La réunion commence à dix-huit heures dix.
La commission auditionne Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, sur les crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie).
Nous commençons dès maintenant nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF), mais deux à trois semaines seront nécessaires pour que nous puissions avoir connaissance des rapports thématiques de nos rapporteurs pour avis.
Nous auditionnons aujourd'hui Mme la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, sur les crédits de la mission Santé – nous prendrons connaissance début novembre des travaux de notre rapporteur pour avis sur le sujet, M. Peytavie. Je souligne que nous devons aujourd'hui rester dans le champ de cette mission, même si la politique de la santé relève principalement du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Nous avons été informés de cette audition il y a quatre jours et l'encre des bleus budgétaires est à peine sèche, ce qui complique l'exercice de notre mission. Soit on considère que notre travail est vain et c'est une marque de mépris, soit une organisation différente de nos travaux s'impose. Nous allons évoquer des sujets sensibles – les politiques de prévention et de santé, l'aide médicale de l'État... – mais dans un calendrier insatisfaisant. Veillons à fixer des dates qui permettent à chacun d'assumer ses missions, dans le respect du principe du contradictoire : le pouvoir exécutif défend son projet de loi de finances, le pouvoir législatif fait part de ses observations, mais encore faut-il qu'ils soient à armes égales !
Mme la ministre déléguée n'est pas responsable de la date cette audition, qui a été fixée lors de la dernière réunion du bureau de la commission.
Nos marges de manœuvre sont réduites en raison des dates impératives d'examen du PLF et du PLFSS, sachant que nous avons également plusieurs propositions de loi à notre ordre du jour et que la loi nous oblige à procéder à certaines auditions. Les députés, toutefois, peuvent se saisir pleinement de ces sujets d'ici à la discussion budgétaire proprement dite. Il n'en demeure pas moins qu'il serait plus confortable de disposer de plus de temps.
Les crédits de la mission Santé constituent, en lien avec le PLFSS, la traduction budgétaire de la politique globale de santé.
Vous connaissez les objectifs de notre politique de santé.
C'est le développement d'une politique de prévention ambitieuse pour faire entrer pleinement notre système de santé et notre société dans une logique de la prévention.
C'est l'objectif, également, d'assurer la sécurité sanitaire et de protéger les populations contre les risques. Je pense bien sûr à la covid-19, épidémie qui n'est pas terminée, mais aussi à toutes les autres menaces épidémiologiques auxquelles nous sommes exposés. Nous devons nous inscrire dans une approche One Health, « une seule santé », pour tenir compte de l'ensemble des facteurs qui menacent nos écosystèmes et la santé humaine.
C'est enfin cette priorité essentielle qu'est l'égal accès à des soins de qualité, pour tous, partout. Cela passe nécessairement par la poursuite des efforts inédits d'investissement engagés par le Ségur de la santé, mais aussi par une meilleure organisation de notre système et une meilleure attractivité des métiers du soin.
Il importe en effet de mieux reconnaître et valoriser les métiers de la santé, pour redonner du sens, fidéliser les professionnels et attirer les jeunes générations vers ces métiers essentiels. Sans cela, nous ne réussirons pas à relever les défis qui se présentent et à améliorer l'accès aux soins de nos concitoyens. Tel est le sens de la politique engagée par le Gouvernement depuis 2017, que nous poursuivons et accentuons dans le cadre de cet exercice budgétaire.
La proposition de loi de Frédéric Valletoux visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels sera prochainement examinée par le Sénat. Elle permettra d'apporter de nouvelles solutions aux acteurs de terrain, qui constituent la clef de voûte de notre système.
Les crédits de la mission Santé s'élèvent à 2,3 milliards d'euros, en baisse de 30 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, ce qui s'explique essentiellement par la réduction des crédits du programme 379, à hauteur de 53 % par rapport à 2023. Ce programme temporaire a vocation à assurer la compensation à la sécurité sociale des dons de vaccins aux pays tiers dans le cadre des campagnes de vaccination contre la covid-19. Il permet également le reversement à la sécurité sociale des fonds issus du mécanisme européen né de la crise du covid pour soutenir l'investissement dans nos hôpitaux. Il est donc logique que ses crédits décroissent.
Les crédits du programme 183 Protection maladie sont stables – avec une baisse de 0,3 % – et ceux du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins augmentent de 3,4 %. Cette dynamique illustre notre volonté de poursuivre les efforts engagés en matière de maîtrise des dépenses liées à l'aide médicale de l'État (AME) et d'investir encore plus dans la prévention et la promotion de la santé.
Les crédits du programme 183 s'élèvent pour 2024 à 1 216 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une quasi-stabilité par rapport à la LFI 2023, retraitée au même périmètre que 2024. Ils financent principalement deux dispositifs : l'aide médicale de l'État et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
L'AME répond à une triple logique : humanitaire, sanitaire et économique. L'AME est en effet avant tout un dispositif de santé publique qui protège ses bénéficiaires ainsi que l'ensemble de la population française. Les différentes réformes conduites ces dernières années, en particulier la révision du panier de soins réalisée en 2019, ont permis de mieux encadrer ce dispositif et de mieux maîtriser la dépense. Parallèlement, d'importants efforts ont été conduits pour lutter contre la fraude, lesquels ont vocation à se poursuivre et à se renforcer en 2024. L'AME constitue un levier essentiel pour suivre et piloter les dépenses de santé des personnes en situation irrégulière sur notre territoire. Ses crédits de droit commun s'élèvent à 1,13 milliard d'euros, en relative stabilité par rapport à la LFI 2023.
L'année 2024 sera consacrée à la poursuite et à l'intensification de nos efforts en matière de contrôles, dans la continuité de l'action engagée lors des précédents exercices. Il s'agit notamment de renforcer les contrôles lors de l'attribution des droits en utilisant pleinement l'ensemble des dispositifs déployés depuis 2019 – vérification de la condition de séjour irrégulier de trois mois, dépôt physique des demandes d'AME dans les caisses primaires d'assurance maladie (Cpam), accès à la base de données Visabio par les Cpam – ou des nouveaux outils tels que l'accès des services consulaires, dès 2024, à la liste des bénéficiaires de l'AME lors de l'instruction des demandes de visa. Il s'agit aussi de mieux cibler les contrôles a posteriori afin d'améliorer l'efficacité de notre politique de lutte contre la fraude.
Les crédits inscrits sur le programme 204 s'élèvent à 220,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 223 millions en crédits de paiement. Ils progressent de 3,4 % par rapport à la LFI 2023. Essentiels, ils s'inscrivent pleinement dans la volonté de réussir le virage de la prévention qu'appelle de ses vœux le Président de la République, ce à quoi nous travaillons chaque jour avec le ministre Aurélien Rousseau. Je sais que votre commission est très investie en la matière. Je pense en particulier aux travaux de Cyrille Isaac-Sibille, mais il y en a d'autres. Nous sommes en effet très nombreux à partager cette conviction : nous devons changer collectivement de paradigme pour faire entrer la logique de prévention dans tous les champs de nos politiques publiques.
Il s'agit d'abord d'un impératif de santé publique – « il vaut mieux prévenir que guérir » ! C'est aussi bel et bien un levier de soutenabilité, et certainement le plus puissant de notre système de protection sociale.
Le virage préventif, axé sur une action résolue sur les déterminants en santé, est une nécessité pour faire face aux enjeux démographiques et épidémiologiques inédits qui sont devant nous. Relever le défi du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques passera nécessairement par un développement massif de la prévention. C'est aussi, bien entendu, un levier de soutenabilité économique mais également écologique : plus de prévention, c'est moins de consommation, donc, un système de santé plus sobre.
Lutter contre les maladies évitables, les maladies chroniques et les conduites addictives, c'est aussi mieux protéger les plus vulnérables, qui sont souvent les premiers touchés. Telle est l'ambition du Gouvernement, notamment à l'endroit de la santé des femmes ou des enfants, à travers un effort renouvelé en matière de dépistage et de vaccination. Je pense à la campagne de vaccination contre le papillomavirus, qui est en cours depuis le 2 octobre dans l'ensemble des collèges. L'objectif que nous nous sommes fixé dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers est d'atteindre un niveau de couverture de 80 % d'ici à 2030. C'est ambitieux, mais les résultats obtenus sur le plan international doivent nous amener à redoubler d'efforts.
Alors que la campagne automnale de vaccination contre la grippe commence la semaine prochaine et que celle contre la covid démarre plus fort que l'année dernière, nous pouvons tous nous féliciter du succès que rencontre le traitement préventif contre la bronchiolite. Dans les maternités, le taux d'adhésion est de 60 % à 80 %, largement supérieur à celui qui est observé pour les traitements préventifs du même type. Seuls quatre pays dans le monde ont fait le pari de commander ces traitements. Le succès de cette campagne démontre, si cela était nécessaire, que nos concitoyens sont prêts à prendre ce virage préventif.
