La réunion

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La séance est ouverte à dix heures vingt-cinq.

La commission auditionne Mme Béatrice Barbusse, auteure du livre Du sexisme dans le sport.

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Madame Béatrice Barbusse, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendue disponible rapidement pour répondre à nos questions en visioconférence. Nous avons entamé ce matin les travaux de notre commission d'enquête sur l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif.

Vous le savez, à la suite de très nombreuses révélations de sportifs et de divers scandales judiciaires, l'Assemblée nationale a choisi de créer cette commission d'enquête dont les travaux vont se décliner autour de trois axes :

- l'identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ;

- l'identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ;

- l'identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d'une délégation de service public.

Nous avons souhaité vous auditionner pour connaître votre perception sur ces trois thématiques, et plus particulièrement sur l'évolution du sexisme dans le sport, compte tenu de votre implication sur ce sujet au regard de votre expérience d'ancienne sportive professionnelle, de première femme présidente d'un club sportif professionnel, d'ancienne directrice du Centre national de développement du sport, devenu l'Agence nationale du sport, et de vos diverses responsabilités au sein de la Fédération française de handball.

Dans un premier temps, nous souhaiterions que vous puissiez nous exposer brièvement le bilan que vous tirez de la progression de la place des femmes dans le sport français depuis la première édition de votre ouvrage intitulé Du sexisme dans le sport en 2016. Dans un second temps, la rapporteure, mes collègues et moi-même aurons des questions relatives à la lutte contre les violences et les discriminations dans le sport notamment.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Avant de vous laisser la parole et d'entamer nos échanges pendant environ une heure, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. », après avoir activé votre micro.

(Mme Béatrice Barbusse prête serment).

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Béatrice Barbusse, auteure

J'ai réactualisé l'année dernière les données qui avaient servi pour mon livre en 2016. Sur certains points, la situation s'est objectivement améliorée : la place des femmes dans le sport s'est améliorée depuis quelques années, surtout sur le plan du nombre, grâce notamment à la loi du 4 août 2014 pourl'égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont un volet concernait le sport.

La chercheuse en sociologie, Mme Annabelle Caprais, a rédigé une thèse sur les effets produits par la loi de 2014 et a constaté qu'il y a en effet plus de femmes au sein des instances de gouvernance des fédérations sportives. La loi imposait 40 % de femmes au moins lorsqu'il y a 25 % de licenciées au sein des fédérations. Toutes les fédérations n'ont pas nécessairement joué le jeu, mais un saut quantitatif est intervenu : on a aujourd'hui dépassé le seuil des 34 % au sein des conseils d'administration des fédérations.

Cependant, certaines fédérations ont mis en place des stratégies de contournement : elles respectent le taux de 40 % de femmes au sein de leur conseil fédéral, mais elles ont transféré le pouvoir de décision mensuel à d'autres instances de direction qui n'ont pas été nommées dans la loi. Il s'agit là d'un problème important : quand la loi établit des quotas au sein des instances de décision, elle précise rarement les organes de décision concernés. Mme Annabelle Caprais cite dans son travail les fédérations qui ont précisément mis en place de telles stratégies de contournement.

La loi du 2 mars 2022 a introduit le fameux taux de 50 % de femmes au sein des conseils d'administration et des organes de décision des fédérations, du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et des ligues professionnelles. Le CNOSF, qui représente le mouvement sportif, est monté au créneau afin que cette décision ne soit pas mise en place, car certaines fédérations n'étaient pas prêtes, puisqu'elles ne s'étaient pas préparées depuis 2015. C'est la raison pour laquelle la loi a reculé la date de 2024 à 2028 pour les instances régionales et le CNOSF a mis en place le fameux programme de « 300 femmes dirigeantes », en partenariat avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (COJOP). Je ne suis pas certaine qu'il faille obligatoirement former 300 femmes. Lorsque les hommes arrivent au pouvoir au sein des instances de décision sportive, personne ne considère qu'ils ont besoin d'être formés.

