La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin relative au régime juridique des actions de groupe (n° 639, 862).
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous sommes heureux, Philippe Gosselin et moi-même, de présenter la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe, fruit d'un travail transpartisan conduit depuis des années dans la plus parfaite harmonie.
Il s'agit d'un texte de procédure en apparence technique, mais en réalité, c'est surtout un texte concernant les libertés publiques qui renforce l'accès au juge. La France avait pris beaucoup de retard en matière d'action de groupe, comme l'a mis en évidence le rapport pour avis de la commission des affaires européennes. Nous nous apprêtons, je l'espère, à y remédier.
La commission des lois a adopté cette proposition de loi le 15 février à l'unanimité. Je forme le vœu qu'il en soit de même dans cet hémicycle.
Nous remercions Mme la présidente de l'Assemblée nationale qui a tenu à inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour d'une des semaines réservées au Parlement. En effet, elle est le fruit d'un travail transpartisan que nous avons conduit pendant plusieurs années. Elle fait suite aux recommandations de la mission d'information, créée au cours de la précédente législature, sur le bilan et les perspectives des actions de groupe.
Partant du constat de l'échec de l'action de groupe à la française, cette mission d'information avait formulé plusieurs propositions qui avaient été adoptées elles aussi à l'unanimité par la commission des lois.
La proposition de loi que nous avons déposée en décembre dernier reprend ces propositions. Elle repose sur trois axes majeurs, trois piliers fondamentaux qui rénovent de fond en comble le régime juridique de l'action de groupe.
D'abord, elle institue un cadre unifié, commun à toutes les actions de ce type. C'est une simplification très importante car il n'existe actuellement pas moins de sept régimes juridiques différents pour l'exercice d'une action de groupe.
Ensuite, pour donner toutes leurs chances à ces actions, elle procède à un triple élargissement : de la qualité pour agir, du champ matériel – étendu à tous les droits subjectifs – et du préjudice indemnisable.
Enfin, nous créons une sanction civile spécifique applicable en cas de faute délibérée ayant créé des dommages sériels.
Sur ces trois axes majeurs, nous n'avons pas transigé.
Nous avons, en revanche, procédé en commission à plusieurs ajustements pour tenir compte de l'avis du Conseil d'État et pour transposer la directive européenne du 25 novembre 2020 sur les actions représentatives. Nous avons en effet eu la chance, grâce à Mme la présidente de l'Assemblée nationale, que les travaux de la commission soient éclairés par un avis du Conseil d'État. Celui-ci nous a recommandé de réécrire notre proposition de loi, qui s'insérait initialement dans le code civil, pour lui donner la forme d'une loi-cadre non codifiée. Nous avons alors soumis à la commission des lois seize amendements de réécriture qui ont été adoptés.
Sur la forme, le texte examiné en séance est donc très différent de celui qui a été déposé initialement. Cependant, sur le fond, la réécriture a repris l'essentiel des dispositions initiales de la proposition de loi. Nous y avons ajouté quelques dispositions relatives à la transposition de la directive et nous avons renforcé, monsieur ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, certaines conditions sur la qualité pour agir et sur la recevabilité de l'action.
Nous vous présenterons lors de l'examen des articles quelques amendements complémentaires qui vont dans le même sens. Leur but est de renforcer juridiquement le texte sans revenir sur ses options fondamentales. Nous complétons également à la marge la transposition de la directive en veillant à ne pas complexifier le régime juridique de l'action de groupe.
Ce travail a été mené en collaboration avec Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, que nous remercions pour sa disponibilité et son soutien précieux.
Certes, il subsiste quelques divergences, quelques points de désaccord. Le Gouvernement présente de nombreux amendements. Nous ne serons pas favorables à tous. Le débat aura lieu et sera riche. Mais cela ne doit pas occulter le fait que nous sommes d'accord sur l'essentiel.
Nous partageons, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la volonté d'instaurer un régime de l'action de groupe plus efficace et plus opérationnel, un régime unifié et universel qui favorise l'accès au juge pour tous.
Enfin, je tiens à souligner le travail remarquable des administrateurs Raphaële Jegou et Ludovic Pinto, comme l'implication depuis l'origine de mon collaborateur Gilles Lacan.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, SOC et sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je me réjouis de vous présenter à la suite de Laurence Vichnievsky cette proposition de loi sur laquelle nous avons beaucoup travaillé en duo attentif, complémentaire, exigeant et transpartisan. Ce texte manifeste la valeur du travail parlementaire que nos commissions produisent abondamment et qui, trop souvent, n'est pas suffisamment exploité. Réjouissons-nous donc d'avoir passé la quinzième législature et de participer à la seizième qui nous réunit.
Dans un rapport que nous avions commis au printemps 2020 et qui est en quelque sorte l'étude d'impact du texte que nous vous présentons, nous avions fait le constat que la procédure de l'action de groupe fonctionnait mal : seules trente-deux actions de groupe ont été intentées depuis 2014. Or l'action de groupe est extrêmement utile : elle permet à des victimes ayant subi un préjudice de faible montant, ou à des victimes vulnérables, de ne pas se lancer seules dans une action en justice. Ce n'est pas rien.
Convaincus que l'amélioration de cette procédure est dans l'intérêt des justiciables, nous vous présentons une proposition de loi qui procède à plusieurs élargissements, dans le but de renforcer le droit des consommateurs, mais pas seulement. C'est plus largement l'accès au juge et donc à la justice qui est en jeu. C'est une question de société.
La Défenseure des droits s'est d'ailleurs félicitée dans son avis au Parlement des avancées prévues : elle a salué l'instauration d'un régime général de droit commun des actions de groupe, l'élargissement de la qualité à agir, l'accélération de la procédure et la réparation intégrale du préjudice, nouveautés introduites par cette proposition de loi.
Entendons-nous bien. Il ne s'agit en aucun cas de calquer ou d'importer dans notre système juridique la class action à l'américaine, avec ses dommages et intérêts punitifs et ses cabinets d'avocats qui se comportent parfois en chasseurs de primes. Notre action de groupe est bien membre de cette fratrie, mais elle n'est pas la sœur jumelle de la class action. Nous nous inscrivons dans la perspective du droit continental avec une vision plus européenne qu'anglo-saxonne, cette dernière présentant parfois des excès. Nous refusons ainsi les dommages et intérêts punitifs et nous réservons à des organismes à but non lucratif la qualité pour agir.
Il n'y a aucune méfiance à l'égard des avocats. Les avocats ont toute leur place dans l'action de groupe à la française car ils représentent tout à fait légitimement les parties. Je rappelle que le ministère de l'avocat sera obligatoire pour la plupart des actions de groupe. En revanche, ils ne peuvent pas être eux-mêmes demandeurs d'une action de groupe, financer les actions en justice ou en faire la publicité. Ce n'est après tout que le droit commun en France. Rien de scandaleux dans ce cadre.
Je veux aussi rassurer les entreprises, car nous avons entendu s'exprimer des inquiétudes. Notre objectif n'est absolument pas de les mettre en difficulté. Nous laissons à d'autres le soin de les « mettre à genoux », pour reprendre un slogan que nous avons malheureusement entendu ces derniers jours.
Non, il s'agit de rénover un dispositif qui ne fonctionne pas actuellement. Notre proposition de loi modifie la procédure mais ne change en rien le fond du droit – il faut le rappeler.
Au-delà de ces évolutions procédurales, nous avons eu à cœur de proposer des solutions au problème du financement des associations qui portent l'action de groupe. Nous vous proposerons notamment que l'État puisse prendre en charge les dépens en cas de rejet de la demande. Ces dispositions sont inspirées par la directive européenne que nous transposons ici, comme Laurence Vichnievsky l'a souligné. Les États membres doivent instaurer des mécanismes de prise en charge des frais de procédure, ou du moins tenter de réduire les frais de procédure pour les organismes chargés d'introduire des actions de groupe. C'est ce que nous faisons dans cette proposition de loi. Nous vous proposerons sur ce sujet quelques amendements complémentaires, notamment un qui tient compte d'une recommandation de la Défenseure des droits. Nous proposerons ainsi que les astreintes prononcées par le juge puissent être allouées au demandeur et non pas au Trésor public. Cela va dans le sens du renforcement des associations qui portent les actions de groupe, qui sont parfois en difficulté, il faut le reconnaître. Toujours sur ce sujet de l'aide au financement de la procédure, nous proposerons également de préciser les conditions dans lesquelles les dépens peuvent être mis à la charge de l'État.
D'autres amendements que nous déposons sont issus de nos échanges avec le Gouvernement. Je tiens à préciser que quelques points sont encore en débat mais je remercie très sincèrement, à mon tour, les services de Bercy et des autres ministères pour leur disponibilité et nos échanges fructueux. Quelques divergences, quelques points d'accroche subsistent, comme nous le verrons. Mais retenons l'essentiel : pour le principal, nous sommes sur la même longueur d'onde.
Nous gardons notre cadre unifié. C'est l'apport majeur à nos yeux de ce texte. Nous avons néanmoins conscience qu'à la marge, il est sans doute nécessaire d'introduire quelques spécificités. Nous vous proposerons d'insérer dans la proposition de loi un chapitre comprenant quelques dispositions spécifiques limitées en matière de réparation du préjudice corporel. De même, l'un de nos amendements vise à sécuriser l'action récursoire de la sécurité sociale.
Grâce à cette proposition de loi, nous aurons donc un régime unifié, une action de groupe universelle, plus opérationnelle, qui renforce l'accès au juge. Je ne doute pas que ces éléments seront repris dans les débats en séance publique.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, au nom de la commission des affaires européennes.
J'ai le plaisir de m'exprimer devant vous au nom de la commission des affaires européennes, en tant que rapporteur portant observations sur la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.
Quand l'Union européenne fait quelque chose de bien, je l'affirme, d'autant que c'est assez rare pour être souligné. Je porterais donc un avis plutôt positif sur cette initiative européenne, dans la mesure où elle renforce les droits du consommateur français. En effet, la proposition de loi opère une refonte de ce régime juridique de l'action de groupe à la française en cohérence avec les dispositions de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE, dont elle assure une transposition partielle. Cette directive ayant été adoptée le 24 novembre 2020 par le Parlement européen, chaque État membre devait mettre son droit en conformité avec ses dispositions avant le 25 décembre dernier pour une entrée en vigueur au plus tard le 25 juin 2023.
Avec cette proposition de loi, ce sera chose faite, pour l'entier bénéfice du consommateur français. En effet, l'action de groupe est un recours collectif en justice pour réparer un préjudice représentant de faibles montants monétaires ou faire cesser un comportement délictueux lésant le consommateur. L'action de groupe est, dès lors, pour des consommateurs démunis face à des multinationales aguerries, un moyen de défense et une protection nécessaire.
Longtemps déconsidérée car assimilée à la class action américaine, devenue du fait de cette assimilation l'image fantasmatique de toutes les dérives associées à la jungle libérale d'un marché américain dérégulé, l'action de groupe telle que nous l'envisageons évite pourtant ces écueils. La directive a toutefois fait l'objet d'une gestation longue et difficile.
La France a soutenu une position mesurée : celle du respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Malgré une percée en droit interne réalisée par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite Hamon, l'action de groupe n'a pas pris sur le terreau du droit français du fait des nombreux freins posés par le législateur.
Après le scandale des moteurs truqués de Volkswagen en 2015 et les annulations de vol en série commises par l'entreprise Ryanair en 2017, il y avait urgence à adapter notre droit pour assurer une meilleure défense du consommateur français. La directive (UE) 2020/1828 crée un système original d'action de groupe européenne pour rendre effective la protection du droit des consommateurs, qui prévoit que chaque État membre doit instaurer un régime juridique d'action de groupe conforme à son droit interne et que tout consommateur européen doit pouvoir se joindre à des actions de groupe transfrontalières pour obtenir réparation d'un même préjudice. Les droits du consommateur sont ainsi garantis à une double échelle, tant pour les actions en cessation que pour les actions en réparation.
Pour répondre aux préventions de certains États membres, la directive prévoit plusieurs garanties : soumission à des critères en matière de transparence de la désignation et du financement des entités qualifiées autorisées à plaider, limitation des clauses d'options de retrait, remboursement des frais de justice à la partie gagnante, obligation d'informer les potentiels demandeurs d'une action collective, interdiction d'octroyer des dommages et intérêts punitifs et de verser aux avocats des honoraires de résultat, afin de dissuader ces derniers d'engager des procédures abusives. Le contrôle des dispositions relatives aux demandes d'agrément, à la prévention des conflits d'intérêts ou au financement des actions par des tiers semble pourtant insuffisant, et le risque est important de voir se multiplier les saisines des tribunaux les plus susceptibles de donner raison aux demandeurs.
Cependant, je déplore surtout qu'un fonds de soutien financier aux actions de groupe n'ait pas été instauré – même si la directive ne l'exige pas. En effet, les auteurs de la proposition avaient identifié l'absence d'un tel fonds comme un frein au développement des actions de groupe en France, où, à l'inverse du modèle américain, l'action ne permet pas des gains substantiels pour les cabinets d'avocats. Notons que ce dispositif a fait ses preuves, aussi bien au Québec qu'en Israël. Je regrette donc que l'amendement que j'avais déposé en ce sens ait été déclaré irrecevable au titre l'article 40, et j'espère que nous pourrons, à l'avenir, étudier la création d'un tel fonds.
La proposition de loi reste néanmoins une belle avancée au bénéfice du consommateur français, et je salue donc son dépôt.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Si la France est un des pays qui protège le mieux les consommateurs, c'est parce que nous savons que l'économie comme la justice reposent sur la confiance : confiance dans la qualité et la sécurité des biens et services que nous achetons, confiance, aussi, dans notre capacité à détecter et sanctionner rapidement les pratiques qui ne respecteraient pas ces obligations essentielles.
Il faut ici saluer le rôle central de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour détecter et sanctionner les pratiques susceptibles de léser les consommateurs, ainsi que celui joué par les associations de défense, qui participent également à cette politique de protection.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dont l'article 1er introduit l'action de groupe à la française, a marqué une étape importante dans ce combat essentiel. Je précise « à la française » car, lorsqu'on évoque l'action de groupe, on ne peut s'empêcher de penser aux class actions américaines, que nous connaissons bien puisque les procédures et les enjeux financiers colossaux qu'elles impliquent ont nourri de nombreuses productions hollywoodiennes. Mais les tragédies vécues par nos concitoyens ne devant pas risquer de se transformer en farces, la loi française a été construite à rebours du modèle américain.
Les différentes réformes dont l'action de groupe a fait l'objet depuis sa création, en 2014, ont toutes préservé son équilibre initial. Son champ d'application a ainsi progressivement été étendu à d'autres secteurs que la consommation, qui présentent chacun des spécificités propres. En 2016, la loi de modernisation de notre système de santé a ouvert aux associations agréées d'usagers du système de santé la possibilité d'intenter des actions de groupe au nom des dommages causés par des produits de santé. La même année, la loi de modernisation de la justice du XXI
Comme vous pouvez le constater, le régime juridique des actions de groupe est complexe : sans entrer dans le détail, il repose sur sept fondements juridiques différents, cinq codes et deux lois, chacun prévoyant des règles procédurales et de fond, un champ du préjudice indemnisable et des modalités de réparation qui lui sont propres. Le système peut donc être amélioré.
En effet, depuis 2014, seules vingt et une actions de groupe ont été intentées, dont quatorze en matière de droit de la consommation. Trois procédures ont donné lieu à des accords de médiation – toutes en matière de consommation –, et six jugements de rejet ont été rendus en premier ressort sur des moyens de procédure ou de fond. Il ne reste donc que douze procédures en cours, certaines remontant déjà à 2014 ou 2015. Le bilan est décevant, et les causes de cet échec relatif ont été longuement analysées par la mission parlementaire menée par les rapporteurs – je tiens d'ailleurs à saluer la qualité de leur travail.
Comme eux, je pense que l'action de groupe doit avant tout faciliter l'accès des justiciables à la justice : elle trouve donc pleinement son sens lorsque l'action est complexe à mener, que les forces en présence sont profondément déséquilibrées ou que les enjeux financiers individuels sont trop faibles pour justifier la saisie de la justice. Elle doit trouver sa place dans notre arsenal juridique, aux côtés d'autres actions qui visent à défendre les victimes d'un même comportement, comme les actions en défense de l'intérêt collectif, dans lesquelles les acteurs traditionnels, comme les organisations syndicales, occupent un rôle central qu'il faut préserver. Je pense aussi aux actions conjointes de plusieurs victimes – notamment lorsqu'elles sont peu nombreuses ou facilement identifiables –, qui donnent des résultats satisfaisants.
Le Gouvernement partage le constat des rapporteurs : il est nécessaire de lever les obstacles aux actions de groupe, essentiellement liés à leur complexité. C'est d'ailleurs sur la base de ce constat que le précédent gouvernement avait soutenu la directive « actions représentatives », adoptée le 25 novembre 2020 par l'Union européenne. C'est également à ce titre que le Gouvernement soutient pleinement la démarche défendue dans la proposition de loi. En effet, le texte permet non seulement de transposer la directive européenne, mais aussi d'aller plus loin : rendre l'action de groupe plus accessible, et donc plus utile – un objectif que nous partageons tous ici. Au nom du Gouvernement, je tiens donc à remercier les rapporteurs d'avoir dès le départ intégré dans leur texte de nombreux points de la transposition ; d'autres indispensables compléments pour achever la transposition font l'objet de plusieurs amendements. J'en profite pour saluer l'ensemble des groupes présents, qui, en commission, ont adopté à l'unanimité ce texte qui améliore le régime de l'action de groupe.
À travers plusieurs amendements allant dans ce sens, que j'aurai le plaisir de vous présenter, le Gouvernement proposera d'apporter quelques précisions et modifications qui visent toutes le même objectif : faire de l'action de groupe une procédure efficace. Au nom du Gouvernement, je veux d'ailleurs saluer la saisine du Conseil d'État, dont l'avis a permis de renforcer la proposition initiale des rapporteurs. En effet, il convient de s'assurer que de bonnes intentions ne produisent pas d'effets négatifs : nous ne voulons pas de class actions à l'américaine, mais bien des actions de groupe à la française.
C'est d'ailleurs pour cette raison que nous souscrivons pleinement à votre proposition de renforcer la spécialisation des tribunaux en matière d'actions de groupe : comme vous, nous pensons préférable que ce type de contentieux soit traité par des juridictions préalablement désignées, certes moins nombreuses, mais dont les magistrats auront été mieux sensibilisés et formés aux spécificités de ces contentieux, et seront donc plus à même de les traiter. Cela permettra en outre à cette procédure de trouver enfin pleinement sa place dans le paysage juridique français. Si le Gouvernement a déposé quelques amendements techniques, tendant à assurer le respect des principes de notre organisation judiciaire, il souscrit pleinement à l'objectif du texte. Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, notre démarche vient donc en appui de votre proposition de loi : nous avons à cœur de voir votre texte prospérer, et donc d'assurer sa conformité à la Constitution. À cette fin, les débats nous donneront l'occasion de préciser plusieurs points.
Les spécificités de l'action de groupe à la française concernent trois points essentiels : son champ d'application, les personnes concernées et les sanctions pouvant être prononcées.
Tout d'abord, vous avez souhaité que le champ d'application de l'action de groupe, jusqu'alors cantonnée à des domaines limitativement énumérés, soit très largement étendu. Si le Gouvernement en prend bonne note et partage votre volonté de créer un socle procédural commun à toutes les actions de groupe, afin de les simplifier et d'améliorer leur visibilité, il lui semble néanmoins que des règles spécifiques peuvent rester ponctuellement nécessaires. En effet, l'action de groupe a historiquement prospéré dans le domaine de la consommation : or, le travail et la santé ne sont pas des biens de consommation comme les autres, et peuvent justifier l'édiction de règles spécifiques. Je tiens en particulier à préserver le rôle spécifique joué par les syndicats en matière de droit du travail.
Ensuite, l'action de groupe doit être plus accessible qu'elle ne l'est aujourd'hui, et le Gouvernement partage donc votre objectif d'améliorer cette accessibilité en autorisant à agir des associations qui ne disposaient pas de l'agrément jusqu'à présent. Néanmoins, certains garde-fous sont nécessaires pour s'assurer que ceux qui se lancent dans une action de groupe auront les moyens de la poursuivre tout au long de procédures qui peuvent se révéler longues, et vérifier que la procédure n'est pas dévoyée au profit d'intérêts extérieurs à l'action pouvant déstabiliser les entreprises.
La directive européenne prévoit en outre des garanties pour les actions de groupe transfrontalières et des mécanismes de vérification de la transparence et de l'absence de conflits d'intérêts, corollaires de l'ouverture de la qualité pour agir et intenter une action de groupe.
Là encore, je présenterai au nom du Gouvernement des amendements allant dans le même sens : en effet, indépendamment de l'issue des procédures, l'ouverture de la qualité à agir renforce le risque réputationnel, et nous ne pouvons risquer que l'action de groupe soit instrumentalisée et utilisée à des fins de déstabilisation des entreprises françaises.
Nous devons également veiller à ce que la vérification de la qualité à agir ne donne pas lieu à des contentieux multiples, ce qui augmenterait la charge des juridictions et allongerait le délai de traitement des contentieux. Si l'obtention de la qualité à agir doit être facilitée, et donc simplifiée, elle doit néanmoins reposer sur des critères objectifs qui ne soient pas source de contentieux.
Enfin, s'il est évident qu'il faut sanctionner plus lourdement les entreprises qui auraient intentionnellement commis une faute – sur ce point, le Gouvernement rejoint pleinement les rapporteurs –, les sanctions doivent rester proportionnées. Le Gouvernement a donc déposé quatre amendements à l'article 2 undecies qui tendent à réviser les plafonds de sanction et à introduire un plafond spécifique pour les PME. Ces propositions traduisent d'ailleurs les recommandations formulées par le Conseil d'État.
Les rapporteurs, qui se sont saisis dès 2020 du sujet de l'action de groupe, connaissent ces préoccupations. Je sais leur conviction, leur travail et leur engagement sur cette question. Je sais aussi qu'ils partagent le constat fondamental que je rappelais en introduction : l'économie comme la justice reposent sur la confiance. L'action de groupe doit prendre la place qui lui revient légitimement dans notre droit positif, afin de protéger de manière adéquate les intérêts collectifs légitimes. Nos débats permettront de progresser ensemble en ce sens, et je m'en réjouis.
Je suis très satisfait que le texte discuté aujourd'hui intègre la transposition d'une directive européenne mais, surtout, qu'il soit issu d'un travail d'évaluation conduit par des parlementaires. Enfin, en sollicitant l'avis du Conseil d'État en amont de l'examen du texte, afin d'en avoir une évaluation, l'Assemblée nationale s'est pleinement saisie des outils qui lui sont offerts : je m'en réjouis. Par ailleurs, je suis heureux que le cabinet de la ministre déléguée Olivia Grégoire et les services du ministère de l'économie aient travaillé en si bonne intelligence avec les deux rapporteurs, que je remercie une nouvelle fois pour leur travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.
