l'égalité dans plusieurs départements représentatifs des spécificités de notre pays. Je tiens à l'évoquer, car la démarche peut vous intéresser. Je me rendrai dans les territoires ruraux, en outremer ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Épaulée par des parlementaires et des élus locaux, je présenterai et défendrai les mesures de ce plan ambitieux. Ces déplacements au plus près du terrain seront l'occasion de réunions institutionnelles à la préfecture, mais également d'échanges plus informels avec des citoyennes et des citoyens.
La mise en œuvre des mesures s'appuiera notamment sur le réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est animé par le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, opérateur de mon ministère. La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) sera également associée à la réalisation du plan, dans le cadre de ses missions d'observation et de formation. Les associations soutenues financièrement par l'État participeront aussi au déploiement des actions au niveau national ou local. À terme, un bilan de ce travail sera communiqué aux délégations parlementaires aux droits des femmes – j'y veillerai –, ainsi qu'au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je suis persuadée que c'est en avançant ensemble et de manière transpartisane que nous parviendrons à une égalité réelle. La lutte contre le sexisme est un combat de société. Ce sont des mentalités à faire évoluer, des plafonds de verre à briser, des femmes à protéger. Le Parlement a un rôle majeur à jouer et je connais votre engagement pour être à la hauteur de ce défi.
Je vous remercie de nous avoir présenté le détail de ces mesures, ainsi que d'avoir précisé les éléments qui pourraient être de nature législative et que nous pourrions collectivement défendre au sein de la délégation aux droits des femmes.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Vous avez insisté sur le nombre particulièrement élevé de féminicides survenus depuis le début de l'année, qui témoigne de la persistance de ce fléau dans nos sociétés et de la nécessité de rester mobilisés pour l'éradiquer. Les actions devront s'inscrire dans le long terme. Nous serons donc particulièrement attentifs aux travaux de notre collègue Émilie Chandler et de sa collègue sénatrice concernant les pôles spécialisés, qu'un véhicule législatif pourrait prochainement créer.
Au-delà du plan présenté le 8 mars, l'annonce de la constitutionnalisation du droit à l'avortement était très attendue. Nous la saluons et espérons que cette reconnaissance fera le plus rapidement possible l'objet d'un projet de loi dédié.
Avec plusieurs collègues et la présidente de la délégation, nous avons assisté, il y a quelques jours, à la 67ème session de la Commission de la condition de la femme (CSW) à l'ONU, ce qui nous a permis de mesurer l'importance de notre diplomatie féministe et la nécessité de la renforcer. Nous avons également pu prendre conscience de l'ensemble des attaques actuelles envers les droits des femmes, au niveau international, mais également en Europe et en France. Celles-ci sont parfois insidieuses. Nous ne devons pas nous laisser tromper par les discours en faveur d'une politique nataliste, qui prônent en réalité le retour des femmes à la maison et qui les rendent responsables, par leur accès à l'autonomie et à l'égalité, des échecs de notre société. Ces discours, nous devons les combattre !
J'ai pu échanger avec vous récemment sur le fonctionnement de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (Aripa). Une évaluation de son action doit être réalisée. Les avocats nous signalent en effet que certaines femmes ne perçoivent toujours pas de pension alimentaire parce que leur ex-conjoint est un mauvais payeur. Le dispositif ne s'accompagnant d'aucun fonds de garantie, la caisse d'allocations familiales (CAF) ne peut pas leur verser les sommes dues.
La construction d'une maison des femmes par département a été annoncée. Cette mesure était attendue, mais comment ces structures seront-elles déployées dans l'ensemble de nos territoires ?
Le groupe Horizons est pleinement satisfait par l'annonce de ce plan interministériel pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Il est ambitieux et à la hauteur des enjeux et nous vous soutiendrons dans sa mise en œuvre.
