La séance est ouverte à dix-neuf heures dix.
Sous la présidence de Mme Ingrid Dordain, vice-présidente, la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance s'est réunie en vue de procéder à l'audition du docteur Marie-Paule Martin Blachais, directrice scientifique de l'École de protection de l'enfance, ancienne directrice du Groupement d'intérêt public « Enfance en danger » (Giped) et rapporteure de la démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant en protection de l'enfance.
La commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance procède aujourd'hui à l'audition du docteur Marie-Paule Martin-Blachais. Merci d'avoir accepté notre invitation.
Votre parcours de médecin et les responsabilités que vous avez exercées nous permettront de mieux comprendre les dysfonctionnements des politiques de protection de l'enfance, en nous concentrant sur l'enjeu central des besoins de l'enfant. Vous êtes l'auteure du rapport intitulé « Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant en protection de l'enfance », remis à la ministre Laurence Rossignol en 2017. Vous avez également dirigé le Groupement d'intérêt public « Enfance en danger » (Giped), dont les activités sont aujourd'hui reprises par le Gip « France enfance protégée ».
Je rappelle que notre audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et que l'enregistrement vidéo sera disponible à la demande. Conformément à l'article 6 de l'ordonnance numéro 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ». Vous avez la parole pour une présentation d'environ dix minutes.
(Le docteur Marie-Paule Martin-Blachais prête serment.)
Je vous remercie de m'avoir conviée à cette audition. J'exerce mon activité professionnelle dans le domaine des publics vulnérables et de la protection de l'enfance depuis 1977, d'abord dans le secteur public, à l'échelon départemental et national. Aujourd'hui, je préside une association gestionnaire d'établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS), ce qui me permet de rester en contact avec la réalité de cette politique publique sur le terrain.
En 2017, la ministre Laurence Rossignol m'a demandé de conduire une démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l'enfant. Cette demande s'inscrivait dans un contexte d'évolution du cadre législatif et réglementaire de cette politique publique, après les lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016. La notion de besoins fondamentaux de l'enfant, mentionnée dans ces lois, suscitait de nombreuses interrogations. Nous avons donc mené cette démarche de consensus pour clarifier cette notion. Je tiens à souligner l'importance de l'article premier de la loi du 14 mars 2016, qui a véritablement posé le cadre d'une doctrine de la politique publique de protection de l'enfance, en cohérence avec les principes de la Convention internationale des droits de l'enfant.
La finalité de cette politique publique, telle que définie par la loi du 14 mars 2016, est de rappeler que l'objectif central doit être l'enfant, en mettant l'accent sur ses besoins, le respect de ses droits et la garantie de son développement physique, affectif, intellectuel et social. Cette approche consolide le fait que les politiques publiques doivent être orientées par les besoins fondamentaux de l'enfant, qui sont universels. De quoi a besoin un enfant pour se construire, grandir et devenir une personne épanouie, capable de réaliser pleinement ses potentialités et de devenir un membre actif de la société ?
Depuis 1958, la politique publique de protection de l'enfance a oscillé entre protection administrative et protection judiciaire. Il est apparu nécessaire de clarifier la grille de lecture permettant d'appréhender la situation d'un enfant dans son environnement. Cela autorise la puissance publique, conformément à la Convention internationale, à intervenir dans l'éducation de l'enfant. Cette responsabilité éducative relève à la fois du droit privé, via les représentants légaux de l'enfant qui exercent l'autorité parentale prévue par le code civil, et de la puissance publique, qui doit assurer la protection et le bien-être des enfants, comme stipulé par la Convention internationale des droits de l'enfant.
La notion d'intérêt supérieur de l'enfant, inscrite à l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, constitue notre boussole. Toute décision prise pour un enfant, que ce soit par ses parents, les autorités administratives, judiciaires ou autres, doit viser à garantir son intérêt. Entre l'intérêt supérieur de l'enfant et ses besoins fondamentaux, nous disposons aujourd'hui d'une doctrine claire qui nous guide. L'enfant est notre priorité. Nous devons nous demander ce qu'il exprime sur son environnement. Souffre-t-il de sa situation ? A-t-il besoin d'aide ? Cet environnement lui permet-il de se construire et de se développer ? Si nécessaire, nous devons apporter une aide et un accompagnement adaptés.
Cette politique publique, fondée sur ce nouveau paradigme et cette nouvelle doctrine, a des répercussions sur l'architecture du système de protection de l'enfance et sur les pratiques professionnelles. La formation des professionnels constitue un enjeu central, mais ce n'est pas le seul. Nous devons également aborder les problématiques médico-sociales, de santé et de scolarité des enfants accueillis en protection de l'enfance. En effet, 30 % des enfants pris en charge sont porteurs de handicap et nécessitent une double prise en charge, c'est-à-dire à la fois un plan de compensation du handicap et un projet pour l'enfant. Ces plans doivent être cohérents afin de placer l'enfant au centre de nos préoccupations, en tenant compte de son intérêt, quels que soient les professions, les compétences et les champs d'appartenance des politiques publiques.
