La réunion

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La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi n° 1817.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 9 h 05

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En cette première réunion de commission de 2024, je vous adresse à toutes et à tous mes vœux de bonne année.

Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales (n° 1817). Sans plus attendre, afin de ne pas déflorer son travail, je laisse la parole à notre rapporteure.

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La convention visée par le projet de loi a été signée le 15 juin 2022 à Chisinau. Elle tend à combler le vide juridique – unique en Europe, à l'exception du Danemark et de la Suède – caractérisant les relations fiscales entre la France et la Moldavie. Depuis la dénonciation par la Moldavie, en 1998, de la convention fiscale conclue entre la France et l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), les acteurs du commerce entre les deux pays et les contribuables intéressés sont exposés à un risque de double imposition. D'après les négociateurs de la convention, que j'ai auditionnés, les discussions ayant présidé à sa rédaction ont été menées dans un esprit constructif et efficace.

La convention comprend un titre, un préambule, trente articles et une annexe. Ses dispositions sont très largement conformes au modèle de convention fiscale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La répartition des droits à imposer est également conforme à notre pratique conventionnelle.

L'article 21 règle les modalités de la double imposition : 65 Français sont inscrits sur les listes consulaires en Moldavie et environ 90 000 Moldaves résident en France.

Classiquement, la France prévoit l'octroi d'un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français égal soit à l'impôt étranger plafonné à l'impôt français, soit à l'impôt français. Cette méthode, retenue depuis 1990, permet d'éviter les cas de double exonération tout en appliquant les dispositions anti-abus du droit interne. La Moldavie, quant à elle, élimine la double imposition en retenant la méthode du crédit d'impôt égal à l'impôt français dès lors que la convention prévoit que le revenu peut être taxé en France. Ce crédit impôt est imputable sur l'impôt moldave correspondant et plafonné à sa hauteur. S'agissant des revenus pour lesquels la convention prévoit une taxation exclusive en France, en l'absence de stipulations spécifiques, la Moldavie peut accorder une exemption totale d'impôt.

Cette convention fiscale moderne intègre de façon opportune les derniers standards de l'OCDE en matière de coopération fiscale et de garantie des droits des contribuables. Elle offre d'indéniables avancées en matière de simplification et de sécurité juridique, pour les particuliers et pour les entreprises. Elle doit avant tout permettre de renforcer les investissements français en Moldavie. La France est le quatrième investisseur étranger du pays. Son stock d'investissement s'élève à 124 millions d'euros et augmente constamment. Le montant des exportations françaises en Moldavie a augmenté de plus de 50 % au premier semestre 2022 par rapport à celui de l'année précédente.

Par ailleurs, plusieurs projets d'envergure sont engagés en matière d'infrastructures destinées au désenclavement ferroviaire et routier du pays, et aussi pour renforcer la sécurité énergétique de la Moldavie, qui malheureusement dépend encore beaucoup de la Russie. Les entreprises françaises sont engagées dans ce pays, notamment pour y développer des projets dans le domaine des énergies renouvelables (EnR). Au printemps 2024, une délégation du Mouvement des entreprises de France International (Medef International) formée de nombreux représentants d'entreprises se rendra en Moldavie pour y conclure des contrats.

Sur le plan politique, je rappelle, en tant que présidente du groupe d'amitié France-Moldavie, que notre vote ce matin s'inscrit dans la poursuite du rapprochement de ce pays avec les États membres de l'Union européenne (UE). Située aux limites des sphères d'influence de l'Europe et de la Russie, la Moldavie s'est nettement rapprochée de l'UE dans les années récentes, et plus encore depuis l'arrivée au pouvoir de la présidente Maïa Sandu et l'invasion de l'Ukraine.

La Moldavie est signataire d'un accord d'association avec l'UE, entré en vigueur le 1er septembre 2014. Elle a obtenu le statut officiel de candidat à l'adhésion le 23 juin 2022. Les efforts de la Moldavie pour moderniser ses standards de gouvernance sont, de l'avis de tous les observateurs, à saluer. En outre, un lien particulier nous unit à ce pays majoritairement de langue latine. Près de 40 % des écoliers du secondaire y apprennent le français. L'Alliance française de Moldavie, où je me suis rendue, compte 3 500 élèves, ce qui en fait l'une des plus importantes d'Europe.