Ensuite, les femmes sont bien présentes mais souvent invisibles dans le milieu sportif. Quand je suis devenue présidente du club de l'US Ivry Handball, il y avait une bénévole « d'exécution » qui tenait la buvette. En parlant avec elle, je me suis aperçue qu'elle dirigeait un restaurant dont elle était propriétaire, qu'elle parlait couramment anglais pour avoir été professeure et qu'elle était en plus comptable. Je l'ai nommée vice-présidente. Les femmes sont bien présentes mais on ne les voit pas, on passe à côté d'elles sans jamais discuter d'elles, comme si les affaires sportives ne les intéressaient pas et qu'elles n'y connaissaient rien.

En résumé, du chemin a été parcouru sur le plan numérique, mais la route est encore longue. La preuve en est, le véritable front d'opposition de mars 2022 en faveur du report des 50 %, particulièrement dans certaines fédérations, mais aussi du report de la limitation du nombre de mandats de deux à trois. En effet, la plupart des fédérations ne se sont pas préparées à faire de la place aux femmes au sein de leur gouvernance sportive.

Sous bien d'autres aspects, la situation a très peu évolué. Je pense notamment à la médiatisation du sport féminin. Les derniers rapports de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sont assez éloquents à ce sujet. Le premier indique que le sport féminin représente moins de 5 % du sport télévisé. La ministre elle-même a reconnu que cette situation était inacceptable dans un pays comme la France. Le deuxième rapport s'est intéressé à la coupe du monde de football féminine et au Tour de France féminin. Ils ont mesuré l'intérêt des Français à la médiatisation du sport féminin et il apparaît qu'une majorité de Français, y compris les plus jeunes, ont déjà regardé du sport féminin et sont intéressés à le suivre, à condition qu'il soit médiatisé.

J'imagine que vous avez suivi les débats qui ont eu lieu ces derniers mois concernant la retransmission de la coupe du monde féminine de football, à laquelle participe notre équipe de France. Le sujet de la médiatisation est essentiel, car cette visibilité permet au sport féminin d'attirer des sponsors et donc engendrer des retours sur investissement pour les entreprises qui s'impliquent, et de structurer davantage le sport de haut niveau mais aussi la base. Surtout, cela permet à des petites filles et des jeunes femmes de s'identifier à ces sportives de haut niveau, qui leur donnent envie de pratiquer du sport. Cela leur montre que l'accessibilité à tous les sports est envisageable.

La médiatisation est ainsi loin d'être anodine, car il s'agit du nerf de la guerre en matière financière. Malheureusement, la ministre est encore obligée d'intervenir à ce sujet. Les droits de télévision liés au sport féminin sont sans commune mesure avec ceux du sport masculin, qui a cinquante ans, voire un siècle d'avance. Plus généralement, il existe une véritable dette d'opportunité du sport masculin à l'égard du sport féminin. Le sport masculin a pu profiter pendant quasiment un siècle d'un monopole de visibilité et a pu attirer des sources de financement qui sont prises aujourd'hui et ne vont pas vers le sport féminin.

S'agissant encore une fois de l'aspect numérique, il faut également aller au-delà des fonctions de dirigeantes, pour observer la représentation des femmes chez les arbitres ou entraîneuses. À ce titre, certains disent « entraîneures », mais je préfère employer celui « d'entraîneuses » car il est plus sonore. Or les petites filles ont besoin d'entendre qu'elles peuvent aussi devenir entraîneuses. De plus, le terme « entraîneuses » n'est pas connoté négativement chez les plus jeunes. Pendant cinq ans d'affilée, j'ai demandé à mes étudiants, soit environ 200 à 300 personnes de 22 à 23 ans, ce qu'ils entendaient par « entraîneuse » et ils m'ont tous répondu qu'il s'agit d'une femme entraînant des sportifs.

Plus on monte vers le haut niveau, plus le nombre de femmes qui entraînent diminue. Et quand celles-ci entraînent, comme vous pouvez vous en doutez, il s'agit de filles ou d'équipes féminines : il est très rare qu'elles entraînent des hommes. Lorsque c'est le cas, ce n'est généralement pas au plus haut niveau, en France. Une des rares exceptions est constituée par l'exemple de Mme Corinne Diacre, qui avait entraîné l'équipe de Clermont Foot en Ligue 2.

Dans ce domaine, nous sommes confrontés à quelque chose de plus puissant qu'un simple plafond de verre. En réalité, deux phénomènes se cumulent. Le premier phénomène est le suivant : dans toutes les sphères de l'activité humaine, on constate que plus l'activité est technique, moins on trouve de femmes. Le cas des matières scientifiques est aujourd'hui bien documenté. Or il s'avère que le métier d'entraîneur est souvent associé à sa composante technique, alors qu'aujourd'hui, l'aspect managérial et humain prend une part très importante.