Je conclurai sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : les liens entre le sport et la santé. Alors que 2024 sera l'année des jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons choisi de faire de la promotion de l'activité physique et sportive la grande cause nationale 2024. Les jeux seront un moment privilégié de mobilisation collective autour des enjeux de la prévention et du sport santé. Cela doit être l'occasion d'envoyer un signal fort à nos concitoyens et d'accroître notre action en faveur du développement de l'activité physique, de l'activité physique adaptée, des mobilités actives ou encore de la lutte contre la sédentarité.
Nous avons évoqué ce sujet du sport santé avec certains d'entre vous la semaine dernière. Je suis à votre disposition pour réfléchir ensemble à des mesures qui pourraient s'inscrire dans ce champ.
Je regrette que le Gouvernement recoure probablement de nouveau à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour ce PLF, ce qui nous privera de l'examen en séance publique des crédits de la mission Santé. Au-delà du déni de démocratie évident que cela constitue, vos manœuvres perturbent le bon déroulement de nos travaux parlementaires. Ainsi, nous ne pourrons discuter en détail que début novembre des travaux que j'ai conduits depuis plusieurs mois en tant que rapporteur de cette mission.
Le périmètre de la mission Santé peut sembler restreint : « seulement » près de 2,3 milliards d'euros. Ce montant, limité au regard du budget de l'État et, a fortiori, de la protection sociale, ne doit toutefois pas nous induire en erreur : la mission Santé est essentielle et riche d'enjeux fondamentaux pour notre pays.
Elle comprend en effet le programme 183, qui intègre pour une large part l'aide médicale de l'État. J'entends déjà mes collègues, à droite et à l'extrême droite, critiquer ce dispositif, le remettre en cause, demander sa suppression, ou travestir cette demande en proposition de transformation. Ils déplorent une supposée hausse des bénéficiaires alors que la dépense, cette année, est constante, à près de 1,2 milliard d'euros, et que, comme en attestait un rapport de 2019, seules 51 % des personnes qui y sont éligibles en bénéficient.
Cette prestation nous honore et nous devons évidemment la préserver. Outre qu'elle incarne le principe de fraternité qui fonde notre contrat social et notre République, l'AME est une mesure de bon sens et de santé publique : personne n'a intérêt à laisser des populations sans soins et je ne comprends même pas que, après la crise sanitaire, d'aucuns doutent encore que la santé soit notre bien commun.
Je m'inquiète donc de la mission visant à évaluer l'AME qu'a annoncée la Première ministre ce dimanche. Jouez cartes sur table ! Quelles « pistes de transformation » le Gouvernement a-t-il en tête ?
Nous devons nous diriger vers une protection maladie réellement universelle. Depuis plusieurs années, de nombreuses autorités, dont l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ou le Défenseur des droits, recommandent d'inclure l'AME dans le régime général de la sécurité sociale afin de réduire les inégalités de santé à la source et de faciliter l'accès aux droits pour les personnes les plus fragiles. Madame la ministre, seriez-vous favorable à cette mesure ?
Le budget du programme 204 par ailleurs apparaît en légère hausse, mais il s'agit en réalité d'une baisse dès lors que l'on prend en compte l'inflation.
Cette mission recouvre des ambitions et des mesures éparses. N'y figure aucun moyen véritable pour une politique publique digne de ce nom en faveur de la santé et du bien-être.
J'ai travaillé sur les nouveaux indicateurs et les nouvelles approches pour remettre la santé et le bien-être au cœur des politiques socio-environnementales et budgétaires. J'ai pour cela entendu des statisticiens, des chercheurs, des représentants des administrations centrales ou des institutions internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économiques et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le constat est sans appel : la prévention et la santé doivent être placées au cœur de toutes nos politiques publiques. De nouveaux indicateurs sont nécessaires, alors que le Gouvernement n'a pas fait vivre ceux que le législateur avait institués par la « loi Sas » de 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. De nouvelles approches, comme le concept de One Health ou l'idée de « pleine santé » développée par l'économiste Éloi Laurent, sont les vecteurs d'un renouveau démocratique.
La santé n'est pas une mission du budget ni une stratégie : elle doit être l'élément cardinal qui guide toutes nos décisions. Partagez-vous cette vision et, si oui, comment entendez-vous réellement l'incarner ?
Il est temps de faire entrer notre État dans une véritable ère de la santé et du bien-être en le dotant d'indicateurs et en adoptant des approches qui mettent réellement ces sujets au cœur des politiques socio-environnementales et budgétaires. J'en appelle à votre engagement pour en débattre et pour accomplir ce projet.
Les crédits de la mission Santé diminuent en effet légèrement pour les raisons que vous avez dites, mais les autorisations d'engagement et les crédits de paiement qui seront consacrés au « virage préventif » augmentent, ce que je salue.
Le dépistage et la prise en charge précoce des cancers sont fondamentaux. La grande campagne de vaccination contre le papillomavirus pour les filles et les garçons au collège s'inscrit dans cette perspective. Le Sénat a adopté une proposition de loi visant à créer un registre national des cancers. Sur un plan épidémiologique, il me paraît en effet intéressant de pouvoir connaître l'état de cette maladie partout dans l'Hexagone et en outre-mer et de disposer de données exhaustives pour la recherche, afin de pouvoir corréler son incidence avec certains facteurs de risques d'exposition et environnementaux.
Environ 8 % à 10 % des personnes en affection de longue durée n'ont pas de médecin traitant. Nous devons faire en sorte d'y remédier.
Quelles sont les évaluations du Pass santé jeunes ? Quels objectifs fixer pour 2024 et au-delà ?
S'agissant du programme 183, l'AME est maintenue à un niveau important de 1,2 milliard, ce qui illustre la vigueur de la solidarité nationale en direction des publics défavorisés. La lutte contre la fraude, par ailleurs, sera renforcée.
S'agissant du programme 379 et des mesures d'investissement du Ségur de la santé, je salue la poursuite de l'effort accompli sur le volet sanitaire, avec 1,5 milliard d'euros consacré aux investissements du quotidien dans nos hôpitaux : pour la première fois depuis 2013, le taux de vétusté des équipements a été infléchi. Je n'oublierai pas le volet médico-social, avec une enveloppe de 1,25 milliard pour la construction et la rénovation de places d'hébergement pour les personnes âgées.
L'AME suscite préoccupations et inquiétudes. Créée en 1999, elle était justifiée par une intention louable : assurer l'accès aux soins médicaux de base des étrangers présents sur notre territoire sans couverture de santé. Aujourd'hui, 411 364 personnes en bénéficient, ce qui est un record. En vingt ans, l'augmentation est de 134 %. La Cour des comptes ne cesse d'ailleurs d'alerter à ce propos. Avec une trajectoire menant à 450 000 bénéficiaires, il convient d'agir vite afin d'encadrer au mieux ce dispositif.
L'AME, c'est 1,2 milliard d'euros pour 2023 – 1,7 milliard selon un quotidien national –, soit environ 3 000 euros par personne. Il devrait s'agir de soins urgents dans des cas où le pronostic vital est mis en jeu, ou pouvant conduire à une altération grave et durable de l'état de santé. Or, pour 2022, le Gouvernement a estimé que près de 1 milliard d'euros étaient allés à des soins non urgents.
Aucun autre pays ne propose une offre de soins gratuite comparable. C'est une richesse, mais elle ne doit pas devenir un motif d'attrait pour entrer illégalement sur le territoire national. Notre système de santé poursuit son effondrement et le Gouvernement continue d'offrir l'ensemble des soins gratuits aux personnes entrées illégalement. Il faut mettre fin à l'AME, qui constitue l'une des pompes aspirantes de l'immigration illégale. Elle doit être remplacée par un dispositif réservé aux urgences vitales.
Comment expliquer aux Français sans médecin traitant qu'on alloue 3 000 euros par étranger en situation irrégulière alors qu'il n'y a pas d'urgence vitale ? Comment expliquer aux Français victimes de l'inflation et se privant de soins pour finir le mois que nous allouons 3 000 euros par étranger en situation irrégulière pour sa santé ?
Notre système de santé s'effondre parce que nous n'avons plus assez de médecins et de professionnels de santé, que l'État ne soutient pas suffisamment ces derniers et que la charge administrative ne cesse d'augmenter.
Nous connaissons les besoins en termes de santé publique, de nombre de professionnels et d'accès aux soins. La situation doit être prise à bras-le-corps. La part de l'AME ne cesse d'augmenter dans le budget : quand et comment réformerez-vous ce dispositif afin de pouvoir investir durablement dans notre système de santé ?