Si la convention fiscale du 15 juin 2022 doit renforcer les investissements croisés entre nos deux pays, elle participe aussi d'un dessein plus large visant à arrimer la République de Moldavie à la famille démocratique européenne, et singulièrement à renforcer ses liens économiques et culturels avec la France.

Aussi, chers collègues, je vous invite à approuver ce projet de loi.

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S'agissant de l'arrière-plan politique de cette convention technique, j'ajoute que notre assemblée a noué des relations étroites avec la présidente moldave, Mme Maïa Sandu, que nous avons reçue à deux reprises. Son programme politique, très difficile à mettre en œuvre, illustre sa détermination. Il tient en trois points : la défense de la souveraineté de son pays, dont le moins que l'on puisse en dire est qu'elle est menacée ; l'affirmation des libertés démocratiques dans un pays qui en a été privé pendant longtemps ; la lutte contre la corruption, qui est sans doute la tâche la plus ardue et le combat qu'elle mène avec le plus de détermination. Sur ces trois points, la France soutient véritablement les ambitions de la présidente moldave. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ce contexte politique.

S'agissant de la proximité des Moldaves avec la francophonie, ils parlent le roumain, qui est une langue latine. Lors de la révolution démocratique de la Roumanie, je me trouvais à Timisoara, où j'ai été invité à m'exprimer à la télévision. Les questions que l'on me posait en roumain étaient parfaitement compréhensibles pour un Français, de sorte que je n'ai pas eu recours à l'interprète, tant et si bien qu'il a refusé ensuite de traduire mes propos que j'étais bien incapable de tenir en roumain ! Lorsque l'on entend parler des Moldaves ou des Roumains parler entre eux, on se sent en étroite familiarité linguistique.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Au nom du groupe Renaissance, je salue le travail de Delphine Lingemann visant à renforcer les relations entre la France et la Moldavie. La convention fiscale dont nous sommes saisis témoigne de notre volonté commune d'approfondir la coopération entre nos deux pays et de créer un cadre fiscal propice au développement des affaires pour les citoyens et pour les acteurs économiques. Elle s'inscrit clairement dans l'engagement de la majorité pour la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.

Depuis la dénonciation par les autorités moldaves, en mars 1998, du traité qui liait la France et l'Union soviétique, la France est l'un des rares États européens à ne pas disposer de convention fiscale avec la Moldavie, ce qui a malheureusement des conséquences préjudiciables au développement de nos échanges bilatéraux. En éliminant la double imposition, la convention fiscale du 15 juin 2022 favorisera un climat d'investissement stable et encouragera les échanges économiques.

Depuis l'élection de Maïa Sandu à la présidence de la République moldave en 2020, ce pays fait preuve d'une forte volonté de se rapprocher de l'Europe, s'agissant notamment de la lutte contre la corruption, et de satisfaire aux critères d'adhésion à l'UE. Des négociations d'adhésion ont été ouvertes en décembre dernier. À l'occasion d'un déplacement en Moldavie avec Laurence Boone, en mars 2023, j'ai constaté à quel point la présidente, son premier ministre et son gouvernement, ainsi que les Moldaves avec eux, sont tournés vers l'Europe. Tous ont un profond désir d'Europe et de France : près de 30 % des Moldaves apprennent ainsi le français à un moment ou à un autre de leur cursus scolaire.

La convention fiscale que nous examinons est une avancée majeure dans le renforcement de nos relations bilatérales. Elle établira des normes claires en matière d'imposition, alignées sur les standards de l'OCDE. Le groupe Renaissance l'approuve des deux mains et votera le projet de loi, qui va dans le sens d'un approfondissement des relations entre la France et la Moldavie.

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Je salue l'engagement européen de Brigitte Klinkert. La convention fiscale que nous examinons s'inscrit dans cette perspective.

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D'après son intitulé, la convention fiscale que nous examinons prévoit une lutte contre l'évasion fiscale. D'après le texte, nous ne savons pas comment. Nous sommes censés approuver une convention édulcorée qui pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

En 2019, près de la moitié des profits détournés vers les paradis fiscaux ont atterri dans des pays de l'UE. Nous ne parlons pas des miettes économisées par le Gouvernement sur le dos des aides personnalisées au logement (APL), à la suite de la suppression de postes dans la fonction publique ou des aides sociales aux étrangers. Nous parlons de 9 milliards de budget amputé à l'État français ! L'UE abrite de nombreux paradis fiscaux – que l'on songe à l'Irlande, aux Pays-Bas ou au Luxembourg – mais notre Gouvernement préfère fermer les yeux. S'il était mû par la volonté de lutter contre l'évasion fiscale, il n'aurait pas supprimé, depuis 2017, 1 600 emplois à la direction générale des finances publiques (DGFIP), déjà bien attaquée au cours de la législature antérieure, et il aurait supprimé le verrou de Bercy.