Nous voilà au terme de la deuxième étape de l'examen d'un texte fondamental issu d'une initiative parlementaire et, surtout, transpartisane. Son principal objectif est la défense des intérêts des parties les plus vulnérables. Au-delà des sensibilités politiques, ce dessein est l'affaire de tous : l'adoption du texte à l'unanimité en commission des lois révèle, fort heureusement, qu'il nous est – comme il le doit – bel et bien commun. C'est dans cet esprit que nos réflexions à venir doivent s'inscrire.
Je tiens à saluer le travail extraordinaire commencé sous la précédente législature déjà par Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin. Le rapport de leur mission d'information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe dressait un bilan clair de la procédure instaurée en 2014. Il présentait un fin diagnostic du dispositif, mais également des solutions claires et ambitieuses pour l'améliorer. Car rappelons-le : avec seulement une petite trentaine d'actions de groupe répertoriées, le bilan de cet outil était, et demeure, décevant.
Face à ce constat, vous vous êtes employés à nous proposer un nouveau régime, présenté dans un texte clair et cohérent. Issu d'une large concertation, celui-ci formalise les différentes préconisations qui avaient été émises par la mission parlementaire.
Par ailleurs, le groupe Démocrate salue l'initiative de la présidente de l'Assemblée nationale : en décidant de saisir pour avis le Conseil d'État, elle a renforcé l'importance de ce travail d'initiative parlementaire et permis au texte d'atteindre un haut degré d'expertise – plusieurs amendements rédactionnels déposés en commission pour en affiner la rédaction étaient en effet directement issus de l'avis du Conseil.
Néanmoins, comme en commission, nous émettrons au cours du débat plusieurs réserves, en particulier s'agissant de l'élargissement de la qualité à agir, qui semble inquiéter de nombreux acteurs.
Le principal changement que vous souhaitez opérer vise à regrouper au sein d'une nouvelle loi-cadre l'ensemble des procédures d'action de groupe applicables dans différents secteurs d'activité, qui figurent actuellement dans des textes épars. Cette nouvelle loi d'orientation va d'ailleurs au-delà de la simple réunion des procédures existantes, puisqu'elle a vocation à proposer une nouvelle méthode universelle de résolution des litiges qui, hors du champ pénal, regroupent une pluralité de victimes.
Sur le fond, les principales avancées proposées par le texte sont l'extension à un plus grand nombre d'associations de la qualité pour agir, l'ouverture de la procédure aux personnes morales de droit privé et de droit public, la réparation de l'intégralité du préjudice subi par les victimes, la suppression de l'étape procédurale de mise en demeure, la création d'une sanction civile en cas de comportement dolosif du professionnel – mesure tout à fait novatrice – et l'allègement des charges du procès incombant normalement au demandeur.
Ainsi, l'esprit de la proposition de loi consiste à améliorer, à simplifier les textes existants, plutôt que de renverser la table en s'inspirant du modèle américain des class actions. Le but de ses auteurs, que nous partageons aisément, est clair : faciliter l'accès à cette procédure sans risquer de déstabiliser les acteurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises. De grâce, gardons-nous donc de dévitaliser ce texte majeur au motif que d'aucuns, surtout s'agissant de santé ou de droit du travail, le verraient d'un mauvais œil ! L'action de groupe n'est qu'un outil parmi tant d'autres – je pense notamment aux procédures collectives qui peuvent être utilisées dans certains secteurs. Nous devons garantir à nos concitoyens que sera respecté l'objectif du texte : l'équilibre des forces en présence. L'élargissement de la qualité à agir peut certes effrayer, voire emporter des risques ; nous n'en devons pas moins les assumer, car tout l'avantage du texte réside dans la préservation des intérêts des plus vulnérables. Les rapporteurs ont également écarté le système de l'opt-out, qui présume de l'adhésion d'une personne physique ou morale à une action de groupe déjà engagée et susceptible de la concerner, à moins d'un refus exprès de sa part : l'adhésion volontaire, clairement exprimée, restera la règle.
Pour toutes ces raisons, cette proposition de loi équilibrée permettra à nombre de nos concitoyens d'unir leurs forces afin de se faire entendre de la justice au sujet d'une même cause. Le groupe Démocrate votera sans réserve en sa faveur, ainsi qu'en faveur des amendements déposés par les rapporteurs, qui vont dans le bon sens.
Mme Caroline Abadie et Mme Félicie Gérard applaudissent.
Madame la rapporteure – chère Laurence –, monsieur le rapporteur – cher Philippe –, c'est un immense plaisir que de défendre ce texte à vos côtés. La qualité du travail parlementaire n'a pas manqué au rendez-vous : vous avez démontré votre capacité à vous saisir d'un sujet, à mener à bien votre mission, au terme de laquelle vous avez conclu à la nécessité de retravailler la loi, enfin votre détermination en demandant, compte tenu de la complexité du texte, l'avis du Conseil d'État. En effet, bien que sollicité par la présidente de l'Assemblée nationale, cet avis vous engageait : il a exigé de vous beaucoup de besogne et nombre de remises en question de la proposition de loi. La sécurité juridique dans laquelle nous allons débattre sera le fruit de ce travail accompli très en amont, de l'humilité dont vous avez témoigné en consultant ceux qui font autorité en la matière.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué – je vous ai bien écoutée –, ce texte important vise à défendre à la fois les consommateurs et les entreprises, en tant qu'elles ne peuvent prospérer que grâce à la qualité de leur production. Les garanties données au consommateur doivent donc être renforcées : tel est le sens aussi bien du texte que des actions de groupe. Nous nous sommes effectivement emparés du sujet dès 2014, en évitant l'écueil d'une class action à l'américaine, avant d'étendre en 2016 le champ de la procédure. Bien sûr, elle a fait peur ; sans doute aussi avons-nous fait preuve de frilosité au moment d'élaborer la loi de 2014 ; tout cela explique le petit nombre des actions de groupe, qui n'ont pas prospéré comme nous le souhaitions. Vous nous proposez désormais d'élargir à la fois le champ d'application de la procédure et la capacité à agir des associations : nous espérons que ce dispositif assurera l'égal accès des consommateurs à la justice.
Nous avons toutefois identifié des marges d'amélioration en vue de faciliter davantage encore le recours à l'action de groupe : l'extension du champ des associations agréées, mais aussi, sans que je me fasse le porte-parole d'aucun lobby, une clarification de la place des avocats, car nous ne sommes pas au sein d'un dispositif de dommages-intérêts, et ces acteurs avec lesquels nous faisons quotidiennement œuvre de justice doivent être autant que possible associés à la procédure. Nous avons déposé des amendements en ce sens : les avocats possèdent la compétence technique requise, ils sont soumis aux exigences déontologiques de leur profession, et les règles qui régissent leurs honoraires n'ont rien à voir avec celles en vigueur outre-Atlantique. Nous souhaitions également un fonds de financement des actions de groupe, afin que les associations agréées aient les moyens de leurs actions en justice ; sans doute trouverez-vous une solution, mais je regrette que notre amendement, qui était des plus sérieux, issu d'une fructueuse collaboration avec ce que l'Université offre de meilleur, ait été déclaré irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution. Il y a d'ailleurs là une faiblesse procédurale de notre assemblée en matière d'examen des propositions de loi.
Enfin, nous saluons l'adoption par la commission des amendements visant à transposer une directive européenne. Espérant voir cette proposition de loi améliorée en séance publique, mon groupe, comme il l'a fait en commission, manifestera son intérêt en la soutenant.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur les bancs des commissions.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner vise à assouplir le régime juridique de l'action de groupe, procédure permettant aux victimes d'un même préjudice, causé par un manquement d'un professionnel, d'agir collectivement en justice. Créée, en 2014, dans un cadre strict et contraignant, l'action de groupe, en dépit de l'extension de son domaine d'application, n'a pas encore pris l'ampleur à laquelle aspiraient ses partisans : en presque dix ans, une petite trentaine ont été intentées. Le groupe Horizons partage donc les conclusions du riche rapport que vous avez remis et qui a inspiré ce texte : pour les consommateurs lésés, et plus généralement les victimes d'un préjudice collectif, la rigidité du régime juridique actuel de l'action de groupe restreint les possibilités d'obtenir réparation.
Madame et monsieur les rapporteurs, c'est précisément le faible succès rencontré par cette procédure qui rend votre initiative bienvenue. Avant toute chose, je tiens à saluer votre travail au long cours sur ce texte et les améliorations notables qui en ont résulté : vous avez pris en compte certaines remarques formulées par le Conseil d'État, échangé avec le Gouvernement afin de perfectionner la proposition de loi, alors même que celle-ci accédait à l'étape de la séance publique, enfin intégré des dispositions visant à transposer le droit européen, ce qui constitue un gain de temps extrêmement utile. Nos échanges en commission ont notamment donné lieu à une meilleure définition de l'action du groupe et des personnes ayant qualité à agir. Désormais, les conditions de recevabilité de l'action de groupe seront désormais considérablement assouplies ; avancée notable, elle pourra en outre viser à la réparation de tout type de préjudice – corporel, matériel ou moral.
Tout cela contribue à une nécessaire simplification du droit, que je tiens également à saluer. Néanmoins, l'élargissement combiné du champ de l'action et de celui des personnes ayant qualité à agir comporte des risques majeurs, signalés par le Conseil d'État lui-même : recours abusifs, engorgement des tribunaux, fragilisation des entreprises, augmentation des coûts assurantiels. Il conviendra donc de veiller au risque d'instrumentalisation de cette procédure, dont les conséquences pourraient être de la plus grande importance pour les entreprises et leurs salariés. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements visant à s'assurer de la probité des personnes ayant qualité à agir, ainsi qu'à encadrer la sanction civile. N'oublions pas que le tissu économique français est composé essentiellement de très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), qui emploient près de 4 millions de salariés : une action de groupe à leur encontre peut avoir des suites désastreuses.
C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés restera attentif au champ de la procédure et soutiendra les amendements visant à le préciser, en particulier celui de Frédéric Valletoux, qui prévoit une restriction pertinente et adaptée dans le domaine de la santé. Il est également nécessaire de rendre plus flexible, plus lisible le régime de l'action de groupe, afin que les consommateurs ou autres victimes de manquements graves de la part d'une même entreprise puissent agir efficacement en vue de faire cesser ces troubles et d'obtenir réparation. Néanmoins, nous ne saurions tendre à une situation similaire à celle qui existe outre-Atlantique, en particulier concernant le rôle joué par les avocats.
Le texte participe à cette évolution ; il permet une application effective, pertinente, protectrice, du droit des consommateurs et des citoyens. C'est la raison pour laquelle le groupe Horizons et apparentés votera en sa faveur, de même qu'il soutiendra les amendements visant à un équilibre intelligent entre ouverture et protection contre les recours abusifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Caroline Abadie et M. Philippe Latombe applaudissent également.
Je commencerai par saluer le travail des rapporteurs, qui révèle, si je puis dire, la beauté du parlementarisme en actes : une évaluation, des enseignements, des propositions, une évolution législative elle-même corrigée après avis du Conseil d'État. Puisse cette méthode vertueuse nous inspirer davantage !
Par ailleurs, il m'est impossible d'évoquer l'action de groupe sans saluer également celui qui la fit entrer dans notre droit en 2014, il y a bientôt neuf ans : Benoît Hamon, alors ministre délégué à l'économie sociale et solidaire. Son engagement en faveur de la protection des citoyens-consommateurs, avec le plus haut degré d'exigence concernant le bien commun et l'intérêt général, au service d'une certaine vision du futur désirable, fut la matrice de mon propre engagement politique, de mon action de parlementaire. Du reste, permettez-moi une parenthèse : je ne doute pas que les années qui viennent mettront en évidence la lucidité de ses propositions, comme le revenu universel d'existence ou la taxe robots – ce sont là d'autres sujets, auxquels nous aurons, j'espère, l'occasion de revenir.
Nous sommes ici parce que le travail de qualité accompli par nos collègues nous le permet, mais aussi parce que la France est en retard : il nous revient de la mettre en conformité avec la directive européenne de 2018, qui aurait dû être transposée dans notre droit dès l'année dernière. Mieux vaut tard que jamais ! Ce texte donnera lieu à de réelles avancées et facilitera le recours à l'action de groupe, double objectif qui orientera nos votes lors de l'examen des amendements et nous amènera à nous prononcer, le moment venu, pour la proposition de loi. Cependant, comme le dit un autre éminent camarade, on peut toujours faire mieux !
Jean-Luc Mélenchon – je m'adresse à M. Balanant, qui avait du mal à comprendre l'allusion.
Ce débat nous donnera donc l'occasion de partager avec vous plusieurs propositions visant à éviter autant que possible que des complexités, des pesanteurs, des usines à gaz ne freinent le recours du citoyen-consommateur à l'action de groupe. Nous souhaitons en somme lui appliquer la maxime érigée par les néolibéraux au rang de devise des grandes entreprises et des ultrariches : libérer les énergies ! Nous vous alerterons notamment au sujet de l'inégalité territoriale pouvant résulter de la répartition géographique des juridictions spécialisées ; nous proposerons également des avancées en matière de seuils. Je le répète, il importe de faciliter par tous les moyens l'action de groupe, œuvre de justice économique et sociale, mais aussi de démocratie, puisqu'elle rend au consommateur sa juste place de citoyen susceptible d'exercer ses droits, de se défendre, d'opposer l'action collective au poids de mastodontes économiques.
Je profite du temps de parole qui me reste pour évoquer un contexte dont nous ne saurions faire abstraction sous prétexte que les choses se passent hors de ces murs. Nous parlons de justice, de démocratie, du respect dû à chacun dans l'exercice de ses droits. Hier, le pays s'est convulsé massivement, sereinement, si j'ose dire, et à bien des égards d'une manière historique. En dépit de la prétendue pédagogie déployée ces derniers mois, un front social uni, accompagné et soutenu par l'immense majorité du peuple français, vous a signifié son refus de votre injuste et brutale réforme des retraites.
Ne pas répondre à ce mouvement autrement que par le jusqu'au-boutisme, le mépris, la brutalité ou le mutisme présidentiel, monsieur le ministre délégué, c'est mettre en danger notre contrat social et les fondements du pacte républicain. C'est précipiter le risque d'un affaissement durable de la démocratie représentative.
C'est l'instant capsule ! Il faut bien que M. Lucas fasse sa petite vidéo !
À travers vous, monsieur le ministre délégué, j'appelle l'ensemble du Gouvernement que vous représentez ici à la responsabilité et à l'apaisement : soyez à l'écoute et retirez donc votre réforme.
Vous évoquez la beauté du parlementarisme, puis vous parlez d'autre chose que du texte en discussion !
Il vous restait une minute, monsieur Lucas ! Vous n'avez pas le bon tempo !
Sourires.
Dans une société où le besoin de justice est de plus en plus criant, où les rapports de force sont de plus en plus déséquilibrés, il est de notre devoir de nous assurer que chacun, qu'il soit pauvre ou fortuné, faible ou puissant, puisse faire valoir ses droits. C'est dans ce but que l'action de groupe a été introduite dans notre code civil en 2014. Pour rappel, l'action de groupe est une procédure collective qui permet à des consommateurs victimes d'un même préjudice, de la part d'un même professionnel, de se regrouper et d'agir en justice. Le Parlement a cependant corseté cette action juridique dans des règles procédurales afin d'éviter les dérives du modèle anglo-saxon dont les actions de groupe, connues sous le nom de class actions, sont inspirées.
Le moins que l'on puisse dire est que, de ce point de vue, l'objectif a été atteint : on n'observe nulle dérive – mais malheureusement, nulle efficacité non plus. L'action de groupe à la française n'est pas à l'origine de l'engorgement des juridictions. Peu utilisée, peu efficace, elle n'est pas parvenue à trouver sa place dans notre droit. Certes, l'action de groupe a permis de faire condamner le laboratoire Sanofi en janvier 2022 dans l'affaire de la Dépakine, après que plusieurs patientes ayant pris ce médicament pendant leur grossesse ont constaté des malformations et des retards de développement chez leur enfant. Mais l'affaire est toujours pendante en appel, et il s'agit à ce jour de la seule action de groupe ayant abouti à un résultat favorable en première instance, sur les quelque trente-deux intentées depuis l'entrée en vigueur de la loi.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, dont l'objectif est d'ouvrir plus largement la possibilité d'intenter une action de groupe, nous paraît donc tout à fait bienvenue. Le texte examiné en commission avait d'ailleurs recueilli la majorité des suffrages. L'action de groupe, telle que prévue dans cette version, peut constituer un outil procédural efficace dans de nombreuses affaires. Je pense notamment aux situations d'entente illégale dans la grande distribution, particulièrement dans les outre-mer, confrontés aux monopoles et oligopoles : chez nous, comme vous le savez, ces situations aggravent la cherté systémique de la vie. Je pense également au chlordécone. Dans cette affaire – ou plutôt dans ce scandale –, les causes et les effets sont établis, les victimes sont identifiées mais, malheureusement, les responsabilités peinent à être assumées. Je me permets une digression pour vous dire à ce sujet que si la solution n'est pas judiciaire, elle peut être législative et doit être politique. Mais il faut que justice soit rendue pour toutes les familles victimes et pour tous les morts du chlordécone.
L'action de groupe renforce les possibilités d'accès au juge. Cette procédure opère un rééquilibrage des forces et permet à la justice d'être rendue pour les plus faibles, là où elle profite habituellement aux plus forts. Aussi ne suis-je pas particulièrement surprise de constater que le Gouvernement a déposé une vingtaine d'amendements visant à vider cette proposition de loi de sa substance. Pire encore, ces différents amendements produiraient l'effet inverse de ce qui était initialement recherché. Conditions cumulatives et plus nombreuses, exigences superfétatoires, seuil rehaussé, amende minorée : les amendements du Gouvernement rendraient l'action de groupe encore plus impraticable et moins efficace qu'elle ne l'était auparavant. Auriez-vous souhaité supprimer cette procédure que vous ne vous y seriez pas mieux pris. Quels puissants lobbys ont bien pu œuvrer entre le passage du texte en commission et son arrivée en séance pour qu'il soit menacé d'être à ce point réécrit, dépouillé ? Doit-on comprendre que les entreprises du CAC40 s'inquiètent de voir prospérer l'État de droit en France ?
Vos manœuvres, voyez-vous, démontrent une fois encore que vous êtes le gouvernement des puissants, des riches et du capitalisme. Vous incarnez tout ce que notre groupe GDR combat. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi à la condition que notre assemblée rejette les amendements du Gouvernement pour adopter la version examinée en commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Permettre aux victimes de parler d'une seule et même voix, et rééquilibrer le rapport de force entre consommateurs et entreprises : tels sont les objectifs ambitieux fixés en 2014 par cette assemblée. Mais pour quel bilan ? Près de dix ans et seulement une trentaine d'actions de groupe dans notre pays. Près de dix ans et seulement six procédures ayant eu une issue favorable. Près de dix ans et toujours autant de consommateurs et de victimes qui se sentent parfois délaissés par notre système judiciaire ! Je ne remets pas en cause le travail qui avait été fait à l'époque, au contraire. Notre assemblée avait fait le pari risqué d'initier une petite révolution juridique en instaurant pour la première fois une action de groupe à la française. Le choix du gouvernement de l'époque était audacieux. Cependant, il arrive parfois qu'en dépit de ses objectifs louables le législateur manque sa cible. En ce sens, je tiens à saluer le travail mené par nos deux rapporteurs pour tirer les conséquences de ce bilan et rectifier le tir. Ce travail, nous le devons aux victimes qui, aujourd'hui encore, placent beaucoup d'espoirs en nos travaux.
Je ne reviendrai que brièvement sur les problèmes que pose le droit actuel. Les failles sont multiples : une procédure complexe et longue qui, selon certaines associations, s'apparente presque à un parcours du combattant ; un champ d'intervention limité à certains secteurs ; une restriction trop forte du nombre d'associations ayant la qualité pour agir. Résultat : l'action de groupe est délaissée par les associations, les consommateurs et parfois même par la justice.
Face à ce constat, la proposition de loi propose de mettre fin au trompe-l'œil procédural actuel pour instaurer une action de groupe universelle dans tous les secteurs. Notre groupe, Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, souscrit pleinement à cette vision. Si nous voulons que les victimes s'approprient cette procédure, il faut leur donner des moyens d'action pour lutter contre les pratiques abusives de certaines entreprises. Notre groupe est particulièrement attaché à une réparation intégrale du préjudice, tant physique que moral. C'est une avancée essentielle : il n'est plus question de laisser de côté les maux subis par les victimes. Nous saluons également les nombreux assouplissements procéduraux apportés par le texte, en particulier l'extension à un plus grand nombre d'associations de la qualité à agir, notamment à celles déclarées depuis au moins deux ans. Sur ce point, nous avons cependant un regret. En commission, nos rapporteurs ont fait le choix de doubler, en le portant de cinquante à cent, le nombre de personnes à réunir pour qu'une association ad hoc puisse agir en justice. Mes chers collègues, c'est une régression. Ce durcissement n'était pas même demandé par le Conseil d'État. Notre groupe vous propose donc de revenir au seuil initial de cinquante personnes, qui correspond davantage à l'esprit du texte : ouvrir l'action de groupe. Le temps des limites et des barrières juridiques est derrière nous et il n'est pas souhaitable d'en inventer de nouvelles.
L'une des autres avancées du texte tient à la création d'une véritable sanction civile pour réprimer les fautes lucratives. Nos rapporteurs n'ont pas cédé : en dépit des réserves de certains, ils ont maintenu ce dispositif, ce dont notre groupe les remercie. Il est inconcevable qu'un professionnel puisse volontairement commettre un manquement dans le seul but d'en tirer des gains illicites et sans craindre de pénalités financières ! Le dispositif que vous proposez va indéniablement dans le bon sens ; notre groupe défendra plusieurs amendements visant à le renforcer, afin de lui donner une portée réellement dissuasive.
Je terminerai par un dernier point qui nous inquiète, et j'espère que vous entendrez nos réserves. Le texte prévoit de limiter le nombre de tribunaux judiciaires compétents en matière d'actions de groupe sur le territoire national. Quels seraient les tribunaux judiciaires concernés ? Cette mesure soulève la question de l'accès physique à la justice dans les différents territoires et risque d'aggraver encore la fracture territoriale entre justiciables et juges. Ce texte n'a pas pour objectif d'éloigner les citoyens de la justice. Notre groupe souhaiterait l'inscription de garde-fous dans le texte, afin d'éviter que des consommateurs domiciliés dans des zones rurales ou dans les outre-mer ne soient lésés. C'est une question d'égalité territoriale.
