Je regrette que le Gouvernement recoure probablement de nouveau à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution pour ce PLF, ce qui nous privera de l'examen en séance publique des crédits de la mission Santé. Au-delà du déni de démocratie évident que cela constitue, vos manœuvres perturbent le bon déroulement de nos travaux parlementaires. Ainsi, nous ne pourrons discuter en détail que début novembre des travaux que j'ai conduits depuis plusieurs mois en tant que rapporteur de cette mission.
Le périmètre de la mission Santé peut sembler restreint : « seulement » près de 2,3 milliards d'euros. Ce montant, limité au regard du budget de l'État et, a fortiori, de la protection sociale, ne doit toutefois pas nous induire en erreur : la mission Santé est essentielle et riche d'enjeux fondamentaux pour notre pays.
Elle comprend en effet le programme 183, qui intègre pour une large part l'aide médicale de l'État. J'entends déjà mes collègues, à droite et à l'extrême droite, critiquer ce dispositif, le remettre en cause, demander sa suppression, ou travestir cette demande en proposition de transformation. Ils déplorent une supposée hausse des bénéficiaires alors que la dépense, cette année, est constante, à près de 1,2 milliard d'euros, et que, comme en attestait un rapport de 2019, seules 51 % des personnes qui y sont éligibles en bénéficient.
Cette prestation nous honore et nous devons évidemment la préserver. Outre qu'elle incarne le principe de fraternité qui fonde notre contrat social et notre République, l'AME est une mesure de bon sens et de santé publique : personne n'a intérêt à laisser des populations sans soins et je ne comprends même pas que, après la crise sanitaire, d'aucuns doutent encore que la santé soit notre bien commun.
Je m'inquiète donc de la mission visant à évaluer l'AME qu'a annoncée la Première ministre ce dimanche. Jouez cartes sur table ! Quelles « pistes de transformation » le Gouvernement a-t-il en tête ?
Nous devons nous diriger vers une protection maladie réellement universelle. Depuis plusieurs années, de nombreuses autorités, dont l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ou le Défenseur des droits, recommandent d'inclure l'AME dans le régime général de la sécurité sociale afin de réduire les inégalités de santé à la source et de faciliter l'accès aux droits pour les personnes les plus fragiles. Madame la ministre, seriez-vous favorable à cette mesure ?
Le budget du programme 204 par ailleurs apparaît en légère hausse, mais il s'agit en réalité d'une baisse dès lors que l'on prend en compte l'inflation.
Cette mission recouvre des ambitions et des mesures éparses. N'y figure aucun moyen véritable pour une politique publique digne de ce nom en faveur de la santé et du bien-être.
J'ai travaillé sur les nouveaux indicateurs et les nouvelles approches pour remettre la santé et le bien-être au cœur des politiques socio-environnementales et budgétaires. J'ai pour cela entendu des statisticiens, des chercheurs, des représentants des administrations centrales ou des institutions internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économiques et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le constat est sans appel : la prévention et la santé doivent être placées au cœur de toutes nos politiques publiques. De nouveaux indicateurs sont nécessaires, alors que le Gouvernement n'a pas fait vivre ceux que le législateur avait institués par la « loi Sas » de 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques. De nouvelles approches, comme le concept de One Health ou l'idée de « pleine santé » développée par l'économiste Éloi Laurent, sont les vecteurs d'un renouveau démocratique.
La santé n'est pas une mission du budget ni une stratégie : elle doit être l'élément cardinal qui guide toutes nos décisions. Partagez-vous cette vision et, si oui, comment entendez-vous réellement l'incarner ?
Il est temps de faire entrer notre État dans une véritable ère de la santé et du bien-être en le dotant d'indicateurs et en adoptant des approches qui mettent réellement ces sujets au cœur des politiques socio-environnementales et budgétaires. J'en appelle à votre engagement pour en débattre et pour accomplir ce projet.