Je suis intervenue devant vous pour la première fois il y a huit mois. À cette occasion, j'avais évoqué les défis auxquels nous devons faire face pour parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes et faire progresser les droits des femmes. Je vous avais présenté mes priorités pour ce quinquennat et les grandes lignes de la feuille de route interministérielle que m'a confiée la Première ministre.
Le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons lancé avec la Première ministre le 8 mars, sera déployé au cours des quatre prochaines années. Il s'articule autour de quatre axes.
Avant de vous le présenter, je salue la richesse de la collaboration avec votre délégation et particulièrement avec vous, Madame la présidente. Je rappelle également que, depuis 2017, le budget de mon ministère a pratiquement doublé, ce qui nous permet de financer des actions concrètes en faveur des femmes victimes de violences et de sauver des vies. Vous savez combien ce sujet me tient à cœur. Depuis 2021, un numéro d'urgence, le 3919, est accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Je pourrais y revenir plus en détail.
Depuis notre premier échange, la députée Émilie Chandler et la sénatrice Dominique Vérien ont conduit une mission parlementaire sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Certaines de leurs préconisations ont déjà été reprises dans le plan lancé le 8 mars. La proposition de loi de Valérie Létard, qui vise à instituer une aide universelle d'urgence en faveur des victimes de violences, a par ailleurs été adoptée à l'unanimité par les deux chambres, ce qui constitue un symbole fort. Ce vote transpartisan est exemplaire. À un moment où il est important de restaurer la confiance avec nos concitoyens, il montre que nous pouvons nous entendre sur un sujet aussi capital que l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est la grande cause du quinquennat. La vie des femmes, qui représentent 52 % de l'humanité, est un sujet capital. Nous sommes capables de voter à l'unanimité sur des sujets qui constituent des enjeux de société et d'avenir, pour nous-mêmes et pour nos enfants. En tant qu'optimiste résolue, j'y vois un message d'espoir.
Malheureusement, depuis le début de l'année, trente-cinq femmes ont perdu la vie. Ces trente-cinq féminicides doivent nous appeler à faire preuve d'humilité, mais aussi à redoubler d'efforts à différents niveaux.
J'ai lancé, il y a quelques semaines, le pack nouveau départ, qui permettra un accompagnement et un suivi rigoureux des femmes victimes de violences, en s'assurant qu'au moment où elles prennent conscience de la situation de danger, toutes les conditions matérielles sont réunies pour qu'elles puissent s'extraire des griffes de leur bourreau. Dans ce moment de fragilité extrême, tout doit être fait pour limiter les freins économiques et matériels qui risquent de pousser les victimes à faire machine arrière.
Contrairement à ce que certains contempteurs de l'action du Gouvernement ont pu, de mauvaise foi, indiquer dans la presse, ce pack ne vise pas à faire fuir les femmes, mais à les protéger. Certaines ne souhaitent pas rester au domicile, parce qu'elles ont peur. Le pack pourra s'appliquer à celles qui décident de quitter le domicile, notamment pour aller dans des foyers d'hébergement sécurisés où elles pourront cacher leur nouvelle adresse, comme à celles qui préfèrent que leur conjoint soit écarté du domicile par décision judiciaire.
Afin d'adapter le dispositif aux besoins de chaque victime, j'ai souhaité que ce pack soit déployé progressivement. Il a été lancé dans le Val-d'Oise, pour douze semaines. La direction interministérielle de la transformation publique effectuera un suivi attentif, permettant d'éventuels ajustements. Le déploiement interviendra ensuite dans quatre autres territoires, dont un territoire ultramarin, avant une généralisation en 2025.
Autre exemple de travail parlementaire constructif : l'adoption en première lecture à l'Assemblée de la proposition de loi de Cécile Untermaier, qui porte la durée de validité de l'ordonnance de protection de six à douze mois. C'est un marqueur fort de notre volonté de mieux protéger les victimes.
Je vous remercie pour ce formidable travail, qui n'est possible que grâce à une mobilisation conjointe et exemplaire des parlementaires. Je souhaite également insister sur l'importance de la concertation – que j'opère quasiment quotidiennement – avec les associations qui accompagnent les femmes victimes de violences. Les droits des femmes ne sont l'apanage d'aucun groupe politique. Leur défense transcende et devra toujours transcender tous les clivages.
Le plan a été construit en lien avec tous les ministères concernés – une quinzaine de réunions interministérielles se sont tenues –, ainsi qu'avec les acteurs associatifs et de terrain. Il prévoit 160 mesures concrètes et ambitieuses en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour la première fois, nous proposons un plan global, s'articulant autour de quatre axes intégrant tous les sujets liés à l'égalité entre les femmes et les hommes. Les plans précédents traitaient seulement de la lutte contre les violences faites aux femmes ; celui-ci y ajoute la santé des femmes, l'égalité économique et professionnelle, et la culture de l'égalité.