Notre système de santé connaît de plus en plus de difficultés. Sa privatisation induit des formes de privation et d'exclusion de plus en plus manifestes. Les réflexions sur la refonte de l'AME suscitent de grandes craintes pour son avenir et l'accès de toutes les personnes présentes en France aux services de santé. Les virus, les maladies ne tiennent pas compte des situations administratives !
Je me réjouis que le sport santé et plus globalement la pratique physique et sportive soient désormais une priorité. Dans les territoires dits d'outre-mer, les maladies chroniques, les cancers provoqués par la chlordécone, le diabète, sont autant de fléaux. Ces territoires sont des viviers pour toutes les disciplines sportives. Pourquoi ne pas en faire, pour une fois, des territoires d'excellence en matière de prise en charge des problématiques de santé à travers le sport ? Pourquoi, pour une fois, ne pas afficher la volonté de faire des outre-mer des locomotives, des territoires d'expérimentation ?
Le nouveau médicament Heberprot-P développé par le centre d'ingénierie génétique et de biotechnologie de Cuba a fait ses preuves dans le traitement du pied diabétique. Il est produit à 200 kilomètres des côtes de la Martinique et nous ne pouvons pas en bénéficier parce que les ministres de la santé successifs refusent qu'il soit expérimenté. Il permet pourtant d'éviter des amputations, qui coûtent plus cher à la sécurité sociale et qui sont traumatisantes pour les patients. À quand l'autorisation d'expérimenter des solutions qui pourront être bénéfiques à l'ensemble du territoire français ?
Je regrette que la question des soins palliatifs soit insuffisamment traitée dans cette mission. Vous préparez une loi sur la fin de vie mais, tant que les soins palliatifs ne sont pas à la hauteur, elle ne le sera pas non plus. Depuis 1999, les inégalités territoriales en la matière sont importantes.
Nous sommes le seul pays développé où la mortalité infantile augmente. Cette question devrait être prise à bras-le-corps, ne serait-ce qu'en finançant des registres sérieux, qui ne reposent pas sur les épaules des seuls professionnels.
Nous sommes aussi pauvres en matière de covid long. Au Royaume-Uni, on considère que 800 000 personnes en sont atteintes, qui ne peuvent reprendre une activité normale. Qu'en est-il en France ? Nous ne savons pas où envoyer les patients et ce budget n'y changera rien.
Je me félicite de la vaccination contre le papillomavirus mais je regrette qu'une jeune femme âgée de plus de 20 ans ne puisse pas en bénéficier. Pourtant, selon une étude du New England Journal of Medicine, il est utile de vacciner les jeunes femmes jusqu'à l'âge de 30 ans : cela permet de prévenir des cancers du col de l'utérus pouvant survenir vingt ou trente ans plus tard.
Depuis 2019, les bénéficiaires de l'AME ont augmenté de 20 %. Un clandestin peut se faire poser un anneau gastrique, une prothèse d'épaule ou de hanche. Il peut subir une rhinoplastie ou un recollement d'oreille. Je ne suis pas favorable à la suppression de ce dispositif mais arrêtons de dire que, si tel était le cas, la tuberculose reviendrait en force ! Notre panier de soins est trop généreux.
De plus, l'AME est une véritable pompe aspirante. Le nombre de bénéficiaires accédant à une chimiothérapie a augmenté de 56 % par rapport à la population des assurés sociaux, et c'est 90 % pour ceux qui vont dans les services d'hématologie. Le tourisme médical existe bel et bien. Nous savons que des personnes atterrissent à Roissy avec une insuffisance rénale et prennent le taxi pour aller directement se faire dialyser aux urgences. Nos filières, dès lors, sont embouteillées. Nous devons donc redéfinir le panier de soins.
M. Darmanin a évoqué la transformation de l'AME en aide médicale urgente. Qu'en est-il ? Cela paraît intéressant, alors que notre système de santé est vraiment en difficulté.
Les crédits de la mission Santé du PLF 2024 se montent à 2,3 milliards d'euros. Cette diminution s'explique par le calendrier de versement des fonds européens au titre du volet investissement du Ségur, intégré dans le plan national de relance et de résilience : le niveau des versements diminue logiquement en 2024, pour s'établir à 900 millions. Quel bilan peut-on tirer, à l'échelle européenne, de ce plan de relance, qui vise notamment à rénover les hôpitaux et les établissements de soins ? Quelles perspectives ouvre-t-il en termes d'amélioration des relations entre hôpital et médecine de ville dans les territoires ?
Le programme 183 Protection maladie constitue le principal poste de dépenses de la mission Santé. Il finance l'aide médicale de l'État, qui représente 1,2 milliard d'euros – un montant stable par rapport à 2023. Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, doté de 3,55 millions, vise à mieux préserver notre environnement et notre santé grâce au quatrième plan national santé environnement (PNSE 4). Les urgences climatiques se multiplient : sécheresses, feux de forêt, zoonoses, canicules... Cela explique sans doute que huit Français sur dix se préoccupent des effets de l'environnement sur la santé. Dans ma circonscription par exemple, de très fortes concentrations en prosulfocarbe ont été relevées récemment dans un territoire anormalement touché par des cancers pédiatriques. Le PNSE a pour objet d'informer, de former mais aussi de réduire et de mieux prévenir nos expositions à différents environnements. Pouvez-vous détailler les actions que le Gouvernement entend mener ?
Le programme 379, qui est temporaire, vise à compenser à la sécurité sociale les dons de vaccins aux pays tiers et à assurer l'investissement en santé grâce aux financements de la facilité européenne pour la reprise et la résilience, dans le cadre du plan de relance européen. Quel bilan dressez-vous des exportations de vaccins à des pays tiers ?
Enfin, au-delà de la mission Santé, un rapport sur la santé des professionnels de santé vous a été remis hier. Plus de 50 000 contributions de professionnels ont permis de formuler un certain nombre de recommandations. Vous présenterez prochainement une feuille de route pluriannuelle sur le sujet, qui complétera les actions lancées récemment par votre ministère, notamment le plan de lutte contre les violences à l'encontre des professionnels de santé, ainsi que les mesures liées à l'attractivité et aux conditions de travail. Quelle réponse concrète comptez-vous apporter à ce problème majeur, qui aura une influence certaine sur l'avenir de notre système de santé ?
Ce budget vise à mener une politique globale de santé publique qui s'assigne trois objectifs principaux : développer une stratégie nationale de prévention, garantir la sécurité sanitaire et organiser une offre de soins de qualité dans tous les territoires. Les crédits alloués au programme 204 augmentent de 3,43 % pour atteindre 220 millions d'euros, ce dont il faut se féliciter. Les crédits affectés à la prévention financeront les actions en faveur de la santé des jeunes et des enfants, la prévention des maladies chroniques, les mesures favorisant la qualité de vie des malades, la préparation des crises sanitaires ainsi que la lutte contre l'antibiorésistance.
À moins d'un an des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, je tiens à saluer le soutien accordé aux actions de la stratégie nationale sport santé en faveur de la promotion de l'activité physique adaptée, des mobilités actives et de la lutte contre la sédentarité. Pouvez-vous nous rassurer quant au plein financement des activités physiques, au moins pour les pathologies les plus exposées ou les plus concernées – je pense au cancer et au diabète ?
Enfin, des crédits substantiels – 1,6 million d'euros – permettront de mener diverses actions dans le domaine de la nutrition. Ils financeront en partie l'Observatoire de la qualité de l'alimentation, ce qui permettra notamment d'évaluer l'impact de l'étiquetage nutritionnel. L'information nutritionnelle apportée aux consommateurs est en effet essentielle. L'alimentation peut être aussi bien un facteur de bonne santé qu'à l'origine du développement de pathologies fréquentes, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires ou le diabète. La prévalence de l'obésité – 17 % pour les adultes et 4 % pour les enfants – est élevée depuis une dizaine d'années dans notre pays, et le poids des inégalités sociales en la matière tend à augmenter. Près de 24 % des enfants dont les parents ont un niveau d'études inférieur au bac sont en surpoids ou obèses, contre moins de 9 % pour un niveau de diplôme égal ou supérieur à la licence. Quel est le calendrier de la réforme du mode de calcul du nutri-score, qui devait changer à la fin de l'année ?
Le financement de la protection maladie des personnes en situation irrégulière est stable, à 1,2 milliard d'euros. C'est un dispositif humanitaire mais également, comme nous l'a rappelé la crise sanitaire, un outil de santé publique pour le territoire national, qui préserve l'ensemble de la population de risques épidémiologiques et sanitaires. Le groupe Horizons et apparentés partage pleinement les objectifs affichés, qui sont de garantir l'accès aux soins des personnes éligibles à l'AME dans des délais raisonnables afin d'éviter une dégradation de leur état de santé ou des refus de soins. Des contrôles approfondis sont également prévus pour éviter les fraudes.