Ensuite, plus on s'approche du haut niveau et du pouvoir de décision, moins on trouve de femmes. Enfin, dans le domaine sportif, plus on se rapproche du terrain et de la production de la performance, qui est sacralisée dans le sport, plus le nombre de femmes diminue. En résumé, ces trois effets cumulés conduisent à recenser très peu de femmes dans des postes d'entraîneurs. De manière générale, on dénombre environ 25 % de femmes entraîneuses aujourd'hui.

Le même phénomène se retrouve également dans le domaine de l'arbitrage. En outre, les arbitres féminines subissent encore plus que les femmes qui entraînent des insultes sexistes, de manière assez courante. En tant que vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball (FFH), j'ai reçu au mois de juin deux signalements de la part d'arbitres femmes qui ont été insultées de manière sexiste par le coach adverse, par les spectateurs, ou par les joueurs. Ce problème est particulièrement pesant : quand elles arrivent pour exercer leur rôle de juge, elles sont bien souvent accueillies avec mépris. Elles font ainsi l'objet de remarques profondément blessantes. La répétition de ces épisodes finit par écorner fortement l'estime de soi.

Enfin, il faut mentionner les joueuses. En France, environ 37 % de femmes sont licenciées. D'un point de vue sociologique, la pratique sportive évolue beaucoup plus vite en dehors des fédérations qu'au sein des clubs fédérés. En effet, en dehors des fédérations, les femmes sont libres de pratiquer la discipline sportive de leur choix aux horaires qui leur conviennent. De plus, un grand nombre d'évènements sportifs sont organisés exclusivement pour les femmes. Je pense par exemple à des courses comme Odysséa ou La Parisienne, qui ont su créer des environnements sécurisants pour les femmes.

En effet, j'entends souvent dire « Il faut oser », « Allez les femmes, osez », « Pourquoi n'allez-vous pas dans le sport ? » Mais il faut avoir une sacrée force de caractère, une certaine santé mentale et physique pour le faire, car il ne s'agit pas d'un milieu sécurisant pour les femmes. Toutes les semaines, nous avons affaire ainsi à des remarques, des actions et décisions plus ou moins sexistes, ce qui suppose d'être toujours vigilantes. Mais au bout d'un moment, cette situation suscite de la fatigue.

Je comprends donc que certaines femmes préfèrent abandonner, mais je comprends aussi que certaines femmes qui n'ont pas ces ressources culturelles, sociales, mentales ou physiques ne veulent pas venir dans cet univers, qui est quand même extrêmement dur. J'en ai fait et j'en fais toujours l'expérience, avec mes amies. Heureusement, depuis que la loi a été votée et qu'il y a plus de dirigeantes qu'auparavant, nous avons su créer des réseaux et des liens informels entre nous, sportives, arbitres, entraîneuses et dirigeantes. Ces liens nous permettent de nous soutenir mutuellement quand nous sommes confrontées à des actes sexistes qui font profondément mal, surtout lorsqu'ils se répètent régulièrement.

Je ne vous citerai pas de noms, mais toutes les semaines, une sportive, une entraîneuse ou une dirigeante m'envoie un sms ou m'appelle pour signaler un fait ou tout simplement parler. J'aimerais que tout le monde comprenne qu'il n'est pas facile de prendre la parole pour signaler un comportement ou dénoncer le caractère inégalitaire d'une décision : vous finissez par passer, comme c'est hélas mon cas, pour une féministe enragée, extrémiste et radicale, pour ne pas dire un gros mot.

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Je tiens à vous dire que dans le cadre de cette commission d'enquête, vous pouvez vous exprimer librement et citer des noms. Vous pouvez également nous proposer des noms de femmes à auditionner, notamment celles qui se plaignent ou vous rapportent des témoignages insupportables. Nous sommes là pour vous écouter, les hommes comme les femmes, en totale transparence.