Je ne m'attarderai pas sur le volet concernant la lutte contre les violences faites aux femmes ; je répondrai plutôt à vos questions. Même si le travail mené par les deux parlementaires reste en cours, la Première ministre a déjà retenu trois de leurs préconisations. Des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales seront créés dans toutes les juridictions – tribunal comme cour d'appel – pour garantir la transversalité et assurer une cohérence entre le traitement civil et pénal des affaires. Des ordonnances de protection pourront par ailleurs être rendues dans les vingt-quatre heures pour protéger les victimes et leurs enfants en cas de danger immédiat, ce qui permettra notamment de dissimuler leur nouvelle adresse. La formation des magistrats qui rejoindront ces pôles spécialisés a également été inscrite dans le plan.
La santé des femmes constitue le deuxième axe du plan. Le lancement de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, il y a un an, a marqué une étape clef. Nous devons cependant poursuivre nos efforts en faveur de la santé sexuelle et reproductive des femmes, notamment pour lever le tabou lié aux fausses couches, auxquelles donnent lieu environ 15 % des grossesses. Une femme sur dix sera confrontée à cette épreuve au cours de sa vie. Nous avons donc décidé de supprimer le délai de carence en cas d'arrêt maladie consécutif à une fausse couche, ce qui permettra une indemnisation dès le premier jour. Cette mesure fait l'objet de la proposition de loi déposée par la députée Sandrine Josso, visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausses couches, qui a été adoptée en première lecture à l'Assemblée le 8 mars, date éminemment symbolique pour les droits des femmes.
La lutte contre la précarité menstruelle est un autre sujet important, qui a émergé ces dernières années. Environ 12 % des jeunes filles et des jeunes femmes renoncent à acheter des protections périodiques en raison de leur coût. Nous avons donc prévu le remboursement par la sécurité sociale des protections périodiques réutilisables pour les jeunes femmes, jusqu'à 25 ans inclus. Nous doublerons également le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle, afin de financer des projets associatifs destinés aux femmes précaires.
De nombreuses autres mesures sont prévues concernant la santé des femmes. Je pourrai y revenir en répondant à vos questions.
Le troisième axe de ce plan est dédié à l'égalité économique et professionnelle. Ce n'est qu'en garantissant l'accès des femmes aux mêmes opportunités professionnelles et aux mêmes niveaux de rémunération que les hommes que nous atteindrons l'égalité réelle. Des actions permettront de soutenir les publics les plus fragiles dans la parentalité et l'accès à l'emploi. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, les familles monoparentales bénéficient d'une revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial. Les congés maternité et paternité seront également améliorés, en diminuant de dix à six mois la durée d'affiliation nécessaire pour percevoir une indemnisation.
L'apprentissage de la culture de l'égalité, qui constitue le quatrième axe du plan, doit être renforcé dans les lieux de socialisation, dont l'école. Pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles, il est indispensable que les séances d'éducation à la sexualité prévues par la loi soient organisées. Nous déploierons un plan de formation des personnels et diffuserons des ressources pédagogiques qui faciliteront leur tenue. Une enquête quantitative sera publiée chaque année, afin de s'assurer de l'application de la loi.
Nous avons également inscrit dans le plan une mesure assez symbolique. La France ne compte, à ce jour, aucun lieu dédié à la valorisation de l'histoire des luttes pour les droits des femmes. Il est pourtant essentiel de transmettre la mémoire de celles et ceux qui ont combattu pour l'égalité entre les femmes et les hommes et de leur rendre hommage. Nous soutiendrons donc la création d'un musée des féminismes.
Je ne vous ai présenté qu'un petit aperçu des mesures du plan, qui sont très nombreuses.
Au cours des prochaines semaines, j'effectuerai une tournée de l'égalité dans plusieurs départements représentatifs des spécificités de notre pays. Je tiens à l'évoquer, car la démarche peut vous intéresser. Je me rendrai dans les territoires ruraux, en outremer ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Épaulée par des parlementaires et des élus locaux, je présenterai et défendrai les mesures de ce plan ambitieux. Ces déplacements au plus près du terrain seront l'occasion de réunions institutionnelles à la préfecture, mais également d'échanges plus informels avec des citoyennes et des citoyens.
La mise en œuvre des mesures s'appuiera notamment sur le réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est animé par le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, opérateur de mon ministère. La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) sera également associée à la réalisation du plan, dans le cadre de ses missions d'observation et de formation. Les associations soutenues financièrement par l'État participeront aussi au déploiement des actions au niveau national ou local. À terme, un bilan de ce travail sera communiqué aux délégations parlementaires aux droits des femmes – j'y veillerai –, ainsi qu'au Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je suis persuadée que c'est en avançant ensemble et de manière transpartisane que nous parviendrons à une égalité réelle. La lutte contre le sexisme est un combat de société. Ce sont des mentalités à faire évoluer, des plafonds de verre à briser, des femmes à protéger. Le Parlement a un rôle majeur à jouer et je connais votre engagement pour être à la hauteur de ce défi.