L'AME est un dispositif important et sensible : important, parce qu'il touche directement à la vie d'hommes et de femmes qui connaissent des situations difficiles, pour ne pas dire dramatiques ; sensible, parce qu'il s'agit d'un sujet profondément humain qui doit être traité avec humilité, sans démagogie et en prenant en compte la réalité, la dureté et parfois même l'injustice des situations concernées. Je suis donc fermement opposé à sa suppression. Laisser dans la nature un individu en mauvaise santé est rarement une bonne idée, et, en tout état de cause, serait contraire aux valeurs qui fondent notre système de soins. Récemment, la Première ministre a annoncé le lancement d'une mission chargée de déterminer s'il est nécessaire d'adapter le dispositif. Quand les résultats en seront-ils connus ?
Nous voilà réunis pour aborder une longue période de discussion budgétaire autour des questions de santé, avec le PLF aujourd'hui, puis le PLFSS dans quelques jours. Dressons ce premier constat : les 49.3 annoncés nous confisquent un débat démocratique pourtant indispensable. Le passage en force concernant la loi de programmation des finances publiques n'est pas anodin, car ce texte impose une véritable trajectoire d'austérité au cours des prochaines années. En entérinant un cantonnement des dépenses de santé en deçà de 22 % du PIB jusqu'en 2027, il limite grandement nos marges de manœuvre budgétaires. Surtout, il empêche d'envisager un projet de loi d'investissement dans le système de soins et d'accompagnement à la hauteur des enjeux, notamment du vieillissement.
Cette logique de dépenses contraintes couplée à un refus total d'augmentation des recettes est délétère pour notre système de soins, à court mais aussi à moyen terme. À très court terme, elle ne permet pas d'atténuer les crises de financement auquel est confronté notre système de santé. Les fédérations hospitalières, en grande difficulté, dénoncent par exemple l'insuffisance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie au regard de l'inflation. Des financements d'urgence sont nécessaires dans certains territoires – où, d'ailleurs, les urgences ferment. À moyen terme, cette logique d'austérité budgétaire empêche tout développement de politiques publiques ambitieuses. Pourtant, les défis en matière de santé sont nombreux : lutte contre les déserts médicaux, revalorisation des carrières des personnels soignants, politiques de prévention ambitieuses. Ce budget est conçu indépendamment ou presque de l'évolution des besoins, comme l'indiquent d'ailleurs les experts auteurs du rapport « Vive les services publics ».
L'OMS nous rappelle que les facteurs environnementaux sont responsables de près de 20 % de la mortalité en Europe. Ils contribuent au développement des maladies chroniques. Investir dans une politique de prévention en santé environnementale, c'est penser l'accompagnement des bouleversements environnementaux et réduire à terme le coût social et sanitaire de facteurs comme le bruit, la pollution de l'air, la malbouffe ou le mal-logement, dont le coût annuel est estimé, respectivement, à 155 milliards, 70 à 100 milliards, 50 milliards et 30 milliards d'euros. Et que dire du milliard et demi affecté à la lutte contre l'antibiorésistance ? Ce sont des sources d'économies qui nous permettent de nous orienter vers la pleine santé.
Les investissements actuels sont insuffisants, et les inégalités sanitaires recoupent les inégalités sociales et environnementales. Résultat, les urgences ferment dans certains territoires, les personnes les plus précaires ont trois fois plus de risques de renoncer aux soins que les autres, les personnes les plus pauvres sont celles qui dépensent relativement plus pour leur santé, l'AME est menacée par certains groupes, les femmes sont moins bien soignées que les hommes pour certaines pathologies – de ce point de vue, votre proposition sur le papillomavirus est une avancée, même si elle reste insuffisante. Au total, les 10 % les plus pauvres ont 1,4 fois plus de risques de développer une maladie cardiovasculaire et trois fois plus de risques de contracter un diabète que les 10 % les plus riches, ce qui entraîne d'importantes d'inégalités d'espérance de vie : l'écart à la naissance entre les 5 % des hommes les plus aisés et les 5 % des hommes les plus pauvres est de treize ans.
Quand sortirez-vous d'un diktat budgétaire qui met notre système en tension pour nous permettre de construire collectivement un système de santé à la hauteur des enjeux auxquels fait face la société ?
La présentation de la mission Santé est d'abord l'occasion de se pencher sur l'état de santé des Françaises et des Français et leur accès à la prévention et aux soins. Or, non seulement l'état des lieux n'est pas bon, mais il se dégrade d'année en année. Ainsi, l'espérance de vie en bonne santé n'augmente plus : elle stagne à 65,3 ans, selon les données de 2021, et se caractérise par de fortes disparités entre femmes et hommes et en fonction de la classe sociale. En 2016, l'Insee montrait, par exemple, que l'espérance de vie d'un homme diplômé du supérieur dépassait de sept ans et demi celle d'un non-diplômé.
Cet état de fait nous conduit à nous opposer au recul de l'âge légal de la retraite. Il doit nous alerter sur les inégalités persistantes d'accès à la prévention et aux soins. En juillet 2021, la Cour des comptes a montré la progression des trois grandes maladies chroniques que sont le cancer, les maladies neurocardiovasculaires et le diabète. Un peu plus de 10 millions de personnes souffrent de ces pathologies, là encore dans des proportions différentes selon la catégorie sociale et le territoire d'origine. Le constat est le même pour les addictions et les conduites à risque. La Cour des comptes a souligné le sous-dimensionnement de nos politiques de prévention ou de dépistage.
Dans ce contexte, sur fond de désertification médicale et de crise sans fin de notre hôpital public, la mission Santé nous laisse perplexe, qui voit ses crédits passer de 3,4 à 2,5 milliards d'euros. La prévention demeure le parent pauvre de la politique de santé publique : les crédits alloués à l'action 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades diminuent de 10 %, et ceux de l'Institut national du cancer (Inca) baissent même de 6 millions. Nous avons pourtant besoin d'investir massivement dans la prévention. Il y a quelques mois, j'avais formulé des propositions pour lutter contre l'exposition à la pollution atmosphérique. Que pensez-vous, madame la ministre, de l'idée de créer des territoires pilotes dans ce domaine ?
Alors que plus de 8 millions de personnes sont affectées d'une pathologie mentale, et un jeune sur cinq, les crédits dédiés à la prévention en santé mentale se limitent à 1,17 million d'euros. C'est également l'une des grandes absentes du PLFSS. Comment conduire une action résolue avec si peu de moyens ?
Le programme 379, qui vise notamment à abonder le Ségur de l'investissement, voit ses crédits ramenés à 900 millions d'euros. La tendance avait été annoncée dès le départ mais cela n'en représente pas moins une baisse de 53 %, alors que la rénovation des hôpitaux exige des moyens adaptés. Les agences régionales de santé (ARS) se trouvent contraintes de choisir les hôpitaux qui auront droit à être rénovés !
Le programme 183 concerne majoritairement l'AME. Celle-ci est une nécessité de santé publique, qui ne saurait être remise en cause. Ses bénéficiaires, très pauvres – les deux tiers sont en précarité alimentaire – se trouvent particulièrement exposés en raison de leurs conditions de vie. Si elle mobilise 51 % des crédits de la mission, l'AME ne représente que 0,5 % du budget de l'assurance maladie. Il est à espérer que le projet de loi à venir sur l'immigration ne la remettra pas en cause. Les propos du ministre de l'intérieur m'ont inspiré quelques inquiétudes sur la position du Gouvernement. Pourriez-vous préciser les choses ?
Examiner la mission Santé du PLF est toujours un exercice frustrant compte tenu de son champ limité, puisqu'elle doit coexister avec le PLFSS. Je dirai un mot, d'abord, du volet prévention. L'action 12 Santé des populations perd 230 000 euros alors qu'elle finance des actions en direction des populations en difficulté, des mères, des enfants, des jeunes. L'action 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades voit, quant à elle, ses crédits baisser de 5 millions alors qu'elle cible les maladies neurodégénératives, le cancer, la santé mentale et la santé sexuelle. Comment expliquez-vous ces baisses, alors que les maladies chroniques se développent au sein de notre population vieillissante et que le Gouvernement affiche ses ambitions en matière de prévention ? Je souhaiterais vous entendre en particulier sur la prévention des cancers en Guadeloupe et en Martinique et les plans chlordécone : quelles actions de prévention spécifiques préconisez-vous ? Pouvez-vous nous dire un mot au sujet du premier bilan du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, notamment concernant le chlordécone ?
