La réunion

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Mercredi 11 octobre 2023

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de Mme Laurence Heydel Grillere, secrétaire de la commission d'enquête)

La commission procède à l'audition de M. Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France, accompagné de M. Frédéric Ernou, responsable du service agroenvironnement, M. Étienne Bertin, chargé d'affaires publiques et M. Lucien Gillet, chargé de mission réglementation phytosanitaire.

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Nous reprenons les auditions de notre commission d'enquête visant à identifier les raisons de l'échec des politiques publiques en matière de réduction des produits phytosanitaires. Je voudrais excuser notre président, Frédéric Descrozaille, qui a été retenu par des impératifs et m'a demandé de le remplacer, aujourd'hui et demain matin.

Après une séquence très centrée sur la question du régime d'autorisation des substances actives et des produits phytosanitaires avec les auditions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), nous avons effectué un déplacement à Bruxelles avec une délégation de notre commission d'enquête la semaine dernière. Nous poursuivons à présent notre tour d'horizon des acteurs essentiels pour la mise en œuvre de la politique publique de réduction des usages et des impacts des produits phytosanitaires.

À l'évidence, les chambres d'agriculture comptent parmi ces acteurs incontournables. Elles ont d'ailleurs explicitement dans leurs missions de contribuer, par les services qu'elles mettent en place, à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Elles sont à ce titre destinataires d'une partie des aides prévues dans le cadre du plan Écophyto. Au-delà, par leur rôle d'accompagnement des agriculteurs, d'interface entre les pouvoirs publics et le monde agricole, elles jouent incontestablement un rôle indispensable pour la conduite de cette politique publique.

Nous sommes donc ainsi très heureux de pouvoir échanger aujourd'hui avec plusieurs responsables de Chambres d'agriculture France, structure qui anime le réseau des chambres d'agriculture : M. Sébastien Windsor, son président, M. Frédéric Ernou, responsable du service agroenvironnement, M. Étienne Bertin, chargé d'affaires publiques et M. Lucien Gilet, chargé de mission réglementation phytosanitaire.

Je vais à présent vous laisser la parole pour une présentation liminaire d'une dizaine de minutes, qui sera l'occasion de vous présenter et de présenter plus en détail le réseau des chambres d'agriculture et leur action en matière de réduction des produits phytosanitaires. Vous pourrez peut-être d'ores et déjà nous donner votre point de vue sur les raisons de l'échec relatif de cette politique publique, depuis le début du premier plan Écophyto.

Cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(MM. Sébastien Windsor, Étienne Bertin, Lucien Gillet et Frédéric Ernou prêtent serment.)

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Les chambres regroupent 8 500 conseillers répartis sur l'ensemble du territoire français, départements d'outre-mer (DOM) compris, au sein de 500 antennes, au plus près des exploitations. 40 % de notre budget vient de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti. Pour le reste, nos ressources sont issues des appels à projets auxquels nous répondons ainsi que, pour moitié, de prestations que nous vendons aux agriculteurs.

Notre première action autour des produits phytosanitaires est le certificat individuel de produits phytosanitaires, dit Certiphyto. Nous avons ainsi plus de 1 110 conseillers accrédités « Certiphyto conseil ». À la fin septembre, nous avons réalisé 11 600 conseils stratégiques phyto (CSP), dont plus de 8 000 ont été réalisés depuis le début de l'année 2023. On assiste ainsi à une accélération très nette. En 2022, nous avions embauché des conseillers et nous avions commencé à les former, mais nous avons manqué d'agriculteurs et nos conseillers n'ont pas été utilisés à plein temps sur cette mission de CSP, faute de candidats.

L'accent mis sur la communication début 2023, avec le renfort des pouvoirs publics, a permis de donner un coup d'accélérateur aux candidatures des agriculteurs. À date, nous nous mobilisons pour traiter en 2023 à la quasi-totalité des demandes que nous avons enregistrées. À la fin de l'année, il restera probablement seulement à traiter les demandes des agriculteurs qui se seront manifestés en novembre ou décembre. On observe donc une mobilisation très importante du réseau autour de ces CSP.

Au-delà du conseil stratégique phyto, les chambres ont accompagné un peu plus de 30 000 agriculteurs par des actions de formation sur les enjeux relatifs aux produits phytosanitaires, dans le cadre d'un catalogue de formations assez étoffé. Nous avons également accompagné près de 17 000 agriculteurs au sein de structures collectives : groupements de développement agricole (GDA), groupes Dephy ou groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE). Enfin, en 2021, nous avons accompagné quasiment 12 000 agriculteurs sur l'agriculture biologique, aussi bien pour la conversion que pour le suivi de leur exploitation.

Les chambres sont amenées à établir tous les ans un rapport sur leur action en faveur de la réduction des usages et de l'impact des produits phytosanitaires. Nous pourrons vous envoyer le rapport de 2021. Le rapport de 2022 sera finalisé d'ici la fin de l'année. Il nous faut un peu de temps pour remonter l'ensemble des données du réseau.

Lorsqu'on parle d'échec des politiques en matière de réduction des produits phytosanitaires, c'est souvent Dephy que l'on vise. Aujourd'hui, Dephy agrège 2 100 exploitations au sein de 182 groupes. 68 % des groupes Dephy sont accompagnés par les chambres d'agriculture, soit 122 groupes.

Nous pouvons être déçus par ces chiffres, mais je veux quand même rappeler que les groupes Dephy ont été conçus pour établir des références et obtenir des données sur des exploitations, avec des agriculteurs assez innovants, poussant tous les feux le plus loin possible afin de réduire les volumes de produits phytosanitaires. Nous avons mis en place un processus assez lourd d'enregistrement de l'ensemble de leurs pratiques, de façon très détaillée, de manière à pouvoir tirer profit de ces références et les réutiliser chez d'autres agriculteurs.

Ce travail a été conçu pour porter des précurseurs et des références. L'idée que l'on pourrait en faire un outil pour entraîner d'autres agriculteurs, au sein d'un processus collectif, était un peu une chimère. Pour accompagner les agriculteurs plus réfractaires au changement, il ne faut pas les inclure dans un groupe où l'on commence par mettre leurs pratiques sur la table pour les comparer à celles de leurs voisins. Nous pourrons procéder ainsi à terme, quand nous aurons réussi à les embarquer. Dans les premières étapes, en revanche, c'est le tête-à-tête qui permettra de les embarquer et de les inciter à réfléchir à un changement de pratiques, plus qu'une dynamique de groupe dans laquelle ils auront l'impression d'être jugés.

Les références établies par Dephy sont utiles, nous nous appuyons dessus. Mais je pense que nous avons besoin d'aller un cran plus loin aujourd'hui sur les références. Nous le voyons bien pour l'accompagnement des éleveurs, par exemple. Aujourd'hui, disposer de références expérimentales techniques est une chose, mais il faut aller jusqu'au bout et mesurer l'impact sur le revenu de l'exploitant. Pour convaincre un agriculteur, il est extrêmement important de montrer que s'il adopte ces pratiques, l'impact sera nul ou positif sur son résultat d'exploitation, sur son temps de travail. Nous aurons donc besoin d'aller plus loin pour l'ensemble des références que nous établissons. Nous portons d'ailleurs ce projet aujourd'hui, à travers les 15 millions d'euros supplémentaires affectés au compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar), dans le cadre du projet de loi de finances.

J'entends que nous n'avons peut-être pas réussi complètement sur l'objectif des 30 000 fermes que nous devions engager dans la transition agroécologique, dans le sillage des 3 000 fermes Dephy. J'ai essayé d'expliquer pourquoi.

Je veux quand même rappeler que nous avons réussi sur différents points. Nous avons baissé de quasiment 96 % l'utilisation des produits « CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) 1 », c'est-à-dire des produits les plus toxiques. Et nous avons baissé de 20 % l'utilisation des « CMR 2 » par rapport à la référence 2015-2017. À l'inverse, nous avons augmenté l'usage des produits de biocontrôle.