Dans le prolongement de l'audition ce matin de MM. Delaporte et Vojetta à propos de leur proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, je voudrais la déconstruction et la reconstruction des stéréotypes. En effet, les algorithmes auxquels nous sommes constamment soumis dans nos recherches sur internet nous enferment dans ce que nous faisons et dans ce que nous croyons.
Un rapport du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes de janvier 2023 préconise une régulation des contenus numériques, notamment pour lutter contre la persistance de réflexes masculinistes chez les hommes, en particulier chez les jeunes hommes de 25 à 35 ans. Les résultats du baromètre sur le sexisme sont inquiétants. Le fait qu'un employeur embauche un homme plutôt qu'une femme à compétences égales n'est perçu comme un problème que par 67 % des hommes contre 84 % des femmes. Comment comptez-vous aborder ce sujet dans l'axe du plan consacré à la culture de l'égalité ? Comment pourrions-nous mobiliser les réseaux sociaux pour sensibiliser et promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge ?
Je réponds tout d'abord à l'attaque indirecte concernant la politique de natalité que nous souhaiterions mener. Il ne s'agit évidemment pas de prétendre que la place des femmes est à la maison, notre présence nombreuse dans l'hémicycle en témoigne. Notre ambition est, en revanche, de leur donner le choix, sans rien leur imposer, d'avoir des enfants et de ne pas y renoncer faute de moyens financiers ou en raison de trimestres supprimés par une réforme des retraites imposée par votre minorité présidentielle.
L'égalité entre les femmes et les hommes avait été érigée en grande cause nationale du premier quinquennat. Toutefois, votre prédécesseure n'a rien fait. Pour preuve, 63 % des Français jugeaient alors inefficace la politique du gouvernement. Je tiens également à rappeler l'augmentation de 113 % du nombre des agressions sexuelles.
En 2022, le Président a reconduit cette grande cause nationale. Je m'en réjouis, mais je reste dubitative. Comme vous le souligniez tout à l'heure, trente-cinq femmes ont déjà été tuées depuis le début de l'année. Je n'aurai malheureusement pas le temps d'évoquer les derniers incidents, comme cette jeune Niçoise agressée sexuellement par un Tunisien armé d'un couteau alors qu'elle rentrait tranquillement chez elle. Il est inacceptable que 14 % des Françaises déclarent avoir été victimes de violences conjugales en 2022, que celles-ci soient physiques, psychologiques ou administratives, notamment par la confiscation des papiers.
Compte tenu de l'importance du sujet, je vous demande simplement de faire preuve d'une réelle volonté politique. Si c'était le cas, nous en constaterions les résultats, comme en Espagne.
Les femmes sont très clairement désavantagées par la réforme des retraites. Qu'avez-vous fait pour l'éviter ?
Il me semble important de rappeler l'état d'esprit qui est le nôtre dans cette délégation transpartisane. En tant que présidente, je souhaite préserver le caractère constructif de nos travaux et voir cesser les invectives.
Nous en venons aux interventions des autres députés.
Je vous remercie pour ces mots de bon sens, car nous sommes effectivement ici uniquement pour servir la cause des femmes.
Madame la ministre, je tiens personnellement à vous remercier pour le plan que vous avez présenté avec la Première ministre. Lors de votre première audition, je vous avais interpellée au sujet de la santé des femmes. Quelques mois plus tard, je constate avec satisfaction que celui-ci a été pris en compte. Je resterai néanmoins exigeante. Je sais que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Le deuxième axe du plan sur l'égalité entre les femmes et les hommes porte sur la santé des femmes et aborde des thématiques comme l'endométriose, les fausses couches, l'entrée dans la puberté, ou la préménopause et la ménopause. Nous pourrions aller un peu plus loin et imaginer un plan global pour la santé des femmes, qui s'attacherait à prendre en compte le corps des femmes dans son entièreté. Les maisons des femmes, que vous souhaitez implanter dans chacun de nos départements, pourraient contribuer à cette nouvelle approche.