En dépit de ces quelques réserves, notre groupe votera bien évidemment la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. le rapporteur applaudit également.
On aime tous les belles histoires, particulièrement celle du faible qui affronte le fort et qui, parce qu'il arrive notamment à fédérer autour de lui d'autres personnes, parvient finalement à l'emporter. C'est un scénario de film qui fait du bien, mais ce que nous nous apprêtons à voter aura un impact sur la vraie vie de nos concitoyens. David contre Goliath : il y a peu de combats plus célèbres dans notre imaginaire.
Nous avons introduit l'action de groupe dans notre droit en 2014. Elle est la procédure autour de laquelle les Français, en tant qu'individus, peuvent se rassembler afin d'obtenir réparation pour les dommages qu'ils ont subis. Le dispositif actuel ne répond cependant pas aux attentes de nos concitoyens : trente-deux actions de groupe ont été lancées en neuf ans, dont seulement six ont pu aboutir de manière positive – un éléphant qui accouche d'une souris. À qui la faute ? Ou plutôt, à quoi cette situation est-elle due ? Un périmètre d'application restreint à cinq champs ? Une qualité à agir réservée aux seules associations agréées, qui ne sont qu'une quinzaine ? Sans doute un peu à tout cela.
Il me tient à cœur de saluer la volonté de longue date des rapporteurs d'avancer sur la question de l'action de groupe. Ils ont notamment mené une mission d'information riche en enseignements et en idées, dans le but de faire évoluer le dispositif et le rendre plus simple, plus concret et plus accessible aux Français. L'Assemblée est souvent perçue comme la chambre de l'invective, du panache, de la joute verbale. C'est oublier que derrière les déclarations à la tribune et dans l'hémicycle, il y a un travail de tous les instants des députés, qu'ils soient en commission, en circonscription ou en mission. Et ce travail n'a jamais autant de valeur que lorsqu'il trouve sa traduction dans un véhicule législatif, comme aujourd'hui.
L'inscription de ce texte à l'ordre du jour du temps transpartisan nous montre que nous pouvons nous réunir autour de cet objectif commun : améliorer la vie des Français. Pour cela, il nous faut revenir au réel. Prenons un cas simple, celui d'une compagnie aérienne ayant vendu plus de places qu'il n'y en a dans son avion. Celui-ci décolle, laissant sur le tarmac des voyageurs qui manqueront un rendez-vous important ou rentreront trop tard le soir pour voir leurs enfants. En 2019, 551 600 passagers ont vu leur vol annulé en France. Entre mai et août 2022, 38 % des 28 millions de voyageurs prenant l'avion ont subi un retard ou une annulation. Plus d'un voyageur sur trois a connu un préjudice que, dans la grande majorité des cas, il a supporté seul – avec un petit geste de ci, de là, de la part de la compagnie aérienne. Au fond, le préjudice est causé par l'appât du gain qui a conduit la compagnie à vendre probablement plus de billets qu'elle ne peut embarquer de passagers. Nous connaissons cette expérience, nous l'avons vécue. Une telle situation n'est pas compréhensible ni normale.
Il faut donc donner aux consommateurs les outils nécessaires pour faire valoir leurs droits. La présente proposition de loi, dont nous devons encore travailler certains aspects, ouvre de nouvelles perspectives. C'est ce qu'il faut saluer : l'ouverture de la qualité à agir et celle du champ d'intervention sont des éléments clefs pour que nos concitoyens puissent faire valoir leurs droits. C'est une vaste réforme dont nous ouvrons la porte, celle d'une justice qui ne soit pas celle des années cinquante, quatre-vingt-dix ou deux mille mais bien celle du XXI
Nous serons vigilants s'agissant des réserves émises par le Conseil d'État dans son avis sur la proposition de loi, rendu début février. Les points qu'il a soulevés – dont certains ont conduit à des modifications du texte lors de l'examen en commission – font toujours l'objet de notre attention. Il s'agit de ne pas engendrer une complexité inutile, tout en faisant preuve de la finesse suffisante pour certains types de contentieux, comme ceux liés aux dommages corporels. Il s'agit aussi d'ouvrir au mieux la possibilité pour nos concitoyens de recourir à l'action de groupe, sans que les entreprises ou l'État ne soient assaillis de procédures – certaines fondées, d'autres abusives – intentées par des victimes ou des concurrents étrangers. Nous devons poursuivre le travail de consolidation du texte entamé en commission et, à ce titre, nous soutiendrons les amendements déposés tant par les rapporteurs que par le Gouvernement, ainsi que ceux d'autres membres de cette assemblée ayant à cœur d'apporter des solutions à nos concitoyens.
Le code Napoléon, qui imprègne aujourd'hui encore notre droit, a eu quatre auteurs. Je veux ici rappeler les mots de l'un d'eux au sujet des contrats et obligations contractuelles : « Il serait difficile d'espérer que l'on pût encore faire des progrès dans cette partie de la science législative. » Plus de deux cents ans plus tard, la représentation nationale prouve encore une fois que, pour que le citoyen puisse faire valoir ses droits, elle peut améliorer le droit. Nous ne serons pas d'accord sur tout – le contraire serait étonnant dans cet hémicycle – mais laissons sa place à un débat constructif. Nous savons tous quels débats ont agité notre assemblée mais sur ce texte, notre groupe sera constructif.
C'est l'intérêt de notre assemblée et c'est aussi celui des Françaises et des Français. Répondons sans tarder à cette attente.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'action de groupe permet à des consommateurs victimes d'un même préjudice causé par un professionnel de se regrouper et d'agir en justice avec un seul dossier, par l'intermédiaire d'une association. Il s'agit donc de protéger nos concitoyens contre des préjudices commis par des entreprises plus puissantes qu'eux, dotées de davantage de moyens financiers et épaulées par des armées d'avocats.
Avec l'instauration, par la loi du 17 mars 2014, des actions de groupe, notre pays a cherché à créer son propre modèle pour renforcer le droit des citoyens sans tomber dans les dérives des class actions à l'américaine. Force est de constater que cet équilibre n'a pas encore été trouvé.
La mission d'information de M. Gosselin et Mme Vichnievsky a proposé des améliorations concrètes pour rendre cette procédure plus efficace et réellement opérationnelle.
Le régime de l'action de groupe a déjà évolué, puisque la loi du 18 novembre 2016 l'a étendu aux discriminations au travail, aux questions environnementales et au respect des données personnelles. En 2018, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a rendu possible les actions de groupe pour les préjudices causés par la location d'un logement.
Ces extensions pourraient laisser penser que le nombre d'actions de groupe a fortement augmenté depuis la création de cette procédure et que les droits des consommateurs en sont sortis renforcés. Il n'en est rien, comme le révèle le rapport de la mission d'information : depuis 2014, trente-deux actions de groupe seulement ont été exercées, dont vingt dans le domaine de la consommation ; douze ont abouti à un rejet, quatorze sont en cours. Six procédures seulement ont débouché sur un résultat positif : dans trois d'entre elles, le défendeur a été déclaré responsable, tandis qu'un accord amiable a pu être trouvé dans les trois autres.
Avec un taux de réussite aussi faible, on ne peut que parler d'échec. Il est urgent d'agir car ce sont des milliers de citoyens qui subissent des préjudices sans en obtenir réparation. Laisser les choses en l'état serait aussi un très mauvais signal pour les entreprises mal intentionnées, une minorité : sachant qu'elles ne sont pas menacées par ces procédures, elles poursuivent sans remords leurs pratiques frauduleuses.
Le texte comporte des avancées majeures. Les plaignants pourront obtenir réparation de l'intégralité de leur préjudice ; un nombre minimal de plaignants, réunis en association ad hoc, permettra de lancer une action de groupe. Il convient de préciser que le seuil de 50 personnes fixé par le texte initial nous paraissait déjà trop élevé ; le porter à 100 personnes, comme il en a été décidé en commission, affaiblirait la portée du texte.
Nous proposerons donc par amendement de revenir au seuil initial. Pour éviter tout enrichissement issu de pratiques condamnables, nous proposerons que le montant de la sanction soit au moins égal, après ajout des dommages et intérêts octroyés, au profit réalisé par l'entreprise lorsque celle-ci a délibérément commis une faute. Nous défendrons aussi des mesures pour empêcher les actions de groupe dont le seul but serait de nuire à la réputation d'une entreprise.
Permettez que je fasse quelques commentaires sur la forme. Je dois mettre en garde notre assemblée contre la surtransposition de directives européennes, mise en œuvre par les amendements du Gouvernement. Elle pourrait bien dénaturer l'action de groupe à la française, dont le régime a été créé grâce au travail parlementaire. Je note que d'autres groupes ont dénoncé cette entreprise de démolition du texte que mène le Gouvernement.
Rappelons la genèse du texte : une mission d'information, un rapport d'information, la coconstruction d'une proposition de loi, de multiples auditions d'acteurs, d'associations de citoyens, de professionnels du droit et du monde de l'entreprise, une saisine du Conseil d'État et un avis qui a donné lieu à des modifications, des amendements adoptés en commission et, pour finir, un texte voté à l'unanimité. Je pense que nous pouvons saluer ce travail parlementaire, qui a abouti à une action de groupe à la française, équilibrée et consensuelle.
À l'heure où l'action de l'Assemblée nationale est remise en cause par le passage en force, sans vote ni concertation, contre l'avis des députés et celui du peuple, de propositions qui n'auraient jamais obtenu de majorité, à l'heure où l'image de l'Assemblée nationale pâtit des excès et du comportement outrancier de certains groupes, et des bras d'honneur d'un ministre dans l'hémicycle, nous ne pouvons que nous réjouir de ce travail parlementaire de qualité. Il montre un parlement à l'œuvre, au service du bien commun.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'action de groupe se définit comme une action en justice, exercée par une association ou une entité assimilée, pour le compte d'un ensemble de personnes physiques ou morales victimes de dommages de même nature causés par un même auteur en raison d'un manquement de ce dernier à ses obligations légales ou contractuelles.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, vous rappelez combien le dispositif existant est inefficace. En effet, seules trente-deux actions de groupes ont été exercées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation – seules six d'entre elles ont eu un résultat positif.
Il est incontestable qu'il faut renforcer l'efficacité des actions de groupe et en étendre le cadre légal. Pour cela, vous proposez d'unifier les textes existants au sein d'un nouveau titre dans le code civil. Vous proposez que la réparation puisse porter sur l'intégralité du préjudice et que la qualité pour agir soit étendue à un certain nombre d'associations. Pour lever une partie des obstacles financiers au développement des actions de groupe, vous proposez que les charges du procès, qui incombent au demandeur, soient allégées. Nous ne pouvons qu'être favorables à ces dispositions qui permettront de faciliter le recours à l'action de groupe.
Mais, aussi nécessaires soient-elles, ces propositions sont insuffisantes, peu ambitieuses et manqueraient d'efficacité si un certain nombre d'amendements ne venaient à être adoptés. La volonté sincère de défendre l'intérêt général doit venir enrichir ce dispositif, sans quoi il continuera d'être inefficace, rarement utilisé et avec des résultats peu concluants.
À ce stade de l'examen, le dispositif retenu semble bien en deçà de ce qu'attendent les victimes et les associations qui les défendent. En effet, après avoir fixé à cinquante personnes le nombre minimal de plaignants, vous avez reculé en portant le seuil à cent personnes – quand nous voulions qu'il soit abaissé à vingt personnes.
En ce qui concerne l'aspect financier, il est nécessaire d'attribuer des moyens à cette procédure coûteuse si on veut lui donner une réalité effective. C'est ce qu'a rappelé la Défenseure des droits dans son rapport, dont nous reprendrons plusieurs recommandations dans nos amendements.
L'action de groupe est un outil de réappropriation démocratique de l'institution judiciaire, qui permet aux citoyens de sortir de leur individualité en se regroupant pour dénoncer des problématiques systémiques. Il s'agit donc d'un levier important au sein d'une République des droits individuels et collectifs.
Plusieurs de nos amendements visent à rendre ce dispositif plus efficace. Nous voulons abaisser à vingt personnes le seuil du nombre de victimes ayant qualité pour agir, ou du moins revenir au seuil initial de cinquante personnes.
Nous souhaitons privilégier la spécialisation des magistrats et non des juridictions car avec des magistrats répartis sur l'ensemble du territoire, l'égal accès au service public de la justice, en tout point de la République, sera mieux garanti.
Nous voulons aussi réintroduire, après leur suppression en commission, les mesures de publicité, dès le déclenchement de la procédure, afin d'assurer l'audience la plus large auprès des victimes potentielles.
Il nous paraît également nécessaire de supprimer le frein à l'amende civile que constitue la preuve préalable de faute délibérée de l'auteur. Cette disposition, introduite en commission, rendra impossible la poursuite des infractions dans les domaines de l'environnement et des discriminations, où la faute délibérée est trop difficile à caractériser. Elle rendra ainsi inopérant le recours aux actions de groupe.
Comme l'a demandé la Défenseure des droits, il faut assurer un meilleur financement des procédures. Nous pourrions prévoir, notamment, que les astreintes prononcées en cas de non-respect des mesures visant à faire cesser les manquements soient liquidées au profit des demandeurs et non du Trésor public.
Enfin, nous aurions aimé qu'en ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, une loi sur l'action de groupe permette aux femmes du pays, constituées en association de victimes, à se pourvoir en justice contre ce gouvernement et sa contre-réforme des retraites, qui rend la maltraitance sociale systémique en discriminant la moitié féminine de la population…
Nous espérons que nos débats permettront d'aboutir à un texte à la hauteur des besoins et des enjeux, en dépit des amendements du Gouvernement qui visent à en limiter la portée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Nous examinons un texte issu de travaux conduits par une mission d'information sous la législature précédente. Cette proposition de loi transpose en effet les préconisations de parlementaires. C'est une démarche dont nous pouvons tous nous féliciter. Je veux remercier ici la présidente de l'Assemblée nationale de l'avoir impulsée et saluer le travail de fond que Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky, rapporteurs de la mission puis de la proposition de loi, ont mené sur la question. Celle-ci pourrait paraître technique aux yeux de certains, mais elle touche à la consommation, donc à la vie quotidienne, et est bien plus déterminante qu'il n'y paraît. Nous pouvons tous être fiers de ce travail.
Les députés du groupe Les Républicains apporteront toujours leur soutien aux initiatives visant à simplifier la rédaction du droit. Car, aujourd'hui, il ne s'agit de rien de moins que de construire un droit intelligible pour nos concitoyens. S'il n'a été fait que peu recours à la procédure depuis sa création, c'est que les articles qui l'encadrent sont trop complexes, rédigés de façon trop détaillée. Peut-être le législateur a-t-il voulu se substituer au gouvernement, et même au juge ? Peut-être a-t-il voulu être trop précis ? Une loi n'est compréhensible que lorsqu'elle est écrite simplement et que, dès l'origine, elle intègre cette exigence d'accessibilité. Une démocratie ne peut que se grandir d'écrire un droit compréhensible ; je pense que c'est même la base du contrat social.
Troisième motif de satisfaction : grâce aux évolutions proposées, le recours à l'action de groupe sera plus facile. Chez les Républicains, nous partageons l'idée que l'État ne doit pas se mêler de tout, tout le temps et partout et que chacun est responsable de ses actes. Je préférerai toujours une justice forte à un État qui exerce sur toute chose son contrôle préalable.
Deux visions s'opposent : celle d'un État suradministré, qui entend contrôler le producteur de biens manufacturés ; celle d'un État qui laisse faire, confiant dans les agents économiques et les citoyens, mais dont les lois sanctionnent sévèrement ceux qui ne respectent pas le droit. Cette dernière vision, au fond très libérale, où chacun est responsable de ses actes, sous-tend ce texte qui facilite le recours à la justice.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à soutenir cette proposition de loi. Je me réjouis que ce soit un travail parlementaire qui permette de remettre notre vision de la société au cœur de nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Proposé par notre collègue Acquaviva, il vise à garantir une réparation pleine et entière de l'ensemble des préjudices subis, qu'ils soient moraux ou physiques. Compte tenu de l'importance des enjeux, les mots choisis par le législateur ne doivent pas laisser place au doute sur son intention. Il est donc nécessaire d'écrire explicitement que l'action de groupe doit conduire à une réparation « intégrale de l'ensemble » des préjudices afin d'éviter tout risque d'appréciation contraire de la part du juge.
Si votre intention est de garantir l'élargissement de l'action de groupe, sachez que votre amendement est pleinement satisfait par la rédaction issue de la commission des lois. La définition posée à l'article 1er vise bien tous les préjudices, quelle qu'en soit la nature.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis.
Je vais le retirer, en espérant que nos autres amendements recueilleront des avis favorables.
L'amendement n° 4 est retiré.
L'article 1er est adopté.
La parole est à M. Frédéric Valletoux, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Il vise à limiter le champ de l'action de groupe, dans le domaine de la santé, aux actions engagées en raison d'un manquement à l'une de ses obligations légales ou contractuelles du professionnel produisant, distribuant ou utilisant un produit de santé. À cet égard, il faut rappeler que la notion de produits de santé, telle qu'elle est définie par le code de la santé publique, est large. Son article L. 5311-1 prévoit une liste exhaustive, incluant entre autres les médicaments, les insecticides et les acaricides.
L'intérêt de cette restriction est d'éviter la multiplication des contentieux et une instrumentalisation de cette procédure. L'impact médiatique d'une action de groupe, quand bien même elle n'aboutirait pas, pourrait avoir des conséquences sur notre système de santé qui, vous le savez, est déjà en grande souffrance. Un élargissement ne serait pas sans conséquences. Il risquerait d'engendrer des effets délétères sur l'attractivité des métiers du soin ou encore un renchérissement des primes d'assurance des professionnels et des établissements, phénomène que nous avons déjà pu constater dans certaines spécialités.
Cet amendement vise à empêcher que des actions de groupe ne soient intentées devant le juge judiciaire ou le juge administratif en raison de dommages occasionnés par la pratique de professionnels résultant, par exemple, des conditions d'organisation du service.
M. Christophe Naegelen applaudit.
La crainte qui motive votre amendement, cher collègue, nous l'avons déjà entendu exprimée ici ou là alors que notre système de santé est un peu fragile.
Vous redoutez que l'élargissement des actions de groupe ne vienne bouleverser un équilibre déjà précaire. Nous avons bien en tête ce contexte mais je redirai ce que nous avons déjà affirmé, Laurence Vichnievsky et moi, lors de la présentation du texte : nous ne changeons pas les règles de droit. Nous renforçons les possibilités de mobiliser la procédure de l'action de groupe mais en aucun cas nous ne touchons à la jurisprudence bien établie du Conseil d'État sur la responsabilité, ni n'autorisons un élargissement aux dommages individuels. Pour qu'il y ait action de groupe, il faut un préjudice sériel ayant fait des victimes. Il ne s'agit pas de prendre en compte les pertes de chances. Je le dis avec de multiples précautions tant à l'égard des patients que des soignants. Nous ne revenons pas sur la distinction entre faute personnelle et faute de service. Nous ne modifions pas non plus le montant des indemnisations en cas de mise en cause de la responsabilité médicale, en dehors de ce qui peut être obtenu dans le cadre de l'action de groupe elle-même.
Si des craintes peuvent être exprimées, elles ne nous paraissent pas fondées, notamment eu égard aux critères que vous mettez en avant. Je profite de cette occasion pour réaffirmer notre soutien plein et entier à celles et ceux qui, chaque jour, se dévouent dans tous les établissements de santé, publics comme privés, au service de nos concitoyens pour les soigner.
Pouvez-vous nous donner l'avis de la commission, monsieur le rapporteur ?
Vous avez raison, madame la présidente, mieux vaut dire les choses clairement : avis défavorable.
Avis favorable. Dans le droit existant, les actions de groupe peuvent s'appliquer aux produits de santé, ce qui recouvre un périmètre relativement large. Je le répète, le Gouvernement partage pleinement l'intention des rapporteurs d'unifier le régime de l'action de groupe et d'élargir le spectre des personnes ayant qualité à agir mais, s'agissant du domaine de la santé, nous considérons que tout élargissement au-delà du périmètre existant reviendrait à faire peser un risque supplémentaire sur les professionnels de santé. Cela pourrait provoquer un renchérissement des assurances pour les professionnels libéraux comme pour les praticiens des établissements de santé.
En outre, l'action de groupe n'est pas nécessairement le meilleur instrument pour déterminer les préjudices, lesquels peuvent difficilement être saisis de manière uniforme, compte tenu de la diversité des formes qu'ils prennent selon les individus.
Le périmètre actuel des actions de groupe dans le domaine de la santé, celui des produits de santé, est suffisamment large. Nous considérons que ses limites doivent être conservées.
Nous sommes défavorables à l'amendement n° 54 comme à l'amendement n° 100 du Gouvernement qui le suit. De manière générale, nous nous opposons à toute tentative de restreindre le périmètre des actions de groupe défini dans le texte, d'autant qu'il n'est pas si large que cela. Cette proposition de loi n'a rien de révolutionnaire, elle ne va changer la face du monde, mais vous vous précipitez pour limiter les nouvelles possibilités qu'elle offre, craignant que les gens n'en fassent usage. Vous n'aimez pas qu'ils aient des droits nouveaux, nous l'avons bien compris. Contrairement à vous, nous nous réjouissons que nos concitoyens puissent faire valoir de nouveaux droits. Pourquoi cette attitude alors que nous ne changeons rien au fond de ce qui peut être aujourd'hui considéré comme pénalement répréhensible ? Il n'est prévu de créer aucune infraction nouvelle dans les codes juridiques.
La seule question qui se pose est de savoir si l'on est favorable ou pas à ce que les gens se regroupent pour agir collectivement en justice. S'en tenir à une responsabilité purement individuelle revient à maintenir un déséquilibre dans le rapport de force puisque les particuliers ne disposent évidemment pas des mêmes moyens que les grands groupes et structures.
Dans le domaine médical, vous voulez en rester au périmètre actuel et, s'agissant du code du travail, vous souhaitez restreindre le champ d'application aux discriminations. Si les gens veulent s'organiser collectivement parce qu'ils sont victimes d'un même préjudice, favorisons donc l'action de groupe. Je ne sais pas de quoi vous avez peur. Peut-être disposez-vous d'une étude d'impact secrète indiquant que les tribunaux allaient crouler sous les affaires… Si vous voulez que l'on adopte un dispositif rendu inopérant, autant assumer dès maintenant vos intentions, monsieur le ministre délégué.
Rappelons tout de même que c'est notre assemblée qui s'est saisie de cet enjeu et qu'un ensemble de députés défendent l'action de groupe. Il est frustrant de voir le Gouvernement chercher le moyen, à travers ses propres amendements comme à travers ceux de certains députés, de restreindre le dispositif alors que nous n'avons eu de cesse de souligner que le champ d'application actuel de la procédure la rendait inopérante. Or nous sommes là pour faire des lois qui fonctionnent.