Nous rencontrons cependant un phénomène nouveau qui nous pose de grandes difficultés en matière de désherbage. En effet, des résistances sont apparues, ce qui fait que les agriculteurs, tout en développant des techniques alternatives, ne sont pas parvenus à baisser les volumes de produits phytosanitaires utilisés.

Pour la suite, l'augmentation des volumes de CSP réalisés constitue un enjeu majeur. Nous nous y préparons en continuant à former des techniciens. Je pense que nous serions en difficulté si nous devions avoir fait les deux CSP au moment du renouvellement du Certiphyto, mais je suis à peu près certain que nous arriverons à être au rendez-vous pour faire au moins un CSP par agriculteur avant ou dans les mois qui suivent le renouvellement de son Certiphyto. Nous en avons pris l'engagement et nous sommes de loin le premier acteur sur ce terrain, avec 80 à 90 % des conseils stratégiques phyto réalisés.

Avec ce conseil stratégique, nous effectuons un accompagnement de premier niveau sur la réduction des produits phytosanitaires. Est-ce que j'utilise des outils d'aide à la décision ? Est-ce que j'adapte bien les protections fongicides ou insecticides en fonction des variétés que j'utilise ? Quand j'ai une variété résistante, ai-je bien diminué la dose ? Nous travaillons sur des attitudes assez basiques qui constituent les premiers pas les plus significatifs dans la réduction des produits phytosanitaires.

Mais nous avons ensuite un problème. Pour aller plus loin, il faudrait adopter une approche globale de l'exploitation. Comment dois-je faire évoluer les cultures de mon exploitation ? La succession de ces cultures ? Mes pratiques d'élevage ? Ce travail fondamental ne peut pas se faire dans le cadre d'un conseil stratégique unique sur une demi-journée ou une journée. Il nécessite un accompagnement de l'exploitant dans la durée. Il faut aller le voir deux, trois, quatre fois dans l'année, pendant au moins deux ans, pour l'accompagner pas à pas et le rassurer face à ces changements.

Ce sujet de l'accompagnement face au changement n'est pas nouveau. Et nous avons besoin des références que j'ai évoquées tout à l'heure pour reprendre, point par point, ce qui a été fait chez le voisin et regarder avec l'exploitant de qu'il peut implanter chez lui. Pour gérer ses herbicides, doit-il retarder sa date de semis, sa date de labour ? Doit-il faire du faux semis ? Doit-il faire un labour si le faux semis échoue ? Il faut concevoir ce système avec lui dans la durée, en l'accompagnant au moins pendant deux ans.

Pour ce faire, nous demandons, dans le cadre de la planification environnementale, 50 à 55 millions d'euros par an, pour accompagner 10 000 agriculteurs sur deux ans, en traitant conjointement les enjeux de produits phytosanitaires, de changement climatique et de décarbonation.

En conclusion, nous devrons aussi étudier les moyens d'embarquer le consommateur dans cette transition. Toutes ces pratiques ont un coût. Or, le budget alimentaire des consommateurs a baissé de près de 15 % par rapport aux moyennes des années précédentes ; cela nous affecte évidemment. Le sujet européen de l'affichage de l'origine et des appels d'offres publics avec des critères d'origine est très important pour nous, si nous voulons faire en sorte que les agriculteurs s'approprient ces pratiques.

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C'est un plaisir de vous recevoir pour poursuivre le dialogue constant que vous entretenez avec l'Assemblée. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur les questions d'agroécologie et, avec le député Stéphane Travert, de séparation du conseil et de la vente. Nous nous inscrivons en quelque sorte dans une forme de continuité. Je vous remercie pour votre propos liminaire et la qualité de l'équipe qui vous accompagne, qui montre l'intérêt que vous portez à la représentation nationale et au travail que nous avons entamé.

Je vais vous poser plusieurs questions destinées à éclairer la représentation nationale et à nourrir la commission d'enquête. Nous ne voulons pas trop nous attarder sur le constat d'échec. Nous sommes surtout là pour rechercher des solutions. Il faut tirer parti des échecs et des rendez-vous ratés pour envisager la suite. Notre commission d'enquête veut être force de propositions, aux côtés du Gouvernement qui se prépare à lancer un nouveau plan Écophyto dont nous espérons qu'il réussira.

Ce plan sera annoncé durant le mois d'octobre. Le gouvernement m'a indiqué qu'il serait attentif aux conclusions de la commission d'enquête. Après la première mise, une concertation sera organisée avec la profession. Le dispositif devrait être stabilisé début 2024. Par ailleurs, le projet de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytosanitaires compatible avec le développement durable (SUR) fait encore l'objet de tractations très importantes – nous l'avons découvert lors de notre déplacement à Bruxelles, la semaine dernière. Il pourrait comporter des dispositions très fortes, notamment sur le conseil indépendant. Le rapport de notre commission d'enquête arrivera ainsi à point nommé.

Un point important pour notre commission d'enquête est la redevabilité des acteurs responsables de la mise en œuvre d'une politique publique, s'agissant des moyens engagés et des résultats obtenus. Êtes-vous en situation de nous dire avec précision, comme vous pouvez le dire au ministre de l'agriculture, les moyens que vous avez engagés pour la réduction des produits phytosanitaires, la provenance de ces ressources, les montants engagés, les actions financées ? Pouvons-nous avoir une vision globale de l'effort que vous avez fourni par rapport à ce qui était demandé, de ce que vous avez financé par vos propres moyens et de ce qui a été accompagné par la puissance publique ? Chambres d'agriculture France est-elle aujourd'hui en mesure de nous adresser ce bilan qualitatif ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Le Certiphyto est essentiellement payé par l'agriculteur aujourd'hui. Nous mettons à disposition toute l'ingénierie pour concevoir les formations, nous utilisons nos locaux, mais le temps passé par les conseillers pour réaliser le Certiphyto est payé par l'agriculteur.

Concernant le réseau Dephy, nous avons accompagné 120 fermes sur 180. En dehors d'une petite contribution de l'agriculteur, cette opération est presque exclusivement financée par le programme Écophyto, via l'Office français de la biodiversité. De la même façon, pour le Bulletin de santé du végétal (BSV), nous finançons une trentaine d'équivalents temps plein pour la réalisation de l'ensemble des bulletins sur le territoire. Nous percevons plus que cela, mais nous sommes aussi un acteur du transit de ces BSV. Souvent, nous assurons l'animation et nous payons d'autres acteurs qui réalisent des observations.

Pour le conseil stratégique phyto, toute la conception du conseil, y compris le logiciel qui nous sert aujourd'hui à questionner l'agriculteur, à faire ressortir des pistes pour le technicien, ainsi que la formation des 400 premiers conseillers et les 1 000 tests qui nous ont servi à mettre au point cette méthode, ont été financés exclusivement sur les recettes des chambres issues de l'impôt. Nous avons réalisé les 1 000 premiers conseils quasiment gratuitement : nous leur avons fait payer 50 euros pour qu'ils ne se désistent pas. Cette opération a été payée par l'argent du fonctionnement des chambres. Maintenant que la méthode est au point, nous faisons payer les agriculteurs. Nous avons quelques disparités dans le réseau et nous essayons d'y mettre un peu d'ordre. Nous essayons de faire payer à peu près notre coût de réalisation, c'est-à-dire au moins le coût du conseiller mobilisé.

En général, quand nous accompagnons un GIEE, le financement GIEE paie environ la moitié de l'animation, l'autre moitié étant prise sur l'impôt, avec une petite contribution des agriculteurs. Nous les faisons payer un peu car ils ont tendance à penser que ce qui n'est pas payé n'a pas de valeur. Nous nous assurons ainsi qu'ils viennent. Leur participation financière reste néanmoins symbolique par rapport à l'ensemble des coûts liés à l'animation de ces groupes de développement.