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité prématurée chez les femmes. Or les symptômes, qui ne sont pas identiques à ceux des hommes, sont malheureusement très peu connus. Ne pourrions-nous pas imaginer très rapidement une campagne nationale à ce sujet ? Le corps médical et de nombreuses associations nous soutiendraient dans cette démarche.
Comme mes collègues, je tiens à saluer votre engagement en faveur de la grande cause des deux quinquennats du président Emmanuel Macron. Ce plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes marque la volonté d'aller plus loin.
Parmi les quatre axes de ce plan, le premier porte sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce fléau doit nous interroger collectivement. Il faut nommer les choses : ces féminicides sont des meurtres.
Je suis particulièrement engagée à ce sujet, car nos concitoyennes établies à l'étranger ne sont nullement épargnées, comme je le constate malheureusement beaucoup trop souvent lors de mes visites en circonscription. L'année dernière, 235 femmes ont trouvé le courage de signaler leur situation auprès de nos postes consulaires. Je tiens d'ailleurs à remercier nos agents qui leur viennent en aide avec les moyens limités dont ils disposent.
La question des violences conjugales à l'étranger fait l'objet d'une prise de conscience, comme en atteste le développement, par le réseau associatif, d'applications destinées aux victimes. Ces initiatives sont très positives, mais elles ne sont pas suffisantes. Le plan interministériel prévoit un pack nouveau départ pour faciliter la séparation, l'accompagnement de la victime et la sécurisation de son parcours. Une adaptation de ce dispositif pour les Françaises revenant de l'étranger est-elle envisagée ? Les partenariats associatifs pour cela existent ; je pense notamment à France Horizon, qui a été créée par les ambassadeurs et le Quai d'Orsay il y a trente ans.
La réponse de notre réseau consulaire aux situations de violence reste extrêmement hétérogène, car elle dépend du niveau de sensibilisation du poste concerné. Uniformiser l'intervention institutionnelle suppose des efforts de formation. En avez-vous l'ambition ?
Madame la ministre, vous incarnez très bien le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes ; je vous le dis du fond du cœur.
J'étais à New York le 8 mars, pour la réunion de la CSW. Je confirme que le rôle de la diplomatie féministe est essentiel et que la France est très regardée à ce sujet. Pour ma part – je ne suis pas la seule –, je défends une vision du féminisme qui refuse la xénophobie. Il s'agit de valeurs universelles. Je ne fais aucune différence, pour les victimes comme pour les auteurs, en fonction de la nationalité, de la religion ou de l'origine.
Je voudrais vous faire part d'une remontée du terrain, issue de mes visites dans ma circonscription. Vous l'avez d'ailleurs indiqué, l'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires est le pilier d'une meilleure compréhension des différences, des enjeux de consentement, ainsi que des questions de santé ou d'égalité. Un manque d'intervenants est parfois évoqué, mais je pense qu'il y a aussi un manque de volonté. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ? Avez-vous des informations concernant d'éventuelles différences de traitement entre écoles publiques et écoles privées ?
À la suite du dépôt de plainte, les femmes et les enfants victimes de violences intrafamiliales ressentent souvent un sentiment d'abandon. À Brest, un lieu d'accueil sera ouvert cette année et l'une de ses principales missions sera de suivre l'avancement des dossiers, en se renseignant au cas par cas auprès du tribunal ou de la police. Étant occasionnellement saisie de telles affaires, il m'arrive moi-même de le faire. J'en perçois donc la nécessité. Pensez-vous pouvoir apporter des solutions à ce problème, qui met psychologiquement en difficulté les personnes concernées ?
Je n'étais pas à New York, parce que nous devions finaliser le plan et obtenir les arbitrages qui ont permis d'aboutir à ces 160 mesures. Mon absence n'était pas un signe de désintérêt. Vous le savez peut-être, je participe de manière assidue à différentes rencontres, notamment celles du G7 sur l'égalité des genres. J'étais également à Stockholm il y a quelques semaines pour une conférence mondiale à ce sujet.