J'en viens au financement des établissements de santé. La volonté de mon groupe est claire : nous voulons avancer rapidement sur la question des coefficients géographiques pour tenir compte des surcoûts liés à l'insularité, à l'éloignement, aux effets de seuil en Corse et en outre-mer. C'est un levier indispensable pour que les territoires insulaires rattrapent leur retard structurel en matière d'infrastructures et d'équipements dans le domaine de la santé. Ce taux stagne, pour la Corse, à 11 % depuis 2017, alors que l'on estimait en 2022 qu'il devait être porté à au moins 15 % afin de répondre au manque de moyens de nos hôpitaux. Il y a un an, le Gouvernement me répondait qu'il étudiait la possibilité d'actualiser ces coefficients ; il ne faut pas reporter une nouvelle fois le débat.
Enfin, je déplore que, chaque année, cette mission serve de prétexte pour chercher à provoquer un débat nourri de fantasmes et de stéréotypes sur l'AME. La Première ministre a annoncé le lancement d'une mission à ce sujet. Certains souhaitent la transformer en aide médicale d'urgence. On ne peut que regretter que ce dispositif soit sans cesse remis en cause alors qu'aucun rapport ne conclut à l'existence d'un tourisme médical. Surtout, aucun bilan n'a été fait depuis la dernière réforme, qui a limité l'accès à l'AME, notamment par l'introduction d'un délai de carence. Aucune mesure n'est proposée, en parallèle, pour lutter contre le non-recours. Céder aux sirènes de l'extrême droite serait un vrai danger. L'AME est un dispositif incontournable en termes de santé publique, qui profite à toute la population. C'est en outre un devoir d'humanité. Il est vrai, comme le disait Philippe Juvin, que des personnes sortent de l'avion et se présentent à un service de dialyse, mais n'importe quel médecin dans le monde effectuerait cette dialyse si la personne en a besoin ! On ne se pose pas la question du coût dans ce genre de cas. Transformer l'AME en aide d'urgence aurait pour conséquence d'engorger nos services d'urgence, qui sont déjà saturés, et de reporter certaines prises en charge, ce qui accroîtrait encore les coûts.
Au sein de cette mission composite, deux points me paraissent particulièrement importants. En premier lieu, si le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine semble plutôt efficient, le nombre de dossiers déposés reste bien en deçà de celui des victimes potentielles. Il faudrait à mon sens conduire une large campagne de communication pour identifier ces dernières, notamment en s'appuyant sur les bases de données de l'assurance maladie. D'après les informations que j'ai obtenues, des courriers devaient être envoyés à 1 200 000 femmes avant que la crise sanitaire n'entrave cette démarche. Votre ministère envisage-t-il de mener à son terme ce nécessaire effort de communication ?
En second lieu, l'AME ne me paraît plus soutenable pour nos finances publiques. Les dépenses engagées au titre de ce dispositif ont augmenté de 41 % depuis 2017. Au 31 mars 2023, le nombre de bénéficiaires, au titre de l'AME de droit commun, s'élève à 422 686, soit une augmentation de près de 133 % depuis sa création. S'ils sont de plus en plus nombreux, ces bénéficiaires sont pourtant toujours aussi imparfaitement connus. Est-il envisagé d'autoriser le recueil des données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l'AME, ainsi que sur les pathologies soignées ? L'absence de données est regrettée par des voix de diverses sensibilités. Dans un avis du 9 octobre 2019, le Défenseur des droits avait déploré le manque de statistiques publiques concernant les bénéficiaires de l'AME. Je crois également que l'AME de droit commun devrait être limitée aux soins urgents. La Première ministre a annoncé récemment la création d'une mission pour déterminer si le dispositif doit être réformé. Auriez-vous des compléments d'information à ce sujet ? Le Parlement sera-t-il associé à ces travaux ?
L'AME est un dispositif nécessaire, humanitaire, de santé publique. Nous avons déjà, collectivement, resserré le panier de soins, à la suite du rapport de l'Igas de 2019. Le nouveau panier permet de prendre en charge les personnes en situation irrégulière, et dans certains cas, les prestations sont conditionnées par une demande d'entente préalable. Je ne peux pas laisser dire qu'il y aurait un tourisme médical développé. Lorsque quelqu'un descend de l'avion et a besoin d'une dialyse, il faut répondre à l'urgence. Un budget est dédié aux soins devant être prodigués dans un délai inférieur à trois mois.
La crise sanitaire a empêché la montée en puissance des mécanismes de contrôle prévus, mais les Cpam, qui ont de plus en plus accès au dispositif Visabio, sont en train de les développer. Les résultats sont là. MM. Claude Évin et Patrick Stefanini, à qui nous avons confié une mission sur ce sujet, devraient nous remettre leur prérapport le 2 novembre et le rapport définitif le 15 janvier prochain. Ces deux personnalités ont des domaines d'expertise complémentaires, la politique migratoire pour le second, le système de santé pour le premier. Ils pourront s'appuyer sur les travaux déjà réalisés et interroger tous les acteurs. Le Gouvernement a la volonté d'évaluer systématiquement les politiques publiques et d'apporter des réponses en cas de nécessité.
Le Gouvernement n'a en tout cas nullement l'intention de supprimer l'AME. Ce serait d'ailleurs aussi, comme l'exemple de l'Allemagne l'a montré, nous priver des indicateurs qui permettent d'évaluer l'accès aux soins et les dépenses afférentes.
Monsieur le rapporteur, vous savez à quel point je suis attachée à ce que nous défendions et appliquions le principe « une seule santé ». L'Institut One Health a ouvert à Lyon. Pour la première fois, une ministre a la santé environnementale dans ses attributions. Nous devons agir ensemble, en amont, sur tous les sujets liés à la qualité de l'air, à la qualité de l'eau, à la transmission potentielle de maladies par des zoonoses... Il faut prévenir le déclenchement de ces maladies. Le concept de One Health doit trouver une traduction concrète dans toutes nos politiques publiques.
Monsieur Martin, comme vous l'avez dit, la proposition de loi visant à instituer un registre national des cancers a été adoptée en première lecture au Sénat. La politique de lutte contre le cancer nous concerne tous : 4 millions de nos concitoyens vivent aujourd'hui, à différents degrés, avec cette maladie. Il faut rappeler combien notre pays est avancé en matière de données de santé. Nous disposons d'atouts considérables. Le cancer est une maladie qui nécessite un suivi et des soins coûteux et prolongés. Tous les patients sont automatiquement considérés comme relevant du régime de l'affection de longue durée (ALD), qui leur permet de bénéficier d'une prise en charge des soins à 100 %. Les données relatives au traitement de chacun d'entre eux sont déjà répertoriées dans le système national des données de santé. L'enjeu est de mieux valoriser ces données. Tel est l'objet de la plateforme des données de santé instituée en 2019, une infrastructure innovante qui facilite le partage et l'analyse croisée des données de santé issues de sources variées – en premier lieu, de la base anonymisée du système national des données de santé. Enfin, l'Inca s'attache avec toute son expertise sanitaire et scientifique à la lutte contre le cancer. Nous suivrons avec attention la suite du parcours de cette proposition de loi.
S'agissant des patients souffrant d'une ALD et n'ayant pas de médecin traitant, le Président de la République a assigné un objectif ambitieux au Gouvernement : faire en sorte qu'un maximum d'en eux puissent obtenir une réponse avant la fin de l'année. L'assurance maladie a écrit à tous les patients concernés. Les communautés professionnelles territoriales de santé et les médecins sont fortement mobilisés, dans chaque territoire. Je ne dispose pas encore de chiffres mais nous savons que leur mobilisation a déjà permis de résoudre un certain nombre de difficultés. Nous avons également constaté, ce qui ne manque pas d'intérêt, que certains de nos concitoyens ne souhaitent pas avoir de médecin traitant.
Monsieur Frappé, vous avez évoqué la réponse aux besoins en matière de santé et les enjeux de l'accompagnement des professionnels de santé. Je vous confirme que nous prenons ces sujets à bras-le-corps : ils constituent notre quotidien.
Monsieur Nilor, s'agissant des enjeux spécifiques des outre-mer, nous apportons des réponses. En matière de prévention, je veux rappeler que la « loi Rist », entrée en vigueur en mai dernier, permet aux pédicures-podologues d'assurer en accès direct le traitement du pied diabétique. Les territoires d'outre-mer répondront sans nul doute présent en matière de sport santé et de développement de l'activité physique adaptée : les médecins la prescriront certainement, comme dans l'Hexagone. Nous serons vigilants sur le développement de l'activité physique adaptée dans ces territoires.
Monsieur Juvin, le développement des soins palliatifs – qui ne relèvent pas, à proprement parler, de la mission Santé – constitue un enjeu majeur. Le Président de la République et la Première ministre nous ont demandé d'apporter des réponses. Le PLFSS prévoit 20 millions d'euros supplémentaires pour entamer la création d'une filière de prise en charge palliative, conformément à l'instruction donnée aux ARS. C'est l'une des premières briques du développement des soins palliatifs.