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Votre réponse appelle quelques compléments. Avez-vous pu prendre connaissance du rapport d'inspection interministérielle sur l'évaluation financière de la performance du plan Écophyto, publié au moment où nous avons annoncé les travaux de cette commission ? Les inspecteurs qui ont réalisé cette étude soulignent notamment une certaine opacité sur le financement du BSV. Ils indiquent que l'on ne sait pas trop qui fait quoi, si nous sommes performants, si nous sommes au bon prix, etc. Je vous donne l'occasion de répondre et d'apporter des clarifications.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Nous avons revu l'OFB et les règles de financement du BSV sont en train d'évoluer. Les chambres perçoivent une somme par région à la fois pour l'animation et pour l'ensemble des acteurs. Ces sommes sont reversées à chaque acteur au prorata du nombre d'observations réalisées. Nous ne payons pas au temps passé, mais à l'observation. L'une des volontés derrière le BSV, c'est de faire en sorte que tous les acteurs participent, afin de partager leurs résultats et de se mettre d'accord. Le BSV a été un levier majeur pour embarquer les vendeurs de produits phytosanitaires, les coopératives, les négoces. Quand ils participent à ces observations et échangent en vue de la réalisation du BSV, ils partagent le constat et sont obligés de se l'approprier. Si ce constat n'était réalisé que par les chambres, d'autres acteurs pourraient exprimer leur désaccord, en disant qu'il faut continuer à utiliser certains produits.

Nous en avons débattu avec l'OFB. Je veux bien que nous enregistrions le temps exact passé par chaque conseiller, la parcelle qu'il a vue, l'heure à laquelle il est parti, le nombre de kilomètres qu'il a parcourus, le temps qu'il a passé sur la parcelle, le temps qu'il a mis pour revenir, etc. Pour chaque BSV régional, une trentaine d'acteurs réalise des observations. Si nous entrons dans ce niveau de justification, nous remettrons des documents de 3 000 pages et nous dépenserons plus d'argent public à comptabiliser qu'à réaliser. Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. L'OFB nous challenge. Il n'a pas choisi de verser un forfait à l'observation extrêmement généreux. Nous avons même plutôt du mal à trouver des acteurs pour faire ces observations, compte tenu des niveaux de financement, lesquels ont en outre baissé au fil des années. Le vrai risque serait que nous n'ayons plus d'acteurs et qu' in fine, seules les chambres réalisent ces observations.

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Les inspections avaient pointé cet angle mort dans l'évaluation de l'utilisation de l'argent public et l'OFB vous a challengé. La vérité des prix et des coûts est en train de s'établir.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Les acteurs financés, les montants perçus, tout cela fait l'objet de conventions qui sont communiquées à l'OFB. Il y a toujours eu cette transparence.

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Lors du rapport que j'avais remis au Premier ministre en 2014, j'avais eu l'occasion d'effectuer un tour de France. J'avais observé que l'engagement des chambres était très disparate. Presque dix ans après, pouvons-nous dire qu'elles sont toutes également mobilisées sur le territoire, sans faux-semblant, avec des personnels compétents, engagés sur les politiques de réduction des produits phytosanitaires ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Globalement je pense que le réseau est monté en puissance et a mieux admis son rôle en matière de transitions. Dans le projet stratégique des chambres, établi en 2021, le sujet de la réduction des produits phytosanitaires est inscrit noir sur blanc.

Je ne vais pas vous dire que l'engagement est rigoureusement identique partout, mais plus aucune chambre ne refuse d'accompagner l'objectif de la réduction des produits phytosanitaires. Dans les DOM, le sujet est un peu plus complexe sur quelques territoires, comme Mayotte ou en Guyane, les chambres étant très faibles. En métropole, je n'ai aucun problème à dire que toutes les chambres sont engagées. Certaines le sont depuis plus longtemps et ont une longueur d'avance, mais toutes les chambres sont engagées, en particulier dans les BSV.

Dans le cadre du contrat d'objectifs que nous avons signé avec le ministre, une part de l'impôt est prélevée aux chambres et ne leur revient que si elles accompagnent un certain nombre de sujets, concernant notamment la transition et la réduction des produits phytosanitaires. Nous suivons ainsi le nombre d'agriculteurs accompagnés. Les chambres nous rendent des comptes et une retenue est opérée quand elles ne tiennent pas leurs objectifs.

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Il existe donc une sorte de conditionnalité des aides publiques. Est-ce une obligation de moyens ou de résultats ? Quel est d'ailleurs le résultat attendu ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

C'est le nombre d'agriculteurs accompagnés. J'ai un peu de difficulté à le mesurer concrètement. Nous ne prenons pas en compte l'argent engagé, mais le nombre d'agriculteurs réellement accompagnés, par exemple en agriculture biologique. D'ailleurs, c'est l'un des indicateurs sur lesquels nous ne serons pas au rendez-vous. Nous avions pour objectif de réaliser au moins la moitié du plan Ambition bio. Nous sommes bien à la moitié des accompagnements bio, mais le plan Ambition bio est un peu en difficulté. Nous avons des discussions avec le ministère quand nous ne tenons pas un objectif.

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Cette question de l'évaluation est capitale. Vous avez vocation à vous adresser à l'ensemble des agriculteurs, avec une mission de service public déléguée par l'État. Vous êtes évalués en fonction d'engagements de terrain monitorés. Vous soulignez un progrès, avec l'engagement plus uniforme des chambres. Pour autant, les chambres ne sont pas redevables de l'évolution de l'utilisation des produits phytosanitaires, mesurée via le nombre de doses unités (Nodu) vendues.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

J'ai à cœur d'avoir des objectifs qui motivent les chambres et les conseillers. Je leur fixe un objectif sur le nombre d'agriculteurs qu'ils doivent accompagner et je peux également fixer un objectif sur la qualité de l'accompagnement. Ces dimensions sont pleinement entre leurs mains et les motiveront. Et je n'aurai aucun problème pour faire appliquer la sanction en cas d'échec.

Mais sur d'autres sujets, comme l'agriculture biologique, j'aurai plus de difficultés à sanctionner, car les chambres n'ont pas tous les leviers. Définir des indicateurs sur lesquels les chambres ont peu de maîtrise n'est pas la meilleure façon de les motiver pour atteindre le résultat. Nous en avons beaucoup débattu en interne. Je pense que les indicateurs que nous avons fixés posent un niveau d'exigence. Nous demandons aux chambres d'accompagner un certain nombre d'agriculteurs avec un conseil de transition. Ils ne comptabilisent pas ce qu'ils veulent. Nous leur demandons d'enregistrer leurs chiffres sur les logiciels de facturation et de paiement pour vérifier qu'ils sont bons.

Les chambres rencontrent des difficultés de deux ordres. Dans les chambres qui couvrent énormément de filières, l'accompagnement de la diversité de ces filières nécessite beaucoup de techniciens. Nous commençons donc à les pousser à mutualiser les techniciens sur les petites filières. Par ailleurs, nous nous heurtons à un deuxième sujet majeur, le turnover des conseillers. Ce phénomène est même plutôt en train de s'accentuer.

Je pense que nous devons ouvrir le débat de la réévaluation de la taxe pour les chambres. Au fil des années, les bases sur lesquelles est assis cet impôt ont été réévaluées pour les collectivités alors qu'à chaque fois, un plafond a été maintenu pour nous. Quand on maintient un plafond pendant vingt ans, on commence à avoir des problèmes pour payer nos salariés au bon niveau de salaire et le turnover s'accentue de façon galopante. Si nous n'obtenons pas de soutien, nous serons vraiment en difficulté pour accomplir ces missions. Un accompagnement efficace sur les produits phytosanitaires exige des conseillers qui ont suffisamment de bouteille pour être reconnus par l'agriculteur et qui savent le challenger sans lui amener des recettes toutes faites.

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Pour poursuivre sur la question de l'évaluation, quel est votre point de vue sur le bon indicateur ? Est-ce la quantité de substances actives (QSA) ? Est-ce le Nodu ? Quel est votre avis sur l'indicateur qui semble se dessiner à l'échelle européenne ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je ne sais pas si un critère est spécialement meilleur que l'autre. En tout état de cause, il me semble important d'assurer la stabilité du critère, de ne pas en changer la base de calcul. Il est important pour nous que le critère ne soit pas contesté par le monde agricole. Par exemple, nous avons débattu sur la prise en compte des produits de biocontrôle dans le Nodu. Si nous les retirons, cet indicateur n'est pas contesté par le monde agricole.

Il faut aussi que le monde agricole sente que l'objectif est atteignable. Or, je ne suis pas certain que le fait d'afficher d'entrée de jeu l'objectif de 50 % de réduction constitue un grand facteur de motivation du monde agricole. Un débat est ouvert sur le niveau de progression demandé dans le cadre du projet de règlement SUR. Je pense qu'il vaut mieux avoir un indicateur qui ne soit pas trop élevé, atteindre le résultat et revoir l'objectif ensuite, plutôt que fixer une barre très haut que tout le monde considère comme inatteignable et qui ne génère pas de motivation. Je suis demandeur d'objectifs réalistes et un peu étayés, quant aux moyens que nous mettons sur la table pour les atteindre.

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Vous aurez noté qu'actuellement, nous ne réduisons pas notre objectif de réduction des produits phytosanitaires, mais nous le prorogeons dans le temps. Nous nous sommes donné au moins une décennie de plus pour atteindre l'objectif établi au lancement du premier plan Écophyto. J'entends votre critique.

La séparation du conseil et de la vente aurait pu être l'heure de gloire des chambres d'agriculture qui auraient proposé un conseil indépendant, neutre et d'intérêt général. Cela n'a pas été le cas.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Nous avons quand même mis en place ce conseil neutre et indépendant.

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Concrètement, nous n'avons pas vu une explosion ni du conseil indépendant privé ni du conseil des chambres à la suite de la séparation du conseil et de la vente. Il y a un mystère. Les agriculteurs ont continué à être conseillés par leurs vendeurs.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Les vendeurs font beaucoup de conseil après la vente. Ils avaient le droit de faire du conseil post-vente sur l'utilisation. Ils ont continué à accompagner le même nombre d'agriculteurs depuis que la séparation a été mise en place.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Non. Si les agriculteurs n'avaient plus été accompagnés par leur coopérative ou leur négoce, ils se seraient peut-être tournés vers les chambres. Or les coopératives et les négoces ont continué à faire du conseil après la vente. Les agriculteurs ne se sont donc pas tournés vers nous et nous n'avons pas changé grand-chose à la réalité du conseil.

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On peut faire le même constat s'agissant du conseil indépendant. C'est un premier échec. Le but était de séparer la vente et le conseil. Or nous n'avons pas séparé la vente et le conseil. Vous avez été chargés du conseil stratégique. L'État estime que les chambres n'ont pas fait le travail. Vous dites que l'État n'a pas donné les bonnes informations ; nous devons clarifier ce point. L'échec est patent. Nous atteignons à peine un tiers de l'objectif fixé et nous nous trouvons devant un mur.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je n'ai pas entendu l'État dire que les chambres n'avaient pas fait leur travail. Il ne me semble pas que Maud Faipoux ait dit cela lorsqu'elle s'est exprimée ici.

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Les chambres avaient pour mission de réaliser ce CSP…

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je vais prendre l'exemple de la Normandie que je maîtrise un peu mieux. Nous avons envoyé des flyers à tous les agriculteurs pour les informer. Nous avons passé des accords avec les coopératives pour qu'elles écrivent à leurs adhérents en les invitant à se tourner vers les chambres pour réaliser le conseil stratégique phyto, sous peine de ne plus pouvoir acheter de produits phytosanitaires faute d'avoir pu renouveler leur Certiphyto. Je ne peux pas forcer l'agriculteur à venir nous voir !

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je pense qu'il est important que l'État communique. Le jour où la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) ou le préfet a communiqué, le nombre de candidats a été multiplié par dix.

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La défaillance est donc clairement du côté de l'État.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je crois que tout le monde a pensé que l'explication que nous avions donnée suffirait pour que les agriculteurs se présentent. Il nous a fallu trop de temps pour nous apercevoir que nous prenions du retard. L'erreur vient plutôt de là. Il n'a pas été simple de les convaincre, d'expliquer. Lorsque l'État a communiqué, le nombre de demandes a explosé.

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Je voulais savoir qui était responsable. Vous dites qu'il appartient à l'État de préciser qu'il s'agit d'une obligation légale.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Nous avons essayé de communiquer, mais nous ne pouvons pas le faire tout seuls. Par ailleurs, la complexité du système proposé, avec deux CSP distants de deux ans pour renouveler le Certiphyto, ne nous a pas facilité la tâche. Je peux vous dire que même pour nous, il était un peu compliqué d'expliquer à un agriculteur à quel moment il devrait faire son conseil stratégique phyto. L'agriculteur lui-même a beaucoup du mal à le savoir. Cette complexité participe très clairement au faible nombre d'inscrits.

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D'accord, le problème se situe donc au niveau du texte de loi et de la mise en œuvre de la loi. Vous n'êtes pas en cause, j'en prends acte. Vous n'êtes pas les seuls à réaliser ce conseil stratégique. Des contrôles laitiers, des centres de gestion se mettent à faire du conseil. Quelle est votre opinion ? Je considère que nous sommes en train de balkaniser ce conseil qui, par essence, relève plutôt de l'intérêt général et de la compétence des chambres d'agriculture. Nous parlons d'agronomie, d'adaptation à chaque exploitation, de poursuite de l'intérêt général. Je pense par exemple à la protection des captages et aux différentes directives environnementales qui sont territorialisées. Ne pensez-vous pas que ce conseil stratégique, qui vient tous les deux ans et demi pour réorienter la ferme vers l'agroécologie, devrait constituer une mission très clairement dévolue aux chambres d'agriculture ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Les chambres ne connaissent pas les dates de renouvellement des Certiphyto des agriculteurs. Nous sommes donc incapables de leur indiquer la date à laquelle ils doivent réaliser leur CSP, sauf s'ils reviennent vers nous avec leur date. Il faudrait diffuser une liste des dates de renouvellement des Certiphyto pour que nous puissions envoyer des courriers ciblés, en commençant par ceux qui ont besoin de le faire en premier. Le fait de ne pas pouvoir renseigner les agriculteurs sur la date à laquelle ils devaient effectuer leur CSP fait aussi partie des raisons de l'échec.

Les chambres doivent-elles détenir le monopole ? Je voudrais connaître la part des conseils stratégiques phyto réalisés par les autres acteurs. Je pense qu'elle est largement inférieure à 20 %. Dans ma région par exemple, les autres acteurs sont très peu présents. Il est important de ne pas entrer dans une concurrence qui tire le niveau du conseil stratégique phyto vers le bas. J'ignore si nous devons avoir le monopole mais il faut qu'une instance contrôle la qualité du travail réalisé. Il faut peut-être aussi revoir les exigences autour de ce Certiphyto et contrôler que les Certiphyto délivrés respectent ces exigences. Si nos concurrents font du low cost, nous ne tiendrons pas. Plutôt que de détenir le monopole, nous pourrions être l'acteur d'animation des acteurs du conseil stratégique phyto.

Par ailleurs, pour que les agriculteurs croient au conseil stratégique phyto, il est extrêmement important que les acteurs qui réalisent le conseil spécifique fassent référence à ce conseil stratégique. Nous y parvenons sur certains territoires : nous avons passé un accord avec Agrial ; nous faisons le conseil stratégique, nous l'envoyons aux conseillers d'Agrial qui y font référence. En travaillant ainsi, nous emmenons les conseillers de la coopérative plus facilement que si nous sommes dans une relation d'opposition.

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Vous avez évoqué la notion de diversité des cultures. Je viens de la région Drôme Ardèche, où nous rencontrons une problématique autour des cultures orphelines. Quid de l'accompagnement sur ces productions pour lesquelles les agriculteurs n'ont pas de solution ?

Vous indiquiez que l'indicateur de mesure des usages ne devait pas être contestable. Qu'entendez-vous par « indicateur non contestable » ? Nous sommes partis d'une réduction de 50 % des quantités. Aujourd'hui, nous prenons en compte la dimension du risque. Quel est le critère acceptable pour l'agriculteur ? De même, vous parlez d'objectif réaliste. Si la réduction de 50 % n'en est pas un, quel pourrait être cet objectif réaliste ?

Les agriculteurs considèrent les chambres à la fois comme des structures d'accompagnement et comme des structures qui réalisent des prestations. Le fait que vous soyez une structure prestataire n'a-t-il pas fait penser aux agriculteurs que vous cherchiez simplement à leur vendre une prestation autour du Certiphyto ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

J'ai dit que l'indicateur devait être stable dans le temps et ne pas être contesté. Il ne faut pas, par exemple, que lorsque nous substituons un produit de biocontrôle à un produit chimique, nous fassions augmenter le Nodu, parce que le produit de biocontrôle est utilisé en plus grande quantité. Ne pas inclure les produits de biocontrôle et les produits autorisés en bio permettrait ainsi de supprimer toute une série de débats inutiles, qui viennent remettre en cause l'indicateur.

La définition d'objectifs atteignables nécessite un travail d'expertise quasiment filière par filière. J'ai compris que cette démarche était plus ou moins engagée dans le cadre de la planification environnementale, avec la planification des arrêts de molécule, des sorties, des substitutions, etc. Dans Écophyto, différents chiffres sont remontés, sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Il faut néanmoins regarder dans quelle mesure ils sont transposables à tout le monde. Un petit travail d'expertise doit donc être conduit pour obtenir des chiffres réalistes.

Vous déclarez que nous sommes souvent perçus comme un acteur qui vend des prestations. En réalité, sur le terrain, nous sommes souvent perçus comme le bras armé de l'État et l'organisme qui pousse les politiques publiques. Sur le Certiphyto que vous avez cité, nous sommes dans le domaine concurrentiel. Il nous a très clairement été dit que nous ne pouvions pas le conduire sur les ressources de l'impôt. Je pense que nous n'avons pas pris de retard pour autant. Nous avons su accompagner le Certiphyto. L'an dernier, nous en avons encore réalisé 25 000, dont près de 3 000 nouveaux entrants. Je ne pense pas que nous ayons rencontré un problème sur le Certiphyto.

Sur le CSP, les difficultés résultent de la complexité du calcul, de l'impossibilité pour nous d'effectuer ce calcul, de l'insuffisance de la communication sur les nouvelles mesures. Un ensemble d'éléments explique que nous n'ayons pas réalisé assez de conseils stratégiques phyto, alors que nous avons réussi à réaliser le Certiphyto.

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Si vous êtes considérés comme le bras armé de l'État, pour quelle raison faudrait-il que l'État communique lorsque vous communiquez déjà ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Parce que je n'ai pas les données, contrairement à l'État. Même si nous sommes considérés comme le bras armé de l'État, nous ne sommes pas l'État et quand le préfet écrit à un agriculteur pour lui dire que s'il ne réalise pas son Certiphyto, il n'aura plus de produits phytosanitaires l'année prochaine, son message porte un peu plus que si la chambre lui écrit. Je caricature un peu. Ils nous considèrent comme le bras armé, mais quand cela les arrange, ils savent très bien que nous n'avons pas de force de contrôle.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Ce sujet mobilise beaucoup d'argent public. Nous faisons du conseil sur les cultures orphelines. Nous sommes très largement déficitaires, compte tenu du temps d'acquisition de références pour disposer d'éléments sur ces cultures orphelines ou de petit volume. L'exercice est très compliqué pour nous. Sur certaines cultures orphelines, le vrai problème vient de l'interdiction de molécules. Ce sujet relève plus de l'Anses que de nous. Il s'agit de gérer les autorisations et dérogations pour les cultures. Il est parfois possible de conserver sur les cultures orphelines certaines molécules que nous supprimons dans les grandes cultures parce qu'elles nécessitent des volumes importants, le temps de chercher des solutions. Sur la cerise, monsieur Fugit le sait bien, quand nous n'avons pas de solution, il ne reste plus que la tronçonneuse.

Sur ces petites cultures, il y a un enjeu majeur de protection face aux importations. Pourquoi importons-nous des denrées avec des limites maximales de résidus (LMR) qui ne sont pas à zéro sur des produits que nous avons interdits en France, parfois depuis plus de quinze ans ? Si ce produit n'est pas dangereux pour la santé en dessous d'une certaine limite, pourquoi nous l'avoir interdit dans ce cas ? Il fallait peut-être simplement définir des précautions d'utilisation pour l'applicateur. Ce point est primordial pour les petites filières.

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Je voudrais vous inviter à approfondir votre propos sur les impasses techniques. Vous avez parlé de l'objectif de 50 % qui n'était peut-être pas réaliste. Monsieur Jean Boiffin a déclaré à votre même place, voilà quelques semaines, que l'objectif de réduction de 50 % a été brandi comme un slogan au moment du Grenelle de l'environnement, tout en étant assez éloigné de la réalité du terrain.

Vous avez acté qu'il y avait des difficultés pour atteindre ce résultat. Vous avez aussi évoqué, notamment pour les herbicides, des phénomènes de résistance liés au faible nombre de molécules disponibles. Nous multiplions les impasses techniques et avons les plus grandes difficultés à maintenir une agriculture compétitive. Quel serait, selon vous, un objectif atteignable ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je ne vais pas vous donner de chiffres, car je pense qu'il faut les étayer. Nous prendrons le temps de réaliser ce travail filière par filière. Je ne vous donnerai pas un chiffre au doigt mouillé alors que je déplore que de tels chiffres aient été communiqués.

Les résistances que j'évoquais sur les herbicides ne sont pas uniquement liées à la suppression des molécules. C'est simplement une réalité du terrain ; elle doit être prise en compte. Je ne vois pas comment nous pourrons réduire de 50 % l'utilisation des herbicides dans certaines cultures. Nous sommes quasiment dans l'impasse pour trouver d'autres solutions herbicides.

Le changement climatique peut aussi venir nous perturber, provoquant des difficultés de travail du sol dans certaines zones. Cette année, il sera facile de faire du binage à l'automne compte tenu du temps sec, mais nous avons connu des printemps ou des automnes très différents.

Il faut étudier la question attentivement, type de produit par type de produit, culture par culture, pour fixer des objectifs atteignables. Je vous répète que je pense que ce travail est engagé dans le cadre de la planification environnementale.

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Je vais me permettre dans ce cas de poser la question de façon différente. Notre commission a pour objet d'identifier les raisons pour lesquelles nous n'avons pas atteint nos objectifs. Comment avons-nous fixé ces objectifs ? Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation d'échec. Avons-nous effectué un travail sérieux pour définir des objectifs réalistes ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je n'en suis pas complètement convaincu. D'ailleurs, nous avions évoqué une réduction de 50 % si elle était atteignable, et le monde agricole avait insisté sur cette condition, parce que nous éprouvions quelques doutes sur la capacité à atteindre l'objectif. Nous ne sommes pas restés inactifs. Nous avons progressivement supprimé tous les produits les plus toxiques, avec des niveaux de réussite relativement significatifs.

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Ce n'est pas vraiment de votre fait, mais plutôt de celui de l'Anses, qui n'a plus accordé d'autorisation pour ces produits.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

La suppression de ces produits s'est traduite par des reports sur des produits qui sont souvent moins efficaces et nécessitent de plus gros volumes.

Nous sommes également confrontés à plusieurs sujets nouveaux. Demain, nous devrons produire plus de biomasse pour répondre aux enjeux de décarbonation. Il faudra peser l'équilibre entre ces différents objectifs. L'exemple du colza, sur lequel nous sommes actuellement en discussion, est très frappant. L'une des solutions alternatives à l'utilisation d'insecticides consiste à amener de petites doses d'engrais sur le colza à l'automne. Les doses doivent être suffisamment petites pour éviter le lessivage. Cependant, on nous dit que les études ne sont pas suffisamment nombreuses pour considérer qu'il n'existe pas de lessivage. Cette solution est donc proscrite. Si cette solution agronomique qui permet de développer le colza en faisant en sorte qu'il soit résistant aux insectes nous est interdite, il ne faut plus nous demander de mettre en place des alternatives ! Ainsi, dans de nombreuses situations, nous avons été confrontés à des difficultés, parce qu'en France, nous traitons de tous les sujets en silo.

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Je sais que madame la présidente mène un combat pour les cerises en Ardèche comme je peux le faire dans le Rhône et notre collègue Jean-François Lovisolo dans le Vaucluse.

J'apprécie la sincérité de vos propos. Nous avons besoin d'entendre ce que le monde agricole pense réellement de ce sujet qui n'est pas évident. Nous avons beaucoup parlé du passé et du présent. Je voudrais aussi que nous parlions du futur.

Le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) du plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques a été créé voilà quatre ou cinq ans, en 2018, au début de l'affaire du glyphosate. Ce comité va se réunir à la fin de la semaine pour statuer sur les nouvelles orientations de la stratégie Écophyto. Nous savons à ce stade qu'il va s'orienter vers l'anticipation de l'interdiction des produits phytosanitaires les plus dangereux. Quand ces sujets avaient été évoqués, le monde des céréaliers s'était montré très tendu. Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous associés à la préparation de ce COS ? Vos propos nous donnent à penser que votre relation avec le ministère ou les services de l'État n'est pas toujours fluide. Il est donc important que nous sachions de quelle façon vous êtes associés à ce comité. Que pensez-vous de son fonctionnement ?

Comment voyez-vous la question de la recherche et de l'innovation ? Pensez-vous qu'il faut investir beaucoup plus ? Si oui, pourriez-vous préciser les ordres de grandeur des investissements à prévoir selon vous ? Que se passe-t-il selon vous dans les lycées agricoles ?

En tant que scientifique et fils de paysan, je connais un peu l'agriculture mais, dans le cadre de la mission glyphosate, j'ai découvert de manière plus approfondie l'agriculture de conservation des sols. Les chambres d'agriculture ont-elles la volonté de faire évoluer les techniques culturales ? L'agriculture de conservation des sols a-t-elle, à vos yeux, un avenir plus important ? Il me semble qu'elle peut se révéler intéressante, y compris sur la question des produits phytosanitaires.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Outre le COS Écophyto, il ne faut pas oublier la planification environnementale. Aujourd'hui, des groupes issus de cette planification travaillent sur l'anticipation des sorties de molécules. Nous ne participons pas à ces groupes. La direction générale de l'alimentation (DGAL) nous a expliqué qu'ils identifient les molécules qui pourraient être interdites et que les chambres seront associées quand il s'agira de rechercher les solutions. Certaines de ces solutions ne concerneront pas que les filières, elles auront une dimension systémique. Votre appui pourra nous aider. Cependant, j'ai été plutôt rassuré par la DGAL.

Quant à la prochaine politique Écophyto, je pense que vous en savez plus que moi. Un COS Écophyto était convoqué vendredi. J'ai appris qu'il avait été décalé. Je ne sais rien de ce qui sera annoncé ou très peu de choses. Nous avons peut-être besoin d'investissements pour accompagner les agriculteurs, mais l'accompagnement humain reste le vrai sujet. J'ai cru comprendre que des moyens seraient mobilisés, mais sans doute pas à la hauteur de ce qui est nécessaire. Je ne dispose cependant d'aucun chiffre. Je ne crois pas que l'accompagnement des changements des pratiques a vocation à être financé par Écophyto car il devra traiter à la fois des produits phytosanitaires, du carbone, etc.

Par le canal de ces politiques conduites en silo, nous avons subventionné toute une série d'investissements. Certains matériels utiles ont pu être achetés. Mais nous avons un sujet d'accompagnement. Je pense que nous possédons l'un des plus beaux parcs de bineuses au monde. Sur la betterave, je peux utiliser ma bineuse soit lorsque je suis en échec de désherbage, soit dans le cadre d'une vraie stratégie de réduction. Cette utilisation nécessite un accompagnement humain très important. Il y a une prise de risque.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Il nous manque des références mesurant à la fois l'impact phytosanitaire, l'impact carbone et l'impact économique pour l'exploitant. La première année où j'ai utilisé ma bineuse, j'ai perdu 20 % de rendement et 200 % de mon revenu sur les betteraves. Si je n'avais pas été un peu persévérant, j'arrêtais. Je milite pour que l'accompagnement cesse d'être le parent pauvre de toutes nos politiques publiques et que son financement constitue un sujet majeur. Il ne faut pas un accompagnement one shot, mais un accompagnement sur deux ans.

S'agissant des techniques culturales et de l'agriculture de conservation, les chambres jouent un rôle moteur sur le sujet du carbone. Dans chaque région, nous avons mis en place une association pour essayer de vendre à des entreprises locales des crédits carbone qui viennent d'agriculteurs locaux afin d'aller chercher un peu plus de valeur qu'en les vendant sur le marché. Nous avons essayé de différencier nos crédits carbone. Nous avons fait la moitié des bilans carbone réalisés sur les exploitations françaises pour générer des crédits carbone.

Je crois en l'agriculture de conservation pour sa vertu d'adaptation au changement climatique. Elle permet d'obtenir plus de matières organiques, des exploitations plus résistantes et en capacité de stocker de l'eau, et probablement moins d'émissions de carbone avec le maintien des matières organiques. Pour autant, les exploitants en agriculture de conservation ne réduisent pas forcément l'usage des produits phytosanitaires.

Dans ce conseil un peu global, qui ne doit pas être orienté que vers les phytos, nous essayons de pousser la trajectoire de progrès de l'exploitation. Tout le monde n'accomplira pas des progrès sur tous les sujets. Si l'agriculteur fait un peu de carbone, puis un peu de phyto, il entre dans une dynamique de progrès. Il faut aussi faire confiance à l'agriculteur et se montrer un peu moins normatif. Il ne s'agit pas de conditionner le financement à la réalisation de certaines actions, mais à l'amélioration globale de l'empreinte environnementale de l'exploitation.

Nous avions porté des diagnostics agroécologiques auprès des agriculteurs. Cependant, lorsque les dispositifs sont trop normatifs, nous ne parvenons pas à les embarquer. Il faut les emmener dans un conseil qui s'apparente presque à du coaching ou du mentorat. Nous accompagnons l'agriculteur pour l'aider à changer les choses sur son exploitation et nous suivons la trajectoire de progrès grâce à des indicateurs simples. Nous embarquerons mieux les agriculteurs en commençant avec les solutions sur lesquelles ils avaient commencé à réfléchir plutôt qu'en leur imposant tel ou tel axe de progrès.

Cette démarche appelle aussi une culture différente pour nos conseillers. Nous sommes inscrits dans l'appel à manifestations d'intérêt (AMI) sur le développement des compétences, car nous pensons que nous avons un vrai sujet de formation et de développement des compétences de nos conseillers. Si nous voulons monter le niveau des chambres pour accompagner la réduction des produits phytosanitaires, notre premier travail consiste à accompagner nos conseillers.

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Dans votre présentation, vous avez mis de côté la filière bio. Pourriez-vous nous communiquer les raisons pour lesquelles vous n'avez pas atteint les objectifs dans cette filière ?

Par ailleurs, vous avez souligné le déficit d'accompagnement des agriculteurs. Ce manque vient-il de la baisse du nombre de techniciens agricoles pour accompagner certaines filières comme le maraîchage ou l'arboriculture fruitière ?

Pour développer la biomasse et favoriser la décarbonation, ne devrions-nous pas mettre davantage l'accent sur les intercultures ? Je pense par exemple à la filière du chanvre.

Les chambres d'agriculture ne devraient-elles pas aussi améliorer nos prévisions météorologiques ? Je ne sais pas si le sujet est de votre ressort. Cependant, avec de meilleures prévisions météorologiques, je suis convaincu que les agriculteurs interviendraient moins dans leurs cultures. Je tiens à préciser que je suis moi-même agriculteur.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Le budget alimentaire des Français s'est effondré de 14 %. Les Français n'ont pas mangé 14 % de moins, ils sont descendus en gamme sur les produits. Je vous renvoie à l'exemple des œufs dans la grande distribution. Cette situation constitue la première explication de nos difficultés sur le bio. Il reste des secteurs où il faut poursuivre les conversions, car nous sommes encore importateurs. Sur les produits laitiers, en revanche, je n'ai pas peur de dire qu'il faut arrêter les conversions le temps de stabiliser le marché pour arriver à faire remonter les prix des produits bio. Ensuite, nous pourrons relancer les conversions. Aujourd'hui, 40 % du lait bio est déclassé. Si nous poursuivons les conversions, nous assisterons à des déconversions encore plus importantes. Il faut réguler le marché.

Les intercultures font clairement partie de la boîte à outils des solutions que nous portons, aussi bien en élevage qu'en culture. Il est important d'adapter la boîte à outils à l'exploitation. Réaliser une interculture en Occitanie est suicidaire. Nous n'avons pas suffisamment d'eau. L'interculture pompe l'eau de la culture suivante que vous ne pouvez pas réussir. En revanche, la réalisation d'une interculture dans les Hauts-de-France, que vous utiliserez dans un méthaniseur ou que vous donnerez à des vaches, et qui participera à un cycle de rupture des maladies, est probablement une bonne idée.

Nous avons besoin de références avec des fermes types que nous suivons, y compris pour tester ces questions. Nous savons prouver le fonctionnement des intercultures en élevage, parce que nous disposons de ces fermes de référence que nous n'avons plus en grande culture.

Il reste un bémol sur le sujet. Je suis bien placé pour en parler, car un problème de ray-grass s'est développé sur mon exploitation. Si je sème une interculture, je ne peux plus faire de faux semis, c'est-à-dire un travail très superficiel qui fait germer le ray-grass une, deux ou trois fois de sorte que, lorsque je vais semer ma culture, il ait entièrement germé. Les bio avaient d'ailleurs obtenu l'autorisation de ne pas réaliser d'interculture pour effectuer ce désherbage mécanique. L'interculture ne constitue pas une recette miracle à appliquer sur l'exploitation. Elle fait partie d'un ensemble de solutions pouvant être appliquées, avec une certaine complexité. Cela exige un accompagnement humain quasiment au cas par cas, différent selon la ferme, la région.

Sur la question de la météo, nous avons développé des outils d'aide à la décision pour les agriculteurs. Lorsqu'un agriculteur s'abonne à « MesParcelles », l'outil de suivi de ses cultures, nous lui offrons, sur le budget de Chambres d'agriculture France, les outils d'aide à la décision (OAD) qui vont lui permettre de suivre le risque de développement des maladies, notamment en pomme de terre pour éviter de traiter en préventif du mildiou. Avec cet OAD, nous savons lui dire s'il a besoin de traiter ou non. Nous avons réalisé le même outil en céréales et nous le mettons à disposition gratuitement dans « MesParcelles », car nous pensons qu'il participe à la réduction des produits phytosanitaires.

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Je suis moi-même agricultrice et pleinement concernée. Les premiers entrepreneurs de France sont nos agriculteurs. L'arrêté du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques impose d'appliquer les traitements soit très tôt le matin, soit très tard le soir, pour des raisons d'hygrométrie. Cependant, cela peut entraîner des problèmes de voisinage, en raison du bruit que cela génère la nuit. Avez-vous des retours de terrain sur le sujet ? Il me semble que ces traitements de nuit engendrent le doute et la suspicion.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Lorsqu'un agriculteur sort la nuit avec le pulvérisateur, il est accusé de vouloir cacher des choses. Nous poussons quand même les agriculteurs à traiter à des horaires où l'hygrométrie est favorable. Il ne faut pas revenir en arrière sur le sujet. C'est important pour parvenir à réduire les doses utilisées. Lorsque cela engendre des problèmes de voisinage, nous nous positionnons en médiateurs.

Je pense que nous avons été le premier acteur, pour ne pas dire le seul, à écrire des chartes sur les zones de non-traitement (ZNT) dans lesquelles nous avons essayé de trouver des compromis sur le sujet. Nous avons mis en place des éléments de prévenance collective. Nous avons également travaillé auprès des agriculteurs pour leur rappeler ce qu'ils avaient le droit de faire, y compris en termes de distances. Les conflits de voisinage et d'usage restent un phénomène de société aujourd'hui. Nous avons aussi besoin que tous les décideurs nous aident à ne pas attiser la méfiance et à trouver des solutions de compromis.

Il est important que le monde agricole s'empare de ces enjeux de communication, en osant parler des produits phytosanitaires. Dans le projet de pacte et de loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA) que porte le ministre de l'agriculture, il serait demandé aux chambres de faire en sorte que tous les enfants de primaire puissent effectuer durant leur cursus une visite dans une exploitation agricole. C'est une très bonne idée. Nous pouvons leur parler, leur montrer des choses, établir le lien entre agriculture et alimentation que bon nombre de nos concitoyens ont perdu de vue. Ces enjeux de communication sont majeurs.

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Je voulais revenir sur la question du conseil stratégique. Hier après-midi, dans le cadre de nos auditions, nous rencontrions les représentants du négoce et du conseil indépendant. Nous avons notamment échangé sur l'idée de confier la mission de conseil stratégique aux chambres d'agriculture, avec le cas échéant des partenariats formalisés avec d'autres structures de conseil. Quel est votre sentiment sur cette proposition ? Vous semble-t-elle crédible ? Tout à l'heure, vous avez souligné le besoin d'avoir des conseillers qui ont de la bouteille, le turnover galopant au sein des chambres et parfois la difficulté d'accompagner les filières dans toute leur diversité. Dans ce contexte, les chambres ont-elles les ressources humaines nécessaires pour prendre en charge la mission de conseil stratégique ? Cette organisation permettrait-elle de favoriser concrètement la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ?

Ma deuxième question porte sur l'acceptation des plans par nos agriculteurs. Vous avez évoqué à l'instant les conflits avec le voisinage, la difficulté de faire connaître le monde agricole auprès de nos concitoyens. Vous avez aussi parlé des agriculteurs réfractaires aux plans Écophyto et à leurs exigences. Je souhaitais obtenir quelques précisions sur cette défiance du monde agricole. Les agriculteurs sont-ils plutôt réfractaires vis-à-vis des conseils que peuvent leur donner les chambres ou vis-à-vis de l'État qui fixe ces exigences ? Est-ce en partie face au risque de concurrence déloyale au sein du marché commun ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Je crois que le conseil stratégique peut participer à la réduction des produits phytosanitaires. Sans cela, je ne serais pas là et je n'aurais pas porté l'ambition que nous portons dans les chambres à travers notre engagement autour de ce conseil stratégique phyto. Mais cela ne sera pas suffisant. Il donnera une première approche de réduction, mais nous aurons besoin de l'étape d'après, c'est-à-dire de l'approche système qui ne figure pas dans le conseil stratégique tel qu'il est calibré aujourd'hui.

Les chambres doivent-elles avoir le monopole sur le conseil stratégique phyto et le sous-traiter à quelques acteurs ? Je ne le pense pas. La sous-traitance ne me paraît pas être la bonne solution. En revanche, nous pouvons être le garant de la qualité, animer les acteurs qui réaliseront ce conseil stratégique phyto avec le soutien de la Draaf. Si nous avons le monopole, nous serons encore un peu plus perçus comme accompagnant une mesure d'État et non comme accompagnant une démarche efficace et utile pour les agriculteurs. Il ne faut pas que ce conseil soit perçu par les agriculteurs comme une mesure obligatoire ; il doit être considéré comme utile. En tout cas, nous sommes prêts à assumer un rôle d'animation des acteurs de ce conseil stratégique. Nous pourrions travailler avec l'État sur un référentiel pour homologuer les acteurs et faire en sorte qu'ils subissent des sanctions quand la qualité n'est pas au rendez-vous – y compris pour nos propres chambres.

Je pense que les agriculteurs craignent pour leur compétitivité quand ils rencontrent des problèmes de revenus, même si la situation s'est un peu améliorée ces deux dernières années. Ils se méfient également de la norme. Le nombre de normes auxquelles nous sommes soumis est colossal. Sur certaines parcelles, j'ai plus de quinze législations qui s'appliquent, ce qui complique un peu les choses. À chaque nouvelle mesure, l'agriculteur a un mouvement de recul. Il nous revient de les convaincre par l'efficacité de notre action que ce conseil aura été utile.

Les premiers retours des enquêtes qualité conduites auprès des agriculteurs sont très bons. Les agriculteurs sont satisfaits, voire très satisfaits de ce conseil. Les moins contents sont les 15 % les plus innovants qui se trouvent déjà dans un groupe Dephy et qui ont besoin de l'étape suivante, plus que de ce conseil stratégique. Nous pourrions proposer qu'un agriculteur qui est déjà accompagné dans un groupe Dephy puisse bénéficier d'une forme d'équivalence. Il est en effet regrettable que cet agriculteur contribue à donner une image négative du CSP.

15 % des agriculteurs sont réfractaires à tout. Ceux-là seront embarqués de force, par l'obligation. 70 % sont plutôt des suiveurs, des observateurs. Ils ont peur de la prise de risque. Nous devons les accompagner. Pour les convaincre, nous avons besoin de références technico-économiques sur des fermes, non seulement sur la perte de rendement, mais aussi sur l'impact sur l'excédent brut d'exploitation (EBE), ce qui n'est pas fait aujourd'hui dans les groupes Dephy et que nous réclamons demain avec une enveloppe du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar). Je ne convaincrai pas un agriculteur à partir d'une ferme expérimentale. Je le convaincrai en lui montrant les chiffres des fermes qui font cela à côté de chez lui. Le conseiller lui-même sera plus à l'aise pour emmener l'agriculteur s'il dispose de ces chiffres. Il faudra aller chercher ces agriculteurs dans un tête-à-tête, en procédant pas à pas, avec un accompagnement dans la durée plutôt que « one shot ».

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J'entends que vous appelez clairement à des moyens Casdar. On annonce 250 millions d'euros supplémentaire sur l'agroécologie. Ce seront des mesures d'investissement ou d'accompagnement. Nous ne manquerons pas de moyens à travers ce budget. Il s'agit de les orienter. Vous affirmez que l'accompagnement systémique apporte les solutions les plus performantes. C'est ce que suggère l'exemple des fermes Dephy. L'association des cultures, les rotations, les systèmes offrent le gain le plus grand.

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Il faut les deux : le conseil stratégique phyto et le conseil systémique.

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Il faut effectivement les deux. Je reviens sur l'interpellation de notre collègue sur les objectifs. Les résultats du réseau des conseillers indépendants et les travaux des fermes Dephy nous font dire qu'il est possible de concilier le maintien de l'EBE et des baisses de 40, 50 ou parfois 60 % des produits phytosanitaires. C'est ce que nous disait hier le Pôle du conseil indépendant en agriculture (PCIA). Il ne s'agit pas de produire une autre culture, mais simplement de changer de système.

Vous dites que pour faire cela, il faut des références, de l'accompagnement, des dynamiques interpersonnelles, du face à face technicien/agriculteur. Il faut créer une ambiance, une culture. La profession joue-t-elle assez le jeu à votre avis ? J'ai le sentiment que depuis la guerre en Ukraine, les contraintes environnementales sont mises de côté car il faut redevenir souverain, produire à tout prix. Admettez-vous que cette contre-culture par rapport aux objectifs du Green deal à l'échelle européenne et de l'agroécologie à l'échelle nationale est assez contre-productive pour la mobilisation des acteurs de terrain ?

Quel acte de confiance donnez-vous au nouveau plan Écophyto annoncé par la Première ministre voilà neuf mois, qui sera finalisé dans quelques mois ? Quelle est votre opinion sur le projet de règlement SUR tel que vous le percevez aujourd'hui ?

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Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

Pour les produits phytosanitaires comme pour la réduction carbone, nous pouvons atteindre des objectifs relativement significatifs, au moins dans certaines filières, mais cela nécessite un accompagnement colossal. Regardez l'accompagnement d'un agriculteur sur une ferme Dephy. Nous les avons accompagnés dans la durée. Un accompagnement ponctuel ne réglera pas le problème.

Nous avons commencé à regarder comment décliner la planification environnementale sur la partie laitière. Nous avons essayé d'ouvrir toutes les pistes qui n'entraînaient pas de baisses de volume, car nous savons que nous serons probablement déficitaires en production laitière en 2027. Nous avons examiné toutes les solutions qui permettaient de le faire sans détériorer le revenu de l'agriculteur. Nous arrivons quand même à atteindre des objectifs assez ambitieux avec un accompagnement individuel très fort et du temps.

Vous m'interrogez sur le Green deal. Si nous voulons embarquer les agriculteurs, il faut leur fixer des objectifs atteignables. Quand les objectifs affichés sont trop ambitieux, nous les perdons. Il faut aussi sortir un peu des politiques en silo. Avec une politique sur la protection de l'eau qui exige de mettre les engrais le plus tard possible pour éviter le lessivage, une politique sur la protection de l'air qui recommande de les mettre en période un peu humide pour éviter l'évaporation, l'accumulation des réglementations perd les agriculteurs.

Un mouvement s'est peut-être engagé. Je ne suis cependant pas sociologue et je n'ai pas de données. Je pense que nous avons un vrai sujet pour emmener les agriculteurs dans la planification environnementale, dans une trajectoire où l'on n'oppose pas production et environnement. La planification vise à produire plus pour différents usages, avec des équilibres. Je ne veux pas que nous reprenions le modèle de la méthanisation à l'allemande. Il existe de nombreuses solutions de méthanisation et il reste beaucoup à faire sur la méthanisation à petite échelle. Il faut ouvrir toutes ces voies sans trop de tabous, mais aussi avec une approche globale qui replace la confiance en l'agriculteur pour trouver des solutions.

Prenons l'exemple de la haie. Le premier frein auquel nous sommes confrontés quand nous voulons demander à un agriculteur de planter des haies est la sanctuarisation et l'excès de réglementation. L'agriculteur ne peut plus tailler entre telle date et telle date. Il doit demander l'autorisation à la direction départementale des territoires (DDT) pour déplacer une haie. Quand bien même il demande l'autorisation de la DDT, il est accusé par l'OFB de destruction d'habitat potentiel et l'affaire se termine chez le procureur. Lorsque ce cas de figure se reproduit chez dix agriculteurs dans le département de la Manche, je ne suis plus capable d'amener un agriculteur à planter des haies. Il faut lever certains freins.

Autre exemple, nous essayons de redévelopper l'herbe dans l'élevage, avec des solutions qui tiennent économiquement et qui permettent d'améliorer l'empreinte environnementale de façon mesurée. Pour autant, l'herbage ne doit pas être sanctuarisé ensuite. Si l'agriculteur sait qu'il ne pourra plus renoncer à cet herbage au bout de cinq ans, il ne le fera pas.

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Vous dites qu'il ne faut pas opposer production et environnement. J'entends la superposition des réglementations. L'exemple des haies est sans doute assez parlant. L'opposition entre production et environnement résulte parfois aussi de contraintes qui viennent grever le revenu des paysans. Parmi les chemins pour concilier les deux figure la question des paiements pour services environnementaux (PSE). Comment vous positionnez-vous sur ce sujet ? Peut-il être facilitateur, pour amener les agriculteurs sur ce double enjeu d'assurer la production alimentaire du pays tout en préservant l'environnement ?

Permalien
Sébastien Windsor, président de Chambres d'agriculture France

J'ai oublié de répondre sur le nouveau plan Écophyto. Je ne peux pas me prononcer, car je ne le connais pas.

Je suis très favorable aux PSE. Mais si nous voulons développer les PSE, nous allons faire exploser la dette publique. Je pense que nous devons aussi travailler sur l'éducation du consommateur. L'absence d'obligation d'affichage de l'origine du produit dans une cantine n'aide pas le consommateur à faire un choix éclairé. Il en va de même quand il est impossible de mettre des informations sur l'origine du produit dans une commande publique. Nous ne ferons pas la révolution de la production sans le consommateur.

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Merci monsieur le président. Je tiens à vous adresser les remerciements de l'ensemble de la commission pour la sincérité de vos propos.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Benoît Bordat, M. Grégoire de Fournas, M. Jean-Luc Fugit, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Nicole Le Peih, M. Éric Martineau, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud'homme

Excusé. – M. Frédéric Descrozaille