Le rayonnement international de la France est essentiel et je crois que la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse, évoquée par Guillaume Gouffier Valente, est un beau signal envoyé au monde et à toutes les femmes du monde. Il protègera les Françaises, en leur donnant la garantie que si un régime très conservateur arrivait au pouvoir, il ne pourrait pas remettre en cause ce droit, devenu fondamental.
La France, qui est le pays de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doit aussi être celui des droits des femmes et constituer une lumière dans un monde de plus en plus obscur. Vous pouvez donc compter sur moi pour défendre le projet de loi qui a été annoncé par le Président de la République le 8 mars.
S'agissant de la diplomatie féministe, Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, est très mobilisée. Nous échangeons de manière quasiment constante à ce sujet. L'une de nos priorités est l'universalisation de la Convention d'Istanbul, qui reconnaît l'existence d'une violence structurelle des sociétés à l'égard des femmes. Nous œuvrons pour que de plus en plus d'États la ratifient.
Des pôles spécialisés seront créés après la remise de leur rapport par les deux parlementaires. Cette mesure a été inscrite dans le plan par la Première ministre. Je m'en réjouis, car j'appelle de mes vœux depuis longtemps cette justice spécialisée. Il ne s'agit pas d'un effet de manche, mais d'une conviction profonde, issue de mes trente années d'expérience comme magistrate. Nous aurons à la fois la garantie que les magistrats qui statueront sur ces affaires seront formés et que les situations seront prises en charge de manière globale, en évitant les décisions divergentes.
Vous m'aviez déjà alertée concernant le fonctionnement de l'Aripa, c'est-à-dire de l'intermédiation en matière de versement des pensions alimentaires. Je me suis donc renseignée. Chaque année, 425 000 couples se séparent. Ces séparations concernent près de 380 000 enfants mineurs et fragilisent les parents qui en ont la garde, en particulier lorsqu'ils sont isolés. En moyenne, les pensions alimentaires représentent un cinquième des ressources d'un foyer. Or 30 % d'entre elles sont impayées ou payées irrégulièrement. Le service public que nous avons créé, et qui a été progressivement étendu, répond donc à un réel besoin. Depuis le 1er janvier 2023, toutes les pensions alimentaires sont éligibles, sauf opposition conjointe des deux parents ou du juge. Les premiers résultats sont encourageants, puisqu'à la fin du mois de janvier, près de 110 000 pensions alimentaires avaient été payées ou avancées par l'intermédiaire des CAF. Ces chiffres progressent chaque mois et devraient permettre de prévenir encore davantage les situations d'impayés. Le plan sur l'égalité entre les femmes et les hommes prévoit le renforcement de ce service public d'intermédiation, qui bénéficiera de la création de 110 emplois dédiés.
Compte tenu des dysfonctionnements que vous m'avez signalés, nous avons, avec mon collègue Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, saisi la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous vous tiendrons informés dès que nous aurons obtenu des éléments. Le problème est en tout cas pris en compte.
Nous employons l'expression maison des femmes par facilité, et parce que nous avons quelques exemples en tête, mais elle recouvre des réalités assez différentes. Dans le plan, nous avons donc fait référence au développement de structures permettant une prise en charge globale et pluridisciplinaire par des professionnels médico-sociaux. L'objectif est de combiner une approche médicale – une consultation médicale ou gynécologique me paraît indispensable –, avec une approche médico-sociale, psychologique, etc. Des associations pourront également organiser des permanences pour l'accès aux droits sur le modèle des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).
Les maisons des femmes étaient déjà prévues dans le cadre du Grenelle, mais celui-ci n'envisageait pas leur généralisation. Nous allons la mettre en œuvre, pour disposer d'au moins une structure par département. Jusqu'à présent, cinquante-six maisons des femmes ont été financées par le ministère de la santé, par le biais de la mission d'intérêt général lancée à l'occasion du Grenelle. Les crédits qui leur ont été alloués se sont élevés à 5 millions d'euros entre 2020 et 2022. La généralisation du dispositif sera réalisée en lien avec Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
La déconstruction des stéréotypes – ou plutôt la lutte contre les stéréotypes pour utiliser un terme plus consensuel – constitue un enjeu majeur, à la fois pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes et pour ouvrir aux filles le champ des possibles. Nous constatons en effet que dès l'âge de six ou sept ans, les filles et les garçons ont des modèles en tête et que ceux-ci conditionnent beaucoup l'avenir.