La question des politiques publiques, que j'évoque au pluriel, est essentielle, car la politique de protection de l'enfance ne peut s'inscrire dans une démarche isolée. L'enfant doit être appréhendé dans sa globalité, ce que nos collègues étrangers appellent des approches holistiques. Un enfant est un tout : il doit être protégé, mais il a également besoin d'aller à l'école, de recevoir des soins, de participer à des loisirs, de s'enrichir culturellement, de bénéficier d'une formation professionnelle et, en grandissant, d'accéder à ses droits sociaux et à une insertion sociale et professionnelle.
La particularité de cette politique publique réside dans sa nécessaire transversalité avec les autres politiques publiques. Comment créer cette transversalité à l'échelle nationale et la décliner localement ? Nous disposons de plusieurs instruments. Au niveau national, le comité interministériel de protection de l'enfance favorise cette transversalité. Le Gip « France enfance protégée » constitue également un outil important, rassemblant l'ensemble des acteurs concernés par la protection de l'enfance. Les groupes de travail mis en œuvre permettent des rencontres entre les deux autorités responsables de cette politique, l'État et les départements, facilitant ainsi l'échange, l'élaboration et la co-construction des politiques. À l'échelle locale, nous trouvons divers instruments. Les observatoires départementaux, par exemple, devraient être des lieux de partage, de diagnostic territorial, de mise en commun et d'évaluation des besoins du territoire et de la population. Ils permettent d'assurer un suivi des réponses apportées sur le terrain et des différents dispositifs en place.
La loi du 7 février 2022, en créant les conseils départementaux de protection de l'enfance (CDPE), pourrait faciliter la transversalité des politiques publiques. En effet, ces conseils permettent de réunir autour de la table les services déconcentrés de l'État. Durant la période difficile du covid, certains acteurs se sont parfois sentis isolés, notamment lorsque les écoles ont fermé, et lorsque les services de pédopsychiatrie et le secteur médico-social ont suspendu leurs activités. Les acteurs de la protection de l'enfance ont particulièrement ressenti cette solitude. Il semble donc pertinent d'évaluer le fonctionnement et les apports des CDPE. Ces instances pourraient effectivement renforcer la transversalité des politiques publiques. De plus, plusieurs protocoles ont été prévus, notamment des protocoles de prévention avec les caisses d'allocations familiales (Caf) et les acteurs de la parentalité, ainsi que des protocoles concernant le passage à l'âge adulte et l'insertion des jeunes adultes, impliquant les présidents de conseils régionaux. Il est important d'examiner la mise en place de ces protocoles et leurs effets. Ils visent à garantir que les parcours des jeunes sortant de la protection de l'enfance soient anticipés et planifiés, afin qu'ils accèdent à leurs droits sociaux et bénéficient d'une insertion réussie.
L'engagement en faveur de la protection de l'enfance ne doit pas se limiter aux cas médiatisés, aussi tragiques soient-ils. Historiquement, les lois en matière de protection de l'enfance ont souvent été adoptées à la suite de situations extrêmement graves, souvent des décès. Il est regrettable que l'engagement naturel envers cette politique publique ne soit pas plus constant. Nous devrions tous nous mobiliser pour accompagner au mieux les enfants les plus vulnérables, qui présentent parfois des vulnérabilités multiples.
Lorsque vous avez travaillé sur la question du consensus autour des besoins de l'enfant, j'ai eu le plaisir de collaborer avec vous et la ministre Laurence Rossignol sur les dispositifs créés par la loi du 14 mars 2016.
J'ai plusieurs questions à ce sujet. La première concerne votre rapport rendu le 28 février 2017, à la veille d'une élection présidentielle entraînant un changement de gouvernement. Je souhaite savoir quelles ont été les suites données à vos travaux. Comment ont-ils été perçus par les acteurs de la protection de l'enfance et comment se sont-ils traduits avec le changement de gouvernement ? Comment avez-vous réussi à faire en sorte que ces travaux irriguent les pratiques ? La loi du 5 mars 2007 demandait déjà des projets personnalisés pour l'enfant (PPE). Cependant, nous savons qu'aujourd'hui encore, certains départements ne les mettent pas en œuvre, ou très peu. Ancrer des politiques publiques dans les territoires, au plus près des pratiques professionnelles, demeure extrêmement complexe.