En ce qui concerne les papillomavirus, la volonté est là. Nous entendons développer la vaccination préventive, qui sera proposée gratuitement dans toutes les classes de cinquième. Nous évaluerons cette campagne dans quelques années. Il a été constaté que lorsque la vaccination est faite très en amont, chez les filles et les garçons, les résultats sont probants.
Nous devons continuer à travailler sur la problématique du covid long. Des études sont menées pour en identifier les causes. Nous serons évidemment au côté des patients.
Concernant l'AME, le tourisme médical n'existe plus. Les demandes d'entente préalable sont nécessaires pour les opérations non urgentes.
Monsieur Falorni, dans le cadre du Ségur de la santé, 19 milliards d'euros sont mobilisés sur dix ans en faveur de l'investissement, dont 13 milliards engagés en novembre 2019, auxquels s'ajoutent 6 milliards sur cinq ans, annoncés dans le cadre du Ségur et intégrés dans le plan France relance de 100 milliards. Ces 6 milliards s'inscrivent dans le cadre du plan national de relance et de résilience. Cet investissement contribuera à concrétiser les priorités de l'Union européenne en matière sociale, environnementale et numérique.
Trois axes sont privilégiés. S'agissant, premièrement, des investissements en faveur des établissements de santé, qui reçoivent 2,5 milliards sur les 6 milliards d'euros de crédits européens, une somme de 1 milliard est destinée au soutien des projets structurants ou prioritaires des établissements de santé. Le versement de ces crédits a été délégué aux agences régionales de santé, qui doivent contractualiser avec les établissements avant la mi-2025. Sur le milliard et demi destiné à soutenir la relance de l'investissement courant des établissements de santé, 982 millions ont déjà fait l'objet d'une contractualisation entre ARS et établissements en 2021 et 2022. Plus de 395 millions ont été versés à plus de 1 600 établissements.
Deuxièmement, sur le milliard et demi affecté à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, 280 millions en 2021 et 240 millions en 2022 ont été notifiés aux ARS pour appuyer les projets de restructuration ou de création d'Ehpad. En 2023 et 2024, 465 millions supplémentaires compléteront le dispositif.
Troisièmement, le volet du numérique dans le champ sanitaire et médico-social se voit affecter 2 milliards d'euros – 1,4 milliard pour le champ sanitaire et 0,6 milliard pour le secteur médico-social. Sur cette enveloppe, en 2021, 280 millions ont permis de financer le pilotage et la maîtrise d'œuvre nationale, 493 millions ont été alloués au financement des éditeurs, afin de mettre à la disposition des professionnels de santé des logiciels répondant aux exigences de la feuille de route du numérique en santé, et 191 millions ont été versés aux établissements de santé au titre de l'incitation à l'usage.
M. Peytavie et Mme Rousseau m'ont interrogée sur le PNSE 4. Il y a un lien essentiel entre notre environnement, les écosystèmes et le vivant en général, surtout la santé humaine. Ce constat est au fondement de l'initiative One Health. Les attentes citoyennes à ce sujet sont fortes et en constante progression au cours des dernières années. Ces préoccupations rejoignent désormais celles liées à la précarité sociale et économique.
La santé environnementale est un enjeu de santé publique prioritaire. D'après l'OMS, les facteurs environnementaux sont responsables de près de 20 % de la mortalité en Europe. Il est donc urgent que nous nous penchions sur ce sujet.
La santé environnementale est pleinement intégrée à la stratégie nationale de santé, par le biais de la promotion de conditions de vie et de travail favorables à la santé ainsi que de la maîtrise des risques environnementaux. Elle est aussi au cœur du plan national de santé publique « Priorité prévention ». La déclinaison du PNSE 4, qui fait l'objet d'un suivi par les parlementaires dans le cadre du groupe santé-environnement présidé par Mme Anne-Cécile Violland, est assurée par les ARS selon quatre axes : mieux connaître les impacts de l'environnement sur la santé ; mieux former les professionnels ; renforcer et soutenir la recherche en santé-environnement ; et valoriser les bonnes pratiques.
Sur le bilan des vaccins, s'agissant notamment des exportations, la solidarité française est essentielle. Dans ce domaine comme dans d'autres, la France a su tenir sa place.
Monsieur Valletoux, le sport santé est un enjeu important. À la veille des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et tandis que nous accueillons la Coupe du monde de rugby, l'activité physique, notamment l'activité physique adaptée (APA), est grande cause nationale. Nous avons une opportunité assez extraordinaire de nous mettre en mouvement. Les indicateurs d'obésité et d'entrée précoce dans des pathologies chroniques parmi les jeunes doivent nous faire prendre conscience que la prescription de l'APA est un enjeu majeur.
Le PLFSS 2024 apporte une première réponse, sous la forme d'une expérimentation du forfait multi-acteurs selon les dispositions de l'article 51 de la LFSS 2018. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à certains d'entre vous la semaine dernière dans le cadre du comité de suivi du Ségur, nous travaillons à une modélisation du coût, dans le cadre du droit commun, de l'APA pour certaines pathologies. Cela prend du temps, mais la volonté est là. J'ai constaté la semaine dernière, lors d'un déplacement près d'Angers, que les collectivités locales sont des acteurs essentiels et importants du développement de l'APA.
La nutrition est un enjeu majeur. Le nutri-score est recommandé par les autorités françaises depuis octobre 2017. Début 2021, sept pays européens – l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse – l'avaient adopté. Afin d'en coordonner l'application, nous avons créé un comité de pilotage et un comité scientifique indépendant. Son nouvel algorithme de calcul entrera en application en 2024. Une fois la réglementation française révisée, une période de deux ans sera laissée aux opérateurs afin d'assurer une transition dans des délais optimaux pour tous.
Madame Rousseau, je laisse mes collègues MM. Rousseau et Cazenave ainsi que Mme Bergé, qui seront auditionnés demain par cette commission, vous répondre sur le PLFSS 2024.
La prise de conscience que la santé environnementale est un enjeu de santé publique et que la santé est un tout est réelle. Le retour d'expérience de la crise du covid nous en a sans doute fait prendre conscience de cette notion de One Health. Nous devons intégrer les enjeux de santé environnementale dans les politiques publiques. Par ailleurs, le secteur de la santé représente 8 % de nos émissions de gaz à effet de serre : les politiques publiques doivent l'engager dans une planification écologique, à laquelle nous travaillons.
En cette journée mondiale de la santé mentale, M. Dharréville a évoqué le sujet, sur lequel j'ai aussi été interrogée tout à l'heure lors de la séance de questions au Gouvernement. Les crédits du programme 204, loin de diminuer, sont en augmentation : ce sont bien les crédits du programme 379, lié au covid, dont la phase épidémique est heureusement passée, qui s'amenuisent.
Monsieur Colombani, vous m'avez interrogée sur le coefficient géographique. Le ministre de la santé et de la prévention a pris la semaine dernière l'engagement de travailler à la réponse que nous devons aux élus de Corse et d'outre-mer à ce sujet. Je vous transmettrai ultérieurement les réponses à vos deux questions sur la prévention.
S'agissant de l'AME, la question ne surgit pas parce qu'il est question du PLF 2024, mais dans l'attente du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration qui va venir. Le Gouvernement a confié à MM. Claude Évin et Patrick Stefanini une mission visant à évaluer cette politique publique, qui l'a déjà été en 2019 par l'Igas. Il n'a nullement l'intention de supprimer l'AME, ce qui serait une grave erreur.
Madame Louwagie, j'ai pris note de votre satisfecit sur la politique d'accompagnement des victimes de la Dépakine. Les courriers ont été envoyés en août 2023. La question de savoir s'il est possible d'ouvrir un fichier des pathologies est une question de droit, qui fait partie du champ de la mission confiée à MM. Évin et Stefanini.
Je me réjouis que le budget 2024 prévoie le versement de 1 milliard d'euros aux ARS afin de répondre aux enjeux de l'investissement en région – dans ma circonscription, un hôpital commun est en construction.
Ces investissements contribuent directement à l'amélioration de l'équilibre territorial et de l'accès aux soins en ruralité, en permettant d'assurer un service médical de haut niveau avec un matériel de pointe. Ils contribuent aussi au travail sur l'attractivité des métiers. Régulièrement, je travaille avec des acteurs de santé pour améliorer la coordination des professionnels, dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé ou de services d'accès aux soins tels que les maisons de santé, qui sont indispensables. L'État est au rendez-vous, ce qui est une excellente nouvelle.