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Béatrice Barbusse, auteure

Je vous enverrai une série de noms par courrier électronique. Vous verrez qu'elles sont nombreuses. Les évènements qui se sont déroulés au CNOSF ces derniers mois ont révélé des attitudes anormales. Il serait bien que vous auditionniez certaines femmes, dont Mme Brigitte Henriques. Par ailleurs, il n'est pas toujours facile de s'exprimer publiquement, car vous courez le risque d'être marginalisée, voire exclue de fait. Or nous ne le voulons pas, tant le milieu sportif nous tient à cœur ; nous avons envie de le faire évoluer de l'intérieur.

Je peux d'ailleurs vous relater une anecdote me concernant. Il y a quelques mois, le président d'une fédération est venu voir le président de la FFH en lui disant « Tu peux dire à ta vice-présidente Béatrice Barbusse de se calmer, parce que sinon, ça ne va pas aller. » Mon cas personnel a été ainsi mis à l'ordre du jour d'un bureau directeur d'une grande fédération française parce que j'avais posté un tweet qui n'avait pas plu à cette fédération, alors qu'il ne s'agissait que d'une défense tout à fait légitime de la cause des femmes. Malheureusement, je pourrai vous citer de très nombreux exemples de ce type, que j'évoque dans la deuxième version de mon livre.

D'un point de vue qualitatif, la situation n'a pas beaucoup évolué dans le bon sens. Pendant six mois, de janvier à juillet 2021, j'ai mesuré les temps de parole des femmes et des hommes lors des réunions auxquelles j'assistais, au sein de ma fédération ou du CNOSF notamment. Les résultats sont implacables : quel que soit le nombre de femmes relatif et absolu au sein d'une réunion, la parole est prise à 75 % par les hommes.

Pendant cette période-là, j'ai assisté à une réunion du CNOSF. Il s'agissait d'un groupe de travail sur les sports féminins collectifs professionnels, pour essayer de les faire émerger un peu plus. Tous les sports collectifs féminins s'étaient ainsi associés. Ce jour-là, il y avait huit participants à la réunion, dont six femmes et deux hommes. Ces deux hommes, qui présidaient la réunion, l'ont ouverte en disant : « Il va falloir faire attention à ce que l'on dit, parce que nous sommes en minorité aujourd'hui. » Je n'ai pas émis de commentaire mais il ne me viendrait jamais à l'esprit d'entamer une réunion en tenant les mêmes propos inversés. À l'issue de cette réunion au cours de laquelle j'avais mesuré les temps de parole, j'ai dit aux deux représentants masculins qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter : bien que minoritaires, ils avaient parlé pendant une heure, alors que les femmes n'avaient pris la parole que pendant quinze minutes.

Beaucoup de progrès demeurent donc à réaliser, sans parler des attitudes et des comportements à l'égard des femmes au sein du milieu sportif, qui est souvent très paternaliste. Il peut s'agir de gestes anodins dont certains diront peut-être qu'il s'agit de détails. Mais au bout d'un moment, ces détails font mal. Je pense par exemple à un président de fédération qui vient vous voir et vous prend la tête de manière paternaliste pour vous dire « Alors, comment vas-tu aujourd'hui ? » À chaque fois, j'ai envie de leur dire que je ne suis ni leur mère, ni leur femme, ni leur copine, ni leur sœur. Je ne me permettrais pas de demander à un président de fédération comment il va en lui caressant les cheveux.

Dans le même registre, une autre anecdote mérite d'être mentionnée. Au sein de ma fédération, tous les hommes sont habillés par Eden Park, sans aucun souci. Mais nous les femmes, en dix ans, nous n'avons pas réussi à avoir une tenue qui nous aille. Cet équipementier nous fournit en effet des costumes taillés pour les hommes. Nous avons fini par abandonner et nous nous habillons comme nous voulons désormais.

Ces exemples montrent que nous devons être en veille permanente, pour être sûres de ne pas être oubliées. Je pense vous avoir dressé un résumé le plus exhaustif possible, même si j'ai certainement oublié des éléments.

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Je vous remercie pour vos propos liminaires, qui confortent l'image que nous avions déjà. Nous avons le sentiment que le sport est éclaboussé par différentes affaires, qu'elles concernent les finances, les violences sexistes et sexuelles, les discriminations. Mais malgré la multiplication des affaires médiatiques, le problème de l'omerta revient fréquemment et donne le sentiment que l'on ne peut pas vraiment s'exprimer, au risque d'être marginalisé au sein des fédérations, comme vous l'avez déjà souligné.

La Fédération française de handball n'a pas été épargnée par certaines affaires. Je pense notamment à l'affaire de pédopornographie impliquant M. Bruno Martini, mais également certains signalements concernant des harcèlements. En tant que vice-présidente déléguée, pouvez-vous nous dire quelles mesures ont été mises en place ? Comment favorisez-vous la libération de la parole ? Quelle formation assurez-vous pour les encadrants ? Quelle « boîte à outils » avez-vous promue pour les clubs ? En tant que dirigeants de cette fédération, que faites-vous pour répondre à ces problématiques et quel bilan en tirez-vous aujourd'hui ?

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Béatrice Barbusse, auteure

À la Fédération française de handball, j'espère qu'il y a de moins en moins d'omerta sur ces questions. Quelques indicateurs tendent à montrer que l'on arrive à bousculer les choses. L'affaire Martini concerne la Ligue nationale de handball (LNH), même s'il était licencié fédéral. Je rappelle que M. Bruno Martini a l'un des plus beaux palmarès du handball français, au sein duquel il était extrêmement important.

Nous n'avons pas traîné : cette affaire a été traitée en une journée. Nous avons appris la nouvelle à 7 heures du matin à la radio et il nous a fallu une à deux heures pour reprendre nos esprits. C'est toujours compliqué quand vous connaissez quelqu'un très bien, qu'il est devenu pour certaines et certains un ami en lequel vous avez entièrement confiance. Je n'avais jamais entendu quelqu'un dire du mal de M. Bruno Martini au préalable, il m'a même soutenu quand j'étais présidente de l'US Ivry.

Il faut un moment pour digérer ce genre de nouvelles. Tout le monde a été éclaboussé, d'une manière ou d'une autre, du moins sur le plan affectif. Nous avons fait en sorte que les choses soient réglées le plus rapidement possible, sans états d'âme. Avec le président et en lien avec la LNH, nous avons fait en sorte qu'il démissionne dans la journée, ce qu'il a fait d'ailleurs sans poser de problème. Nous avons convoqué immédiatement un bureau directeur pour saisir la commission de discipline, qui, on l'espère, radiera à vie M. Bruno Martini de notre fédération. En effet, nos statuts nous permettent de prononcer des sanctions à vie, ce qui a déjà été le cas pour quatre ou cinq personnes.

Comment sommes-nous parvenus à casser cette omerta qui existait aussi dans notre fédération ? J'ai moi-même vécu cette omerta, que j'ai combattue de l'intérieur avec d'autres femmes et le président actuel. Le livre de Mme Sarah Abitbol nous a aidés, de même que la première convention mise en place par l'ancienne ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu. Quand le contexte social fait pression pour que des affaires de violences sexuelles éclatent au grand jour, nous sommes aidés. Je tiens d'ailleurs à remercier les médias à ce sujet car ils ont contribué à casser l'omerta, notamment au sein de ma fédération.

Nous avons traité une affaire en 2018-2019, différente de celle de M. Bruno Martini, qui dérangeait un certain nombre de personnes. Il s'avère que j'avais joué au handball avec la mère d'un des enfants qui avait été victime de violences sexuelles. Une fois que nous avons été élus avec M. Philippe Bana, nous avons mis en place ce que nous souhaitions. Il s'agit notamment d'une cellule de signalement composée aujourd'hui de quatre personnes, dont deux juristes, une secrétaire et une personne membre de la direction technique nationale, qui avait auparavant traité de dossiers de violences sexuelles au sein d'une délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes). Cette cellule sera d'ailleurs élargie. Ces quatre personnes ont été formées au traitement des violences sexuelles par l'association Colosse aux pieds d'argile.

Par ailleurs, nous avons décidé que toutes les questions de violences sexuelles seraient traitées par la commission nationale, donc fédérale, de discipline et non par les commissions territoriales. En effet, nous ne savons que trop bien que les proximités affinitaires au niveau local empêchent parfois certains de parler. Tous les membres de la commission de discipline fédérale ont également été formés par Colosse aux pieds d'argile. Nous avons en outre mis en place deux grandes campagnes de communication pour lutter contre toutes les formes de violences (violences sexuelles, discriminations raciales, homophobie, cyber harcèlement) en nous appuyant sur les internationaux et les internationales qui ont tout de suite accepté de jouer le jeu.