La durée de vos travaux a été extrêmement longue, notamment dans un écosystème très large qui justifie l'emploi du terme holistique par nos voisins étrangers. Je tiens à vérifier, dans le cadre de cette commission d'enquête, que les travaux que vous avez menés, qui préconisaient le respect des besoins fondamentaux des enfants, notamment ce méta-besoin de sécurité, ont bien été suivis d'effets. Vous aviez structuré vos recommandations en sept chapitres, dont un consacré à la formation. Dix ans plus tard, nous en sommes toujours à discuter de ces sujets. Je souhaite comprendre quels processus ont permis d'intégrer ces travaux dans les politiques ministérielles entre 2014 et 2017, et comment cela a évolué par la suite, surtout en l'absence initiale d'un ministre de l'enfance. Nous avons souvent rencontré la ministre Agnès Buzyn, mais je voudrais savoir comment ces travaux ont été repris et intégrés. Nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas de rupture dans une politique publique aussi sensible. Si elle est véritablement portée au niveau national, elle doit l'être de manière cohérente en tenant compte de tout son écosystème, avec la compréhension que nous devons avancer ensemble sur ces sujets. Une rupture de politique publique nous fait prendre du retard. Or, je rappelle souvent à l'Assemblée nationale que le temps de l'enfant n'est pas celui de l'adulte, et encore moins celui des administrations ou des politiques.
Je suis consternée par la situation actuelle. Nous faisons face à deux crises majeures. Il y a tout d'abord une pénurie de personnel. La question de la formation et de la revalorisation des salaires est primordiale, l'attractivité des métiers du médico-social a considérablement diminué. Nous observons des phénomènes que je n'aurais jamais imaginés, comme l'ouverture de maisons d'enfants à caractère social (Mecs) en quinze jours, avec du personnel non formé, en réponse à des appels à projets également de quinze jours. Cela relève davantage de l'intérim, une forme de privatisation qui s'immisce dans le secteur de la protection de l'enfance. Nous nous éloignons des besoins fondamentaux de l'enfant qui avaient permis l'élaboration d'une doctrine partagée par tous, ce qui n'était pas une mince affaire à l'époque. Cette doctrine guide les travaux des colloques, mais elle doit également orienter les pratiques des professionnels.
Je suis également consternée par le manque de données chiffrées et de perspectives. Les départements se retrouvent confrontés à des situations extrêmement difficiles. Par exemple, certains enfants sont restés en maternité bien plus longtemps que prévu, faute de places en pouponnières ou dans d'autres structures d'accueil. En principe, cette durée ne devrait pas excéder trois mois, sauf erreur de ma part. Nous assistons à la réapparition du syndrome de l'hospitalisme, un phénomène que je n'avais pas observé depuis au moins dix ans. Nous sommes confrontés à des situations de sureffectif dans les pouponnières, entraînant des conditions d'accueil et de travail intolérables. Personne ne semble réagir, alors que nous devrions tous être révoltés par cette situation, compte tenu des besoins fondamentaux et des méta-besoins des enfants. La situation me paraît urgente.
Je souhaite que le décret de 1974 régissant les pouponnières soit révisé. Il est inadmissible que ce texte, datant d'une époque où l'approche était principalement sanitaire, soit toujours en vigueur. Un adulte pour trente enfants la nuit, c'est impossible, surtout quand on connaît la vulnérabilité de ces enfants. De même, un adulte pour six enfants durant la journée, avec le sureffectif actuel, peut mener en réalité à avoir un adulte pour neuf enfants, ce qui est dramatique, particulièrement pour des bébés. Les conséquences sur leurs besoins fondamentaux sont considérables. La professeure Céline Greco, qui est intervenue juste avant vous, a souligné les répercussions sur leur développement. Nous, parlementaires, avons la responsabilité de faire évoluer cette situation qui n'est plus acceptable.
Vous m'interrogez sur de nombreux points et je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à toutes vos attentes.
De quelle manière la question des besoins de l'enfant a-t-elle été portée depuis 2017 ? Cette démarche de consensus a été soutenue par une volonté affirmée. Après le rapport, nous étions conscients que pour que cette approche par les besoins imprègne la formation des professionnels et leurs pratiques, il nous fallait être très actifs. Nous avons donc été proactifs auprès des collectivités territoriales et des ESMS. Chaque expert du groupe de consensus a milité pour diffuser l'approche reposant sur les besoins fondamentaux de l'enfant, chacun dans son domaine et autant qu'il le pouvait. Les experts impliqués dans la démarche de consensus étaient très conscients de l'importance de cette approche par les besoins. Ils ont œuvré pour que cela devienne une référence pour tous les acteurs dans leurs domaines respectifs. Le cadre réglementaire a également joué un rôle, avec la publication de plusieurs décrets réaffirmant cette approche par les besoins. Nous avons pu nous appuyer sur ce cadre pour souligner l'importance de s'approprier ce concept.