Tous les échanges que j'ai pu avoir avec des entreprises, des associations ou des chercheurs confirment que dès l'âge de six ou sept ans, les filles ont tendance à se projeter dans les métiers très genrés de la beauté et dans les métiers du soin, de l'attention portée à l'autre, etc. Ce sont de très beaux métiers, mais ils sont tout de même moins rémunérateurs que ceux d'ingénieur par exemple, dans lesquels se projettent les garçons. Les inégalités se fabriquent donc dès le plus jeune âge.
Nous ne devons pas lutter contre les stéréotypes au nom d'une quelconque idéologie, mais pour permettre aux filles et aux garçons d'être plus libres dans leurs choix et d'avoir le champ des possibles ouvert.
En outre, même si les mœurs évoluent, nous restons dans un modèle où le masculin tend à prédominer sur le féminin. Les garçons se voient imposer une certaine virilité et les filles une forme de soumission. Au sein d'un couple, si le conjoint est un peu dominateur, ces représentations forment le terreau des violences.
En matière d'éducation à la sexualité, il s'agit de faire appliquer la loi de 2001, qui prévoit trois séances chaque année tout au long du parcours scolaire. Nous avons souhaité inscrire cette mesure dans le plan pour nous assurer de l'application effective de cette loi. M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, s'est emparé du sujet. Une instruction a été diffusée, ainsi que des outils pédagogiques. Un travail a été engagé entre nos ministères et des associations pour améliorer les contenus. Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, nous publierons un suivi quantitatif pour nous assurer que la loi est appliquée. Le Gouvernement s'est saisi du sujet de manière très volontariste et celui-ci sera au cœur de toutes les attentions.
Concernant la culture de l'égalité, nous avons prévu de déployer un processus de labellisation en matière d'égalité filles-garçons pour les établissements du second degré. Nous allons également mener une revue des programmes d'enseignement moral et civique et d'histoire. L'histoire a parfois été vue avec des yeux d'homme et ne parle que des hommes. Nous voulons en outre sensibiliser les éditeurs et les concepteurs de manuels scolaires aux enjeux d'égalité et de représentation des femmes dans toutes les disciplines. Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui est une grande scientifique, me disait récemment que les énoncés des exercices peuvent, dans certains manuels de mathématiques ou de sciences, être repoussants pour les filles. Je ne les citerai pas toutes, mais de très nombreuses actions sont inscrites dans le plan, pour former les professeurs documentalistes ou sensibiliser les membres des jurys aux biais et stéréotypes qui peuvent affecter leur jugement. Mon ministère travaillera en outre avec les collectivités locales, en s'appuyant sur les délégués départementaux, pour diffuser la culture de l'égalité et lutter contre les stéréotypes, par exemple dans le cadre des activités périscolaires.
Nous ne pouvons pas affirmer, madame Lechanteux, que les violences sexuelles augmentent dans les mêmes proportions que les chiffres peuvent le laisser penser. Depuis 2017 ou 2018, dans le prolongement du mouvement #MeToo et grâce à la politique que nous avons menée lors du précédent quinquennat, les victimes prennent davantage conscience qu'elles ont été exposées à des comportements anormaux et révèlent davantage les faits. Le 3919 est accessible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous encourageons la signature de conventions qui permettent de déposer plainte à l'hôpital. Pour qu'ils soient sensibilisés à ces infractions, 160 000 policiers et gendarmes ont par ailleurs été formés. Tous ces éléments contribuent à faire augmenter le nombre de plaintes, indépendamment de l'évolution du nombre de faits sous-jacents.
