La commission a procédé à l'examen des articles 30 et 31 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (n° 619), pour lesquels la commission des affaires sociales sollicite l'avis de la commission des affaires économiques (M. Stéphane Travert, rapporteur).
Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (Ddadue).
Cet instrument législatif est utilisé régulièrement pour adapter le droit national aux mesures figurant dans les règlements européens et transposer les directives. Sous la précédente législature, le Parlement avait eu à examiner un texte de ce type, devenu la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
Le présent projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires sociales. Compte tenu de la variété des sujets abordés, cette commission a décidé, en application de l'article 87, alinéa 2, du Règlement, de solliciter l'avis de quatre autres commissions : finances, lois, développement durable et affaires économiques. En ce qui nous concerne, nous bénéficions ainsi d'une délégation au fond pour les articles 30 et 31, constituant le titre IV du projet de loi.
Bien que techniques, les Ddadue n'en sont pas moins des textes importants et qui méritent toute notre attention. Ils sont essentiels pour assurer la conformité de notre droit au droit européen.
Les articles 30 et 31 traitent de questions agricoles.
L'article 30 apporte des clarifications juridiques en lien avec les nouvelles dispositions prévues dans le plan stratégique national (PSN) pour la politique agricole commune (PAC). Deux modifications principales sont prévues. Je m'attarderai un peu plus longuement sur la première mesure, la seconde étant d'ordre technique – il s'agit de préciser en droit le pouvoir réglementaire de FranceAgriMer.
La première mesure consiste à clarifier le rôle des régions en tant qu'autorités de gestion des aides à l'installation. Depuis le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la réglementation européenne a évolué pour permettre aux États membres de déléguer la gestion des fonds européens aux régions. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a acté cette évolution pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), mais la régionalisation est restée en partie inachevée, du fait d'un enchevêtrement de compétences entre l'État et les collectivités. Les transferts de moyens sont également jugés insuffisants. Concernant plus spécifiquement les aides à l'installation, directement concernées par l'article 30, le code rural et de la pêche maritime prévoit une gestion conjointe par le préfet de région et le conseil régional.
Dans le cadre de la nouvelle programmation de la PAC, entrée en vigueur le 1er janvier, la répartition des compétences a été clarifiée. La France a fait le choix de poursuivre la logique de décentralisation en confiant entièrement aux régions la charge de la gestion des aides non surfaciques. Ce choix est le fruit de discussions ouvertes dès 2018 par votre serviteur entre l'État et l'association Régions de France pour définir les nouvelles modalités de gestion du Feader. Une ordonnance prise sur le fondement de la précédente loi Ddadue a modifié la loi Maptam afin d'intégrer cette nouvelle clé de répartition dans notre droit. La loi de finances pour 2023 a également permis les transferts financiers et de personnels afférents. Les emplois budgétaires concernés et les crédits d'intervention afférents aux mesures s'élèvent à 100 millions d'euros.
Les régions auront désormais, pour peu qu'elles en fassent la demande, la pleine responsabilité de la gestion des aides à l'installation, dans les limites posées par le PSN et par les décrets prévoyant les règles d'éligibilité ainsi que les dépenses concernées. À l'exception de Mayotte et de Saint-Martin, l'ensemble des régions et collectivités qui pouvaient exercer cette compétence en ont fait la demande.
Cette décentralisation des aides à l'installation doit permettre d'accroître le renouvellement des générations dans le secteur agricole en offrant à chaque collectivité locale la possibilité de construire des dispositifs d'aide au démarrage adaptés aux besoins, par exemple ceux résultant de la pression foncière, de certaines spécificités géographiques et de la présence de filières particulières.
En l'état du droit, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, qui traite des politiques d'installation, présente une incohérence avec la loi Maptam : l'article fait toujours mention de l'ancien cadre en vigueur, reposant sur la gestion conjointe du préfet de région et du président du conseil régional – ou, en Corse, le président du conseil exécutif. L'article 30 a précisément pour objet de remédier à cette incohérence.
Outre des mesures de coordination qui sont les bienvenues, les sénateurs ont adopté deux modifications importantes à l'article 30.
La première consiste à instaurer un bilan annuel des régions relatif à leur action en tant qu'autorités de gestion des aides à l'installation. Cette mesure est tout à fait pertinente. La responsabilisation des régions dans ce domaine doit s'accompagner d'un suivi national pour garantir la lisibilité et l'équité des aides octroyées.