Je connais bien la question de la responsabilité hospitalière. L'action de groupe ne va rien changer au régime de la faute médicale. Il faut que nous rassurions tous ensemble les opérateurs de santé. Nous sommes dans un État droit et fort heureusement, nous n'avons pas eu besoin d'attendre l'action de groupe pour que puissent être introduites des actions en réparation dans ce domaine.
Il me semble que nous ne risquons rien. Ne nous faisons pas peur. Cette procédure ne va pas malmener en tous sens le monde de la santé ou le monde du travail. L'action de groupe sera mobilisée essentiellement dans le champ des produits de santé mais ce n'est pas une raison pour nous limiter. Laissons les justiciables trouver eux-mêmes la voie d'actions en justice, dans des domaines qui se situent hors des produits de santé ou de la responsabilité médicale ou hospitalière, car ce sont les actions de justice que nous souhaitons promouvoir et développer.
Sans entrer dans le détail de cet amendement, j'aimerais appeler votre attention sur le caractère déséquilibré de sa rédaction qui s'applique à la loi tout entière. Lisons-le : « La présente loi s'applique aux actions exercées en vue de faire établir un manquement à ses obligations légales ou contractuelles d'un producteur ou d'un fournisseur » de produits de santé. Autrement dit, cela rend impossible d'intenter des actions de groupe dans d'autres domaines. Prenons le cas de pizzas non conformes aux normes d'hygiène. Comme elles n'entrent pas dans la catégorie des produits de santé, ceux qui les produisent ne pourraient pas faire l'objet d'une action de groupe.
Je comprends votre volonté de restreindre le champ d'application de l'action de groupe dans le domaine de la santé mais je me dois de souligner que la rédaction de votre amendement est dérangeante.
Je l'ai dit à la tribune, mais tout le monde n'était peut-être pas encore présent dans l'hémicycle,…
…le Gouvernement salue l'initiative des rapporteurs, depuis la mission d'information qu'ils ont conduite jusqu'à cette proposition de loi.
Nous avons travaillé avec eux pour définir les nouveaux contours du régime de l'action de groupe à la française et nous appelons de nos vœux leur adoption par votre assemblée.
Simplement, nous voulons alerter la représentation nationale des risques potentiels qu'induisent les modifications apportées dans deux champs d'application. Le premier est celui de la santé. Si l'action de groupe est élargie à d'autres domaines que celui des produits de santé, les risques qui pèsent sur les épaules des professionnels hospitaliers et libéraux augmenteront.
À quoi sert une telle procédure, si ce n'est à établir le degré de responsabilité des professionnels de santé ? Il est évidemment difficile de savoir exactement quelles seront les conséquences de ces modifications mais, à un moment où l'on a tant de difficultés à recruter des professionnels de santé, le Gouvernement ne peut s'empêcher de s'inquiéter du fait que le relèvement du niveau de leur responsabilité ne décourage certaines personnes d'embrasser ces carrières.
Il changera à l'évidence, sinon l'action de groupe serait inutile.
Le deuxième champ d'application sur lequel nous voulons vous alerter est celui du droit du travail. Les syndicats et les conseils des prud'hommes se sont organisés depuis longtemps déjà pour défendre les droits des salariés. Et nous craignons que les actions de groupe n'entrent en concurrence avec les procédures éprouvées auxquelles ils ont recours.
Il y a effectivement un problème de rédaction dans l'amendement du Gouvernement. Surtout, je voudrais insister sur une considération essentielle : notre texte ne change pas le fond du droit, ni la responsabilité médicale,…
…ni la responsabilité administrative qui peut être mise en cause dans le cadre du fonctionnement d'un service. Les médecins seront toujours soumis à une obligation de moyens et non pas à une obligation de résultat. Par ailleurs, il est rare que la pratique d'un médecin donne lieu à des dommages sériels.
L'action de groupe ne sera donc utilisée, le cas échéant, que dans des cas très circonscrits. J'entends les inquiétudes, mais je crois que l'on confond un peu tout et qu'il faudrait revenir aux fondamentaux juridiques. Je le répète, nous ne changeons pas le fond du droit et nous ne modifions pas la responsabilité médicale.
Enfin, les inquiétudes invoquées peuvent d'ores et déjà se traduire par une procédure collective ou une procédure en représentation conjointe.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 27
Contre 46
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 100 .
Il s'agit de créer une exception au périmètre désormais élargi retenu par la proposition de loi, exception qui s'appliquerait au droit du travail. Il est en effet proposé de rester dans l'épure du droit existant et de limiter l'action de groupe à la française aux cas de discrimination, considérant que les autres situations sont d'ores et déjà traitées, de manière habituelle et ordinaire, par les prud'hommes et par les syndicats.
Le ministre délégué avait annoncé, dans son avis sur l'amendement visant à circonscrire le champ de l'action de groupe dans le domaine de la santé, cette position du Gouvernement sur le rôle des syndicats. Soyons bien clairs : dans cette période particulière, il n'a échappé à personne que les syndicats jouent un grand rôle, et nous le reconnaissons volontiers. C'est l'illustration de la démocratie sociale, et le dialogue social est important. Loin de nous donc l'idée de court-circuiter les syndicats.
La philosophie de notre texte consiste à élargir la qualité à agir, à permettre à davantage de personnes de lutter contre les discriminations dans l'entreprise, à l'embauche, envers les stagiaires ou encore en matière de protection des données personnelles en dehors du travail. Or vous voulez absolument réintroduire un monopole. Cela peut se comprendre, je n'ai pas de difficulté avec votre philosophie ; mais en procédant ainsi, vous risquez en réalité de limiter la lutte contre les discriminations, ce qui n'est pas le but recherché. Sans nier le rôle incontournable et indispensable des syndicats, notre avis ne peut donc être que mitigé.
Il y a quatorze ou quinze mois, dans la revue Le droit de vivre, support de la Licra – Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme –, Laurent Berger lui-même estimait que la question de l'élargissement ou de la fin du monopole des syndicats pouvait légitimement se poser. Ce grand chef syndicaliste respecté, qui se trouvait dans cette maison il y a quelques heures, se montre finalement plus ouvert que le Gouvernement lui-même. Avis défavorable.
Je ne souhaite pas compléter ce qu'a dit mon excellent collègue Philippe Gosselin, mais il a anticipé sur la discussion et donné son avis sur l'amendement n° 98 , que nous examinerons plus loin. Son argumentation, que je partage, vaudra donc pour tout à l'heure.
Pour la clarté du débat, je précise que l'amendement n° 100 du Gouvernement exclut du champ de l'action de groupe l'ensemble du droit du travail, à l'exception des manquements relatifs à la discrimination. Vous justifiez cet amendement par le fait que l'action de groupe dessaisirait les conseils de prud'hommes de pans entiers du contentieux. Pardonnez-moi, monsieur le ministre délégué, mais je ne suis pas d'accord avec vous : il n'y a aucun risque en la matière, puisque l'essentiel du contentieux prud'homal concerne les licenciements individuels, quel qu'en soit le motif. S'agissant des licenciements économiques collectifs, le cœur du contentieux relève du tribunal administratif, le juge administratif étant désormais seul compétent – ce qui n'était pas le cas auparavant – pour apprécier le contenu et la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Enfin, il convient de rappeler que les syndicats disposent déjà d'une possibilité d'agir pour défendre l'intérêt collectif ; dans ce cas, cela relève du tribunal judiciaire et ne concerne donc pas les conseils de prud'hommes.
J'ajoute que l'action de groupe permettra au contraire de résoudre des difficultés que rencontrent aujourd'hui les syndicats devant les tribunaux. Il existe en effet en droit du travail une action très proche de l'action de groupe en cessation de manquement. Dans le cadre de cette action prévue par le code du travail, le tribunal judiciaire ne peut qu'enjoindre l'employeur à cesser le manquement, mais il ne peut pas indemniser les salariés, ce dont se plaignent les syndicats – ils ont posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui n'a malheureusement pas été transmise par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel. En outre, le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession, ce qui est restrictif. Par exemple, les syndicats ne peuvent pas agir pour faire respecter un simple accord d'entreprise. L'action de groupe permettra donc de résoudre ces difficultés.
Deuxième considération, l'action de groupe appliquée au droit du travail présente le même intérêt que l'action de groupe en général. Les salariés ne saisissent pas le conseil des prud'hommes pour de petits préjudices tels que le paiement des indemnités de transport ou l'octroi d'une prime. Ils demandent cette indemnisation à l'occasion d'un licenciement. Avis très défavorable.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité d'améliorer la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes. Ce qui doit guider la réflexion du législateur, c'est l'efficacité à court et à moyen terme. Mme la rapporteure l'a rappelé, l'objectif de l'amendement du Gouvernement est que la proposition de loi n'élargisse pas à l'ensemble du droit du travail les possibilités d'action de groupe. Vous soulignez, madame la rapporteure, que cela ne poserait pas de problème puisque des pans entiers du droit du travail ne seraient en réalité pas concernés par la remise en question du monopole des conseils de prud'hommes. J'appelle votre attention sur le fait que des sujets très importants, tels que la requalification du contrat de travail, et non pas les licenciements que vous évoquez, pourraient être concernés par l'action de groupe.
Ce qui pose problème, c'est qu'une action de groupe, comme l'ont rappelé plusieurs de nos collègues, suppose un préjudice commun. Or la réalité des situations de travail démontre que le préjudice subi, qui peut découler d'un fait générateur commun, sera très différent d'un salarié à l'autre. Pour dire les choses ouvertement, les salariés ne sont pas des consommateurs.
Cet amendement entend préserver la spécificité du droit du travail par rapport au droit du commerce et au droit de la consommation, ainsi que celle de l'intervention des partenaires sociaux – nous aurons l'occasion d'en discuter dans le cadre de l'examen d'autres amendements. Nous sommes attachés au dialogue social en tant que mode de résolution des différends. En l'état, la proposition de loi remet en question ces principes. C'est pourquoi l'amendement du Gouvernement est bienvenu.
Dans le prolongement de ce qu'a relevé mon collègue Bernalicis s'agissant des atteintes à la santé, permettez-moi de rendre hommage à deux malheureux salariés de l'usine Ugitech d'Ugine, dans mon département de la Savoie, qui ont perdu la vie à la suite d'un accident du travail – deux en l'espace d'un an. Ils n'ont pas été victimes de discrimination ou d'un délit mineur au contrat de travail, mais bien d'un manquement de l'employeur qui, aux termes du code du travail, doit veiller à la santé et à la sécurité de ses travailleurs en mettant en place des actions de prévention, d'information et de formation et évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail.
En hommage à ces deux victimes, ne restreignons pas aux seules discriminations la possibilité d'agir en justice dans le cadre d'une action de groupe pour l'ensemble des salariés d'un groupe comme celui-ci. En définitive, ils sont tous victimes, ne serait-ce que moralement, du choc qu'ont représenté ces deux accidents.
Nous nous opposons donc fermement à cet amendement, qui n'a pour objectif que de limiter la portée de l'action de groupe que nous entendons encourager.
Nous partageons l'avis défavorable des rapporteurs sur cet amendement, pour trois raisons principales. La première, c'est que l'action de groupe ne prive pas les syndicats de leur droit à agir. Mme la rapporteure l'a rappelé, la plupart des actions sont individuelles : le défenseur syndical assistera toujours, lors d'un licenciement ou d'une procédure contentieuse, le salarié qui fait l'objet d'une mesure individuelle, puisque le seuil de plaignants pour entamer une action de groupe a été porté de 50 à 100 en commission. Il faut donc qu'il y ait un vrai intérêt à agir – au-delà de 100 personnes – pour que le monopole syndical ne s'applique pas.
Deuxième point, qui a été souligné par M. Gosselin, les syndicats eux-mêmes réfléchissent à une possible remise en question de certains monopoles syndicaux, compte tenu de l'évolution du travail lui-même, du temps et des modalités du travail, les actions de groupe pouvant compléter leur action syndicale.
Troisième point, puisque vous avez évoqué la requalification des contrats de travail : avec une action de groupe, les chauffeurs Uber auraient sans doute pu obtenir plus rapidement une requalification de leurs contrats d'indépendants en contrats de travail. Le dispositif aurait été plus effectif.
Je soutiens également la position des rapporteurs, avec les mêmes arguments que ceux développés s'agissant de la santé. En ce qui concerne le monde du travail, il n'y a pas de remise en cause de l'État de droit : l'action de groupe ne bousculera pas ce qui existe déjà, à savoir la saisine du tribunal administratif en cas de licenciements ou la défense d'un contrat particulier devant les prud'hommes. Elle répondra à une situation spécifique, afin de défendre une action collective à la suite d'un préjudice commun. Le monde du travail doit bien évidemment y être associé.
Quand elle légifère, l'Assemblée nationale se soustrait à la puissance des lobbys et au pouvoir de l'administration, et s'efforce de travailler au plus près de la réalité. Or sur le terrain, les acteurs nous font savoir qu'ils manquent d'outils pour mener des actions de groupe.
Je ne sais pas quels syndicats vous avez rencontré, mais ceux que j'ai interrogés m'ont tous indiqué qu'ils étaient favorables à une telle évolution, dès lors qu'ils y étaient associés d'une façon ou d'une autre.
Il n'est pas question de les évincer : les actions de groupe visent au contraire à se rassembler pour se défendre. Les syndicats informés d'une action de groupe qui concerne leur entreprise doivent évidemment en être partie prenante. Rassemblons les forces plutôt que de les opposer, afin d'agir pour le bien-être des salariés.
L'amendement n° 100 n'est pas adopté.
Cela a été rappelé : l'action de groupe ne fait pas partie – ou pas encore – de notre culture juridique et juridictionnelle. Les mécanismes existants ont occasionné un faible nombre d'actions collectives, ayant elles-mêmes abouti à une seule condamnation, qui n'est pas encore définitive. Vous avez évoqué l'échec de l'action de groupe à la française, madame la rapporteure ; vous avez malheureusement raison, bien que cette modalité corresponde à des besoins patents de nos concitoyens au quotidien : protection du consommateur, lutte contre certaines pratiques commerciales, sécurité sanitaire, environnement, discrimination… L'action de groupe permet d'atteindre des objectifs que la procédure judiciaire individuelle ne peut satisfaire.
L'article 1er bis permet d'unifier et de simplifier l'action de groupe, de faciliter son exercice et de mieux appréhender sa recevabilité. Le dispositif va dans le bon sens, et servira d'appui à une utilisation optimisée et plus fluide de cette procédure. Tout en l'approuvant, le groupe Rassemblement national défendra des amendements visant à l'améliorer. Nous voterons donc en faveur de cet article.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Dans la lignée de l'amendement précédemment défendu, il s'agit de préserver le monopole des syndicats. Pour leur part, les associations remplissant des critères spécifiques d'ancienneté et d'objet statutaire seront habilitées à agir dans la lutte contre les discriminations, au bénéfice des candidats à un emploi ou à un stage.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir le sous-amendement n° 103 .
L'amendement n° 98 , s'il était adopté, ferait tomber l'amendement n° 58 de M. Schreck. Aussi avons-nous déposé le présent sous-amendement, qui vise à retirer les syndicats représentatifs de magistrats de l'ordre judiciaire de la liste des personnes morales pouvant exercer une action de groupe.
Dans la mesure où les actions de groupe prévues par la proposition de loi seront jugées par les magistrats de l'ordre judiciaire, l'organe de jugement risque d'être composé de magistrats membres de syndicats représentant leur profession – en d'autres termes, un même individu pourra être demandeur et juge. Or nul ne peut être juge et partie. Cela contreviendrait de façon regrettable – et attaquable – au principe d'impartialité du juge.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement et sur ce sous-amendement ?
Tout à l'heure, emporté par mon élan et saisissant au bond les propos de M. le ministre délégué – qui passait allègrement de la santé au monopole syndical –, j'ai commencé à défendre l'œuvre commune de Mme la rapporteure et moi-même. J'en dirai encore quelques mots. Le monopole syndical peut se concevoir s'il s'agit de respecter le monde syndical et de le considérer comme un des acteurs incontournables du dialogue social – nous n'y voyons aucune difficulté.
Cependant, le sujet qui nous occupe ici est celui de la lutte contre les discriminations. Plus il existera de possibilités de lutter contre les discriminations, mieux se portera la société. Réintroduire le monopole syndical comme vous le souhaitez – quand nous voulons le supprimer – irait à l'encontre de l'élargissement de la qualité à agir et de la nécessaire lutte contre les discriminations. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement du Gouvernement.
Laurent Berger indiquait lui-même, dans un article de la revue Le Droit de vivre en 2021 – ce n'est pas si vieux : « Nous avons un regard positif sur l'action de groupe, et nous ne sommes pas contre le fait que l'on ouvre aux associations la capacité d'agir sans notre concours. » L'auteur de ces propos est un responsable syndical apprécié et reconnu, non un hurluberlu ; j'ai tendance à lui faire confiance. Pas plus qu'avec les prud'hommes, nous n'avons l'intention de bousculer le jeu juridictionnel. Nous souhaitons tonifier – si je puis dire – la nouvelle procédure que constituent les actions de groupe, sans remettre en cause les fondements du droit. Nous sommes donc défavorables à l'amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 103 , j'entends que M. Houssin nourrit une défiance à l'égard des syndicats de magistrats, mais elle n'a pas sa place dans nos travaux. Les syndicats de magistrats auront, ni plus ni moins, les compétences de tout autre syndicat. Il n'y a aucune raison de les stigmatiser. Je suis donc défavorable au sous-amendement.
Dans la mesure où cet amendement et ce sous-amendement s'inscrivent dans la lignée de l'amendement n° 100 qui a été retoqué il y a quelques instants, la logique veut du reste que nous les retoquions également. Ainsi, l'équilibre nous paraîtra respecté. Avis doublement défavorable.
Défavorable.
Nous sommes opposés au sous-amendement de M. Houssin – qui réapparaîtra un peu plus tard sous la forme d'un amendement –, car il vise à empêcher les syndicats de magistrats d'agir de la même façon que n'importe quel autre syndicat.
Les syndicats de magistrats doivent pouvoir agir comme tout syndicat. Si un magistrat syndiqué, ou qui exerce des responsabilités dans un syndicat, est conduit à juger une affaire qui concerne ce dernier, la déontologie lui impose de se déporter : des règles sont prévues pour que nul ne soit juge et partie. Cela vaut pour ce type de conflit d'intérêts, mais aussi, pour prendre un exemple anodin et ne brusquer personne, pour un magistrat qui aurait à juger le coiffeur chez qui il se rend habituellement. Ces règles existent déjà.
Si vous êtes opposés à ce que les magistrats puissent se syndiquer, dites-le haut et fort, et allez au bout de votre logique autoritaire et antidémocratique : au moins, ce sera plus clair.
S'agissant de l'amendement du Gouvernement, je rejoins les arguments des rapporteurs : le fait que des associations puissent agir n'empêche pas les syndicats d'agir par ailleurs ; les deux sont complémentaires. S'il s'agissait de choisir entre l'un et l'autre, nous aurions des raisons de nous creuser la tête, pour éviter tout antisyndicalisme ; car les syndicats, on y tient – nous, en tout cas !
La proposition de loi n'impose pas un tel choix.
Malheureusement, vous persistez dans votre logique : vous voulez que la loi soit aussi riquiqui que possible. Cela dit, quand vous parlez des syndicats, vous pensez peut-être aux syndicats patronaux ? C'est peut-être l'influence qui vous a le plus marqués !
Le sous-amendement n° 103 n'est pas adopté.
L'amendement n° 98 n'est pas adopté.
Je reviens une troisième fois à la charge, avec un amendement ayant pour objet de restreindre très légèrement le champ de l'action de groupe à la française – tout en saluant la largeur qu'ont voulu lui conférer les rapporteurs.
Nous proposons de préserver le monopole syndical en matière de lutte contre les discriminations, de défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, un stage ou une formation, de cessation du manquement d'un employeur ou de réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l'autorité de cet employeur, ainsi qu'en matière de protection des données personnelles. Par ailleurs, nous souhaitons que les associations régulièrement déclarées depuis deux ans puissent agir pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage.
De tous les amendements que je vous aurai proposés sur ce sujet, c'est donc celui qui porte l'atteinte la plus modeste au principe d'élargissement maximal de l'action de groupe à la française.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir le sous-amendement n° 104 .
Sans vouloir vous donner de leçon, monsieur le ministre délégué, perseverare diabolicum est – persévérer dans l'erreur est diabolique ! Vous serez revenu à la charge par trois fois : vous abusez !
Sourires.
Vous allez donc me contraindre une troisième fois à émettre un avis défavorable – j'en suis malheureux comme les pierres. Pour les mêmes motifs que ceux que j'ai déjà exprimés, les mêmes causes produisant les mêmes effets, mon avis est défavorable. Vous reconnaissez d'ailleurs vous-même, en défendant un peu mollement votre amendement, que tout cela n'ira pas bien loin.
Sourires.
Je suis au regret de vous dire que l'amendement n° 99 ne prospérera vraisemblablement pas plus que l'amendement n° 98 qui vient d'être repoussé. Réinstaurer un monopole syndical, même réduit à certains domaines, n'aurait guère de sens.
De même, je suis défavorable au sous-amendement de M. Houssin : il n'y a aucune raison de stigmatiser les syndicats de magistrats, sachant qu'il existe des règles de déport et de vérification des conflits d'intérêts. Une fois encore, avis doublement défavorable.
Défavorable.
Heureusement que les juges peuvent eux aussi obtenir justice quand leurs droits sont lésés ! Des dispositifs sont prévus en pareil cas, afin d'éviter tout conflit d'intérêts. Le groupe Socialistes et apparentés se rangera à l'avis des rapporteurs. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre délégué, nous voterons contre votre amendement : le jeu n'en vaut pas la chandelle. Votre proposition nuirait à la lisibilité que nous recherchons, et qui permet au travail parlementaire d'atteindre plus sûrement ses objectifs.
Le sous-amendement n° 104 n'est pas adopté.
L'amendement n° 99 n'est pas adopté.
Il vise à ne pas entraver la possibilité pour les associations de recourir à l'action de groupe. En exigeant que la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte figure dans leurs statuts, vous imposez un frein qui contredit l'esprit de la proposition de loi.
Si seules les associations créées précisément dans la perspective de la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte peuvent avoir recours à l'action de groupe, nous courons le risque de restreindre le dispositif à des associations ad hoc créées pour le recours à l'action de groupe, ce qui va contre l'esprit du texte. Par ailleurs, vous me concéderez que de nombreuses associations locales peuvent voir leur objet évoluer ; pourtant, elles doivent être en mesure d'engager elles-mêmes l'action de groupe.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'insister sur notre volonté d'élargir la qualité pour agir. En effet, votre amendement de suppression procède d'une incompréhension. Il aurait pour effet de retirer de la liste des associations ayant qualité pour agir les associations déclarées depuis au moins deux ans. Or l'état actuel du droit ne leur permet d'agir qu'à partir de cinq ans d'ancienneté. Nous proposons de ramener cette condition à deux ans, ce qui constitue donc un assouplissement des critères, contrairement à ce que laisse entendre l'amendement.