Ce projet de loi a une portée plutôt symbolique. Il vise à soigner les contours de la candidature de la Moldavie à l'UE, que nous considérons comme inquiétante si nous n'obtenons pas des garanties fiscales claires. Nous voulons une Europe sociale. En cette année d'élections européennes, nous ne pouvons accepter le risque d'alimenter une Europe de la dérégulation. La politique internationale, ce n'est pas seulement des symboles et de la communication, comme semble le croire la majorité. Ce que nous faisons ici aura des conséquences. Nous risquons de créer une nouvelle niche d'évasion fiscale et, par ricochet, d'alimenter l'extrême-droite déjà florissante ; à ce sujet, on ne remercie pas la Macronie !

Même si ce Gouvernement fait preuve de rigueur uniquement avec les pauvres et les étrangers, ce n'est pas trop demander que ne pas aider, a minima, les riches à échapper à la loi. Cette politique de force avec les faibles et de faiblesse avec les forts ne peut pas continuer, d'autant que les chantiers du logement, de la santé et des services publics sont laissés en friche.

Ce texte aurait pu être l'occasion de montrer autre chose, d'imposer des conditions strictes de fiscalité. Concrètement, nous demandons au Gouvernement de ne pas nous enfumer avec les symboles et de nous proposer du fond. Mais nous avons bien compris que le culte du vide est dans l'ADN de la Macronie.

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On ne peut pas dire que la Moldavie soit un paradis fiscal. Si vous connaissiez un peu ce pays, vous sauriez qu'il en est loin.

Par ailleurs, il est gênant que vous utilisiez l'examen de ce projet de loi pour développer une tribune politique. Ce n'est ni le lieu, ni le moment.

Nous examinons, au sein de la commission des affaires étrangères, une convention fiscale qui permet de supprimer la double imposition pour nos entreprises et pour nos ressortissants. L'article 24 comporte des dispositions visant à améliorer la transparence en matière d'évasion fiscale. Je vous invite à le lire ou à le relire. Par ailleurs, des fonctionnaires étrangers, dont des Français, ont été envoyés en Moldavie pour participer à la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale.

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Le groupe Les Républicains est favorable au projet de loi. La convention fiscale que nous examinons permet de résorber quelques rares cas de double imposition et s'inscrit dans la démarche d'intégration européenne de la Moldavie. La marche vers l'Europe de ce pays soulève plusieurs questions de géopolitique régionale, parmi lesquelles celle de l'intégrité territoriale de la Moldavie, qui n'est pas assurée en Transnistrie. À égard, et ma question relève de l'hypothèse d'école, la convention fiscale y est-elle applicable ?

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La Transnistrie est une zone grise collectant l'impôt de façon autonome. La convention fiscale ne s'y applique malheureusement pas. En tout cas, le gouvernement moldave ne ménage pas sa peine pour clarifier la situation de la Transnistrie, dont un ministre est spécialement chargé.

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Au Rassemblement national, nous pensons que le bilatéralisme doit être encouragé, surtout si les relations sont anciennes. Nous échangeons depuis longtemps avec la Moldavie, même si notre relation politique avec ce pays date de 1992. Cela étant, être favorable aux relations bilatérales avec les pays voisins de l'UE ne signifie pas souhaiter leur intégration en son sein. Nous voterons le projet de loi mais nous sommes opposés à l'intégration de la Moldavie à l'UE.

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Je vous remercie de votre soutien au projet de loi. S'agissant de l'intégration de la Moldavie à l'UE, elle relève pour l'heure de l'extrapolation. La Moldavie est à l'orée d'un long chemin, dont l'horizon est l'année 2030, et qui compte plusieurs étapes, dont l'échelonnement permettra de déterminer si le pays progresse dans la démocratisation de ses institutions et dans l'amélioration de sa gouvernance. Plusieurs réformes en ce sens ont été engagées, notamment en matière de lutte contre la corruption.

