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Intervention de Sandrine Rousseau

Réunion du mardi 10 octobre 2023 à 18h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Rousseau :

Nous voilà réunis pour aborder une longue période de discussion budgétaire autour des questions de santé, avec le PLF aujourd'hui, puis le PLFSS dans quelques jours. Dressons ce premier constat : les 49.3 annoncés nous confisquent un débat démocratique pourtant indispensable. Le passage en force concernant la loi de programmation des finances publiques n'est pas anodin, car ce texte impose une véritable trajectoire d'austérité au cours des prochaines années. En entérinant un cantonnement des dépenses de santé en deçà de 22 % du PIB jusqu'en 2027, il limite grandement nos marges de manœuvre budgétaires. Surtout, il empêche d'envisager un projet de loi d'investissement dans le système de soins et d'accompagnement à la hauteur des enjeux, notamment du vieillissement.

Cette logique de dépenses contraintes couplée à un refus total d'augmentation des recettes est délétère pour notre système de soins, à court mais aussi à moyen terme. À très court terme, elle ne permet pas d'atténuer les crises de financement auquel est confronté notre système de santé. Les fédérations hospitalières, en grande difficulté, dénoncent par exemple l'insuffisance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie au regard de l'inflation. Des financements d'urgence sont nécessaires dans certains territoires – où, d'ailleurs, les urgences ferment. À moyen terme, cette logique d'austérité budgétaire empêche tout développement de politiques publiques ambitieuses. Pourtant, les défis en matière de santé sont nombreux : lutte contre les déserts médicaux, revalorisation des carrières des personnels soignants, politiques de prévention ambitieuses. Ce budget est conçu indépendamment ou presque de l'évolution des besoins, comme l'indiquent d'ailleurs les experts auteurs du rapport « Vive les services publics ».

L'OMS nous rappelle que les facteurs environnementaux sont responsables de près de 20 % de la mortalité en Europe. Ils contribuent au développement des maladies chroniques. Investir dans une politique de prévention en santé environnementale, c'est penser l'accompagnement des bouleversements environnementaux et réduire à terme le coût social et sanitaire de facteurs comme le bruit, la pollution de l'air, la malbouffe ou le mal-logement, dont le coût annuel est estimé, respectivement, à 155 milliards, 70 à 100 milliards, 50 milliards et 30 milliards d'euros. Et que dire du milliard et demi affecté à la lutte contre l'antibiorésistance ? Ce sont des sources d'économies qui nous permettent de nous orienter vers la pleine santé.

Les investissements actuels sont insuffisants, et les inégalités sanitaires recoupent les inégalités sociales et environnementales. Résultat, les urgences ferment dans certains territoires, les personnes les plus précaires ont trois fois plus de risques de renoncer aux soins que les autres, les personnes les plus pauvres sont celles qui dépensent relativement plus pour leur santé, l'AME est menacée par certains groupes, les femmes sont moins bien soignées que les hommes pour certaines pathologies – de ce point de vue, votre proposition sur le papillomavirus est une avancée, même si elle reste insuffisante. Au total, les 10 % les plus pauvres ont 1,4 fois plus de risques de développer une maladie cardiovasculaire et trois fois plus de risques de contracter un diabète que les 10 % les plus riches, ce qui entraîne d'importantes d'inégalités d'espérance de vie : l'écart à la naissance entre les 5 % des hommes les plus aisés et les 5 % des hommes les plus pauvres est de treize ans.

Quand sortirez-vous d'un diktat budgétaire qui met notre système en tension pour nous permettre de construire collectivement un système de santé à la hauteur des enjeux auxquels fait face la société ?

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