Je rappelle par ailleurs que les associations ad hoc pourront agir sans condition d'ancienneté. L'article 1er bis permettra donc d'élargir et d'assouplir réellement la qualité pour agir. L'esprit de votre amendement, sinon sa lettre, est totalement satisfait. La suppression de l'alinéa 3 affaiblirait l'article, ce que nous ne souhaitons pas. Par conséquent, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 38 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 81 rectifié , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
Je rappelle que les actions de groupe ne nécessiteront plus d'agrément, ce qui permettra d'en décupler les possibilités. Cet élargissement considérable permis par le texte est le bienvenu. Par cet amendement, le Gouvernement propose un simple garde-fou, non par plaisir, mais pour assurer la bonne conduite de l'action de groupe : il s'agit de vérifier qu'une association engageant une telle action n'a pas fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité. En effet, une action de groupe prend du temps et nécessite des ressources ; il faut donc que la santé financière de l'association soit suffisante pour lui permettre de tenir la distance.
Par ailleurs, nous proposons de requérir de ces associations qu'elles publient des informations relatives à leur financement et à leur gouvernance. L'objectif n'est pas de garantir leur robustesse financière, mais de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts liés à l'action de groupe.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir le sous-amendement n° 107 .
Il s'agit à nouveau d'un sous-amendement de précaution, pour ainsi dire : si l'amendement n° 81 rectifié est adopté, il fera tomber plusieurs amendements soumis à une discussion commune, parmi lesquels mes amendements n° 1 et 71 , ainsi que ceux identiques à ce dernier déposés par des collègues d'autres groupes, comme Mme Untermaier ou M. Coulomme.
Le sous-amendement concerne le seuil de personnes physiques se déclarant victimes requis pour engager une action de groupe. Le texte initial prévoyait un seuil de cinquante personnes, ce qui nous semblait déjà élevé – nous aurions préféré vingt-cinq –, mais celui qui nous est présenté aujourd'hui le porte à cent personnes. Cela nous semble constituer un frein aux actions de groupe ; aussi préférons-nous revenir au seuil initialement proposé par M. le rapporteur, à savoir cinquante personnes.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir le sous-amendement n° 109 .
Je rejoins les propos de mon collègue Houssin. Depuis son instauration par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, la procédure d'action de groupe a été utilisée seulement trente-deux fois, dont…
Pardonnez-moi, monsieur Guitton : n'étant pas signataire du sous-amendement, vous ne pouvez pas le défendre.
Cela tient à un problème technique : les sous-amendements n° 107 et 109 à l'amendement n° 81 rectifié ayant été jugés identiques aux sous-amendements n° 106 et 108 à l'amendement n° 80 rectifié , ils ont d'abord été supprimés par le service de la séance. Puisqu'ils ne portaient pas sur le même amendement, nous avons demandé qu'ils soient rétablis.
M. Guitton en était cosignataire : sans cet incident, il apparaîtrait toujours comme tel.
Je commence par les sous-amendements, quoique cela soit inhabituel. Chers collègues, ce n'est pas encore le moment d'aborder ces propositions : elles seront débattues ultérieurement. Je vous suggère donc de les retirer.
Quant à l'amendement du Gouvernement, il prévoit d'imposer aux associations ad hoc des conditions supplémentaires. Or nous tenons beaucoup à ces associations, qui font partie des nouveautés majeures du texte et peuvent, par exemple, être constituées immédiatement après un accident dans un site classé Seveso.
Nous avons prévu une condition : un seuil de victimes déclarées. Vous proposez d'y ajouter la « [mise] à disposition du public, en des termes clairs et compréhensibles, par tout moyen approprié, en particulier sur un site internet, [d']informations sur leur objet statutaire et leurs activités, sur les sources principales de leur financement et sur leur structure organisationnelle ». Je tiens à souligner que la directive européenne transposée par le texte n'impose pas cette condition de publicité pour la procédure nationale. En vertu du principe d'autonomie procédurale, les États membres sont libres d'accorder la qualité pour agir au niveau national à d'autres entités que celles visées par la directive. Instaurer la condition que vous proposez reviendrait à empêcher les associations ad hoc de se constituer et d'agir, car elles devraient alors, avant même de délivrer leur assignation, ouvrir et alimenter un site internet. En plus d'être peu réaliste, cette exigence est bien plus coûteuse qu'une certification de comptes et, à mon sens, inutile.
Je crois aussi qu'elle engendrerait des contentieux relatifs à la recevabilité de l'action, ce que nous ne saurions négliger. Qui contrôlera l'existence du site et décidera si son contenu est suffisant ? Bref, le défendeur risque de soulever l'irrecevabilité d'une action au motif de l'insuffisance des informations trouvées sur internet, alors que celles-ci ne lui sont pas destinées. Cela contraindra le juge à trancher sur cette question de forme avant même d'aborder le fond.
Pour toutes ces raisons, notre avis est défavorable.
Vous avez raison, madame la rapporteure : la directive européenne ne pose pas d'exigence de transparence, car elle concerne uniquement les actions de groupe impliquant plusieurs États membres. Votre texte est divisible en deux parties, dont l'une transpose la directive et l'autre concerne le cadre national de l'action de groupe. Le critère de transparence que nous proposons par cet amendement n'apparaît donc pas dans la partie européenne de la proposition de loi. En revanche, la directive européenne mentionne le critère de solvabilité, qui s'applique aux procédures concernant plusieurs États membres. S'il est souhaitable d'introduire une obligation de transparence, soit dès maintenant soit au cours de la navette parlementaire, il est particulièrement pertinent d'introduire une obligation de solvabilité, qui permettra de sécuriser la procédure et de s'assurer que les citoyens rejoignant ces associations verront leurs intérêts défendus.
Avis défavorable sur les deux sous-amendements.
Monsieur le ministre délégué, l'insolvabilité est certes constatée au moment du déclenchement de la procédure, mais comme vous l'avez rappelé, une action de groupe prend du temps. Je ne doute pas que lorsque le nombre de victimes est élevé, le budget de l'association qui défend leurs intérêts grossira en conséquence, puisque les victimes verseront au fil du temps les contributions nécessaires à la poursuite de l'action. Il n'y a donc pas de raison de limiter dès l'origine la possibilité d'action de groupe au motif qu'une association compte peu de membres ou qu'elle est insolvable.
Par ailleurs, l'alinéa 4 de l'article 1er bis fixe un seuil de cinq collectivités territoriales se déclarant victimes d'un dommage. Mais une seule collectivité territoriale, par exemple une grande ville, peut suffire à constituer la motivation d'une action de groupe tout à fait légitime. Cette disposition nous semble compliquer l'accès à la procédure et rendre possibles des recours juridiques malsains.
Quant au seuil de personnes physiques, comme vous le savez, nous souhaitons l'abaisser autant que possible. Nous avions proposé de le fixer à vingt personnes. La commission a acté un seuil de cinquante personnes ; conservons-le.
Enfin, les moyens de publicité et d'information incombent aux associations qui, n'en doutons pas, feront le nécessaire pour faire savoir au public qu'elles ont vocation à défendre les intérêts de l'ensemble des victimes.
L'amendement n° 81 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 80 rectifié , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
Il s'agit, là encore, de poser un garde-fou au recours aux associations ad hoc. L'amendement tend à requérir qu'elles soient constituées depuis au moins un an lors du déclenchement de l'action de groupe.
J'apporte d'abord une précision de méthode. En commission, le texte a été réécrit, faisant tomber les amendements déposés. Par précaution, nous nous sommes donc permis de sous-amender les amendements du Gouvernement afin d'avoir l'occasion de défendre notre point de vue même dans le cas où, étant adoptés, ils feraient tomber nos amendements ultérieurs.
Ces sous-amendements tendent à élargir la possibilité de recours collectif. Depuis son introduction par la loi du 17 mars 2014, l'action de groupe a été utilisée seulement trente-deux fois et s'est soldée quatre fois par une issue positive. Étant donné le nombre des situations où les consommateurs peuvent être lésés, il est nécessaire de faciliter l'action de groupe. Nous proposons donc d'assouplir les conditions requises pour engager une action de groupe. En l'occurrence, nous souhaitons porter de cinq à trois le seuil de collectivités territoriales nécessaires à cette procédure. Ainsi, il sera possible à une commune lésée de s'associer à sa communauté de communes et au département pour engager un recours collectif. Cela paraît largement suffisant.
Plutôt que de le fixer à cinq, il nous semble judicieux d'abaisser ce seuil autant que possible : nous soutiendrons d'ailleurs des amendements visant à le porter à deux, car il paraît logique que deux communes lésées, ou une commune et sa communauté de communes, puissent engager ensemble une action de groupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Nous aurons l'occasion d'examiner dans quelques minutes les propositions contenues dans ces sous-amendements, et j'émettrai alors un avis différent. Pour l'instant, mon avis est défavorable en raison de leur emplacement dans le texte. La porte est entrouverte : vous serez bientôt satisfaits, je l'espère.
Quant à l'amendement du Gouvernement, il tend à subordonner la qualité pour agir à une ancienneté d'un an. Vous proposez donc d'ajouter des conditions procédurales, allongeant par là une procédure que nous tâchons de simplifier et d'accélérer. Cette mesure va à l'encontre de notre intention. En effet, l'introduction d'une condition de durée, qu'elle soit de deux ans, d'un an ou même de six mois – une durée inférieure aurait peu d'intérêt –, aurait pour effet d'empêcher toute association ad hoc de voir le jour. Pour se constituer un an à l'avance, il lui faudrait quasiment prévoir le risque d'un dommage ! Une telle démarche est contraire à l'esprit d'une association ad hoc.
Je dirais avec un brin d'humour que si vous voulez tuer le ad hoc, nous ne voulons pas, pour notre part, noyer le poisson !
Sourires et applaudissements sur divers bancs.
Même avis que la commission.
L'amendement n° 80 rectifié n'est pas adopté.
Nous en revenons au débat sur le nombre de personnes physiques nécessaire pour qu'une association ad hoc puisse lancer une action de groupe. En commission, ce nombre a été porté à cent, alors qu'il était de cinquante dans le texte initial. Pour notre part, nous avions plaidé pour un abaissement à vingt-cinq.
Il importe de comprendre que lorsqu'une action de groupe est lancée par vingt-cinq personnes, cela ne veut pas dire qu'il y a seulement vingt-cinq victimes ; cela signifie que l'on a pu identifier vingt-cinq personnes, les contacter et les motiver à mener une action de groupe.
Je prends un exemple. Si deux ou trois personnes constatent qu'elles rencontrent un même problème de prothèse, susceptible de concerner plusieurs milliers de personnes à l'échelle du territoire, elles vont devoir trouver une partie de ces dernières, c'est-à-dire les identifier, les contacter et les motiver à lancer une action de groupe. On se rend compte qu'il est très difficile de constituer un groupe nombreux. Dans certains cas, c'est un véritable obstacle au lancement d'une action de groupe.
Compte tenu du faible nombre d'actions de groupe lancées au cours des dix dernières années, nous pensons qu'il faut faciliter au maximum le recours à cette procédure. Le nombre de vingt-cinq personnes physiques nous semble raisonnable.
Compte tenu du nombre très faible d'actions de groupe à ce jour, la loi en vigueur est assez décevante. En commission, les rapporteurs ont fait le choix de porter de cinquante à cent le nombre de personnes physiques requis, ce qui paraît contre-productif au regard de l'objectif de la présente proposition de loi, à savoir faciliter l'accès à l'action de groupe, notamment aux associations ad hoc. Cet amendement vise à revenir au nombre initial.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 12 .
L'action de groupe est un outil essentiel pour la démocratie. Or, depuis 2014, seules trente-deux actions de ce type ont été introduites. On voit très bien que c'est le seuil qui pose problème. Nous insistons pour abaisser à cinquante le nombre de personnes physiques nécessaire pour lancer une action de groupe, autrement dit pour faire valoir des préoccupations partagées par nos concitoyens.
Il tend à revenir au nombre minimal qui figurait dans la rédaction initiale, à savoir cinquante personnes physiques. Le nombre de cinquante est important pour deux raisons. D'une part, il s'agit d'un seuil critique à partir duquel on peut imaginer que les habitants d'un immeuble ou les riverains d'un site donné sont capables de s'organiser et de faire valoir leurs droits. D'autre part, cela accroîtrait la probabilité d'un effet utile sur l'ensemble de la société, car il ne serait pas nécessaire d'attendre que 100, 150 ou 200 personnes soient confrontées à la même difficulté ou subissent les mêmes préjudices, que le domaine concerné soit le logement, la santé ou encore la consommation courante. Cet amendement va donc dans le sens de la protection des droits tant individuels que collectifs.
La parole est à M. Timothée Houssin, pour soutenir l'amendement n° 71 .
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à mon amendement n° 1 . Il vise à revenir au nombre de cinquante personnes physiques qui figurait dans le texte initial. En commission, ce nombre a été porté à cent à l'initiative des rapporteurs, dont nous n'avons pas très bien compris la motivation ; nous avons l'impression que cela vient de l'extérieur. Plusieurs groupes demandent de revenir à cinquante. Grâce à eux, les rapporteurs peuvent disposer d'une majorité leur permettant de contrer les amendements du Gouvernement.
Nous avons cherché à échanger et à entendre les différents arguments. Notre objectif est que les associations ad hoc réunissent un nombre suffisant d'adhérents pour que cela garantisse leur sérieux. C'est ce qui a justifié le relèvement à cent personnes physiques que nous avons proposé en commission.
Comme toujours, il est compliqué de fixer un seuil. Nous pensons qu'il revient au législateur de le faire. Il semble résulter de la position exprimée par la quasi-totalité de la représentation nationale que le bon seuil est cinquante ; c'est le consensus qui se dégage de ces amendements.
Je demande le retrait de l'amendement qui vise à abaisser le seuil à vingt-cinq – ce ne serait pas raisonnable. S'agissant des amendements qui tendent à revenir à cinquante, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Avis défavorable, même si l'on comprend bien l'intention des auteurs des amendements. M. Houssin l'a très bien dit, la question est de savoir si une victime peut facilement en trouver d'autres et se joindre à elles pour lancer une action de groupe.
Je ne résiste pas à la tentation de rappeler que, par son excellent amendement n° 81 rectifié , le Gouvernement proposait précisément d'imposer aux associations ad hoc une petite condition supplémentaire, celle de faire connaître leur action, en particulier sur un site internet. La préoccupation exprimée eût ainsi été satisfaite. L'amendement du Gouvernement n'avait pas vocation à tuer le ad hoc, monsieur le rapporteur. Si l'Assemblée l'avait adopté, nous nous sentirions tous comme des poissons dans l'eau !
Sourires.
Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra bien évidemment l'amendement qu'il a déposé – nous n'avons pas de regret à ce sujet. La position qui semble prédominer sur tous les bancs est celle d'un retour au nombre de cinquante qui figurait dans le texte initial. Nous souhaitons très fortement qu'il soit retenu : c'est essentiel pour faciliter les actions de groupe. C'est la quatrième fois que l'Assemblée nationale revient sur la question dans un texte législatif. Soyons courageux, opérationnels, ouverts et confiants ! Vous parlez souvent de la société de confiance ; allons dans cette direction, et retenons le seuil de cinquante initialement proposé par les rapporteurs.
Compte tenu de la demande formulée par Mme la rapporteure et de l'adoption probable du seuil de cinquante personnes physiques, qui irait dans le bon sens, je retire mon amendement n° 1 au profit des amendements identiques qui le suivent.
L'amendement n° 1 est retiré.
Cet amendement, rédigé au nom du groupe par ma collègue Cécile Untermaier, est un amendement de cohérence.
Nous venons d'abaisser le seuil de cent personnes physiques à cinquante. Nous proposons, de la même manière, d'abaisser le seuil de dix personnes morales à cinq. Il s'agit là encore de dynamiser les actions de groupe. Je vous invite à poursuivre dans cette voie en adoptant cet amendement.
Il nous semble qu'un nombre minimal de personnes morales est nécessaire pour lancer une action de groupe. À défaut, elle présenterait sans doute un intérêt limité. Le seuil de dix nous semblait convenir, mais il serait logique de l'abaisser à cinq, dans la continuité du vote précédent. Je m'apprêtais à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, mais par cohérence, et éclairé par vos propos, j'émets un avis favorable.
L'amendement n° 13 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit de poursuivre dans le registre de l'ouverture, sans négliger pour autant la préoccupation exprimée par M. le ministre délégué, à savoir qu'une action de groupe doit réunir suffisamment de personnes physiques ou morales. Le texte fixe un nombre minimal de collectivités territoriales, sans faire référence à un nombre d'habitants, ce qui nous semble source de difficulté. Après avoir bien réfléchi, nous pensons qu'abaisser ce seuil à deux, sans autre spécification, permettrait aux collectivités de défendre un intérêt général ; nous n'avons aucune raison de limiter leur action en la matière.
L'amendement n° 26 vise à abaisser de cinq à deux le nombre minimal de collectivités locales requis pour les recours collectifs. L'amendement n° 27 est un amendement de repli, qui tend à abaisser ce seuil à trois. Ce serait utile, sinon nécessaire. Depuis 2014, la procédure a été utilisée seulement trente-deux fois, avec quatre issues positives. Il serait bienvenu que deux communes lésées – ou une commune et une communauté de communes – puissent agir ensemble par un recours collectif, représentées par une association.
L'objet de ce texte est d'ouvrir la possibilité de former des recours collectifs. Allons dans ce sens et adoptons l'un de ces deux amendements. Je pense que les collectivités nous en seront reconnaissantes.
Nous ne sommes plus dans le registre du raisonnable. Abaisser le nombre minimal de collectivités à deux ou à trois ne présenterait guère d'intérêt. Il vaut mieux privilégier une action véritablement collective. Nous allons discuter dans un instant de l'extension de la procédure aux groupements de collectivités territoriales. Les rapporteurs suggèrent le retrait des amendements, sans quoi leur avis sera défavorable.
Défavorable.
L'amendement n° 14 est retiré.
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l'amendement n° 10 .
L'article 1er bis prévoit que l'action de groupe peut notamment être exercée par les collectivités territoriales. Cet amendement vise à étendre cette possibilité aux groupements de collectivités, notamment les établissements publics de coopération intercommunale tels que les intercommunalités, en insérant à l'alinéa 4, après le mot « territoriales », les mots « ou leurs groupements ».
Notre intention était en effet de mettre sur la ligne de départ les collectivités territoriales, en faisant le distinguo habituel entre les EPCI et les collectivités territoriales elles-mêmes.
C'est une excellente proposition, à condition de s'entendre sur le fait que l'on peut mélanger les genres, si j'ose dire, pour une même action de groupe, entre communes, départements, régions et EPCI ; il ne faut pas cinq EPCI d'un côté, ou cinq départements de l'autre. Cet amendement va dans le sens d'une amélioration.
En outre, comme Laurence Vichnievsky le disait tout à l'heure, il permet d'éviter d'abaisser le seuil à deux ou trois collectivités. Soit dit en passant, les effets de seuil, c'est toujours compliqué : cinq, dix, est-ce un bon chiffre ?
Quoi qu'il en soit, l'amendement, en incluant les EPCI, répond indirectement au souci d'étendre l'action de groupe aux collectivités. Avis très favorable.
Avis favorable également. Cet amendement va dans le sens d'une meilleure visibilité et d'une simplification de l'accès à l'action de groupe.
L'amendement n° 10 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Éric Martineau applaudit également.
Comme nous l'avons déjà dit en commission, puisqu'il faut ouvrir l'action de groupe, travaillons avec les acteurs de la justice et avec les avocats. On a peur d'une dérive vers la class action à l'américaine, mais le régime des avocats n'est pas du tout le même aux États-Unis et en France. Il me semble que les craintes relatives aux dommages et intérêts et à la financiarisation qui a cours aux États-Unis n'ont pas lieu d'être en France.
Je ne suis pas avocate ; cet amendement n'est pas inspiré par le Conseil national des barreaux. Je ne parle pas pour un lobby. Je pense seulement au citoyen qui, voulant obtenir réparation d'un préjudice subi collectivement et ne connaissant personne, aura peut-être des difficultés à constituer ou à rencontrer une association et, de la manière la plus naturelle, ira frapper à la porte d'un cabinet d'avocats, lequel saura sans doute rassembler les propositions.
Ces amendements ne sont dirigés ni contre les associations, ni contre les avocats. Je pense au contraire que nous devons travailler ensemble.
Les avocats ont toute leur place dans l'action de groupe, puisque la représentation par un avocat est obligatoire devant la quasi-totalité des juridictions concernées.
Si nous n'avons pas voulu conférer cette possibilité aux avocats, c'est parce que nous souhaitons respecter un des fondamentaux de la procédure dans notre droit continental, à savoir la différence entre la qualité de défenseur et la qualité de partie au procès. L'avocat a la qualité de défenseur ; l'association a la qualité de partie. Si l'on étendait la possibilité d'exercer l'action de groupe aux avocats, ceux-ci auraient de fait la qualité de partie, ce qui est source de confusion.
Nous aurons l'occasion, tout à l'heure, de discuter d'un autre de vos amendements visant à donner plus de place aux avocats ; néanmoins, je tenais à exposer clairement ce qui nous avait conduits à écarter l'avocat en tant que partie au procès. Avis défavorable sur les trois amendements.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 59 .
Il s'agit d'ajouter à la liste des personnes morales pouvant exercer l'action de groupe les ordres professionnels, lesquels ne sont pas expressément visés alors qu'ils sont, en quelque sorte, le pendant des syndicats, dans la mesure où ils représentent des intérêts collectifs ; ils sont par ailleurs des interlocuteurs naturels des pouvoirs publics. Les intégrer comme partie à l'action de groupe irait dans le sens de l'article.
Cher collègue, les ordres professionnels ne sont pas exactement le pendant des syndicats. La preuve en est que dans certains secteurs professionnels, il y a cohabitation entre les ordres et les syndicats. C'est vrai chez les médecins, ailleurs aussi.
Nous avons exclu les ordres professionnels pour éviter toute confusion quant à leur rôle et à leurs compétences ; en pratique, rien ne les empêchera d'être à l'initiative d'une association ad hoc pour susciter ou pousser une action de groupe. Avis défavorable, même si votre raisonnement est juridiquement intéressant.
L'amendement n° 59 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 58 .
L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 50 de Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement n° 50 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 64 rectifié .
Il vise à permettre les actions de groupe conjointes et l'intervention volontaire des demandeurs ayant qualité pour agir.