Quoi qu'il en soit, nous devons soutenir cet Etat qui, comme l'a si bien dit Brigitte Klinkert, a envie d'Europe et de France. Contribuer à sa stabilisation importe d'autant plus qu'il est à 50 kilomètres d'Odessa, partage près de 1 000 kilomètres de frontière avec l'Ukraine et inclut la Transnistrie, qui est une zone de transit importante. Tel est le sens de la mission de l'Union européenne d'assistance à la surveillance aux frontières de Moldavie et d'Ukraine (EUBAM). Il importe d'aider la Moldavie à progresser vers des pratiques démocratiques et d'en faire un pôle de stabilité régionale en l'intégrant dans le processus d'adhésion à l'UE.

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Nous sommes nombreux à vouloir analyser les résultats du Conseil européen de décembre dernier, qui pose autant de problèmes qu'il n'en résout, sinon davantage. Nous aurons l'occasion de nous poser la question de l'ouverture de négociations d'adhésion avec la Moldavie, de l'octroi à la Géorgie du statut de candidat à l'adhésion et des problèmes généraux en rapport avec les demandes d'adhésion, qui traînent depuis de nombreuses années, des pays balkaniques. Tout cela forme un tout sur lequel nous devrons réfléchir comme tel.

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Je tenais tout d'abord à remercier la rapporteure pour son travail, qui nous livre une analyse éclairée des partenariats qu'entretient la France avec la Moldavie sur les questions d'imposition et de prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.

La politique est faite d'actes et de symboles et ce texte en est une belle illustration. La convention fiscale dont il est question vient combler un vide juridique qui était dommageable à nos finances publiques, à nos entreprises et surtout aux expatriés français et moldaves domiciliés dans nos pays respectifs. En négociation depuis 2006, après moult péripéties et une reprise franche du dialogue en 2019, ce texte est enfin là. Avec les conséquences très concrètes qu'il aura pour les personnes concernées, il permettra d'éviter les doubles impositions, de renforcer les échanges économiques et les investissements entre la France et la Moldavie, mais aussi d'approfondir la lutte contre la fraude fiscale. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Il convient d'ailleurs de souligner les efforts réalisés ces dernières années en matière de transparence fiscale par la partie moldave, dont les différentes réformes administratives ont permis de réunir les conditions favorables à la formalisation du texte. Cette convention nous permettra de développer et d'assurer la sécurité juridique des opérateurs économiques et des personnes physiques.

Vous l'aurez compris, le groupe Démocrate votera en faveur de ce projet de loi de ratification.

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Je remercie le groupe Démocrate et en particulier Laurent Esquenet-Goxes pour son implication au sein du groupe d'amitié France-Moldavie.

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Cet accord est une bonne nouvelle car il contribuera au rapprochement entre la Moldavie et la France sur deux points très importants : la double imposition et la lutte contre la fraude fiscale. Nous considérons donc que c'est un progrès. Néanmoins, je rejoins les préoccupations de Pierre-Henri Dumont. La Moldavie reste l'un des points chauds de l'Europe de l'Est : dans la région de Transnistrie, une partie de la population s'est engagée dans un mouvement sécessionniste pro-russe. Nous devons obtenir des éclaircissements et je serais intéressé de connaître votre avis sur ce point.

Plus largement, je voudrais aborder la question de la double imposition qui frappe les « Américains accidentels ». Certes, il ne s'agit plus de la Moldavie, ni même de l'Europe, mais la double imposition pose un véritable problème à ceux qui sont nés sur le sol américain : possédant la nationalité américaine, ils doivent s'acquitter de l'impôt aux États-Unis alors qu'ils n'ont jamais vécu dans ce pays. Vous me direz qu'ils n'ont qu'à renoncer à leur nationalité américaine : or cela s'avère compliqué et onéreux. Cela fait des années que j'alerte sur cette double imposition parfaitement illégitime. J'aimerais savoir si la rapporteure a des informations sur cette question qui concerne 300 000 citoyens européens, dont 40 000 Français.

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La commission des finances s'est à plusieurs reprises saisie de la question très importante des Américains accidentels. C'est vraiment une iniquité profonde pour ceux qui sont illusoirement bénéficiaires et réellement victimes de ce statut. Ce sujet relève plutôt de la compétence de la commission des finances, même si cela nous intéresse. Nous pourrons nous rapprocher d'elle à cet égard.

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Cette question s'éloigne en effet un peu de la convention fiscale avec la Moldavie. Des travaux sont menés au sein de la commission des finances, même si la commission des affaires étrangères suit ce dossier avec une grande vigilance. Un rapport a également été rédigé, sous la précédente législature, par Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin.