Des financements ne relevant pas du plan national de relance et de résilience sont annoncés. Pouvez-vous en préciser le montant et les modalités de déploiement ?
Madame la ministre, je partage votre satisfaction s'agissant du fort taux d'adhésion constaté lors de la campagne nationale d'administration du Beyfortus, qui est un anticorps monoclonal permettant de diminuer les formes graves de bronchiolite. Toutefois, je constate avec inquiétude que Santé publique France a déclaré avoir commandé 200 000 doses, soit moins que le nombre de naissances dénombrées au premier trimestre de cette année. Certaines pharmacies ne sont plus approvisionnées, d'autres sont en pénurie.
Il est regrettable de ne pas profiter des progrès médicaux qui permettraient d'éviter ce qu'a provoqué la bronchiolite l'hiver dernier, à savoir le bouleversement du système de santé des urgences pédiatriques et de la réanimation pédiatrique, dont nous ne semblons pas avoir tiré les leçons. Pourquoi ne pas avoir commandé assez de doses ? Les officines seront-elles réapprovisionnées en doses de 100 milligrammes ?
La mission Santé apporte pour 2024 un soutien considérable aux projets d'investissements dans les établissements médico-sociaux, à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Elle soutient également, à hauteur de 900 millions, l'accompagnement des projets prioritaires et de développement du numérique dans les établissements de santé et médico-sociaux (ESMS).
Cependant, le secteur médico-social connaît d'énormes difficultés de recrutement et de fidélisation des professionnels. Plusieurs milliers de postes demeurent vacants. Manque d'attractivité, faible rémunération, contrats précaires et conditions d'exercice pénibles entraînent une détérioration de la qualité de leur mission et, de facto, de la prise en charge, de la sécurité et du bien-être des usagers.
Le Gouvernement entend-il, dans le cadre du PLF ou par voie réglementaire, agir en faveur de l'attractivité des métiers du secteur médico-social ?
S'agissant de l'autonomie des personnes âgées, le PLF prévoit la création de places de services de soins infirmiers à domicile ainsi que le financement de l'augmentation du nombre de professionnels exerçant dans les Ehpad, ce dont nous nous réjouissons. Les ESMS manquent de personnel. Pour les métiers du secteur médico-social, Parcoursup est une erreur majeure – plus de 30 % des candidats abandonnent en première année. Comment recruter et fidéliser dans ces filières des personnes motivées ?
Sur le nutri-score, je suis très réservée. Il ne réglera pas le problème de l'obésité des enfants, car il n'indique pas le degré de transformation des produits ni la présence d'additifs. Je lui préfère la classification NOVA, qui classe les produits en fonction de leur degré de transformation.
Je salue les nombreuses mesures inscrites dans ce PLF, notamment celles du programme 204 visant à réduire les inégalités territoriales et sociales.
Je nourris une préoccupation, comme chaque année malheureusement, sur les transports bariatriques programmés. Si le résultat de récentes négociations entre la Cpam et les transporteurs sanitaires prévoit explicitement la définition d'un modèle de prise en charge de droit commun pour les personnes en situation d'obésité, le transport de celles-ci présente toujours un surcoût financier important, pouvant aller jusqu'à 500 euros pour un aller-retour à l'hôpital, ce qui entraîne un non-recours aux soins pour un public déjà considérablement fragilisé.
Pouvez-vous faire le point sur ce sujet, sur lequel je sais que vous travaillez et progressez doucement ? Disposons-nous d'un calendrier de mise en œuvre de la prise en charge des transports bariatrique programmés ?
J'aimerais évoquer l'organisation territoriale des soins dentaires, pour lesquels la prévention est essentielle. L'article 24 du PLFSS 2024 prévoit la généralisation d'une organisation expérimentée pendant la crise du covid, consistant à permettre aux chirurgiens-dentistes d'assurer la régulation de la permanence des soins dentaires dans les centres de réception des appels des Samu-Centre 15. Il apparaît que les patients des cabinets dentaires de garde n'ont pas toujours besoin de soins en urgence – sachant toutefois que si les patients appellent les urgences le week-end, c'est aussi faute d'obtenir un rendez-vous en semaine.
Pouvez-vous faire le point sur la filière de l'odontologie, s'agissant notamment de la création de nouveaux sites universitaires et du numerus clausus ? Obtenir un rendez-vous chez un dentiste exerçant à une distance raisonnable de chez eux est un vrai problème pour nos concitoyens.
Madame la ministre, vous avez présenté il y a peu un plan visant à mieux appréhender les violences commises envers les soignants et à mieux protéger les victimes. Il vise notamment à rendre attractifs les métiers de la santé et à leur redonner du sens, dans un contexte de pénurie de soignants.
Nous avons la responsabilité, chacun en conviendra, de garantir aux soignants l'exercice de leurs missions dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Le plan précité se déploie selon trois axes : sensibiliser le public et former les soignants ; prévenir les violences et sécuriser l'exercice des professionnels ; déclarer les agressions et accompagner les victimes.
Pouvez-vous évoquer les mesures phares que vous comptez prendre à court terme et en préciser les contours en lien avec la programmation budgétaire qui nous occupe ?
Madame la ministre, l'examen de la mission Santé du budget 2024 nous offre l'occasion de vous interroger sur l'AME. L'explosion de son coût scandalise bon nombre de nos concitoyens, dont certains ont des difficultés à accéder aux soins ou à financer le reste à charge. Nous ne contestons pas sa nécessité dès lors qu'il s'agit de donner un accès à des soins urgents ou d'éviter la propagation de maladies en France. Nous faisons observer que son coût a explosé année après année, pour atteindre près de 1,7 milliard d'euros.
Cette évolution n'a rien de surprenant : elle suit celle de l'immigration illégale. Le nombre des bénéficiaires de l'AME a augmenté de 8 % en un an. Au 31 mars 2023, 422 686 personnes entrées illégalement sur notre sol en bénéficiaient, parmi lesquelles certaines ont été déboutées du droit d'asile, et d'autres contestent les expertises médicales indiquant que leur demande de droit au séjour pour motif médical n'est pas fondée. Il faut se rendre à l'évidence : une limitation substantielle des dépenses de l'AME est impossible sans lutte réelle contre l'immigration illégale.
Vous avez indiqué que la lutte contre la fraude et les abus a tardé, en raison de la crise sanitaire, mais se déploie. Très concrètement, quels moyens humains avez-vous mobilisés pour renforcer le contrôle de cette politique ?
Enfin, nous avons une proposition très concrète : la réduction du panier de soins et la mise en place d'une procédure d'agrément pour les soins non urgents dont le coût est supérieur à un certain montant. Y êtes-vous favorable ? Si oui, êtes-vous prête à la mettre en œuvre en 2024 ?
Madame la ministre, j'aimerais vous interroger sur les arrêts maladie abusifs. Nous ne pouvons nous réjouir de l'explosion du coût des arrêts maladie, à hauteur de 30 % en onze ans. Chacun, dans son entourage et dans les entreprises, constate les dérives. Certes, il faut prendre en charge les affections de longue durée, mais la multiplication des arrêts de travail juste avant ou juste après des congés par exemple intrigue, et pousse à s'interroger sur l'attitude de certains médecins du travail.
Je crois savoir que des travaux sont en cours à ce sujet. Quel est leur état d'avancement ? Quand le Gouvernement sera-t-il prêt à contrôler la réalité des situations ?
Monsieur Rousset, vous m'interrogez sur les dépenses en faveur des ESMS décidées dans le cadre du Ségur de la santé, qui s'ajoutent aux 6,5 milliards d'euros investis dans le cadre du plan national de relance et de résilience et qui sont notamment régies par l'article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Les engagements à la contractualisation suivent le rythme de l'instruction des projets par les ARS et à l'échelon national. Lors de cette instruction, qui vise à sécuriser la pertinence et la soutenabilité de ces choix d'investissements structurants, chaque projet est évalué dans toutes ses dimensions – médicale, soignante, architecturale, financière et territoriale –, ce qui demande du temps. À ce jour, environ 760 millions d'euros ont déjà été notifiés et contractualisés. Sur ce montant, environ 250 millions auront été versés aux établissements fin 2023.
Monsieur Neuder, il y a deux façons de répondre à vos questions sur le Beyfortus, selon que l'on considère le verre à moitié vide ou à moitié plein. Seuls quatre pays au monde ont fait le choix de recourir au Beyfortus. Nous pouvons nous féliciter que la France ait décidé très en amont d'offrir cette possibilité d'immunisation des nourrissons contre la bronchiolite. Le premier chiffrage donnait un taux d'adhésion de 10 %. Il faut rendre à François Braun ce qui appartient à François Braun : il a fait le choix de ne pas s'en tenir là et a fait le pari d'atteindre les 30 %. Or dans certaines maternités, nous en sommes à 80 %.