Il est un peu risible d'émettre un avis favorable sur son propre amendement, sauf à être atteint de difficultés psychiques ou psychologiques. Vous nous suivrez, je n'en doute pas – non pas sur nos difficultés, mais sur cet avis.
L'amendement n° 64 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 16 de Mme Cécile Untermaier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis favorable.
L'amendement n° 16 est retiré.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Caroline Abadie, suppléant M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 82 du Gouvernement.
Il porte également sur les actions de groupe fondées sur le code de la santé publique, dont nous avons déjà débattu et pour lesquelles l'Assemblée a décidé de rejeter la proposition de prudence du Gouvernement. Je retire cet amendement, mais j'appelle une nouvelle fois l'attention de la représentation nationale sur les risques propres à ce type d'action de groupe. Je le répète, le Gouvernement est favorable à l'extension du régime juridique des actions de groupe prévue par la proposition de loi, à deux exceptions près.
La première concerne le secteur de la santé, qui pourrait voir le nombre de contentieux augmenter, ce risque pesant sur les épaules des professionnels de santé, des personnels hospitaliers et des médecins libéraux, bien que le régime des sanctions ne soit pas modifié, et nuisant du même coup à l'attractivité de leur profession. Les précédents amendements du Gouvernement, ainsi que l'amendement n° 82 , visaient à répondre à cette préoccupation.
La seconde exception est le droit du travail. Nous considérons en effet que les conseils des prud'hommes et les syndicats sont les mieux placés pour défendre les intérêts des salariés.
Pour conclure, je retire l'amendement n° 82 relatif aux actions de groupe dans le champ de la santé et je retirerai tout à l'heure deux amendements exprimant la même réserve du Gouvernement. Je précise que nous n'abordons pas ici les produits de santé, lesquels sont déjà couverts par le droit et seraient restés dans le champ de l'action de groupe même si ces différents amendements avaient été adoptés.
L'amendement n° 82 est retiré.
Laurence Vichnievsky et moi-même vous remercions de ce retrait, monsieur le ministre délégué. Je veux redire que ce texte sur le régime juridique des actions de groupe tend à unifier des procédures aujourd'hui éparses et ne vise en aucune manière à désigner des boucs émissaires ou des coupables à tout prix – pas plus dans le domaine de la santé que dans les autres. Nous mesurons tous, évidemment, les difficultés qu'affrontent les soignants du fait de leurs conditions de travail, du manque de personnel et du stress auquel ils sont soumis, a fortiori après une grave crise sanitaire. Nous connaissons aussi la désespérance de nos concitoyens, qui ne trouvent pas toujours les services médicaux qu'ils attendent.
Néanmoins, avec cette proposition de loi, nous ne modifions pas le fond du droit. Dans le champ de la santé, l'action de groupe implique des victimes sérielles. Les craintes que vous avez exprimées ont donc peu de risques de se vérifier à l'avenir. Nous en prenons cependant acte. La navette parlementaire permettra peut-être de trouver le moyen de satisfaire notre volonté d'étendre l'action de groupe sans mettre en péril le secteur de la santé – ce qui n'est nullement notre objectif. Nous avons la volonté de trouver une voie de sagesse qui puisse nous réunir tous. Je souhaitais vous en assurer, monsieur le ministre délégué.
Je vous remercie pour ces explications, monsieur le rapporteur. Vous l'aurez compris, le Gouvernement n'est pas pleinement rassuré à ce stade quant aux risques que cet élargissement des actions de groupe ferait peser sur certains secteurs, notamment celui de la santé. Mais vous avez raison, la navette parlementaire nous permettra peut-être de faire converger les positions.
Le groupe Rassemblement national est favorable à l'article 1er ter tel qu'il est rédigé. Cet article crée un cas d'irrecevabilité pour les actions de groupe. Nous présenterons des amendements pour en améliorer le contenu.
Selon nous, l'article doit viser deux objectifs. Tout d'abord, il est nécessaire de s'assurer que sous couvert d'une action de groupe, certaines structures ne sont pas le cheval de Troie judiciaire d'acteurs économiques ou commerciaux pilotant directement ou indirectement cette action dans le but de fragiliser ou de déstabiliser un concurrent commercial. Lors des travaux de la commission, Mme la rapporteure avait elle-même souligné la nécessité de nous « prémunir contre les faux-nez ».
Ensuite, nous devons faire en sorte, autant que possible, que les structures qui défendent des actions de groupe, notamment les associations, puissent le faire de manière pérenne et sérieuse, sur le plan opérationnel comme sur le plan financier. Une action de groupe soutient des demandes collectives souvent complexes, lourdes et longues. Il serait regrettable que ceux qui l'engagent soient obligés d'abandonner en cours de procédure.
L'article 1er ter, modifié par nos amendements n° 60 et 61 , permettrait de satisfaire ce double objectif. Il ne s'agit pas de restreindre l'action de groupe, mais au contraire de lui permettre d'être menée à bien de manière efficace et fluide.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 84 du Gouvernement.
Cet amendement va dans la direction souhaitée par les rapporteurs, puisqu'il vise à élargir au maximum le champ dans lequel l'action de groupe peut être engagée et le nombre des personnes morales habilitées à agir. Nous proposons de ne pas imposer l'obligation de produire une attestation sur l'honneur aux associations relevant d'autres États membres, puisqu'elles sont elles-mêmes soumises à leur droit national. Nous restreignons ainsi aux organismes établis en France l'obligation de produire une attestation sur l'honneur – ce garde-fou destiné aux associations qui engagent des actions de groupe.
L'amendement supprime, pour les entités qualifiées par les autres États membres, l'exigence de produire une attestation sur l'honneur. Je voudrais vous dire, monsieur le ministre délégué, que votre interprétation de la directive en question – celle du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives pour la protection des intérêts collectifs des consommateurs – me semble erronée. En effet, il existe un principe d'autonomie procédurale, d'ailleurs rappelé par le considérant n° 12 de la directive, qui permet aux États membres de fixer librement les règles de droit commun sur la recevabilité, les preuves ou les voies de recours, dès lors que celles-ci ne portent pas atteinte au bon fonctionnement du mécanisme procédural des actions représentatives.
Nous estimons que l'attestation sur l'honneur répond parfaitement à ces conditions : loin de porter atteinte au mécanisme des actions représentatives, elle le renforce en garantissant l'absence de conflits d'intérêts voulue par la directive. Vous supprimez ainsi une règle de recevabilité pour les seules actions transfrontalières. Comme je l'indiquais au début de mon propos, vous ne respectez donc ni le principe de l'autonomie procédurale, ni celui de non-discrimination.
J'ajoute un second argument, afin de garantir une pleine transparence entre nous : l'objectif du présent amendement, c'est d'affaiblir le mécanisme d'autocertification de notre attestation sur l'honneur. En effet, combiné à d'autres amendements, celui que vous venez de défendre, monsieur le ministre délégué, a pour effet de priver de toute utilité l'attestation sur l'honneur. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'y être défavorables.
L'amendement n° 84 est retiré.
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 76 .
Il vise à apporter quelques précisions concernant l'attestation sur l'honneur : nous souhaitons ajouter que l'action n'est pas financée par un concurrent, afin d'éviter les « faux-nez » – pour reprendre l'expression qui a été utilisée en commission et citée par un de nos collègues tout à l'heure. Il faut qu'il soit impossible de tirer les ficelles ou de jouer ainsi aux marionnettes, ou en tout cas que cette possibilité soit limitée au maximum. Cela nous paraît par ailleurs tout à fait conforme au principe de l'autonomie procédurale rappelé par Laurence Vichnievsky il y a quelques instants à propos de l'amendement du Gouvernement qui vient d'être retiré.
Le Gouvernement est favorable au n° 76, ce qui lui permet de retirer le suivant, à savoir le n° 83.
Le groupe Démocrate est très heureux de la solution qui a été trouvée par le Gouvernement et par les rapporteurs, qui permet de laisser la navette fonctionner pour améliorer le texte. Nous avons bien intégré, monsieur le ministre délégué, les alertes et les points de vigilance que vous avez mentionnés ; le travail parlementaire n'est pas fini, puisque les sénateurs vont à leur tour travailler sur le sujet – ils mèneront des auditions qui permettront de confirmer ou d'infirmer certaines mesures, car ils ont besoin de se faire leur propre idée sur ces sujets. Nous sommes donc très favorables à cet état d'esprit qui conduit à laisser le texte tel qu'il a été adopté en commission, sans les amendements qui ont ensuite été déposés par le Gouvernement. Sachant que les sénateurs retravailleront le texte, nous sommes évidemment favorables à l'amendement des rapporteurs, M. Gosselin et Mme Vichnievsky, et au retrait de ceux du Gouvernement – mais nous soutiendrons bien entendu tous les futurs amendements du Gouvernement qui auront reçu un avis favorable des rapporteurs.
Ce texte a été discuté en commission ; il est inscrit à l'ordre du jour de cette semaine finalement très novatrice et tout à fait intéressante, la semaine dite de l'Assemblée nationale, dans laquelle des textes transpartisans sont discutés. J'apprécie pour ma part, je l'admets, que le Gouvernement – et en particulier le ministre délégué, qui n'est pas le ministre de tutelle chargé de ces sujets –…
…soit au travail, ici au banc, pour traiter ce dossier difficile. Cependant, je vous entends dire que l'on va tout rattraper au Sénat : ce n'est pas du tout l'état d'esprit qui nous anime ! Notre volonté à nous, c'est de défendre ce texte transpartisan qui tire précisément sa force de ce caractère transpartisan, des discussions que nous avons eues en commission, mais aussi du fait que les amendements du Gouvernement ont été battus et rejetés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Il faut éviter de considérer que l'Assemblée nationale est l'antichambre du Sénat, car c'est tout le contraire.
Nous devons donc dire, de la manière la plus forte, notre attachement à ce texte tel qu'il a été – excellemment – élaboré par les rapporteurs ; ils l'ont fait en conscience, en s'appuyant sur l'avis du Conseil d'État et sur l'intérêt porté au sujet par d'autres députés, issu de tous les bancs. Je ne peux pas admettre que nous le laissions filer en disant : « on verra bien plus tard » !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR.
L'amendement n° 76 est adopté.
Ils ont également trait à la recevabilité des actions de groupe. Nous soutenons naturellement le texte et l'amendement qui vient d'être adopté, et bien sûr, nous postulons la confiance à l'égard des associations qui exerceront une action de groupe, mais nous estimons que celle-ci doit aussi s'accompagner de transparence, afin que chacun soit protégé. L'objectif, encore une fois, est que ces actions ne soient pas – parfois malgré elles – financées par des structures privées ou publiques, entreprises ou États, qui chercheraient à déstabiliser des acteurs économiques concurrents. Nous souhaitons donc qu'outre l'attestation sur l'honneur, les associations publient une fois par an la liste des donateurs et contributeurs, personnes physiques ou morales, qui leur apportent des financements, ainsi que les montants versés par ceux-ci au cours des trois dernières années dès lors qu'ils excèdent 5 000 euros – c'est l'amendement n° 60 – ou un montant fixé par décret – c'est l'amendement n° 61 , qui est un amendement de repli.
Le souci de transparence – ici financière – est louable ; il revient à veiller particulièrement à l'absence de « faux-nez », d'hommes ou de femmes de paille qui pourraient financer ces actions de groupe. Sur le principe, nul ne peut s'y opposer et nous y sommes tout à fait favorables.
Cependant, au lieu de regarder le présent ou l'avenir, vous gardez ici l'œil dans le rétroviseur des trois dernières années. Or ce qui nous intéresse, c'est moins le passé que la manière dont l'action de groupe est financée aujourd'hui et le sera le cas échéant demain. Comme souvent, une telle mesure – je pense en particulier à la publication d'une liste de donateurs – viendrait plutôt embêter les gens de bonne foi : on peut très bien comprendre que certains d'entre eux veuillent rester discrets, conserver une forme d'anonymat qui n'est pas incompatible avec la loi – en tout cas à ce stade – et ne signifie pas qu'ils attentent à quoi que ce soit.
Il nous apparaît ainsi que malgré leur intérêt et la bonne volonté dont vous faites preuve, ces deux amendements, n° 60 et 61 , ne sont pas réellement opérationnels : ils ne satisfont pas au souhait de transparence financière. Pour cette raison, je leur donne un avis défavorable ; le second étant un amendement de repli du premier, il est logique qu'ils subissent le même sort.
L'article 1er ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir les amendements n° 102 rectifié et 101 rectifié , qui portent article additionnel après l'article 1er ter et peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Avant de présenter les amendements, je voudrais rappeler deux petites choses. Premièrement, madame Untermaier, vous avez dit tout à l'heure que je n'étais pas le ministre de tutelle de ce texte, mais ce n'est pas la question. Comme vous le savez, le Gouvernement est solidaire en tout point et sur toute question : quel que soit le membre du Gouvernement présent au banc pour défendre un texte, il défend la position arbitrée par Mme la Première ministre.
Deuxièmement, s'agissant des alertes que j'ai évoquées tout à l'heure sur la question de la santé et du travail, je demande que nous fassions preuve de respect mutuel. Je respecte la majorité qui s'est formée au Parlement pour rejeter les amendements du Gouvernement ; respectez le travail du Gouvernement, qui va poursuivre son travail d'analyse dans le cadre de la navette parlementaire. Il n'est pas inhabituel qu'un texte évolue lors de sa première lecture dans la deuxième chambre – parfois le Sénat et parfois l'Assemblée, en fonction du texte –, puis qu'il soit à nouveau modifié par la chambre dans laquelle il a été examiné initialement. Ce texte a des fondations solides et il est soutenu dans ses principes fondateurs par le Gouvernement ; cela dit, il peut évoluer dans le détail et ce n'est pas un drame.
L'amendement n° 102 rectifié vise à maintenir le système de mise en demeure préalable en cas d'action de groupe engagée dans le cadre des relations de travail. Il s'agit simplement de préserver l'articulation – à laquelle les rapporteurs sont particulièrement attachés – entre l'action de groupe et le dialogue social. Le Gouvernement considère qu'il faut maintenir cette possibilité de mise en demeure pour que cette articulation soit garantie. Si l'amendement n° 102 rectifié était adopté, le Gouvernement retirerait évidemment le suivant, n° 101 rectifié.
L'amendement n° 102 rectifié propose de réintroduire la mise en demeure préalable dans le cas d'une action de groupe fondée sur un manquement au code du travail, et le n° 101 rectifié est un amendement de repli visant les seules discriminations. Je donnerai un avis sur le premier ; s'il est adopté, le second deviendra sans objet. Nous avions considéré – comme le Conseil d'État, d'ailleurs, si je ne me trompe – que ce système de mise en demeure préalable n'avait pas eu beaucoup d'utilité dans le cadre des actions passées, et qu'il n'avait en réalité pas permis qu'un dialogue social s'instaure. Nous l'avions donc supprimé, mais il est vrai que jusqu'à présent, peu d'actions de groupe ont été intentées. Sans doute y en aura-t-il davantage à l'avenir ; compte tenu de la spécificité du droit du travail et de la nécessité de donner au dialogue social toute sa place, et malgré l'allongement procédural que cela représente – six mois de plus –, nous émettons un avis de sagesse.
Le groupe Démocrate soutient l'adoption de l'amendement n° 102 rectifié et le retrait du n° 101 rectifié ; le premier est plus large et permet d'appliquer la procédure de mise en demeure préalable à l'ensemble du droit du travail, et pas seulement aux cas de discrimination. Cela nous semble aller dans le bon sens et répond à une des préoccupations du Gouvernement, celle qu'il avait exprimée dans son amendement n° 100 , qui a été rejeté tout à l'heure. C'est selon nous la meilleure manière d'articuler actions de groupe et dialogue social.
L'amendement n° 102 rectifié est adopté ; en conséquence, l'amendement n° 101 rectifié tombe.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 86 .
Il est retiré.
L'amendement n° 86 est retiré.
Il s'agit d'alléger le coût de l'action en justice en élargissant le dispositif général. Nous considérons qu'il ne faut pas restreindre l'accès au droit pour des victimes qui, bien évidemment, n'ont pas prévu les moyens d'acter en justice dans leur budget.
Il vise à permettre la liquidation de l'astreinte au profit du demandeur, ce qui fluidifiera les choses.
Sagesse.
Il fixe un délai maximal de six mois pendant lequel le juge prend les mesures provisoires nécessaires visant à faire cesser le manquement à l'origine de l'action de groupe. Les manquements des personnes morales à l'origine de l'action de groupe sont parfois d'une telle gravité qu'il est essentiel de faire cesser rapidement les causes du préjudice. Cette gravité particulière justifie qu'un délai contraignant soit fixé par la loi.
Prenons l'exemple de l'action de groupe intentée en 2021 par l'UFC-Que Choisir contre l'opérateur privé de distribution d'eau potable Cise Réunion : aujourd'hui, 80 000 personnes continuent de recevoir chez elles une eau impropre à la consommation malgré la procédure en cours.
Un tel cas illustre la nécessité d'inscrire dans la présente proposition de loi un délai contraignant pendant lequel le juge statue sur les mesures conservatoires nécessaires pour mettre fin au manquement et éviter l'aggravation des préjudices.
Dans le droit existant, aucun délai n'est prévu, que ce soit dans le code de la consommation ou dans le socle commun de 2016. Il ne nous paraît pas opportun de forcer la main du juge, ce qui pourrait d'ailleurs être contre-productif : si le juge n'a pas suffisamment de temps pour analyser la situation, il pourrait préférer ne pas se prononcer du tout. Avis défavorable.
Même avis.
Je ne veux pas voir dans l'avis défavorable du ministre délégué un lien avec l'exemple que j'ai cité, sachant que Cise Réunion est une filiale du groupe Saur dont nous avons beaucoup parlé ici : selon le parquet national financier (PNF), ce groupe aurait bénéficié d'un marché potentiellement truqué dans la ville d'Annonay dont le maire n'est autre que l'actuel ministre du travail.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Oh là là !
L'amendement n° 29 n'est pas adopté.
L'article 1er quater, amendé, est adopté.
Il réécrit une partie de l'article 1er quinquies introduit dans le texte par la commission des lois.
D'une part, il introduit une précision légistique au premier alinéa concernant la présentation de cas individuels par le demandeur à l'action.
D'autre part, il inscrit formellement l'obligation pour le juge de déterminer le montant du préjudice établi pour l'ensemble des personnes membres du groupe, une fois qu'il a statué sur la responsabilité du professionnel.
Enfin, l'amendement apporte des précisions sur le délai pendant lequel les personnes victimes du préjudice reconnu par le juge peuvent adhérer au groupe. Un délai compris entre trois et six mois paraît suffisant pour que les personnes lésées aient le temps de prendre connaissance de l'action en cours et d'entamer les démarches pour se joindre à la procédure d'indemnisation, une fois la responsabilité du professionnel reconnue.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 113 .
Il tend à vider un peu de sa substance l'amendement de notre collègue en ne conservant que son II selon lequel le juge détermine, dans le jugement en responsabilité, les éléments permettant l'évaluation des préjudices susceptibles d'être réparés – ce qui va dans votre sens.
Si le sous-amendement n° 113 était adopté, en ayant bien conscience que cette réserve peut ne pas vous satisfaire, monsieur Lucas, nous serions favorables à l'amendement n° 31 . En revanche, notre avis serait défavorable si l'amendement devait rester en l'état.
J'émets un avis de sagesse sur l'amendement n° 31 sous réserve de l'adoption du sous-amendement. Voyez, monsieur Lucas, cela n'a rien à voir ni avec le groupe Saur ni avec Olivier Dussopt. De grâce, arrêtez de vous en prendre nominalement aux parlementaires et aux membres du Gouvernement. Cela conduit à un affaissement de nos institutions et à un affaiblissement de notre démocratie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Ian Boucart applaudit également.
Monsieur le ministre délégué, votre réaction me semble disproportionnée…
Je m'exprime sur l'amendement. Le contexte éclairera le propos.
Monsieur le ministre délégué, il est assez malvenu d'expliquer que des faits qui sont dans le débat public – et qui se rapportent à la confiance que nous accordons au Gouvernement et à sa probité – ne peuvent pas être évoqués à l'Assemblée nationale. De votre part, c'est une attaque contre la démocratie représentative, mais nous en avons l'habitude.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le sous-amendement n° 113 est adopté.
L'amendement n° 31 , sous-amendé, est adopté.
Restons sur un élan de coconstruction bienvenu ! Cet amendement vise à réduire les délais de procédure de l'action de groupe. Depuis la création des actions de groupe, nous constatons un allongement considérable de la durée des procédures. Si l'on considère les échanges et les expertises des pièces entre les parties, l'examen de la recevabilité, le rendu de la décision du juge, les mesures de publicité et l'exercice de l'indemnisation auprès des victimes qui se sont manifestées, l'action de groupe peut durer plusieurs années.
Le rapport d'information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, présenté en 2020 par nos collègues rapporteurs, évoque le problème des délais de procédure qui rajoutent à l'angoisse et aux difficultés des plaignantes et des plaignants. Afin de tenir compte des conclusions de ce rapport, le présent amendement propose que le juge statue sur la recevabilité de l'action dans un délai de douze mois.
Une réduction des délais sera bénéfique pour les deux parties car, une fois la recevabilité appréciée, soit l'action s'achève faute de critères suffisants, soit elle se poursuit au fond. Un délai maximal de douze mois sera suffisant pour que la défense puisse formuler ses observations et pour informer les deux parties sur l'état de la procédure. Ce délai suffira également pour prendre si nécessaire les mesures de publicité en cas de recevabilité établie par le juge.
Il me semble d'autant plus difficile d'imposer un délai au juge que les diligences dépendent des parties et que certaines affaires sont complexes. Même si Philippe Gosselin et moi-même cherchons à la simplifier par le biais de ce texte, la procédure de l'action de groupe est et restera assez lourde, compte tenu de l'existence d'un groupe et des moyens que les différentes parties pourront faire valoir. Il serait contre-productif de fixer un délai qui risque de ne pas être respecté. Avis défavorable.
Même avis.
Je suis partagé. Peut-être aurait-il fallu écrire que l'action de groupe est jugée recevable au bout de douze mois en cas d'absence de réponse du juge ? Certes, cela aurait été une façon de tordre un peu le bras à ce dernier, mais, à un moment donné, il faut qu'une procédure avance.
Au cours de la précédente législature, la majorité – devenue relative – a présenté un texte pour faire en sorte que des délais puissent s'imposer à la justice : passé un an, les procureurs de la République doivent statuer ou expliquer pourquoi ils ont besoin de plus de temps. Votre réaction est donc assez étrange.
Allant plus loin, j'alerte le Gouvernement sur un point : il ne faudrait pas que la volonté affichée de dévitaliser le texte se traduise par une insuffisance de moyens accordés au traitement des actions de groupe par le ministère de la justice. La spécialisation des juridictions, qui part d'une bonne intention, peut ainsi être vidée de sa substance par manque de moyens.