Je n'évoquerai pas plus longuement le sujet des retraites. Cette réforme était nécessaire pour sauver le système par répartition. Elle ne creuse pas les inégalités entre les femmes et les hommes, mais elle montre l'existence de ces inégalités tout au long de la vie. Je parlais tout à l'heure de la lutte contre les stéréotypes dès l'âge de six ans. L'objet de ce plan et de ses 160 mesures est de parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes pendant toute leur carrière, afin que les femmes bénéficient, au moment de leur retraite, d'une pension équivalente à celle des hommes. Actuellement, elle est inférieure d'environ 40 %.
Pour répondre à Mme Prisca Thevenot, le plan relatif à la santé des femmes constitue en fait le deuxième axe du plan sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a été élaboré avec M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, de manière transversale. Comme elle l'a rappelé, les risques cardiovasculaires sont importants, mais mal connus et sous-estimés. Deux mesures du plan leur sont consacrées. Il est prévu de mieux sensibiliser les professionnels de santé sur les risques cardiovasculaires des femmes et sur la spécificité de leurs symptômes. Nous déploierons en outre trente bus pour faciliter le dépistage gynécologique et cardiovasculaire des femmes, qui est essentiel, car, si les risques cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité des femmes, 80 % de ces pathologies sont évitables.
Mme Lakrafi, vous avez tout à fait raison d'insister sur la douloureuse situation dans laquelle peuvent se trouver certaines de nos compatriotes vivant à l'étranger. Nous ne devons pas les oublier. Les violences provoquent l'isolement, d'autant plus à l'étranger, dans un pays dont on ne parle pas forcément la langue. Le Quai d'Orsay et Mme Catherine Colonna sont très attentifs à cette question. L'ensemble des agents du réseau consulaire sont sensibilisés à la thématique des violences faites aux femmes, notamment lors des journées annuelles de ce réseau. Des formations spécifiques sont également dispensées par les instituts régionaux d'administration (IRA) et l'Institut de formation aux affaires administratives et consulaires. Des applications sont en outre mises à la disposition des femmes, comme vous l'avez signalé. Je suis prête à soutenir toutes ces initiatives. N'hésitez pas à nous solliciter à ce sujet !
Il est un peu compliqué de déployer le pack nouveau départ à l'étranger, car il s'appuie sur des dispositifs qui existent sur le territoire national. Nous pouvons toutefois réfléchir à son extension. Dans le décret d'application de la loi, qui devra intervenir dans les neuf mois, nous ferons en sorte que l'aide universelle d'urgence s'applique également aux Françaises expatriées, par le biais de la Caisse des Français de l'étranger (CFE).
Mme Clapot, je pense vous avoir répondu en partie concernant l'éducation à la sexualité. J'ai pris note de votre question au sujet d'éventuelles différences de traitement entre les écoles publiques et privées et je la poserai lors de mes discussions avec le ministère de l'éducation nationale.
Mme Melchior, le recueil de la parole des victimes lors du dépôt de plainte est un moment particulièrement important pour la suite de la procédure. Il est essentiel de bien prendre en charge les victimes et leurs enfants à ce moment-là. Le pack nouveau départ permettra un accompagnement global. Les maisons des femmes y contribueront aussi, de même que la création de pôles spécialisés, lesquels seront en effet composés de magistrats particulièrement attentifs à la spécificité du traitement de ces affaires de violences.
Nos missions de parlementaires consistent à représenter nos citoyens à l'Assemblée, à contribuer à l'élaboration de la loi et à contrôler l'action du Gouvernement. Par cette audition, vous nous permettez de le faire et je vous en remercie.
La séance est levée à 11 heures 30.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Mireille Clapot, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Amélia Lakrafi, Mme Julie Lechanteux, Mme Graziella Melchior, Mme Véronique Riotton, Mme Ersilia Soudais, Mme Prisca Thevenot, Mme Anne-Cécile Violland.
Excusée. - Mme Christine Engrand