La seconde vise à durcir les conditions de formation minimale pour prétendre aux aides à l'installation. Je ne suis pas tout à fait favorable à cette mesure, qui constitue un recul par rapport au PSN. Celui-ci prévoit que les bénéficiaires de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) doivent présenter, au moment de l'installation, un niveau de diplôme et/ou d'expérience professionnelle défini régionalement, dans la limite de ce qui est prévu dans la définition du jeune agriculteur. Il est également possible pour le bénéficiaire d'acquérir progressivement ce niveau au cours de son installation, si l'autorité de gestion régionale en prévoit la possibilité.
Il a fallu de nombreux échanges, lors de l'élaboration du PSN, pour trouver cet équilibre, et l'approche retenue me paraît être la bonne. L'installation de jeunes agriculteurs est absolument essentielle, dans un contexte où 43 % des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite en 2030 – la commission se saisira d'ailleurs de cet enjeu lors des travaux autour du futur projet de loi d'orientation agricole. La modification souhaitée par le Sénat est susceptible de freiner les conditions d'accès à la DJA, alors que le renouvellement des générations est une des priorités de nos politiques agricoles. Je vous proposerai donc un amendement visant à supprimer cette disposition.
L'article 31, pour sa part, ratifie huit ordonnances qui modifient principalement le code rural et de la pêche maritime, mais aussi, dans une moindre mesure, le code général des impôts et, par coordination, le code de la consommation, le code de l'environnement et le code de la santé publique.
Ces ordonnances, prises entre 2015 et 2021, adaptent pour la plupart des règlements européens d'application directe. Le projet de rapport qui vous a été adressé présente les principales mesures contenues dans ces ordonnances.
La première d'entre elles, en date du 4 juin 2015, modifie, conformément au droit européen, le livre II du code rural et de la pêche maritime, en particulier ses dispositions relatives aux contrôles en matière de santé animale ou végétale.
Les quatre ordonnances suivantes ont été prises le 7 octobre 2015. La première transpose une directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime. La deuxième met en conformité les règles relatives aux signes d'identification et de qualité, notamment en introduisant la mention facultative « produit de montagne ». La troisième, relative aux produits de la vigne, a modifié le code rural et de la pêche maritime ainsi que le code général des impôts afin d'adapter les régimes d'autorisation, de conditions de circulation, d'imposition fiscale et de contrôles en lien avec les produits de la vigne au regard du droit de l'Union européenne. La quatrième met en conformité le code rural et de la pêche maritime avec le règlement (UE) no 1379/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.
Trois autres ordonnances sont ratifiées par l'article 31. Celle du 30 octobre 2019 a apporté plusieurs adaptations en lien avec le règlement (UE) 2016/2031 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux et le règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire. L'ordonnance du 21 avril 2021 relative à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation du patrimoine génétique des animaux d'élevage adapte notre droit au règlement européen de 2016 concernant l'élevage des animaux. Enfin, est également ratifiée l'ordonnance du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles, qui adapte notre droit au règlement européen sur la santé animale.
Ces ratifications sont nécessaires pour assurer la sécurité juridique de notre droit et sa conformité au droit européen. Elles sont également très importantes pour l'agriculture française.
Le 13 décembre dernier, le Sénat a adopté en première lecture ce texte, dont l'objet est de transposer six directives et de permettre l'application de six règlements européens concernant plusieurs domaines. Certaines de ces dispositions ont été rendues nécessaires par des mises en demeure et des contentieux.
Si le texte permet de nombreuses avancées dans le domaine social, sur le plan sanitaire ainsi que dans le secteur des transports, je souhaite mettre particulièrement en lumière ses apports en matière économique et financière. Il contient ainsi des dispositions renforçant la protection des consommateurs et des épargnants, notamment en rendant effective la portabilité des produits paneuropéens d'épargne retraite individuelle. Il précise également les règles applicables aux sociétés, en particulier celles en difficulté.
Enfin, et c'est la raison pour laquelle notre commission est saisie au fond, il prévoit des avancées en matière d'aides agricoles. Alors que la nouvelle programmation de la politique agricole commune est entrée en vigueur le 1er janvier, l'article 30 a pour objet de mettre en accord le droit français et la norme européenne s'agissant de l'octroi des aides. Les fonds versés au titre du Feader seront gérés par les régions, qui ont le statut d'autorités de gestion, tandis que les fonds européens agricoles de garantie sont pilotés par le directeur de FranceAgriMer, lequel dispose de la compétence réglementaire en matière de dépenses liées aux interventions sur les marchés. Ces deux aides sont particulièrement importantes puisqu'elles financent les piliers 1 et 2 de la PAC. Les aides à l'installation, en particulier, jouent un rôle déterminant. À cet égard, l'article 30 contient une disposition transitoire : les aides à l'installation octroyées au titre de la précédente programmation de la PAC resteront régies par les dispositions qui étaient en vigueur à la date de la publication de la loi. Cela permettra d'assurer dans de bonnes conditions l'application de cette réforme importante pour permettre l'installation des jeunes agriculteurs.
L'amendement du rapporteur Laurent Duplomb, adopté au Sénat, impose un bilan annuel, établi par chaque région puis consolidé par l'État, relatif à l'installation des jeunes agriculteurs. Ce mécanisme permet de responsabiliser les régions. La mesure est d'autant plus pertinente que, d'ici à 2030, 43 % des agriculteurs auront atteint l'âge de départ à la retraite. Le renouvellement des générations doit donc être l'un des objectifs majeurs de notre stratégie agricole.
Sur la base de ces constats, le groupe Renaissance soutiendra ce texte, ainsi que les amendements dont M. le rapporteur pour avis préconise l'adoption.
Les régions avaient déjà obtenu la gestion des aides du deuxième pilier, et elles demandaient également depuis plusieurs années celle des aides à l'installation. L'article 30 constitue une étape supplémentaire dans la décentralisation. C'est une bonne mesure.
L'objectif du rapport demandé par le Sénat est de s'assurer que la distribution des aides est équitable. En effet, de nombreux acteurs du monde agricole craignaient que les aides soient modulées, notamment en fonction de la couleur politique des régions. Lors de l'audition de Régions de France, nous avons demandé aux représentants de l'association leur sentiment sur ce point. Ils nous ont assurés de leur mobilisation.
La France a été pendant des siècles une puissance agricole remarquable. L'élevage et les cultures ont façonné les territoires et ont aidé notre pays à se développer, tout en préservant les conditions de sa souveraineté alimentaire. Par ailleurs, contrairement à d'autres pays développés, la France a su conserver une agriculture familiale préservant l'équilibre entre productivité et respect de l'environnement.
Toutefois, ce modèle est en déclin depuis plusieurs décennies. La souffrance des agriculteurs est multifactorielle : manque de considération, prix d'achat bien trop faibles, concurrence déloyale de la part d'États étrangers – y compris de membres de l'Union européenne –, ou encore augmentation délirante du nombre de normes. La technocratique Union européenne, en cherchant à uniformiser les modèles agricoles, a instauré de nombreuses mesures nocives pour l'agriculture française. Cette verticalité est insupportable. Les directives de Bruxelles compliquent chaque jour la situation de nos agriculteurs.
L'agriculture française poursuit ainsi son déclin. D'ici à 2030, près d'un agriculteur sur deux aura pris sa retraite. L'agrandissement des exploitations et l'installation de jeunes agriculteurs ne permettront pas de compenser ces départs. Une situation aussi préoccupante exige d'opérer rapidement des changements majeurs.
En dépit de ce constat, le projet de loi nous semble aller dans le bon sens. Le développement et la décentralisation de l'aide aux jeunes agriculteurs souhaitant s'installer sont une bonne chose. Il est essentiel d'accompagner les installations.
On peut toutefois s'interroger sur la façon dont l'efficacité et la pertinence de ces aides sont mesurées. Il en va de même en ce qui concerne le soutien à la formation : s'il est nécessaire de soutenir les jeunes qui s'engagent dans des études poussées, il est également indispensable de tenir compte de tous ceux qui n'ont pas l'intention de suivre cette voie tout en souhaitant devenir exploitants agricoles.
Votre intervention illustre la défiance habituelle de votre formation politique envers la politique agricole commune et, de manière générale, envers l'Europe. Or la France reçoit 9 milliards d'euros à travers la politique agricole commune, ce qui n'est pas négligeable.
Cela dit, je suis d'accord avec vous sur un point : les articles 30 et 31 sont de bon sens. Je suis totalement favorable à ce que nous confiions aux régions davantage de responsabilités dans la gestion de proximité des aides à l'agriculture. Il faudra toutefois que l'État et les régions entretiennent un dialogue fécond, comme ils savent le faire, pour s'assurer de l'efficacité du dispositif.
Le projet de loi démontre encore une fois l'absence de considération du Gouvernement envers le débat parlementaire : de nombreux articles visent à recourir à des ordonnances pour transposer des directives européennes, alors que ces dispositions auront un impact très concret sur la vie des Français.
L'article 30 vise à mettre en cohérence notre droit avec la programmation de la PAC, notamment en matière de politique d'installation. Celle-ci n'est d'ailleurs pas à la hauteur des enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés pour ce qui est d'assurer l'avenir des paysans. À force de complications administratives, le parcours d'installation est devenu un parcours du combattant. Que dire, par ailleurs, de l'obligation de rembourser la DJA si au bout de cinq ans l'exploitant n'a pas atteint le Smic ? Cette disposition est d'autant plus injuste que les marchés sont fluctuants. En outre, la limite d'âge pour bénéficier de la DJA est fixée à 40 ans, ce qui ne prend pas en compte l'évolution de la société et le profil des néopaysans. Enfin, les projets agroécologiques ne sont pas suffisamment valorisés, alors que nous traversons une crise environnementale sans précédent.
Dans le monde agricole, les deux tiers des départs à la retraite ne sont pas remplacés. L'incitation ne suffira pas à remédier à l'ensemble des difficultés qui freinent l'installation. Les politiques foncières et commerciales doivent être revues si nous voulons vraiment voir augmenter le nombre de paysans.
En ce qui concerne le transfert de pouvoir à FranceAgriMer, nous sommes sceptiques.
La politique d'installation n'est pas à la hauteur. En outre, elle a été élaborée dans le cadre du plan stratégique national, sans vote du Parlement. Or l'avenir de nos paysans et notre souveraineté alimentaire en dépendent. Nous avons donc déposé un amendement visant à faire en sorte que le Gouvernement ne décide pas seul de son contenu. Nous devrons également discuter en profondeur de cette question à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
L'article 31 a pour objet de ratifier des ordonnances qui, pour certaines, ont été prises il y a près de huit ans. Ce délai excessif constitue lui aussi un déni de démocratie et témoigne du mépris du Gouvernement envers notre institution.
Sur le fond, nous sommes en désaccord avec certaines de ces ordonnances. C'est le cas de celle relative à la suppression des quotas laitiers, que nous avons combattue car elle a profondément dérégulé le marché laitier et précarisé les producteurs.
Nous sommes donc opposés à ces articles tant sur le fond que sur la forme. Le Parlement n'est pas une machine à voter, mais un lieu où nous devrions pouvoir débattre véritablement des mesures qui touchent les Français.
Nous sommes justement ici pour débattre ! Par ailleurs, je trouve savoureux d'accuser le Gouvernement de ratifier des ordonnances qui datent de 2015, dont il n'est donc pas l'auteur. Cela dit, je trouve moi aussi que cette ratification arrive un peu tard.
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la limite d'âge : du fait de l'évolution la société, certaines personnes ayant dépassé 40 ans peuvent souhaiter se reconvertir dans l'agriculture. Il faudra réfléchir à la question lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, dont nous serons saisis dans les prochaines semaines.
Enfin, il n'y a pas de transfert de pouvoir à FranceAgriMer : le texte ne fait que clarifier juridiquement la situation actuelle.
Mon groupe se réjouit de la régionalisation des aides à l'installation des jeunes agriculteurs. Ainsi, le dispositif est plus adapté au terrain. Nous saluons également le travail des sénateurs Les Républicains, qui ont fait adopter une condition de formation minimale pour prétendre à ces aides. Le texte précise que la formation doit précéder l'installation, de manière à garantir un certain bagage technique et favoriser ainsi des installations durables. En effet, en matière d'installation, il importe de ne pas confondre vitesse et précipitation.
L'article 31 prévoit la ratification de huit ordonnances ayant principalement pour objet une adaptation technique du code rural et de la pêche maritime à divers règlements européens. Les députés Les Républicains déplorent l'examen trop tardif de ces textes et, de ce fait, leur caractère hétérogène, qui nuit à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire, bien que la France soit à l'initiative de plusieurs des dispositions européennes en question, dont elle tire d'ailleurs bénéfice – je pense aux mesures relatives aux indications géographiques, ou encore à l'encadrement plus strict de la production vitivinicole.
Nous appelons une nouvelle fois le Gouvernement à inscrire les projets de loi de ratification à l'ordre du jour dans des délais plus raisonnables. Il en va de la lisibilité des débats et du respect dû aux parlementaires. Il est à peine croyable que l'examen de certaines dispositions intervienne avec autant de retard : le véritable débat sur ces mesures, qui avait eu lieu au sein du Parlement européen, remonte parfois à plus de dix ans.
Si nous avons des réserves sur la forme, c'est sur le fond que nous sommes appelés à nous prononcer. Nous voterons donc en faveur de ces articles.
Moi aussi je trouve les délais de ratification parfois un peu longs : plus de huit ans après la publication de l'ordonnance, on est totalement hors contexte. Quoi qu'il en soit, en l'espèce, je préfère me réjouir que nous ayons réussi à avancer avec les régions, auxquelles nous confions une responsabilité qu'elles demandaient depuis longtemps. Je suis sûr que ce travail de proximité permettra le renouvellement des générations et même l'augmentation du nombre d'agriculteurs, que nous souhaitons tous.
Le présent projet de loi vise à mettre en cohérence le droit national avec la nouvelle programmation de la PAC pour la période 2023-2027. Sans doute la plus ambitieuse en matière de transition écologique, elle permettra d'accompagner nos agriculteurs et nos territoires vers un modèle plus vertueux.
L'attribution aux régions de la compétence d'instruire les dossiers et du paiement des aides non surfaciques est une bonne chose : l'approche se fera ainsi au plus près des territoires. Nous devrons rester vigilants pour que ces mesures soient appliquées de façon égale sur le territoire national ; il ne faut pas créer de disparités.
J'appelle l'attention de la commission sur l'agriculture biologique : dans le cadre de l'examen, en 2023, du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, la question de l'adaptation de notre agriculture aux enjeux climatiques sera fondamentale. Il nous reviendra de veiller, lors de la coconstruction, à éviter les redondances entre nos dispositifs propres et ceux de la PAC ; la politique nationale et la politique européenne doivent être complémentaires.
Nous devrons notamment définir les objectifs que nous voulons atteindre en matière d'agriculture biologique, alors que le plan stratégique national adopté dans le cadre de la nouvelle PAC prévoit 18 % de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique d'ici à 2027. Cette ambition est loin de celles des différents plans Écophyto qui, vous le savez, n'ont pas atteint leur but.
Le groupe Démocrate votera en faveur des dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui.
Je me souviens qu'en 2017, nous étions à 6,5 % de SAU en bio ; nous avions fixé un objectif de 15 %. Nous en sommes loin, puisque nous atteignons à peine 10 % en 2022 ! Il faut continuer d'encourager les conversions. Mais on sait aussi que le marché du bio connaît un très fort ralentissement, du fait de difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles.
Grâce au débat sur le PSN, au cours duquel des groupes de travail se sont réunis, sous l'égide de Julien Denormandie, alors ministre de l'agriculture, nos objectifs nationaux sont en phase avec les objectifs européens. Les deux politiques doivent se rejoindre, évidemment.
L'article 30 prévoit que les dotations issues du Feader seront attribuées par les régions. Nous militons depuis longtemps en faveur de cette mesure ; la région Bretagne a demandé la gestion des aides non surfaciques, mais également surfaciques. D'une région à l'autre, les agricultures diffèrent énormément, tant par les structures que par les productions : on ne peut pas s'amuser à mener les mêmes politiques partout en France. Cela ne correspond tout simplement pas au terrain.
Les politiques d'installation, c'est vrai, concernent toutes les régions, même si on rencontre encore plus de difficultés dans les régions d'élevage. En Bretagne, nous avons environ 500 installations par an, et nous voudrions passer à 1 000 : ce n'est pas simple. Nous travaillons avec la profession, avec tous les acteurs, et je remarque que la plupart de ceux qui s'installent sont encore là cinq ans après : c'est donc que le système ne fonctionne pas si mal.
S'agissant du bio, il serait bon de réactiver la double contrainte que nous avions votée pour la restauration collective, de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique et de 50 % de produits durables et de qualité. Certains acteurs jouent le jeu, d'autre pas… Or le respect de cette mesure conforterait nos filières bio – je pense notamment à la filière porcine, qui rencontre de grandes difficultés.