En ce qui concerne l'appareil de formation, la situation est plus complexe, notamment dans les secteurs sanitaires et du travail social. Dans le secteur sanitaire, certains réseaux nous ont sollicités pour des publications et des interventions afin de sensibiliser les professionnels. Par exemple, le secteur psychiatrique hospitalier nous a sollicités, tout comme l'École nationale de la magistrature, qui inclut désormais un module sur cette démarche dans la formation initiale des magistrats souhaitant devenir juges des enfants. La situation est plus compliquée dans les instituts de formation en travail social, en raison d'une architecture dispersée et de l'attachement aux prérogatives de chacun. Aujourd'hui, je dirais que certains instituts de formation en travail social ont intégré l'approche par les besoins dans leur bloc de compétences, mais ce n'est pas systématisé. Vous avez évoqué la perte d'attractivité des métiers du travail social, que ce soit dans le secteur médico-social ou sanitaire. Les fédérations professionnelles se sont mobilisées en publiant des travaux ou en sollicitant des interventions lors de congrès et de conférences thématiques. Cependant, la formation en travail social présente la difficulté notable d'articuler le contenu des formations des jeunes professionnels avec les exigences de leur mission sur le terrain. Il existe un décalage important, d'autant plus que les formations restent polyvalentes et généralistes. La question de la spécialisation se pose donc. Dans notre rapport, nous avons souligné l'importance de doter les professionnels d'un socle de connaissances couvrant l'enfance et la famille, allant de la Convention internationale des droits de l'enfant aux dynamiques familiales, en passant par la théorie de l'attachement et l'approche par les besoins, ainsi que des aspects plus spécialisés. Nous avons également proposé un socle de compétences pour exercer dans le domaine de la protection de l'enfance, c'est-à-dire pour travailler auprès d'enfants en devenir, souvent exposés à des environnements délétères qui entraînent des difficultés sur le plan de la santé, des troubles de l'attachement, des psychotraumatismes et éventuellement des troubles de la conduite et du comportement.
Il est essentiel que les professionnels soient en mesure de faire face à divers événements et de comprendre les symptômes exprimés par les enfants, afin d'apporter les réponses les plus appropriées et de permettre à l'enfant de retrouver un environnement suffisamment sécurisé. En effet, au-delà des enfants porteurs de handicap, nous avons également des enfants présentant des problèmes de santé psychique pour lesquels il est nécessaire de fournir des réponses adaptées. Aujourd'hui, il convient de consolider le champ de la santé mentale, notamment par une approche globale telle que définie par l'organisation mondiale de la santé (OMS). Cette approche englobe la prise en charge de l'enfant dans toutes ses dimensions, et non pas uniquement sous l'angle de la psychopathologie, c'est-à-dire par le biais de la maladie psychiatrique et de la classification internationale des maladies mentales.
Il nous reste de nombreux chantiers à traiter. Avec le recul, je ne souhaite pas donner l'impression que nous avions une meilleure compréhension des choses dans le passé. Cependant, dans les années 1980 et 1990, la dynamique transversale entre les champs professionnels sanitaire, social et médico-social était centrée sur les situations individuelles et se réalisait également au niveau interinstitutionnel. Aujourd'hui, je constate que la situation s'est considérablement dégradée. La situation de la pédiatrie et de la pédopsychiatrie apparaît très préoccupante. C'est également le cas pour la médecine générale dans certains territoires. Il est devenu difficile d'accéder aux soins dans certaines régions. Vous avez mentionné la tension sur les structures d'hébergement ; je confirme qu'elle est bien réelle, les enfants présents dans ces structures sont en sureffectifs. Je pense que la diversification de l'offre de services et des modes de réponse s'est souvent faite à enveloppe constante, par une transformation des places existantes plutôt que par une création de places ex nihilo. Dans certaines situations, les interventions à domicile et le placement éducatif à domicile sont appropriés. Cependant, nous avons probablement sous-estimé le besoin d'hébergements à temps complet pour certains publics spécifiques. Parallèlement, la fermeture de structures d'hébergement du secteur médico-social et sanitaire a aggravé la situation. Les lits d'hospitalisation à temps complet en service de pédopsychiatrie ont été supprimés, à l'exception de quelques unités pour adolescents. Cette suppression visait à décloisonner et à favoriser l'insertion et l'intégration dans le droit commun. Toutefois, il est probable que nous avons sous-estimé les besoins réels justifiant ces hébergements à temps complet. Dans le domaine médico-social, nous avions des instituts médico-éducatifs (IME) qui disposaient de structures d'hébergement, mais ces dernières ont été fermées.