Il a donc fallu établir des priorités. Nous avons donné la priorité aux nourrissons qui viennent de naître et sont encore en maternité, ce qui fait que les officines ne sont plus approvisionnées. Nous continuons à négocier avec les laboratoires pour obtenir rapidement des doses de 100 milligrammes supplémentaires pour les officines. Je ferai juste remarquer que certains ont beaucoup critiqué une précédente ministre de la santé pour avoir commandé trop de vaccins contre le virus de la grippe H1N1...
Reste qu'il faut se féliciter du succès en matière d'adhésion, avec un taux bien supérieur à ce qui était attendu, et saluer le pouvoir de conviction et le travail mené par les professionnels de santé sur ce mode d'immunisation.
Madame Hugues, l'attractivité des métiers ne relève pas du PLF mais d'une mission interministérielle qui travaille depuis plusieurs années. C'est un enjeu. La fidélisation des professionnels de santé en exercice en est un autre, qui est à mes yeux prioritaire.
Cela suppose des mesures d'attractivité salariale : elles ont été prises dans le cadre du Ségur de la santé, avec la revalorisation des indemnités d'heures de nuit et du dimanche. Cela suppose aussi de redonner du sens à l'exercice professionnel : tel est l'objet de la demande du Président de la République de revenir à l'échelle du service. Cela suppose enfin de dire aux jeunes que les métiers du soin sont porteurs de sens et d'en parler positivement – car il importe, en France, de positiver. Tout n'est pas rose, et l'on sait que les services d'urgences sont sur une ligne de crête, mais nous sommes, dans notre pays, bien pris en charge et bien soignés, grâce à l'engagement des professionnels de santé.
Madame Valentin, votre question portait plus précisément sur la formation aux métiers infirmiers. J'avais eu l'occasion de le dire au début de l'année : 2023 est l'année de ces métiers. Nous avons lancé deux chantiers de façon simultanée, sur la révision des métiers et sur les enjeux de formation, l'un ne se concevant pas sans l'autre.
S'agissant de l'intégration de ces formations dans Parcoursup, l'Igas a remis un rapport qui pousse à réfléchir. Nous lancerons dans les jours à venir une grande consultation nationale sur les enjeux de la formation aux métiers infirmiers sur Agora. Nous travaillons aussi avec les étudiants et les professionnels sur ce sujet.
Vous avez un avis sur le nutri-score. La France a fait le choix de l'adopter. Six pays européens nous ont emboîté le pas. La version révisée de son algorithme de calcul sera mise en application en 2024. Nul ne s'exposerait au ridicule de dire qu'il s'agit du seul moyen de lutte contre l'obésité, mais il s'agit d'une réponse parmi d'autres. Les enjeux de la lutte contre l'obésité dépassent le nutri-score.
Madame Vidal, le transport bariatrique est un sujet qui occupe beaucoup d'acteurs depuis quelques années. Nous progressons. Des travaux ont été engagés pour adapter les modalités de rémunération des transporteurs privés afin qu'ils investissent dans les équipements et la manutention nécessaires à la prise en charge des patients. Un cahier des charges établissant un référentiel technique et organisationnel relatif au transport bariatrique est en cours de concertation avec les représentants des transporteurs sanitaires ainsi que les référents transports et obésité des ARS. Il sera finalisé avant la fin de l'année.
Conformément à l'avenant n° 11 à la convention nationale organisant les rapports entre les transporteurs sanitaires privés et l'assurance maladie, signé en avril 2023, l'assurance maladie a convenu de définir un modèle économique pour le transport bariatrique, visant notamment à conforter l'équilibre économique de cette activité en tenant compte des coûts supplémentaires d'équipement et de main-d'œuvre qu'elle induit.
Les partenaires conventionnels se sont engagés à proposer un modèle tarifaire dès la finalisation par le ministère d'un cahier des charges propres à cette activité. Les discussions sur le volet tarifaire débuteront au premier semestre 2024.
Monsieur Le Gac, l'expérimentation sur la base de l'article 51 que vous évoquez est toujours en cours. S'agissant de la formation des dentistes, il importe de réfléchir à une universitarisation, que nous élaborons avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au Havre, nous avons ainsi reçu et accompagné des étudiants dès la troisième année, alors même qu'il n'y avait pas de faculté d'odontologie – et certains étudiants formés au Havre y sont restés. Pour les dentistes comme pour les autres métiers de la santé et du soin, développer des formations au plus près des territoires est une nécessité.
Monsieur Christophe, la sécurité des professionnels de santé fait partie intégrante de l'attractivité des métiers de la santé. J'aurais aimé ne pas avoir à travailler sur ces enjeux, mais nous sommes dans l'obligation d'apporter une réponse aux professionnels de santé, qu'ils travaillent en établissement de santé ou en médecine de ville.
Le plan que vous évoquez comporte quarante-deux mesures. L'une d'entre elle vise à créer un délit d'outrage aux professionnels de santé libéraux, en s'assurant que toute plainte sera suivie d'effet dès lors qu'elle est jugée recevable. Nous sommes très vigilants également quant à la situation des infirmières qui se déplacent à domicile. Le plan du Gouvernement prévoit de les équiper de systèmes de géolocalisation ou d'alerte. C'est une des choses qui ressort des échanges que j'ai eus avec elles : les infirmières qui se sont fait agresser lors d'une visite à domicile réalisent ensuite que nul ne savait où elles se trouvaient lors de l'agression. S'agissant des professionnels exerçant en établissement de santé, mais aussi en cabinet et en maison de santé, l'enjeu est la réfection bâtimentaire.
Nous prévoyons également le développement de la protection fonctionnelle et l'alourdissement des peines en cas de vol. Un autre enjeu est de développer la formation à la gestion de l'agressivité, celle d'autres soignants parfois, et celle des patients, que le stress, la douleur et l'attente d'une réponse mettent sous pression. Nous lancerons une grande campagne de sensibilisation, sans stigmatiser les patients, qui ne sont pas tous violents mais peuvent le devenir dans certaines circonstances. Il faut faire comprendre que la tolérance zéro est la règle.
Le rapport sur la santé des professionnels de santé commandé à Philippe Denormandie, Alexis Bataille-Hembert et Marine Crest-Guilluy m'a été remis hier. Des avancées sont attendues, tant en médecine de ville qu'en établissement, d'après le questionnaire auquel 50 000 professionnels de santé ont répondu. Je présenterai une feuille de route d'ici la fin de l'année.
Monsieur Bazin, les crédits prévus par le PLF pour l'AME ne s'élèvent pas à 1,7 mais à 1,2 milliard d'euros. Quant au panier de soins, il a été réduit en 2019, conformément à la recommandation de l'Igas. Pour les opérations non urgentes, la demande d'accord préalable est d'ores et déjà la règle.
Selon les préconisations que formuleront MM. Évin et Stefanini, nous prendrons des décisions. En tout état de cause, le Gouvernement n'a pas l'intention de supprimer l'AME. Quant aux contrôles, la cible est fixée à 15,3 %, contre 13 % auparavant : leur montée en puissance est donc bien réelle. Le rattrapage de ce qui n'a pu être fait en raison de la crise du covid est en cours. Contrôler une politique publique est normal.
Monsieur Di Filippo, les arrêts de travail relèvent du PLFSS. Nous prévoyons de limiter le versement des indemnités journalières si l'arrêt de travail est prescrit en téléconsultation et de simplifier les procédures de contrôle, en permettant notamment la suspension automatique des indemnités journalières en cas de constat d'un arrêt de travail injustifié par un médecin contrôleur mandaté par l'employeur. Par ailleurs, des travaux sont menés, dans le cadre de la conférence sociale, sur les conditions de travail, qui ne sont pas sans lien avec l'augmentation du nombre d'arrêts de travail.
Madame la ministre déléguée, au nom des commissaires aux affaires sociales, je vous remercie de vos réponses détaillées.
Je me permets de vous inviter à la vigilance quant à la publication des décrets d'application de la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite « loi Rist ». Il en va de même pour d'autres textes de loi relatifs à la prévention adoptés par le Parlement, notamment la loi pour renforcer la prévention en santé au travail et la loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote.
Soyez assurée de la vigilance du Gouvernement à ce sujet.
La séance est levée à vingt heures.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, M. Thibault Bazin, Mme Fanta Berete, Mme Chantal Bouloux, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Paul-André Colombani, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Philippe Frei, Mme Servane Hugues, Mme Caroline Janvier, M. Philippe Juvin, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Didier Martin, M. Kévin Mauvieux, M. Yannick Neuder, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – M. Elie Califer, Mme Caroline Fiat, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo, M. Thierry Frappé, Mme Véronique Louwagie