Le Sénat a exprimé des réserves sur cet article 30 : ils ont un peu peur que ça parte dans tous les sens… À mon sens, dès lors que les régions travaillent avec la profession, avec les gens sur le terrain, il ne devrait pas y avoir de problèmes. Mais nous ne nous opposerons pas à ce qui a été proposé par les sénateurs.
Quant aux ordonnances, cela a été dit, le processus est opaque et surtout long. C'est ainsi, mais je préférerais moi aussi un autre fonctionnement.
Je partage ce qui vient d'être dit. Il faut en effet marteler cette règle des 20 % de produits bio et des 50 % sous signes de qualité dans la restauration collective, publique comme privée. Les efforts nécessaires doivent être faits pour atteindre cet objectif, au service de nos filières agricoles locales. Les collectivités, notamment les intercommunalités, s'y emploient ; un grand nombre de projets alimentaires territoriaux sont mis en place, et contribuent à atteindre ces objectifs. Il faut continuer d'encourager les acteurs. Peut-être des dispositions complémentaires seront-elles nécessaires dans le projet de loi d'avenir agricole.
Il faudra aussi imaginer une politique alimentaire nouvelle pour prendre la suite de celle qui a été définie pour les années 2018 à 2022 : de nouvelles réflexions pour la décennie à venir doivent être menées, pour savoir où nous voulons aller, pour que nos exploitations soient compétitives mais aussi pour respecter la santé de tous ceux qui se fournissent chez nos agriculteurs.
Ce projet de loi vise à transposer en droit français six directives et à appliquer six règlements adoptés par l'Union européenne ; ils portent sur l'économie, la santé, le travail, les transports et l'agriculture – sujet sur lequel notre commission est appelée à se prononcer.
L'article 30 permet notamment d'adapter notre droit à la nouvelle PAC ; il confie en particulier aux régions les aides Feader pour l'installation des jeunes agriculteurs. C'est une mesure importante, notamment dans mon département de la Loire où les jeunes ont particulièrement besoin d'accompagnement. Les régions – à l'instar d'Auvergne-Rhône-Alpes, sous l'impulsion de son président – sont mobilisées pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs dont nos territoires ont tant besoin.
L'article 31 ratifie huit ordonnances relevant du ministère de l'agriculture et publiées depuis 2015, notamment celle relative aux signes d'identification de l'origine et de la qualité, qui me tient particulièrement à cœur puisque j'ai été rapporteur, il y a de cela quelques années, d'une mission d'information sur cette question importante pour les consommateurs comme pour les producteurs.
Je me réjouis de la régionalisation de la DJA ; celle-ci sera sans doute ainsi plus souple et mieux adaptée, car les régions sont les mieux placées pour connaître les spécificités de leurs territoires et donc pour en définir les priorités. Mais cette mesure ne suffira pas, cela a été dit, à régler le problème du renouvellement des générations. En effet, 43 % des exploitants en activité auront atteint l'âge de la retraite en 2030. La réforme de la DJA ne nous permettra pas, à elle seule, de défendre notre agriculture et donc notre souveraineté alimentaire !
Par ailleurs, la modulation territoriale peut faire craindre une diminution des aides à l'installation pour certaines catégories d'agriculteurs. Peut-on s'assurer que le bilan annuel prévu à l'article 30 permettra de corriger les éventuelles disparités de traitement selon les régions ?
Monsieur Molac, le transfert est effectif depuis le 1er janvier 2023, puisque la nouvelle PAC et le plan stratégique national s'appliquent depuis cette date.
Monsieur Vigier, je vous rejoins sur la nécessité d'une grande concertation entre l'État et les régions pour établir ce bilan annuel, prévu par la loi : il faudra vérifier si les aides distribuées par les régions permettent d'augmenter le nombre d'installations ; il faudra également s'assurer de l'équité, de la cohérence à l'échelle nationale des aides apportées : évitons qu'il y ait une politique agricole à plusieurs vitesses ! Certains acteurs craignent de voir des régions consentir un effort important en faveur de l'installation des agriculteurs, et pas d'autres. Ce sont les priorités du PSN qui doivent s'imposer.
Monsieur Cinieri, la question de l'identification des origines des produits agricoles est un combat commun à toutes les formations politiques qui siègent à l'Assemblée. Les débats sur les lois Egalim ont permis de le vérifier, comme la mission d'information que vous mentionnez.
Article 30 : Adaptation du droit en lien avec le nouveau plan stratégique national de la PAC : clarification juridique du statut d'autorités de gestion des régions en matière d'aides à l'installation et de la compétence réglementaire de FranceAgriMer en lien avec les dépenses d'interventions de marché de la politique agricole commune (PAC)
La commission adopte l'amendement rédactionnel CE3 de M. Stéphane Travert.
Amendement CE4 de M. Stéphane Travert
Il s'agit de supprimer l'exigence de détention d'une capacité professionnelle préalablement à l'octroi des aides à l'installation.
Cette exigence a été renforcée par le Sénat. Mais nous estimons que si nous voulons attirer de nouvelles générations, il faut au contraire desserrer l'étau et leur permettre d'acquérir les diplômes et les compétences requis de manière plus progressive, jusqu'à la fin de la période d'installation.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte les amendements de clarification CE2 et CE5 de M. Stéphane Travert.
Amendement CE1 de Mme Aurélie Trouvé
S'il est une politique européenne dont nous aimerions discuter la transposition en droit français, c'est bien la politique agricole commune ! La dernière réforme de la PAC prévoit la construction d'un plan stratégique national, nouvelle étape vers une renationalisation de la PAC, qui offre davantage de marges de manœuvre aux États membres. C'est un document essentiel puisqu'il détermine dans chaque pays les priorités de la politique agricole et les modalités de son application. Je rappelle que la PAC représente pour la France une dizaine de milliards d'euros par an, et qu'elle oriente fortement les évolutions du monde agricole : ces aides publiques représentent deux tiers du résultat net français – 30 000 euros en moyenne par bénéficiaire.
On dit que la PAC devrait se préoccuper davantage des réalités nationales et locales ; pourtant, le Parlement n'est à aucun moment impliqué dans son élaboration, contrairement à ce qui se fait en Allemagne par exemple. Pour construire ce document essentiel qu'est le PSN, les ministères, les régions, les organisations professionnelles et même l'ensemble des Français ont été impliqués, et tant mieux ; mais il serait aussi logique que l'Assemblée nationale soit saisie.
Le contenu et l'application de la PAC devraient donc à notre sens être discutés et approuvés par la Représentation nationale. Nous proposons d'inscrire ce principe dans le code rural et de la pêche maritime.
Avis défavorable. Je ne suis pas loin de penser comme vous que la PAC mérite un grand débat au Parlement : débattre sereinement est toujours une bonne chose pour trouver des solutions communes. Néanmoins, je rappelle que le ministère de l'agriculture n'a pas élaboré seul le PSN : des groupes de travail ont été mis en place, auxquels participaient des parlementaires – dont certains présents dans cette salle. Les ONG, les associations, l'ensemble des acteurs du monde agricole ont pris part à ces débats. Une consultation citoyenne, « Impactons », a été menée. Le travail de concertation a donc bien eu lieu. M. Julien Denormandie avait présenté ses résultats lors d'un Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire ; ils ont été soumis à l'Autorité environnementale, conformément au code de l'environnement.
Nous n'allons pas revenir aujourd'hui sur la définition de la PAC pour 2023 à 2027. Mais c'est une réflexion qui mérite d'être menée.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 30 modifié.
Article 31 : Ratification de huit ordonnances de transposition et d'adaptation du droit de l'Union européenne sur les questions agricoles
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 31 non modifié.
Informations relatives à la commission
1/ La commission a désigné M. Johnny Hajjar (Socialistes et apparentés) comme rapporteur de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d'Outre-mer (n° 664).
2/ La commission a désigné M. Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés) comme rapporteur de la proposition de la loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (n° 672).
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 17 janvier 2023 à 17 h 30
Présents. – Mme Anne-Laure Babault, M. Bertrand Bouyx, M. Dino Cinieri, M. Arthur Delaporte, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, M. Éric Girardin, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, M. Luc Lamirault, Mme Nicole Le Peih, Mme Sandra Marsaud, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Molac, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Vincent Rolland, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta
Excusés. – M. Antoine Armand, M. André Chassaigne, M. Johnny Hajjar, M. Guillaume Kasbarian, Mme Jacqueline Maquet, M. William Martinet