Les exemples abondent mais prenons-en un complètement au hasard : celui du PNF. Au vu de l'étude d'impact effectuée lors de la création de ce parquet spécialisé, chaque magistrat ne devait pas avoir plus de douze dossiers à traiter. On en est plutôt à soixante-dix, bientôt à quatre-vingts dossiers par magistrat, et leur nombre va continuer d'augmenter. On en a fait une belle vitrine, mais cette juridiction est désormais complètement engorgée et elle n'a pas les moyens de fonctionner à la hauteur de nos exigences démocratiques.
En tant que législateur, nous voulons faire en sorte que des moyens suffisants soient accordés pour que les textes adoptés puissent vraiment s'appliquer, qu'ils ne soient pas seulement du droit fictif.
Compte tenu des avis, je vois bien que l'amendement va être rejeté…
Il faudra rester très vigilants sur les moyens pour que ce texte soit effectif.
L'amendement n° 30 n'est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 87 .
Plutôt que de fixer une limite uniforme, il est proposé de créer des bornes pour encadrer le délai d'adhésion au groupe, afin d'élargir l'éventail des possibilités. Le délai minimal serait de six mois, celui qui est actuellement prévu pour l'action de groupe en matière de consommation. Le délai maximal serait de cinq ans, celui qui est actuellement prévu pour l'action de groupe en matière de santé.
Eh bien voilà ! Tout va bien, monsieur le ministre délégué. Si j'aborde cet amendement de manière un peu décontractée, c'est qu'il nous convient : il apporte des précisions utiles qui permettent, à première vue, de couvrir toutes les hypothèses. C'est tout à fait conforme à l'universalité de l'action de groupe : régime unique, possibilité d'une réparation en nature du préjudice, encadrement du délai d'adhésion au groupe, etc. Tous ces éléments allant dans le bon sens, j'émets un avis favorable, je dirais même très favorable – pour essayer de faire passer ceux qui l'étaient moins.
Sourires.
L'amendement n° 87 est adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 23 .
Il a trait à la publicité en faveur des plaignants. Nous souhaitons porter à la connaissance du plus grand nombre l'ouverture de toute enquête déclenchée par une action de groupe, afin de compenser le principe selon lequel seuls les requérants qui se seront explicitement manifestés pourront prétendre à indemnisation – ce qui n'est pas acceptable.
Dans l'affaire du Mediator, par exemple, certaines personnes ayant consommé ce poison – qualifions-le comme tel – pendant des années ne pouvaient pas savoir, lors du déclenchement de l'action, qu'elles devraient se manifester comme victimes, les effets délétères du produit n'étant apparus que plusieurs années après son absorption.
Nous ne voulons pas qu'on attende que le juge se soit définitivement prononcé pour que soient prises des mesures de publicité qui permettent à d'autres victimes potentielles de rejoindre l'action de groupe.
L'amendement, qui prévoit des mesures de publicité dès le début de la procédure, modifie un article relatif au jugement en responsabilité, qui intervient à la fin de la première phase de la procédure. Il n'atteint donc pas son objectif. Avis défavorable.
Même avis.
Nous comprenons l'intention des auteurs de l'amendement, qui peut paraître louable. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avions proposé de faciliter les actions de groupe en abaissant le nombre minimal de personnes nécessaires pour lancer une procédure, et que nous défendrons, à l'article 2 bis, un amendement tendant à allonger le délai dont disposent les justiciables pour se manifester.
Le groupe Rassemblement national votera néanmoins contre cet amendement, car il pose un problème : en l'adoptant, nous risquerions de permettre qu'une entreprise soit jetée en pâture aux médias dès le début de la procédure, quand bien même elle serait innocente. Elle subirait ainsi une publicité très négative, à tel point que la finalité première de certaines actions de groupe pourrait même être de nuire à la réputation d'une entreprise.
Il nous paraît préférable que le juge se soit définitivement prononcé sur la responsabilité du professionnel avant de porter à la connaissance du plus grand nombre l'existence d'une enquête déclenchée par une action de groupe. En revanche, je le répète, nous présenterons ultérieurement des amendements visant à allonger les délais octroyés aux justiciables pour mener une action.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous prétendez vouloir défendre les intérêts de l'entreprise. Pour aller dans votre sens, sachez que l'adoption de l'amendement permettrait précisément d'identifier précocement le plus grand nombre de victimes potentielles possible, afin que les entreprises ou les collectivités incriminées puissent provisionner le montant des compensations qu'elles pourraient avoir à verser à l'issue du procès.
L'amendement n° 23 n'est pas adopté.
L'article 1er quinquies, amendé, est adopté.
Dans le cadre d'une procédure collective de liquidation des préjudices, il vise à laisser aux parties un délai d'au moins six mois pour parvenir à un accord avant de saisir à nouveau le juge.
L'amendement n° 63 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er sexies, amendé, est adopté.
Les articles 1er septies, 1er octies, 1er nonies, 1er decies et 1er undecies sont successivement adoptés.
Il vise à supprimer l'obligation d'acceptation par chacun des membres du groupe de l'accord trouvé entre le demandeur et le défendeur dans le cadre d'une procédure collective de liquidation des préjudices. Je laisse évidemment M. Lucas présenter son amendement avant d'émettre mon avis, mais il présente un objet semblable au mien.
L'amendement n° 32 est retiré.
L'amendement n° 65 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1erduodecies, amendé, est adopté.
L'article 1er terdecies est adopté.
Il prévoit la possibilité de désigner un médiateur pour parvenir à un accord dans le cadre d'une indemnisation amiable.
L'amendement n° 67 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er quaterdecies, amendé, est adopté.
L'article 1er quindecies est adopté.
La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l'amendement n° 33 portant article additionnel après l'article 1er quindecies .
Il vise à faire figurer dans la proposition de loi le régime spécifique de l'action de groupe simplifiée. Cette procédure, créée par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, est plus rapide que l'action de groupe dite classique, car elle obéit à un formalisme moins exigeant. À l'instar des autres actions de groupe, ce type de contentieux n'a pas été pleinement utilisé dans les litiges visant à reconnaître et à indemniser un préjudice occasionné à un groupe de consommateurs.
Il nous semble néanmoins intéressant, à l'occasion de la réforme du régime juridique des actions de groupe que nous examinons aujourd'hui, de maintenir cette procédure simplifiée, afin de rester fidèles à la volonté de simplification des procédures que nous avons tous exprimée.
Votre souci de simplification est louable. C'est d'ailleurs celui qui nous a animés tout au long de la rédaction du texte. Je m'en réfère néanmoins à la ligne du Conseil d'État, qui rejoint celle que Laurence Vichnievsky et moi-même avions dégagée dans notre rapport d'information de 2020 : le régime simplifié n'a pas fait ses preuves et n'a pas été particulièrement utilisé. La création d'un régime universel unifié en matière d'actions de groupe nous semble assez peu compatible avec le maintien d'une procédure simplifiée qui, encore une fois, n'a pas fait ses preuves – je ne tiendrais pas le même discours si tel avait été le cas. Pour cette raison, j'émets une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
L'amendement n° 33 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er sexdecies est adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 22 tendant à supprimer l'article 2.
Il s'inscrit dans la logique défendue de longue date par La France insoumise pour toutes les procédures judiciaires – y compris en matière de violences faites aux femmes, par exemple : nous sommes favorables à la spécialisation des magistrats plutôt qu'à la création de juridictions spécialisées. On risque en effet, avec ces dernières, que les affaires ne soient pas suffisamment bien réparties sur le territoire national pour garantir l'accès des victimes à la justice, du fait de l'éloignement géographique. Il nous semble donc préférable que les magistrats soient spécialisés, plutôt que les juridictions. La seule action de groupe, pour vertueuse qu'elle soit, ne justifie pas de mettre en branle un dispositif aussi lourd que la spécialisation des juridictions.
Nous ne sommes évidemment pas d'accord pour supprimer l'article 2, la spécialisation des tribunaux judiciaires nous semblant constituer la réponse la plus adaptée. J'entends vos arguments : il existe deux façons d'aborder la question et celle que vous privilégiez n'est pas un non-sens, j'en conviens parfaitement. Seulement, nous nous référons aux critères habituellement applicables à l'action de groupe et nous suivons, sur ce point, l'avis du Conseil d'État, qui nous paraît tout à fait éclairé. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Même avis.
Cet amendement me semble renvoyer à un débat important. La constitution d'une juridiction spécialisée implique nécessairement une justice plus éloignée du citoyen. Or la proximité est le premier pas vers l'égalité d'accès.
Je ne suis pas opposée à la création de juridictions spécialisées. Si, en matière de violences intrafamiliales, la constitution de chambres spécialisées au sein de chaque tribunal me paraît tout à fait essentielle, il me semble qu'on peut envisager de confier les actions de groupe, dont le périmètre géographique est parfois très vaste, à des juridictions spécialisées.
L'article 40 de la Constitution ne nous ayant pas permis de déposer l'amendement que nous souhaitions soutenir sur ce point, nous défendrons l'amendement n° 19 , qui sera examiné en fin de texte, pour demander la remise d'un rapport sur les juridictions spécialisées créées, afin de nous assurer qu'elles seront suffisamment nombreuses pour que la justice atteigne son objectif de proximité.
C'est tout le problème des juridictions spécialisées : il n'existe aucune garantie qu'un maillage territorial adéquat sera assuré. Si une juridiction spécialisée était créée dans chaque tribunal, nous pourrions nous en satisfaire, même si nous n'y sommes pas favorables par principe – comme mon collègue Jean-François Coulomme l'a rappelé, nous prônons plutôt la spécialisation des magistrats.
Néanmoins, l'affirmation du principe de spécialisation des juridictions vise bien à désigner un seul tribunal chargé des actions de groupe dans chaque ressort de cour d'appel. Mécaniquement, la proximité géographique ne sera donc pas assurée. On peut considérer que, s'agissant d'actions de groupes, les plaignants, nombreux, pourront peut-être se déplacer en faisant du covoiturage, mais ce n'est pas ainsi qu'on doit entendre l'accès à la justice. Nous voulons garantir aux citoyens l'accès le plus large possible aux actions de groupe, ce qui suppose qu'elles soient jugées dans un lieu auquel ils pourront accéder physiquement, c'est-à-dire dans un tribunal situé près de chez eux.
Le débat est effectivement important. Chacun sait que le fait d'éloigner le justiciable du lieu où les affaires judiciaires sont amenées à être traitées entraîne inévitablement une déperdition. Bon nombre de territoires en font l'expérience. Chacun ici garde à l'esprit la correction que nous avons apportée au cours de la dernière législature en prévoyant, dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, que les affaires criminelles, qui relèvent désormais de la compétence des cours criminelles départementales, ne seraient pas systématiquement renvoyées vers un pôle de l'instruction, mais pourraient être instruites au sein d'un tribunal judiciaire. Nous avons donc bien conscience qu'il s'agit là d'une question importante.
J'appelle ainsi l'attention des rapporteurs et du Gouvernement sur la nécessité d'assurer un maillage suffisamment serré pour ne pas trop éloigner le justiciable du lieu où son dossier sera traité.
Parce que nous sommes très sensibles à la question de la proximité dont doivent bénéficier les justiciables, je tiens à rappeler brièvement qu'en matière d'actions de groupe, c'est l'association et son avocat qui se déplacent, ce qui tempère quelque peu les différentes observations que vous avez fait valoir contre la spécialisation des juridictions.
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
Au cours des travaux de la commission des lois, nous nous sommes rendu compte qu'il pouvait exister une incertitude s'agissant de la compétence des tribunaux administratifs en matière d'actions de groupe. Or aucun doute n'est permis : celle-ci sera reconnue sans difficulté. Cet amendement de précision vise donc à lever toute ambiguïté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 110 .
En toute décontraction, je propose un sous-amendement qui vise à déplacer les dispositions fixant la compétence matérielle des tribunaux judiciaires désignés dans le code de l'organisation judiciaire. J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 47 , sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.
Ce sous-amendement de coordination avec le code de l'organisation judiciaire est le bienvenu. Par conséquent, avec la même décontraction que M. le ministre délégué ,
Sourires
j'émets un avis favorable – pour la deuxième fois en quelques minutes, vous l'aurez noté.
Je remercie le ministre délégué pour son sous-amendement ainsi que les rapporteurs pour leur amendement. La question s'était posée en commission des lois, une clarification avait été jugée nécessaire sur l'ensemble des bancs, par conséquent il fallait absolument lever toute ambiguïté. Au passage, cette demande montre bien que la proposition de loi fait l'unanimité, comme on a pu le constater en commission. Nos rapporteurs avaient alors pris l'engagement d'ajouter cette précision à l'occasion de l'examen du texte en séance publique ; c'est ce que propose l'amendement. Nous saluons leur démarche ainsi que l'insertion, prévue par le sous-amendement, des dispositions fixant la compétence des tribunaux judiciaires dans le code de l'organisation judiciaire.
Le sous-amendement n° 110 est adopté.
L'amendement n° 47 , sous-amendé, est adopté.
Il vise à assurer un bon maillage territorial des tribunaux judiciaires compétents pour connaître du contentieux de l'action de groupe révisé par la présente proposition de loi.
Nous devons absolument être attentifs au problème de la distance entre les citoyens et la justice. La lutte contre les inégalités territoriales en matière d'accès à la justice constitue un des éléments majeurs de notre contrat républicain.
Afin de rapprocher les demandeurs de la justice et de veiller à ce que ce type de contentieux ne soit pas exclusivement concentré sur les juridictions parisiennes, l'amendement prévoit d'inscrire dans la loi la désignation obligatoire d'au moins un tribunal spécialisé compétent dans le ressort de chaque cour d'appel. Bien entendu, le choix du tribunal compétent demeure la prérogative du ministère de la justice.
Comme le précédent, il prévoit d'ajouter au début de l'article les mots : « Dans le ressort de chaque cour d'appel, ».
Il vise à assurer un bon maillage territorial des tribunaux judiciaires compétents pour connaître du contentieux de l'action de groupe révisé par la présente proposition de loi. Nous proposons en conséquence que la loi prévoie la désignation obligatoire d'au moins un tribunal spécialisé compétent dans le ressort de chaque cour d'appel.
N'oublions jamais la France de nos territoires.
La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l'amendement n° 62 .
Suivant la même logique que les amendements précédents, il prévoit la désignation d'un tribunal judiciaire compétent « à raison d'au moins un par ressort de cour d'appel ». Cela permettra, selon le volume des contentieux, d'envisager, dans certaines cours ou dans certains territoires particulièrement étendus, que deux juridictions spécialisées du premier degré – ou davantage – puissent connaître de ces actions.
Le débat qui vient d'avoir lieu portait déjà sur cette question.
J'émets un avis sera défavorable car, selon moi, chacun doit exercer ses prérogatives : il faut laisser au pouvoir réglementaire les marges de manœuvre nécessaires pour désigner de manière pertinente les tribunaux judiciaires spécialisés compétents. Toutefois, nous comprenons parfaitement vos arguments, lesquels seront d'ailleurs pris en considération par la direction des services judiciaires au moment où elle procédera à la désignation des tribunaux spécialisés.
L'amendement n° 62 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est prévu l'établissement d'une liste limitée de tribunaux spécialisés compétents pour étudier les actions de groupe. L'amendement vise à obtenir des éclaircissements sur cette liste afin de s'assurer de la bonne répartition de ces tribunaux dans notre pays et de réduire ainsi une possible fracture territoriale en matière d'accès de nos concitoyens à la justice.
L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 48 rectifié .
Cet amendement rédactionnel vise à créer une division nouvelle après l'article 2 en ouvrant un chapitre V bis sous le titre : « Dispositions spécifiques à certaines actions de groupe ».
L'amendement n° 48 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 49 , portant article additionnel après l'article 2.
En bref, il vise à rendre inapplicable la procédure collective de liquidation des préjudices à la réparation de préjudices résultant de dommages corporels. Pour le détail, je vous renvoie à l'exposé sommaire de l'amendement.
L'amendement n° 49 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
En abrogeant l'ensemble des régimes spécifiques en matière d'actions de groupe, l'article 3 de la proposition de loi abroge l'article du code de la santé publique qui sécurise l'action récursoire des tiers, en particulier de la sécurité sociale, en matière de réparation des préjudices corporels consécutive à une action de groupe en matière de santé.
Même si nous pouvons estimer que le droit commun est suffisant pour préserver cette action récursoire des tiers, il semble préférable de rétablir les dispositions qui sécurisent son existence.
L'amendement n° 53 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à transposer une disposition de la directive de 2020 afin qu'en cas de doutes justifiés, le juge puisse demander la production d'un « aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l'action » lorsqu'elle entre dans le champ de la directive.
L'amendement n° 69 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole reste à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 75 .
Il introduit des spécificités pour les actions de groupe qui reposent sur des pratiques anticoncurrentielles. En effet, lorsque celles-ci sont constitutives du manquement, elles ne peuvent être sanctionnées que par certaines autorités, ce qui suppose que le jugement statuant sur la responsabilité du professionnel dans le cadre de l'action de groupe ne peut intervenir que sur le fondement d'une décision préalablement prononcée.
L'amendement n° 75 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous nous sommes demandé tout à l'heure comment il serait possible de favoriser les actions individuelles. Un collègue a proposé par exemple de rendre l'action publique afin d'avertir les personnes avant le jugement, une idée qui, nous l'avons vu, présente certains écueils.
L'amendement n° 72 vise plutôt à allonger le délai de prescription qui recommence à courir après l'action de groupe – pendant laquelle il a été suspendu – afin que les personnes soient pleinement en mesure d'exercer une action individuelle. Le délai minimal de six mois semble insuffisant pour prendre connaissance du résultat de l'action de groupe, se renseigner sur ses droits et agir. Un délai d'un an nous paraît plus adéquat.
L'amendement n° 73 précise que le délai de prescription recommence à courir à compter de la date à laquelle le jugement a « acquis un caractère irrévocable » et qu'il est par conséquent purgé des recours extraordinaires.
L'amendement n° 72 , tout d'abord, vise à porter de six mois à un an le délai minimal de prescription des actions individuelles, qui recommence à courir après une action de groupe. Pourquoi pas, à ceci près que ce délai de six mois constituait l'une des rares dispositions du socle commun procédural de 2016 qui ne présentait pas de difficulté particulière – elles n'étaient pas si nombreuses. Aucun de nos interlocuteurs – aussi bien au moment de l'élaboration de notre rapport il y a trois ans que lors de la présentation du texte devant le Conseil d'État ou durant les auditions – n'a considéré que ce délai pouvait poser un problème. Il n'existe donc aucune raison objective de le modifier. Avis défavorable.
Ensuite, avec la rédaction de votre amendement n° 73 , aucune voie de recours, ordinaire ou extraordinaire, ne serait susceptible d'être exercée. Nous avons préféré reprendre la formule utilisée dans le droit en vigueur qui ne pose pas de problème d'interprétation et qui, en fait, vous donne déjà satisfaction. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'article 2 bis est adopté.
L'article 2 ter est adopté.
L'amendement n° 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 quater est adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons permettre au demandeur de s'adjoindre les services d'un professionnel à statut réglementé pour traiter les demandes reçues, ce qui offre un champ d'action plus large.
Avant d'aller plus loin, je laisse le soin à Cécile Untermaier de défendre le sous-amendement n° 112 , cosigné par les membres du groupe Socialistes et apparentés, qui vient compléter – et peut-être éclairer – cette proposition.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir le sous-amendement n° 112 .
Il apporte une restriction au dispositif prévu – et que j'ai découvert à l'occasion de l'examen en séance puisque nous n'avons pas discuté de cette mesure en commission des lois.
Il me semble que dans le droit fil de ce que nous avons défendu précédemment et dans un souci de lisibilité, de transparence et de respect du rôle des acteurs de la justice, la notion de « profession judiciaire réglementée » n'a pas grand sens : quel rapport en effet entre un huissier et un avocat ? Je propose que seul un avocat puisse assister le demandeur dans le cadre d'une action de groupe.
Nous avons eu un débat en commission sur ce sujet, et si on ne souhaite pas que les avocats soient parties au procès, il n'y a aucune difficulté à ce qu'ils agissent dans le cadre de la disposition introduite par l'amendement n° 66 . Même si le sous-amendement vide l'amendement de sa substance…
Mme Cécile Untermaier proteste.
Vous avez raison, il est plus juste de dire qu'il en restreint le champ. En tout cas, j'émets un avis favorable.
Le sous-amendement n° 112 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 66 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Les articles 2 quinquies, 2 sexies, 2 septies et 2 octies sont successivement adoptés.
Cet amendement d'appel avait déjà été déposé en commission. Il est proposé de supprimer la possibilité pour l'État de prendre en charge les frais liés à des demandes rejetées puisqu'il y a un risque d'actions de groupe abusives, l'objectif étant alors de nuire à la réputation de l'entreprise plutôt qu'à la faire condamner. Il est vrai que l'amendement n° 52 des rapporteurs, que nous examinerons dans un instant, satisfait le nôtre en encadrant les possibilités de prise en charge des frais de justice par l'État et en évitant ainsi les dérives. En conséquence, nous retirons notre amendement.
L'amendement n° 3 est retiré.
Nous vous avons en effet entendu en commission, monsieur le député, et en avons tiré les conséquences. Les critères initialement retenus nous paraissaient suffisants, mais nous précisons dorénavant que la mise à la charge de l'État des dépens, même si le demandeur est perdant, nécessite que l'action de groupe n'ait été « ni téméraire, ni dolosive », conformément aux termes consacrés par la jurisprudence.
Avis de sagesse.
L'amendement n° 52 est adopté.
L'article 2 nonies, amendé, est adopté.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 45 portant article additionnel après l'article 2 nonies .
Cet amendement m'est venu à l'esprit après les auditions d'UFC-Que Choisir et du BEUC – Bureau européen des unions de consommateurs – menées dans le cadre de la préparation du rapport d'information sur ce texte déposé par la commission des affaires européennes.
Il s'agit de réintroduire la procédure accélérée prévue dans la loi Hamon, qui permet au juge d'indemniser plus rapidement et directement les victimes identifiées. Ainsi, lorsque l'identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus et que ceux-ci ont subi un préjudice d'un même montant par prestation rendue ou d'un montant identique par référence à une période où à une durée, le juge pourrait condamner le professionnel qu'il aurait reconnu responsable à les indemniser directement et individuellement dans un délai et selon des modalités qu'il aurait fixées. Ce dispositif semblait bien fonctionner dans le cadre de la loi Hamon de 2014. Il permettrait d'aider notre justice à être plus réactive et plus rapide, objectif sur lequel tout le monde s'accorde. J'espère donc que cette proposition sera assez consensuelle aux yeux de nos rapporteurs.