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Ce que vous dites est parfaitement juste et connu de ceux qui s'intéressent à cette question. Cependant, cela n'avance pas, raison pour laquelle je remets le sujet sur le tapis. Je voulais donc savoir si vous aviez des informations nouvelles sur ce sujet.

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C'est plutôt moi que cette balle vise… (Sourires). Pour répondre à votre légitime curiosité, je vais solliciter le président de la commission des finances pour savoir comment tout cela marine et mijote.

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Madame la rapporteure, vous soulignez que cette convention permet d'indéniables avancées en matière de sécurité juridique et de simplification. Mais vous écrivez aussi que ses conséquences économiques, financières et budgétaires sont mal maîtrisées par l'administration. Vous semblez regretter l'absence d'un suivi plus sérieux des conventions fiscales bilatérales et vous pointez la faiblesse de l'étude d'impact. Vous faites même référence à un référé de la Cour des comptes du 31 mai 2019 qui recommande la mise en place d'une mission d'évaluation confiée à une cellule de haut niveau : pouvez-vous nous détailler un peu plus ce dernier point ?

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Quelle que soit la convention fiscale internationale que nous signons, nous ne disposons que de très peu d'éclairages budgétaires en matière de recettes fiscales et de retombées économiques. L'étude d'impact contient certes des données économiques agrégées mais il est difficile de se projeter en raison tant du comportement des entreprises et des consommateurs que du contexte géopolitique du pays, lequel a besoin de stabilité.

Je tiens à souligner que les 90 000 Moldaves en France, les 65 Français inscrits sur les listes consulaires en Moldavie, ainsi que les 200 entreprises françaises installées dans ce pays seront tous concernés par cette convention. Toutefois, lorsque nous l'avons auditionnée, la DGFIP a eu du mal à nous communiquer des éléments chiffrés sur les retombées fiscales. Elle a justifié cela par l'absence d'outils informatiques permettant de croiser tous les tableaux dont elle disposait. Dans son excellent rapport sur le projet de loi autorisant la ratification des conventions fiscales avec le Danemark et la Grèce, Béatrice Piron avait déjà souligné ce manque de projection concernant les recettes fiscales.

En 2019, la Cour des comptes a en effet demandé que soit installée une cellule experte regroupant la Banque de France, le Trésor, la DGFIP et l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), afin d'agréger toutes les données statistiques. Bien que cette proposition ait reçu une réponse positive de Bercy en 2019, la cellule n'a toujours pas formellement vu le jour, les services de Bercy ayant eu d'autres dossiers prioritaires à gérer. Je compte, après la rédaction de ce rapport, leur envoyer un courrier pour leur rappeler ce point de vigilance dans l'établissement de conventions fiscales internationales.

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Ma vie politique a commencé dans cette région, lorsque j'étais allé manifester devant des bases américaines et même soviétiques pour exiger « Ni Pershing, ni SS-20 ». Souvenez-vous : c'était le moment où se faisaient face les missiles nucléaires. À l'époque, j'étais un doux rêveur de la Jeunesse communiste : j'imaginais que les Balkans pouvaient être une zone dépourvue de missiles nucléaires, d'un côté comme de l'autre. Ce combat est aujourd'hui, plus que jamais, d'actualité, comme le démontre ce qu'il se passe en Ukraine. Je rêve qu'un jour, à côté des traités de non-imposition, on signe également des traités pour éviter la militarisation à outrance de cette région. La Moldavie se rapproche à petits pas de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ; ce n'est pas ce qui me plaît le plus. Je pense que ces petits pas ne doivent pas aller trop loin.

Concernant la double imposition, je connais beaucoup d'entreprises dans notre pays qui ont la tentation de payer leurs impôts là où l'on en paye le moins. Avec mon groupe, je me bats pour que l'on paye les impôts là où l'on produit les richesses et là où l'on les exploite, donc dans les pays où les entreprises françaises travaillent. J'espère que ce traité permettra une juste rémunération de la Moldavie et qu'elle pourra se développer sur cette base.

Enfin, j'en viens à la question de la corruption. Si des fonctionnaires se sont rendus sur place, comme vous l'avez rappelé, c'est que cette question n'est toujours pas réglée. La constitution de la commission de contrôle et de suivi devrait être une priorité pour Bercy. Je trouve dommage que l'on signe un traité alors que, dans l'immédiat, on ne dispose pas d'un outil de contrôle.

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La présidente de la Moldavie et le gouvernement moldave s'inscrivent complètement dans vos propos. L'article 7 de la convention devrait vous rassurer puisqu'il vise à imposer les entreprises là où les bénéfices sont réalisés. S'agissant du contrôle a posteriori, nous pouvons en effet mener collectivement des actions dans ce domaine ; je suis à votre écoute sur ces questions.

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Nous en venons à présent aux questions posées à titre individuel par les autres députés.

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Cette convention couvrant divers aspects fiscaux – tels que l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) – et définissant des éléments cruciaux – tels que la résidence et l'établissement stable – est un pas significatif vers le renforcement des relations économiques entre nos deux nations. La Moldavie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne depuis juin 2022, entreprend des réformes ambitieuses dans les domaines de l'État de droit et de la justice. En parallèle, les échanges économiques entre la France et la Moldavie ont connu une croissance notable, avec des exportations françaises en augmentation de plus de 52 % en 2022, atteignant 154,6 millions d'euros sur douze mois glissants jusqu'à juin de la même année. Ma question est donc la suivante : quel impact envisagez-vous sur le renforcement des relations d'affaires et d'investissement dans nos deux pays ? Ces relations vont-elles se développer ?

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Les retombées sont difficilement quantifiables. Des groupes français comme Lafarge, Lactalis et Orange sont présents en Moldavie. Je l'ai dit, une mission du Medef International se rendra à Chisinau au printemps 2024. Un fromager français, suivi par le député Frédéric Petit, y fait de l'aide humanitaire. Plusieurs entreprises françaises sont intéressées pour investir en Moldavie : Eco-Delta dans le domaine de l'énergie ; Alstom, L3G et Geismar dans le domaine des infrastructures ferroviaires. Concernant les infrastructures aéroportuaires, Bouygues International et Lagardère Travel Retail envisagent de s'installer en Moldavie, et des discussions sont menées avec Meridiam, Vinci, Aéroports de Paris (ADP). La Moldavie est donc prise au sérieux par les investisseurs français. Cette convention permettra de simplifier et de sécuriser sur le plan juridique les relations avec ce pays.

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Je souhaite tout d'abord rendre hommage à Benoît Mayrand, élu à l'Assemblée des Français de l'étranger pour la Roumanie et la Moldavie. Il ne manquera pas d'être soulagé, lui qui se bat depuis très longtemps sur ce sujet, en constatant que ce vieux dossier prend enfin tournure.

La double imposition des Français installés à l'étranger – je ne parle pas ici de grandes entreprises – est un véritable cauchemar. Le manque de suivi des effets de la double imposition est un problème général, qui existe par exemple avec l'Allemagne : on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé, on ne sait pas à qui s'adresser. Le retard dans l'installation de la structure de suivi à Bercy, apparemment dû en partie au Covid, est catastrophique pour les Français de l'étranger.

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Je remercie Frédéric Petit, lui aussi très investi dans le groupe d'amitié France-Moldavie. Le manque de suivi correspond à un manque de moyens, Bercy ayant mis en place une toute petite cellule, qui n'a pas les moyens humains et financiers de suivre correctement le déploiement de toutes les conventions fiscales internationales. Cela vaudrait la peine que l'on agisse collectivement pour renforcer les moyens humains et financiers de ce service.

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Je vous remercie, madame la rapporteure. Nous avons beaucoup apprécié le fait que, au-delà de cette convention, vous ayez une connaissance aussi précise et documentée de la situation de la Moldavie et de ses relations avec la France. Votre culture politique sur ce dossier est un apport très précieux pour la commission des affaires étrangères.

Article unique (approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, signée à Chisinau le 15 juin 2022)

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

La séance est levée à 10 h 00

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alain David, M. Sébastien Delogu, Mme Ingrid Dordain, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, M. Philippe Guillemard, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Alexis Jolly, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Delphine Lingemann, Mme Yaël Menache, M. Didier Parakian, M. Frédéric Petit, Mme Béatrice Piron, M. Jean-François Portarrieu, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Laurence Vichnievsky, M. Lionel Vuibert, M. Frédéric Zgainski

Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Xavier Batut, M. Sébastien Chenu, Mme Julie Delpech, M. David Habib, M. Meyer Habib, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

Assistaient également à la réunion. - Mme Maud Gatel, M. Christophe Naegelen