Il me semble que d'autres politiques publiques ont également modifié leur offre de services, ce qui a eu un impact sur la politique de protection de l'enfance. Nous n'avons peut-être pas bien anticipé ni évalué ces changements, car les politiques publiques sont souvent cloisonnées. Pourtant, les enfants dont nous avons la responsabilité, qu'ils soient en milieu ouvert ou en structure d'hébergement, présentent des besoins significatifs qui justifieraient des prises en charge multiples, coordonnées et synchronisées. Cela impliquerait la contribution de plusieurs acteurs de politiques publiques différentes. À une certaine époque, j'ai fortement soutenu la création d'un internat socio-éducatif médicalisé pour adolescents avec une triple habilitation, à la fois de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la justice et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), avec un financement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et du département ou de la PJJ. Même si cet établissement a rencontré des difficultés et a dû fermer, je persiste à penser que de telles structures devraient avoir leur place dans notre dispositif, en lien avec les agences régionales de santé (ARS).
J'ai tiré des enseignements de la fermeture de notre établissement sur les erreurs à éviter pour garantir le bon fonctionnement de ce type de structure. Il faut des établissements de petite taille, situés à proximité des filières de soins et répondant à un certain nombre de conditions. Aujourd'hui, nous avons besoin de ce genre de dispositif car certains enfants ne peuvent pas quitter les établissements faute de solutions en aval. Chacun considère qu'il n'a pas la compétence pour accompagner ces enfants qui nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire. Il est essentiel de travailler collectivement, en apportant des moyens, du personnel, ou en intervenant en gestion de crise, par exemple avec des équipes mobiles dans les Mecs. Ces interventions peuvent inclure des hospitalisations temporaires en unité pour adolescents afin de stabiliser les situations de crise. Je suis convaincue qu'il est nécessaire d'avoir, dans les Mecs ou les foyers éducatifs, un médecin référent et un infirmier, comme c'est le cas dans les maisons de retraite. La question du suivi de la santé de ces enfants est cruciale. Ils arrivent souvent dans nos établissements sans que nous disposions de toutes les informations sur leur parcours de santé, ce qui constitue une perte de temps et d'efficience. Si nous avions ces informations, nous pourrions immédiatement leur apporter les réponses appropriées.
Pouvez-vous nous donner votre avis sur le décret de 1974 et les normes dans les pouponnières ?
Je partage votre point de vue sur la question des pouponnières, et j'irais même au-delà. En décembre 2022, j'ai publié une tribune de l'Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uriopss) du Centre-Val de Loire sur la nécessité de disposer de ratios d'encadrement à la fois quantitatifs et qualitatifs dans les établissements de protection de l'enfance. Ce secteur est le seul à ne pas bénéficier de normes de référence concernant la présence et la qualification des adultes. Or, le travail d'accompagnement psycho-socio-éducatif auprès de ces enfants repose fondamentalement sur la relation humaine. La présence humaine constitue donc une part essentielle de cet accompagnement. Je vous renvoie à l'alinéa 3 de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule que les États signataires doivent assurer le respect de normes qualitatives et quantitatives pour le personnel dans les établissements accueillant des enfants au titre de la protection de l'enfance, et veiller à ce que ces normes soient respectées. La France se distingue de nombreux pays voisins par l'absence de telles normes. Il serait souhaitable que nous en disposions.
Vous avez mentionné la nécessité de disposer de ratios quantitatifs et qualitatifs. Pourriez-vous préciser ces ratios ? Par ailleurs, vous avez évoqué un cadre réglementaire, tout en affirmant que la France se distingue par l'absence de cadre. Pouvez-vous clarifier cette contradiction ?
Selon un article de la revue AJ Famille publié en novembre 2023, 37,7 % des médecins ayant suspecté des cas de maltraitance dans leur pratique ne signalent pas ces cas par une information préoccupante. Les raisons invoquées incluent la peur de se tromper, la crainte de perdre le patient, la peur de représailles et la peur d'engager leur responsabilité. Pensez-vous qu'il soit nécessaire de modifier la législation sur le secret professionnel ? Sinon, pourrait-on envisager un système où les informations seraient remontées à un médecin référent par département pour libérer la parole des médecins ?
Depuis le début des travaux de cette commission d'enquête, les différents intervenants constatent unanimement un effondrement de la politique publique de protection de l'enfance. Ce constat est partagé par tous, à l'exception peut-être des services de l'État. La question des solutions me semble primordiale pour que nous puissions formuler des recommandations concrètes.