La volonté de simplifier fait en effet consensus, mais votre amendement est très proche de l'amendement n° 33 de M. Lucas qui a été rejeté – rejet qui ne remet pas en cause l'excellent travail accompli par UFC-Que Choisir, que vous avez bien raison de citer. Nous avons privilégié le socle commun car le maintien de la procédure simplifiée ne nous a pas été demandé. Le Conseil d'État indique même dans son avis que « cette procédure ne paraît pas avoir fait la démonstration de son utilité », ce qui conforte notre point de vue.
Selon nous, il n'y a pas d'intérêt à reprendre la procédure simplifiée : elle compliquerait le statut des demandeurs, et le socle commun universel ne serait plus ni commun ni universel. À défaut d'un retrait, l'avis sera défavorable.
Même avis.
Lors des auditions que j'ai évoquées, on m'a expliqué que si la loi française est meilleure que le socle commun européen, ce n'est pas un désavantage mais au contraire un plus pour le consommateur français. Je trouve dommage de se passer d'une arme supplémentaire et je maintiens mon amendement.
L'amendement n° 45 n'est pas adopté.
L'article 2 decies est adopté.
Nous avons déjà débattu à plusieurs reprises des réserves que suscite le champ de l'action de groupe à la française dans la rédaction de la proposition de loi. Le désaccord sur des sujets très précis s'est conclu par un vote, mais il y a encore un point très important du texte auquel le Gouvernement est particulièrement attentif : la sanction civile.
Le Gouvernement émet quatre réserves en la matière. Il souhaite d'abord que cette sanction soit réservée au champ extracontractuel – d'où l'amendement n° 92 – et qu'elle ne puisse pas être prononcée au terme d'un contentieux devant les juridictions administratives – c'est l'amendement n° 88 . Ces réserves concernent ensuite – nous en discuterons un peu plus tard – la proportionnalité de la sanction civile et son cumul avec d'autres pénalités.
Les motivations de ces réserves, dont vous avez discuté en commission, se fondent sur le point 24 de l'avis du Conseil d'État : « […] le Conseil d'État estime que la conformité du dispositif aux normes supérieures n'est pas assurée. C'est pourquoi il exprime de fortes réserves sur la création de cette sanction civile, d'autant qu'elle n'a pas été précédée d'une évaluation approfondie de ses effets et de ses conséquences dans chacun des domaines concernés et qu'elle ne prend pas place dans une réforme plus globale de la responsabilité civile […]. »
Par conséquent, des échanges ont eu lieu entre les rapporteurs et le Gouvernement pour essayer d'affiner la rédaction de l'article afin de préciser le contour de cette sanction civile. Nous n'avons pas trouvé de point de convergence sur la question de l'application du dispositif au champ extraconcurrentiel ni sur la question de l'exclusion des juridictions administratives. Je vais donc retirer les amendements n° 92 et 88 en espérant que les amendements n° 91 et 90 , portant respectivement sur la proportionnalité et sur le cumul seront favorablement accueillis par les rapporteurs et par votre assemblée.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Par cet amendement, nous nous opposons aux freins qui restreignent l'application de sanctions civiles en cas de faute lucrative en posant comme condition l'existence d'une faute délibérée.
En effet, dans de nombreux cas, il est très difficile de démontrer le caractère délibéré. Je vais citer deux exemples, à commencer par les discriminations à l'embauche dans les entreprises : elles sont bien souvent de nature structurelle et ne peuvent pas être prouvées en l'absence d'une note de service indiquant que les recrutements doivent reposer sur des critères discriminants. Quant aux fautes en matière de consommation, elles sont dans la plupart des cas dues à des négligences – il est alors difficile d'en démontrer le caractère délibéré, d'autant que l'entreprise mise en cause mettra en avant la négligence. Toutefois, nous ne pensons pas que la négligence dédouane de toute responsabilité. Voilà pourquoi il faut supprimer le mot « délibérément » à l'alinéa 6.
Par ailleurs, le texte prévoit que le juge ne peut condamner l'auteur du manquement à ses obligations légales ou contractuelles à une sanction civile que si le ministère public, devant une juridiction de l'ordre judiciaire, ou le Gouvernement, devant une juridiction de l'ordre administratif, en formule la demande. Cette disposition constitue un frein délibéré au prononcé d'une telle sanction alors même que la présence du ministère public, pas plus que celle du Gouvernement, n'est obligatoire à l'audience. Il s'agit de dispositions qui risquent de restreindre les possibilités d'application de l'ensemble du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
M. le ministre délégué s'est déjà exprimé sur la sanction civile et, même s'il a retiré deux amendements, je tenais à lui dire que la rédaction actuelle de la proposition de loi est différente de celle que nous avions initialement proposée parce que nous avons tenu compte des remarques du Conseil d'État relatives au respect des principes de nécessité, de légalité et de proportionnalité dans l'application de la sanction. Par ailleurs, s'agissant des sanctions prévues devant le tribunal administratif, nous avons bien pris soin de préciser qu'elles ne pouvaient concerner que les personnes qui agissent à titre professionnel. Je ne comprends donc pas bien pourquoi le Gouvernement était opposé à la possibilité d'une sanction civile devant le tribunal administratif.
Monsieur Coulomme, vous proposez de procéder à deux changements pour faciliter le prononcé de la sanction civile en supprimant l'obligation d'une demande du Gouvernement devant le tribunal administratif et du ministère public devant le tribunal judiciaire – peut-être eût-on pu écrire « ministre » plutôt que « Gouvernement », mais cela pourra s'améliorer au cours de la navette – et la mention « délibérément » à l'alinéa 6.
Nous avons souhaité que l'utilisation de ce dispositif innovant soit réservée au Gouvernement ou au ministère public parce qu'il s'agit de réparer un trouble à l'ordre public, que celui-ci soit économique, sanitaire ou environnemental. Nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable s'agissant de cet aspect. Quant au caractère délibéré de la faute, il est nécessaire pour caractériser un comportement dolosif. Ce critère circonscrit grandement en effet l'application du dispositif, mais nous ne souhaitons pas que n'importe quelle faute puisse déclencher une action de groupe. De toute façon, la dimension dissuasive du texte est très importante.
En conséquence, nous émettons un avis très défavorable sur l'amendement.
L'amendement n° 24 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à empêcher que des entreprises ayant délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie puissent, après leur condamnation, tirer un bénéfice des dommages causés. Ainsi, le montant total de la sanction, en incluant les dommages-intérêts, ne saurait être inférieur au gain réalisé par l'entité condamnée. Il s'agit d'éviter des opérations à somme positive qui permettraient à des entreprises de rester bénéficiaires des dommages qu'elles ont causés, en dépit d'une condamnation. Il s'agit de ne pas laisser aux entreprises la possibilité d'opérer des arbitrages pour décider s'il est opportun de commettre une fraude.
Tout à l'heure, j'ai retiré l'amendement d'appel n° 3, puisqu'il était satisfait par l'amendement n° 52 de la rapporteure. Nous avions déjà déposé en commission un amendement identique à l'amendement n° 2 : le rapporteur, qui nous avait demandé de le retirer, avait promis, comme M. Philippe Latombe, de revenir vers nous avec des propositions, mais nous restons dans l'expectative et ce problème n'a toujours pas été réglé.
Nous voulons absolument éviter les arbitrages en opportunité et toute forme d'enrichissements qui, pour le coup, ne seraient pas sans cause – la cause étant le préjudice des victimes. Par cet amendement, vous voulez d'une certaine façon éviter un effet d'aubaine. Nous serions prêts à vous suivre, mais votre proposition contraint tout de même beaucoup les magistrats. Une appréciation au cas par cas nous semble préférable, sachant que je vous confirme que, dans l'esprit de la proposition de loi, il faut éviter les calculs en opportunité et les effets d'aubaine : dans tous les cas, le montant des dommages-intérêts accordés dans le cadre de l'ensemble des sanctions civiles ne saurait être inférieur au profit retiré.
J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement, tel qu'il est rédigé, même si, très clairement, nous en partageons l'esprit. Ce sera pour vous une demi-satisfaction, monsieur Houssin, je n'en doute pas – vous aurez au moins une satisfaction morale, à défaut d'un avis favorable.
Même avis.
J'ai certes une satisfaction morale, monsieur le rapporteur, mais cela me semble relativement insuffisant. Cette conversation est exactement celle que nous avons eue en commission il y a quelques semaines. Vous étiez déjà d'accord sur le principe, mais vous nous aviez suggéré de changer le dispositif et aviez promis de revenir vers nous avec une proposition concrète. Malheureusement, les promesses ne sont pas tenues.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 29
Contre 53
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
Par cet amendement, le Gouvernement propose d'assurer une meilleure proportionnalité de la sanction civile. Je l'ai déjà dit, nous émettons des réserves sur ce sujet, du moins tel qu'il est traité par le texte de la commission.
La sanction devrait selon nous être revue de la manière suivante : pour les personnes physiques, le plafond de l'amende est fixé au double du profit réalisé, plutôt qu'au quintuple ; pour les personnes morales, le plafond est fixé à 100 000 euros pour les PME et, pour les entreprises de plus grande taille, à 1 % du chiffre d'affaires hors taxes, calculé sur les trois exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise. Vous l'aurez compris, le Gouvernement est attentif au sort des PME.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement n° 114 .
Il tend à supprimer le plafond forfaitaire introduit par le Gouvernement, qui limite le montant de la sanction civile à 100 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à rehausser le quantum de la sanction civile à 3 %, au lieu de 1 %. Monsieur le ministre délégué, nous aussi sommes très sensibles à la situation des PME, mais il nous paraissait que le mode de calcul que nous avons suggéré, qui dépend du chiffre d'affaires, devait être proportionnel à la taille des entreprises – cela me semblait aller de soi.
Je veux dire un mot des réserves que vous aviez émises sur la sanction concernant le domaine contractuel. Notez que ce sont très souvent des contrats d'adhésion qui sont à l'origine d'actions de groupe. Ainsi, l'attractivité française ne sera pas menacée. Nous viderions cette proposition assez novatrice d'une grande part de son contenu si nous allions dans le sens de vos réserves concernant l'exclusion du domaine contractuel.
Je suis favorable à l'amendement du Gouvernement s'il est sous-amendé par le mien.
Le Gouvernement accueille ce sous-amendement de la rapporteure comme un pas dans la direction qu'il propose, même si je ne saurais émettre un avis complètement favorable.
En tout état de cause, le Gouvernement resterait favorable à son propre amendement s'il était sous-amendé.
Nous sommes sensibles à l'attention que vous portez aux PME, monsieur le ministre délégué. Cette distinction, établie à la fois par votre amendement et par le sous-amendement de Mme la rapporteure, nous paraît tout à fait juste. Elle permet de mieux prendre en compte la différence de taille entre les PME et les autres entreprises. De plus, elle rend le dispositif opérationnel et préserve notre attractivité.
Nous sommes assez surpris. Voilà que nous étudions un texte de la commission des lois dont la finalité est d'assurer la défense des particuliers, des associations et des groupements de victimes. Mais tel que vous l'amendez, nous avons l'impression qu'il doit se muer en défense de l'intérêt des entreprises. Bien évidemment, le but n'est pas de profiter d'une action de groupe qui serait opportuniste au point de vider une entreprise de ses actifs et de la couler, mais pourquoi limiter la sanction à 1 % du chiffre d'affaires ?
Reprenons la jurisprudence Mediator : l'amende à laquelle les laboratoires Servier ont été condamnés est ridicule par rapport à leur chiffre d'affaires. Il s'agit pourtant d'une entreprise qui peut se permettre de prendre à nouveau les mêmes risques à l'avenir, puisque cela ne lui coûtera pas plus que 1 % de son chiffre d'affaires – rappelons qu'elle faisait tout de même profiter ses actionnaires d'une rentabilité supérieure à 10 %. Vous voyez bien à quel point l'amendement et le sous-amendement, qui visent à limiter l'impact de la sanction, ne sont pas justifiés.
Allons encore plus loin : les entreprises qui se rendent coupables d'activités criminelles méritent tout simplement la dissolution.
Autrement dit, le genre de dispositif que vous proposez nous étonnerait moins s'il venait du ministre de l'industrie ou de la commission des affaires économiques et non de la commission des lois sur un texte comme le nôtre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes à un point du texte extrêmement important. C'est la première fois que nous créons une sanction civile dans le cadre de l'action de groupe – cela représente tout de même quelque chose. Cette sanction est appliquée en cas de faute intentionnelle faisant grief, avec des dommages sérieux. Nous ne parlons pas de la majorité des PME, dont nous nous soucions autant que vous, monsieur le ministre délégué.
Il me semble intéressant d'appliquer une sanction en pourcentage du chiffre d'affaires, mais ne laissons pas croire que nous demandons un dispositif punitif contre lequel le Gouvernement essaierait de protéger les PME. Nous ne sommes pas du tout dans ce registre. Nous proposons un dispositif d'équilibre : le quantum de 3 % du chiffre d'affaires me paraît plus sérieux que celui de 1 % proposé par le Gouvernement. L'adoption du sous-amendement nous permettra de considérer que la sanction civile garde son sens face à une action intentionnellement dolosive. J'insiste, il ne s'agit pas des PME qui, pour l'essentiel, font toujours un travail formidable et ont le souci du consommateur.
Il nous semble que l'amendement du Gouvernement doit être sous-amendé. Une sanction établie à 100 000 euros ouvrirait la voie aux calculs d'opportunité : les entreprises qui auraient pu provisionner ou avoir une capitalisation suffisante accepteraient sans doute de payer un tel montant ou de prendre ce risque, tout en sachant qu'elles sont en faute. Un dispositif fixé en pourcentage du chiffre d'affaires nous convient. Le point d'équilibre – passer de 5 à 3 % – permet justement d'appliquer la sanction en proportion du chiffre d'affaires et tient compte des PME. En outre, il évite les calculs d'opportunité à partir d'une sanction fixe, qui seraient un mauvais signal envoyé aux entreprises.
Je ne réagirai pas sur le fond ; le débat a eu lieu et chacun a pu exprimer son avis. Monsieur Coulomme, le présent texte a été conçu par deux éminents membres de la commission des lois et a été examiné par cette dernière. Or vous n'êtes plus au sein de la commission des lois, vous êtes dans l'hémicycle : tous les députés, quelle que soit la commission dont ils sont membres, et peu importe leur sensibilité ou leur domaine d'expertise, peuvent s'exprimer sur tous les textes examinés en son sein. C'est ce qui fait la richesse et l'intérêt de nos débats, auxquels contribuent aussi des députés qui sont un peu plus attentifs à la condition des PME.
Monsieur le ministre délégué, je ne peux pas vous laisser dire ou supposer que certains, ici, seraient plus attentifs que d'autres à la situation des PME. Nous sommes tous comptables de nos entreprises, dont les PME. Je tiens à le dire, il n'y a pas les bons d'un côté et les mauvais de l'autre, que ce soit dans le camp du Gouvernement ou des parlementaires. Le travail que nous faisons est collectif, même si nous nous trouvons dans une semaine de l'Assemblée.
Je reprendrai en quelques mots les propos de Cécile Untermaier : quand il y a une intention dolosive, on ne peut pas la passer sous silence. Songez à ce qui a été dit lors de la discussion de l'amendement n° 2 de notre collègue Houssin – et je n'oublie pas M. Latombe. Il n'est pas question d'admettre des calculs d'opportunité. Si dès le départ vous fixez un plafond à 100 000 euros, les entreprises n'ont plus qu'à sortir leurs calculettes : elles n'hésiteront pas à s'acquitter d'une amende de 100 000 euros si la faute qu'elles commettent leur en rapporte 300 000 ! Bref, nous voulons éviter ce genre de choses.
En effet, 3 %, c'est moins que les 5 % que nous proposions. Nous ne sommes tout de même pas loin de 4 %, soit le plafond retenu pour d'autres sanctions, notamment celles qui sont prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sur le fondement du règlement général sur la protection des données (RGPD). On a toujours des cotes mal taillées. En tout cas, avec une sanction à 3 %, on ne se fiche de personne, on ne cherche ni à massacrer les entreprises ni à maltraiter les victimes. Il s'agit d'un chiffre d'équilibre, qui respecte ici la position des uns et des autres.
Le sous-amendement n° 114 est adopté.
Il vise à revoir les modalités de calcul de la sanction civile contre le professionnel reconnu responsable qui aurait commis une faute lucrative. La rédaction actuelle de la proposition de loi prévoit que le montant de la sanction est fondé sur l'un des trois derniers exercices constatés avant que la faute soit commise. Ce choix risque de poser deux difficultés.
D'abord, les actions de groupe sont des procédures lourdes et longues qui s'étalent sur plusieurs années avant la reconnaissance de responsabilité. De ce fait, les trois exercices clos avant la commission de la faute constitueront nécessairement des données anciennes au moment du jugement.
Ensuite, il y a une difficulté constitutionnelle : une sanction doit servir à réprimer les faits qu'elle cible. Or, si l'objectif est de sanctionner une faute lucrative, il est paradoxal de retenir les gains de l'entreprise antérieurs à cette faute.
Il est donc proposé par cet amendement de retenir les trois exercices précédent la date du jugement.
L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il tend à renforcer le cadre de la sanction civile prévue dans les actions de groupe pour inclure le cas des sociétés mères et des filiales. L'objectif est de mieux calibrer cette sanction face à l'organisation de certains grands groupes qui pourraient tenter d'y échapper.
Vous proposez que la sanction soit versée par la société tête de groupe qui se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat de l'ensemble du groupe. En réalité, cela reviendrait à instaurer une forme d'inégalité de traitement entre les sociétés selon leurs choix fiscaux. Or, en 2016, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui ne va pas dans ce sens. En conséquence, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 7 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Abadie, suppléant M. Sacha Houlié, président de la commission des lois.
Il est dix-neuf heures trente et la commission des lois se réunit à vingt et une heures. Les rapporteurs et le ministre délégué font un effort remarquable pour être concis. J'espère sur chacun s'y emploiera.
Je serai bref.
Sourires.
L'amendement vise à préciser qu'en cas de cumul possible entre des sanctions civiles, administratives ou pénales, le montant global des sanctions prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé des sanctions encourues.
L'objectif est de répondre à l'exigence constitutionnelle et de renforcer la sécurité juridique du dispositif.
Le sous-amendement n° 115 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 90 , sous-amendé, accepté par la commission, est adopté.
L'article 2 undecies, amendé, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 94 rectifié .
Cet amendement complète le chapitre II du titre II par un article qui définit l'action de groupe transfrontière.
L'amendement n° 94 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
L'article 2duodecies est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 70 rectifié portant article additionnel après l'article 2 duodecies.
L'amendement n° 70 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 95 .
L'amendement vise à permettre à la DGCCRF, en cas de contestation par le défendeur à l'action de la qualité pour agir de l'entité demanderesse, de réévaluer l'habilitation de cette entité prévue à l'article 2 duodecies à exercer des actions transfrontières.
En fait, l'amendement prévoit une procédure assez complexe pour contester la qualité à agir puisque la juridiction devrait passer par la DGCCRF qui saisirait ensuite l'autorité de l'État membre à l'origine de l'agrément. Une fois la réponse de l'autorité administrative connue, la DGCCRF devrait la transmettre à la juridiction. Il faudrait donc passer par la DGCCRF à l'aller et au retour. Nous sommes en Europe ; je n'imagine pas que l'on ne puisse pas faire cette transmission en direct. Cette procédure alourdit inutilement notre ordonnancement et elle n'apporte rien. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 95 est retiré.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 96 .
Sourires.
Il s'agit d'un amendement de coordination pour apporter les modifications nécessaires dans le code de la consommation.
C'est en effet un amendement de coordination.
L'amendement n° 96 est adopté.
L'article 2 terdecies, amendé, est adopté.
Il concerne quelques spécificités du contentieux administratif dans la droite ligne de nos échanges et des débats précédents.
L'amendement n° 68 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 quaterdecies, amendé, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 97 .
Il est retiré.
L'amendement n° 97 est retiré.
L'article 2 quindecies est adopté.
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l'amendement n° 11 .
Il vise à évaluer le partage du fruit de la sanction civile prévue par la présente proposition de loi entre le Trésor public et les victimes, grâce à la création d'un fonds dédié à la prise en charge les frais de procès des actions de groupe.
Chers collègues, je vous informe que, sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 11 ?
Un rapport d'évaluation est déjà prévu. C'est de bonne politique, dans la continuité de l'article 24 de la Constitution. Cependant, il ne faut pas non plus ouvrir toutes les portes et demander des rapports dans le rapport sur le rapport.
Faites confiance aux évaluateurs et aux rapporteurs qui exerceront dans quelques années pour que cette mesure soit intégrée si c'est nécessaire – pour notre part, je rappelle que nous ne jugeons pas souhaitable d'opérer un partage entre le Trésor public et les victimes.
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 sexdecies est adopté.
L'article 3 est adopté.
Nous avons évoqué précédemment la question des juridictions spécialisées et le souci, partagé sur tous les bancs, qu'il existe suffisamment de juridictions spécialisées pour que l'accès à une juridiction de proximité soit préservé. Nous n'avons pas souhaité faire figurer dans la loi un quota par cour ou par ressort de cour d'appel, mais nous demandons un rapport car il nous semble que l'exécutif doit pouvoir nous expliquer très rapidement après la promulgation du texte comment il entend organiser les juridictions spécialisées sur le territoire.
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l'amendement n° 43 .
Au Rassemblement national, nous ne voulons pas d'une France à deux vitesses. Nous ne voulons pas que les zones rurales ne puissent pas bénéficier des mêmes services que les grandes villes. De même, les habitants des outre-mer, si souvent négligés, doivent avoir les mêmes droits que les Français de métropole et le même accès à la justice. C'est pourquoi nous souhaitons qu'un rapport soit remis un an après la promulgation de la loi pour s'assurer de l'accès à ces juridictions spécialisées dans l'ensemble du territoire français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme vous, monsieur Sabatou, je suis sensible à l'équité et à l'équilibre sur l'ensemble du territoire, y compris évidemment dans les outre-mer – ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire alors que je suis membre de la délégation aux outre-mer depuis sa création et que je siège sur ces bancs depuis quinze ans. Cette question est importante.
Cela étant, comme je l'ai dit précédemment, le Gouvernement remettra un rapport global dans lequel figureront aussi des éléments sur les juridictions et leur spécialisation. On ne va pas additionner les rapports.
L'avis de la commission est donc défavorable sur les deux amendements.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 116 tendant à supprimer l'article 6.
Dans son immense générosité ,
Sourires
le Gouvernement propose de « lever le gage » de la proposition de loi grâce à cet amendement de suppression.
Si je faisais un brin d'humour, monsieur le ministre délégué, je dirais que le Gouvernement n'est pas rancunier… Qu'il en soit remercié !
L'amendement n° 116 est adopté ; en conséquence, l'article 6 est supprimé.
Exclamations et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l'adoption 109
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements et « Bravo ! » sur divers bancs.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra