Pour les produits phytosanitaires comme pour la réduction carbone, nous pouvons atteindre des objectifs relativement significatifs, au moins dans certaines filières, mais cela nécessite un accompagnement colossal. Regardez l'accompagnement d'un agriculteur sur une ferme Dephy. Nous les avons accompagnés dans la durée. Un accompagnement ponctuel ne réglera pas le problème.
Nous avons commencé à regarder comment décliner la planification environnementale sur la partie laitière. Nous avons essayé d'ouvrir toutes les pistes qui n'entraînaient pas de baisses de volume, car nous savons que nous serons probablement déficitaires en production laitière en 2027. Nous avons examiné toutes les solutions qui permettaient de le faire sans détériorer le revenu de l'agriculteur. Nous arrivons quand même à atteindre des objectifs assez ambitieux avec un accompagnement individuel très fort et du temps.
Vous m'interrogez sur le Green deal. Si nous voulons embarquer les agriculteurs, il faut leur fixer des objectifs atteignables. Quand les objectifs affichés sont trop ambitieux, nous les perdons. Il faut aussi sortir un peu des politiques en silo. Avec une politique sur la protection de l'eau qui exige de mettre les engrais le plus tard possible pour éviter le lessivage, une politique sur la protection de l'air qui recommande de les mettre en période un peu humide pour éviter l'évaporation, l'accumulation des réglementations perd les agriculteurs.
Un mouvement s'est peut-être engagé. Je ne suis cependant pas sociologue et je n'ai pas de données. Je pense que nous avons un vrai sujet pour emmener les agriculteurs dans la planification environnementale, dans une trajectoire où l'on n'oppose pas production et environnement. La planification vise à produire plus pour différents usages, avec des équilibres. Je ne veux pas que nous reprenions le modèle de la méthanisation à l'allemande. Il existe de nombreuses solutions de méthanisation et il reste beaucoup à faire sur la méthanisation à petite échelle. Il faut ouvrir toutes ces voies sans trop de tabous, mais aussi avec une approche globale qui replace la confiance en l'agriculteur pour trouver des solutions.
Prenons l'exemple de la haie. Le premier frein auquel nous sommes confrontés quand nous voulons demander à un agriculteur de planter des haies est la sanctuarisation et l'excès de réglementation. L'agriculteur ne peut plus tailler entre telle date et telle date. Il doit demander l'autorisation à la direction départementale des territoires (DDT) pour déplacer une haie. Quand bien même il demande l'autorisation de la DDT, il est accusé par l'OFB de destruction d'habitat potentiel et l'affaire se termine chez le procureur. Lorsque ce cas de figure se reproduit chez dix agriculteurs dans le département de la Manche, je ne suis plus capable d'amener un agriculteur à planter des haies. Il faut lever certains freins.
Autre exemple, nous essayons de redévelopper l'herbe dans l'élevage, avec des solutions qui tiennent économiquement et qui permettent d'améliorer l'empreinte environnementale de façon mesurée. Pour autant, l'herbage ne doit pas être sanctuarisé ensuite. Si l'agriculteur sait qu'il ne pourra plus renoncer à cet herbage au bout de cinq ans, il ne le fera pas.