Vous avez évoqué une tribune qui a particulièrement retenu mon attention. En tant qu'éducatrice spécialisée en protection de l'enfance, je me suis souvent retrouvée seule avec des groupes de plus de douze enfants, sans collègues pour m'épauler. Vous avez souligné l'importance de taux d'encadrement élevés. Je souhaite aborder un autre angle, celui de l'attractivité de ces métiers. Il est essentiel, pour les enfants, de bénéficier de la présence d'un nombre suffisant d'adultes. Cependant, face à la fuite actuelle des travailleurs sociaux de la protection de l'enfance, il est tout aussi crucial d'assurer un nombre adéquat de collègues en poste pour garantir des conditions de travail acceptables. À mon avis, c'est un levier que nous pouvons actionner. Bien que le coût, estimé à 1,5 milliard d'euros, soit significatif, il n'est pas insurmontable dans le cadre d'un budget global. Je tiens à souligner la nécessité d'améliorer les conditions de travail, ce qui permettrait également d'optimiser les performances.
Un autre point important concerne le service du numéro d'appel 119, qui rencontre des difficultés persistantes et dont la situation ne s'améliore pas. De nombreuses personnes refusent de travailler dans ce service en raison de la dégradation des conditions de travail et de rémunération. Mon groupe politique propose d'augmenter la rémunération des travailleurs sociaux, dont les métiers ont perdu en pouvoir d'achat depuis vingt ans, se retrouvant à peine au-dessus du Smic. Cette situation n'aide pas à rendre ces postes attractifs. En évoquant le 119, je souligne une difficulté majeure liée à la présence d'un seul opérateur, ce qui est insuffisant et ne permet pas de transmettre toutes les informations ni de répondre à tous les appels.
Enfin, nous constatons une dégradation significative la protection maternelle et infantile (PMI), notamment du nombre de médecins de PMI sur le territoire. Cette situation empêche la mise en œuvre de véritables politiques de prévention. Avez-vous des propositions pour améliorer le fonctionnement des services de PMI ?
Nous sommes ici pour évaluer les manquements des politiques de protection de l'enfance. Récemment, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) nous a indiqué que l'État investit 300 millions d'euros, tandis que les départements en investissent 9 milliards. Les manquements constatés sont-ils liés à une question financière ? Une question de responsabilité ? Un problème de contrôle et de coordination ? Vous avez mentionné le travail en silos. Il est évident que des dysfonctionnements organisationnels existent entre l'éducation nationale, les ARS et les départements. Sans évoquer l'axe de la formation, ne devrait-on pas envisager une vision plus nationale ?
Je souhaite revenir sur les chiffres alarmants concernant les professionnels de l'ASE, à la suite de la tribune publiée dans le journal Le Monde le 19 mars 2024. En 2019, le Haut conseil du travail social (HCTS) a recensé 21 millions de journées d'absence chez ces professionnels, ce qui témoigne d'une réelle souffrance au travail. Près de 97 % des établissements du secteur de la protection de l'enfance rencontrent des difficultés de recrutement, avec 9 % de postes vacants, contre 5 % en moyenne pour le secteur sanitaire, social et médico-social. Le recours à l'intérim devient de plus en plus important et de nombreux départs en retraite sont à prévoir d'ici à 2025.
La formation des prochaines générations est-elle également compromise ? Nous avons évoqué précédemment la baisse de 6 % du nombre d'étudiants inscrits dans les écoles formant aux métiers sociaux. Près de 10 % des étudiants abandonnent leur cursus dès la première année. Que faut-il mettre en place pour attirer les jeunes et les personnes en reconversion professionnelle vers les métiers d'éducateur et d'assistant familial ? L'augmentation des salaires ne peut être la seule réponse, même si elle est évidemment souhaitable. Il est nécessaire de trouver d'autres solutions.
Pour rebondir sur les propos de mon collègue Paul Christophe, l'État et les départements font-ils suffisamment ? Certains départements semblent avoir été pris de court, ils sont dépassés par la dégradation des conditions de vie des enfants et par l'augmentation du nombre d'enfants placés ces dernières années. Comment expliquer cette situation ?
Concernant le corps médical, tout d'abord, vous avez mentionné que 37 % des médecins disent avoir suspecté des cas de maltraitance sans les avoir signalés. En travaillant avec les administrations centrales et l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned), nous avons constaté que seulement 3 % des informations préoccupantes proviennent du corps médical. Ce pourcentage est extrêmement faible, d'autant plus que le corps médical est souvent en première ligne pour connaître la situation des enfants, notamment à travers les consultations de prévention et les vaccinations.
Pourquoi cette réticence du corps médical ? Vous avez évoqué plusieurs raisons avancées par les professionnels de santé. Je tiens à souligner que le conseil de l'ordre a réalisé d'importants progrès sur ce sujet. De nombreuses préconisations ont été émises concernant les modalités d'intervention et la formation des médecins. Aujourd'hui, la Haute Autorité de santé (HAS) formule des recommandations de bonne pratique à destination des médecins pour identifier un enfant suspecté de maltraitance, savoir qui contacter, comment procéder, sous quelles formes et quels risques cela comporte. Il me semble que, sur le plan de l'implication du corps médical, des ressources existent aujourd'hui vers lesquelles les médecins peuvent se tourner pour obtenir des informations. Cependant, au-delà des documents ressources, des préconisations, des recommandations et des conseils pratiques, rien ne remplace l'établissement d'une relation de confiance entre les professionnels de santé et les dispositifs vers lesquels ils peuvent se tourner. Normalement, ils peuvent se référer aux autorités judiciaires ou administratives, ainsi qu'à un médecin référent pour obtenir des conseils.
J'ai eu l'occasion de travailler dans des territoires où le médecin-chef de la PMI était l'interlocuteur privilégié du secteur libéral. Le conseil départemental avait informé les professionnels de santé concernant la problématique des enfants en danger, l'organisation du système de protection de l'enfance, les interlocuteurs disponibles et les procédures à suivre. Deux accès avaient été mis en place pour le corps médical : l'un pour demander des informations et des conseils sur des situations préoccupantes, l'autre pour élaborer des procédures et des circuits permettant aux médecins de disposer des informations nécessaires sur les ressources de proximité. Il est essentiel d'informer les praticiens sur l'offre de services du secteur public, en présentant la PMI non pas comme un service en rivalité avec la médecine libérale, mais comme une offre complémentaire. Cela implique de permettre aux praticiens de nouer des contacts avec les professionnels intervenant dans leur territoire d'implantation. Ainsi, en cas de situation problématique, les liens de reconnaissance réciproque déjà établis facilitent la communication et l'échange. Pendant un certain temps, il y a eu une certaine réticence du secteur de la santé libérale à collaborer, contrairement au secteur public hospitalier où les articulations sont plus évidentes, notamment parce que les professionnels sont parfois amenés à saisir directement le parquet en cas d'extrême urgence. Dans le secteur libéral, où l'activité est souvent individuelle, cette collaboration ne va pas de soi. Aborder la question des enfants en danger nécessite par définition un travail d'équipe pluridisciplinaire.
Il faut présenter, proposer, incarner et accompagner les initiatives, tout en instaurant un climat de confiance entre les différents professionnels. Une fois cette confiance établie, le corps médical, grâce à sa position d'observation privilégiée, peut repérer précocement les situations problématiques chez les enfants. En intervenant rapidement, il est possible de mettre en place des solutions d'accompagnement plus légères, évitant ainsi une dégradation de la situation et une intervention en période de crise, défavorable pour l'enfant.
En ce qui concerne le cadre de la politique de protection de l'enfance, je constate que nous disposons en France d'une véritable doctrine législative et réglementaire qui influence désormais les pratiques professionnelles. Cependant, il n'existe pas de cadre uniforme sur la question des normes en protection de l'enfance. Par exemple, en visitant des Mecs dans différentes régions de France, on observe des disparités en termes de ratios d'encadrement et de qualifications professionnelles, malgré des missions et vocations identiques. Cette situation pose un problème d'égalité de traitement pour nos concitoyens, suggérant que la qualité des services peut varier selon la localisation géographique. Prenons un exemple concret de Mecs avec des groupes de dix enfants, qui dispose de six éducateurs pour assurer leur prise en charge 24 heures sur 24, 365 jours par an. Or, en se référant à la convention collective de 1966 et aux règles du droit du travail, on constate que six équivalents temps plein (ETP) ne suffisent pas. Il est donc nécessaire de recourir à des contrats à durée déterminée (CDD) ou à de l'intérim, avec tous les risques que cela comporte. Ainsi, bien que nous ayons progressivement établi des usages pour déterminer ce qui est nécessaire à l'accueil des enfants, il demeure des incohérences et des besoins non satisfaits, nécessitant des ajustements pour garantir une prise en charge homogène et de qualité sur l'ensemble du territoire. L'intérim est extrêmement coûteux et, de surcroît, il implique l'embauche de personnes non qualifiées et non diplômées, que les enfants ne connaissent pas. Cela pose un problème de stabilité et de continuité, éléments essentiels pour les enfants en lien avec les adultes qui s'occupent d'eux. Je doute qu'il y ait un réel bénéfice à terme. Il est crucial de considérer les coûts au regard de l'application du droit du travail.
Aujourd'hui, un sujet qui me préoccupe particulièrement est celui des nuits. Il y a quelques années, les éducateurs assuraient des nuits couchées. Actuellement, en raison de la réglementation européenne, les nuits se font debout. Par conséquent, ce ne sont plus des éducateurs qui veillent la nuit, mais des veilleurs de nuit. Ces veilleurs de nuit jouent un rôle majeur pour les enfants accueillis en structure collective. Les enfants, souvent angoissés et stressés, souffrent de troubles du sommeil et de difficultés nocturnes. Les professionnels jouent aujourd'hui un rôle éducatif et de réassurance essentiel auprès des enfants. Il est impératif qu'ils soient présents en nombre suffisant la nuit.
En réponse à la question évoquée précédemment concernant la nécessité d'être plusieurs pour encadrer un groupe, il est évident qu'en cas d'accident nécessitant le transport d'un enfant à l'hôpital, le groupe ne peut être laissé sans supervision. De même, si un adulte fait un malaise, la présence d'un second adulte est indispensable pour garantir la sécurité des enfants. La question de la sécurité des enfants est donc primordiale, englobant à la fois la sécurité physique et matérielle, ainsi que la sécurité psychique. Les enfants ont besoin d'un environnement où un adulte de proximité est disponible pour les soutenir en cas de difficulté.
Vous avez également soulevé la problématique de la difficulté et de la faible rémunération du travail social. Nous faisons face à une véritable crise de recrutement, en partie due à une crise des vocations. N'effaçons pas cette réalité. Le statut et la rémunération sont des éléments importants. Vous avez mentionné la qualité de vie au travail. Il est indéniable que dans une structure fonctionnant sous tension en raison d'un nombre insuffisant de professionnels, un cercle vicieux s'installe. Lorsque les effectifs sont insuffisants et que certains enfants nécessitent une attention individuelle, la gestion des autres enfants devient problématique. Cela compromet la qualité de vie au travail. Les professionnels présents dans l'institution peuvent alors être exposés au burn-out et se sentir démunis face à la lourdeur de leur mission.
La qualité de vie au travail est essentielle. Elle est intrinsèquement liée à la formation professionnelle. Aujourd'hui, de nombreux professionnels ont besoin de formations de qualité pour affronter diverses situations. Ces formations doivent également favoriser le travail collectif, afin que les travailleurs ne se sentent pas isolés, mais au contraire intégrés dans une cohérence éducative partagée, en étant en accord sur les valeurs, les principes, les pratiques et les procédures pour éviter l'incohérence éducative. Cette dernière peut faire imploser une structure. Parfois, les injonctions paradoxales au sein d'une structure compliquent la situation, notamment lorsque les professionnels adoptent des positions divergentes. Prenons l'exemple de la sanction. Si les enfants perçoivent une sanction comme arbitraire et variable en fonction des personnes présentes, il en naît du désordre. Ce désordre affecte non seulement la structure, mais aussi la capacité à accompagner un collectif d'enfants sur des bases partagées.
D'autres interrogations se font jour sur la construction des projets d'établissement et l'élaboration des procédures. Le métier est complexe ; la confrontation à la souffrance de l'autre a des répercussions sur chacun d'entre nous. Il est indispensable d'accompagner les professionnels en généralisant l'analyse des pratiques au sein des institutions. Cela permet de créer des espaces-temps dédiés à la régulation des mouvements émotionnels. Le chantier est vaste, mais nécessaire. Nous sommes actuellement à un point de crise systémique important.
Je termine par le sujet de l'articulation entre l'État et les départements. Je me suis déjà exprimée concernant la gouvernance nationale. Concernant la gouvernance territoriale, des perspectives intéressantes se dessinent. Nous disposons d'outils tels que l'observatoire départemental de la protection de l'enfance, qui me semble être un dispositif capable de réunir tous les acteurs autour de la table. Cet observatoire permet de partager une connaissance approfondie du territoire, d'établir un diagnostic précis de ses forces, de ses faiblesses et des besoins de la population, afin d'apporter des réponses adéquates. Néanmoins, je pense que le schéma départemental de prévention et de protection de l'enfance, à lui seul, ne suffira pas à résoudre les problématiques territoriales. Il doit s'articuler avec les programmes de santé, les schémas d'organisation sanitaire, sans oublier ceux portant sur le handicap. Tous les acteurs concernés doivent être associés à l'élaboration de ces plans, afin que chacun puisse apporter une réponse pertinente à la complexité de la politique publique de protection de l'enfance.
La séance s'achève à vingt heures vingt.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Paul Christophe, Mme Ingrid Dordain, M. Philippe Fait, Mme Karine Lebon, Mme Laure Miller, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago, Mme Eva Sas, M. Léo Walter
Excusée. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet