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Intervention de Isabelle Rome

Réunion du jeudi 23 mars 2023 à 9h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Isabelle Rome, ministre :

Je n'étais pas à New York, parce que nous devions finaliser le plan et obtenir les arbitrages qui ont permis d'aboutir à ces 160 mesures. Mon absence n'était pas un signe de désintérêt. Vous le savez peut-être, je participe de manière assidue à différentes rencontres, notamment celles du G7 sur l'égalité des genres. J'étais également à Stockholm il y a quelques semaines pour une conférence mondiale à ce sujet.

Le rayonnement international de la France est essentiel et je crois que la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse, évoquée par Guillaume Gouffier Valente, est un beau signal envoyé au monde et à toutes les femmes du monde. Il protègera les Françaises, en leur donnant la garantie que si un régime très conservateur arrivait au pouvoir, il ne pourrait pas remettre en cause ce droit, devenu fondamental.

La France, qui est le pays de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doit aussi être celui des droits des femmes et constituer une lumière dans un monde de plus en plus obscur. Vous pouvez donc compter sur moi pour défendre le projet de loi qui a été annoncé par le Président de la République le 8 mars.

S'agissant de la diplomatie féministe, Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, est très mobilisée. Nous échangeons de manière quasiment constante à ce sujet. L'une de nos priorités est l'universalisation de la Convention d'Istanbul, qui reconnaît l'existence d'une violence structurelle des sociétés à l'égard des femmes. Nous œuvrons pour que de plus en plus d'États la ratifient.

Des pôles spécialisés seront créés après la remise de leur rapport par les deux parlementaires. Cette mesure a été inscrite dans le plan par la Première ministre. Je m'en réjouis, car j'appelle de mes vœux depuis longtemps cette justice spécialisée. Il ne s'agit pas d'un effet de manche, mais d'une conviction profonde, issue de mes trente années d'expérience comme magistrate. Nous aurons à la fois la garantie que les magistrats qui statueront sur ces affaires seront formés et que les situations seront prises en charge de manière globale, en évitant les décisions divergentes.

Vous m'aviez déjà alertée concernant le fonctionnement de l'Aripa, c'est-à-dire de l'intermédiation en matière de versement des pensions alimentaires. Je me suis donc renseignée. Chaque année, 425 000 couples se séparent. Ces séparations concernent près de 380 000 enfants mineurs et fragilisent les parents qui en ont la garde, en particulier lorsqu'ils sont isolés. En moyenne, les pensions alimentaires représentent un cinquième des ressources d'un foyer. Or 30 % d'entre elles sont impayées ou payées irrégulièrement. Le service public que nous avons créé, et qui a été progressivement étendu, répond donc à un réel besoin. Depuis le 1er janvier 2023, toutes les pensions alimentaires sont éligibles, sauf opposition conjointe des deux parents ou du juge. Les premiers résultats sont encourageants, puisqu'à la fin du mois de janvier, près de 110 000 pensions alimentaires avaient été payées ou avancées par l'intermédiaire des CAF. Ces chiffres progressent chaque mois et devraient permettre de prévenir encore davantage les situations d'impayés. Le plan sur l'égalité entre les femmes et les hommes prévoit le renforcement de ce service public d'intermédiation, qui bénéficiera de la création de 110 emplois dédiés.

Compte tenu des dysfonctionnements que vous m'avez signalés, nous avons, avec mon collègue Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, saisi la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous vous tiendrons informés dès que nous aurons obtenu des éléments. Le problème est en tout cas pris en compte.

Nous employons l'expression maison des femmes par facilité, et parce que nous avons quelques exemples en tête, mais elle recouvre des réalités assez différentes. Dans le plan, nous avons donc fait référence au développement de structures permettant une prise en charge globale et pluridisciplinaire par des professionnels médico-sociaux. L'objectif est de combiner une approche médicale – une consultation médicale ou gynécologique me paraît indispensable –, avec une approche médico-sociale, psychologique, etc. Des associations pourront également organiser des permanences pour l'accès aux droits sur le modèle des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Les maisons des femmes étaient déjà prévues dans le cadre du Grenelle, mais celui-ci n'envisageait pas leur généralisation. Nous allons la mettre en œuvre, pour disposer d'au moins une structure par département. Jusqu'à présent, cinquante-six maisons des femmes ont été financées par le ministère de la santé, par le biais de la mission d'intérêt général lancée à l'occasion du Grenelle. Les crédits qui leur ont été alloués se sont élevés à 5 millions d'euros entre 2020 et 2022. La généralisation du dispositif sera réalisée en lien avec Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.

La déconstruction des stéréotypes – ou plutôt la lutte contre les stéréotypes pour utiliser un terme plus consensuel – constitue un enjeu majeur, à la fois pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes et pour ouvrir aux filles le champ des possibles. Nous constatons en effet que dès l'âge de six ou sept ans, les filles et les garçons ont des modèles en tête et que ceux-ci conditionnent beaucoup l'avenir.

Tous les échanges que j'ai pu avoir avec des entreprises, des associations ou des chercheurs confirment que dès l'âge de six ou sept ans, les filles ont tendance à se projeter dans les métiers très genrés de la beauté et dans les métiers du soin, de l'attention portée à l'autre, etc. Ce sont de très beaux métiers, mais ils sont tout de même moins rémunérateurs que ceux d'ingénieur par exemple, dans lesquels se projettent les garçons. Les inégalités se fabriquent donc dès le plus jeune âge.

Nous ne devons pas lutter contre les stéréotypes au nom d'une quelconque idéologie, mais pour permettre aux filles et aux garçons d'être plus libres dans leurs choix et d'avoir le champ des possibles ouvert.

En outre, même si les mœurs évoluent, nous restons dans un modèle où le masculin tend à prédominer sur le féminin. Les garçons se voient imposer une certaine virilité et les filles une forme de soumission. Au sein d'un couple, si le conjoint est un peu dominateur, ces représentations forment le terreau des violences.

En matière d'éducation à la sexualité, il s'agit de faire appliquer la loi de 2001, qui prévoit trois séances chaque année tout au long du parcours scolaire. Nous avons souhaité inscrire cette mesure dans le plan pour nous assurer de l'application effective de cette loi. M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, s'est emparé du sujet. Une instruction a été diffusée, ainsi que des outils pédagogiques. Un travail a été engagé entre nos ministères et des associations pour améliorer les contenus. Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, nous publierons un suivi quantitatif pour nous assurer que la loi est appliquée. Le Gouvernement s'est saisi du sujet de manière très volontariste et celui-ci sera au cœur de toutes les attentions.

Concernant la culture de l'égalité, nous avons prévu de déployer un processus de labellisation en matière d'égalité filles-garçons pour les établissements du second degré. Nous allons également mener une revue des programmes d'enseignement moral et civique et d'histoire. L'histoire a parfois été vue avec des yeux d'homme et ne parle que des hommes. Nous voulons en outre sensibiliser les éditeurs et les concepteurs de manuels scolaires aux enjeux d'égalité et de représentation des femmes dans toutes les disciplines. Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui est une grande scientifique, me disait récemment que les énoncés des exercices peuvent, dans certains manuels de mathématiques ou de sciences, être repoussants pour les filles. Je ne les citerai pas toutes, mais de très nombreuses actions sont inscrites dans le plan, pour former les professeurs documentalistes ou sensibiliser les membres des jurys aux biais et stéréotypes qui peuvent affecter leur jugement. Mon ministère travaillera en outre avec les collectivités locales, en s'appuyant sur les délégués départementaux, pour diffuser la culture de l'égalité et lutter contre les stéréotypes, par exemple dans le cadre des activités périscolaires.

Nous ne pouvons pas affirmer, madame Lechanteux, que les violences sexuelles augmentent dans les mêmes proportions que les chiffres peuvent le laisser penser. Depuis 2017 ou 2018, dans le prolongement du mouvement #MeToo et grâce à la politique que nous avons menée lors du précédent quinquennat, les victimes prennent davantage conscience qu'elles ont été exposées à des comportements anormaux et révèlent davantage les faits. Le 3919 est accessible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Nous encourageons la signature de conventions qui permettent de déposer plainte à l'hôpital. Pour qu'ils soient sensibilisés à ces infractions, 160 000 policiers et gendarmes ont par ailleurs été formés. Tous ces éléments contribuent à faire augmenter le nombre de plaintes, indépendamment de l'évolution du nombre de faits sous-jacents.

Je n'évoquerai pas plus longuement le sujet des retraites. Cette réforme était nécessaire pour sauver le système par répartition. Elle ne creuse pas les inégalités entre les femmes et les hommes, mais elle montre l'existence de ces inégalités tout au long de la vie. Je parlais tout à l'heure de la lutte contre les stéréotypes dès l'âge de six ans. L'objet de ce plan et de ses 160 mesures est de parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes pendant toute leur carrière, afin que les femmes bénéficient, au moment de leur retraite, d'une pension équivalente à celle des hommes. Actuellement, elle est inférieure d'environ 40 %.

Pour répondre à Mme Prisca Thevenot, le plan relatif à la santé des femmes constitue en fait le deuxième axe du plan sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a été élaboré avec M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention, de manière transversale. Comme elle l'a rappelé, les risques cardiovasculaires sont importants, mais mal connus et sous-estimés. Deux mesures du plan leur sont consacrées. Il est prévu de mieux sensibiliser les professionnels de santé sur les risques cardiovasculaires des femmes et sur la spécificité de leurs symptômes. Nous déploierons en outre trente bus pour faciliter le dépistage gynécologique et cardiovasculaire des femmes, qui est essentiel, car, si les risques cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité des femmes, 80 % de ces pathologies sont évitables.

Mme Lakrafi, vous avez tout à fait raison d'insister sur la douloureuse situation dans laquelle peuvent se trouver certaines de nos compatriotes vivant à l'étranger. Nous ne devons pas les oublier. Les violences provoquent l'isolement, d'autant plus à l'étranger, dans un pays dont on ne parle pas forcément la langue. Le Quai d'Orsay et Mme Catherine Colonna sont très attentifs à cette question. L'ensemble des agents du réseau consulaire sont sensibilisés à la thématique des violences faites aux femmes, notamment lors des journées annuelles de ce réseau. Des formations spécifiques sont également dispensées par les instituts régionaux d'administration (IRA) et l'Institut de formation aux affaires administratives et consulaires. Des applications sont en outre mises à la disposition des femmes, comme vous l'avez signalé. Je suis prête à soutenir toutes ces initiatives. N'hésitez pas à nous solliciter à ce sujet !

Il est un peu compliqué de déployer le pack nouveau départ à l'étranger, car il s'appuie sur des dispositifs qui existent sur le territoire national. Nous pouvons toutefois réfléchir à son extension. Dans le décret d'application de la loi, qui devra intervenir dans les neuf mois, nous ferons en sorte que l'aide universelle d'urgence s'applique également aux Françaises expatriées, par le biais de la Caisse des Français de l'étranger (CFE).

Mme Clapot, je pense vous avoir répondu en partie concernant l'éducation à la sexualité. J'ai pris note de votre question au sujet d'éventuelles différences de traitement entre les écoles publiques et privées et je la poserai lors de mes discussions avec le ministère de l'éducation nationale.

Mme Melchior, le recueil de la parole des victimes lors du dépôt de plainte est un moment particulièrement important pour la suite de la procédure. Il est essentiel de bien prendre en charge les victimes et leurs enfants à ce moment-là. Le pack nouveau départ permettra un accompagnement global. Les maisons des femmes y contribueront aussi, de même que la création de pôles spécialisés, lesquels seront en effet composés de magistrats particulièrement attentifs à la spécificité du traitement de ces affaires de violences.

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