Nous avons aussi établi une plateforme, que le ministère a également reprise après nous. Elle servira à signaler, de manière anonyme ou non, toute forme de violence. Nous communiquons beaucoup auprès des ligues et des comités pour que cette information redescende auprès des clubs. Enfin, nous avons mis en place sur tous les territoires une vingtaine de référents intégrité, également formés. Un séminaire est en outre organisé chaque année, le premier ayant eu lieu l'année dernière. Pendant deux jours, en présentiel et avec nos partenaires, nous continuons la formation, partageons les bonnes pratiques et les problématiques. Il faut également soulager les personnes qui gèrent les dossiers et ces séminaires permettent d'échanger.

Telles sont les actions que nous avons mises en œuvre. Le nombre de signalements concernant les violences sexuelles commence à diminuer. À 95 %, les mis en cause sont des hommes, à 80 % les victimes sont des femmes et 50 % des victimes sont mineures, autant de filles que de garçons. La FFH est par ailleurs consciente que son point faible porte sur les bizutages, qui sont encore présents malgré les campagnes menées.

Il nous reste maintenant à établir des modules obligatoires pour tous les cadres techniques, entraîneurs et dirigeants qui suivent une formation. En compagnie de Mme Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue nationale de handball et de Mme Sylvie Pascal-Lagarrigue, directrice technique nationale adjointe, nous nous sommes particulièrement impliquées dans ces questions. Nous nous sommes aperçues que le contenu de la formation était très insuffisant. J'en ai d'ailleurs informé la ministre : la formation en soi ne suffit pas, tout dépend du contenu de la formation et des formateurs. Ce dossier m'occupera tout particulièrement à la rentrée.

Nous avons préparé la « demande politique » de ce que l'on souhaiterait voir figurer dans ces formations. Celles-ci doivent par exemple comporter un volet spécifique sur la physiologie féminine pour tous les entraîneurs : on n'entraîne pas de la même manière les femmes que les hommes. Par exemple, on ne leur fait pas faire les mêmes exercices abdominaux si on ne veut pas qu'elles aient des problèmes à la quarantaine ou à la cinquantaine.

Ensuite, le deuxième volet concerne la lutte contre le sexisme. En la matière, je me suis appuyée sur une thèse qui a été réalisée il y a peu par une sociologue. Celle-ci comporte notamment des verbatims sur le handball. Quand je lis les propos de certains présidents, joueurs et joueuses, entraîneurs et entraîneuses, je me dis que le handball doit encore beaucoup progresser pour lutter contre le sexisme de manière qualitative. À la rentrée, je vais chercher à mettre en place un partenariat pour ces formations courtes, afin que le contenu corresponde à la demande.

Des indicateurs nous permettent de dire que la parole est en train de se libérer à la FFH et la LNH. Désormais, l'écoute doit être libérée chez nous : nous sensibilisons les présidents de ligues et de comités (90 % d'hommes). Il y a à peu près un mois, un président de ligue m'a appelé, paniqué, un lundi matin car un de ses formateurs envoyait des messages à connotation sexuelle à une jeune qu'il était en train de former. Pourtant, nous répétons depuis trois ans ce qu'il faut faire, nous envoyons des communications écrites et le site de la fédération traite également de ce sujet.

Les dossiers de signalement sont tous traités de manière anonyme : seules les personnes de la cellule connaissent les noms, les prénoms, les régions où ont lieu ces affaires. Moi-même, je ne suis pas au courant, sauf cas exceptionnel. Il m'est arrivé par exemple de recevoir ou de converser avec des femmes qui ont été victimes de violences sexuelles. En tant que sociologue, je sais mener ce type d'entretiens. Il m'arrive de recevoir leur parole, parce que cela importe. Nous devons d'ailleurs progresser en la matière, dans notre plan de RSE. Nous avons érigé en priorité le suivi des victimes. De fait, les fédérations sont complètement nulles sur cet aspect-là. Nous nous sommes dit que nous devions rappeler les victimes après le signalement des faits, pour prendre de leurs nouvelles, ce qui n'était pas fait chez nous.

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Vous avez évoqué la cellule de signalement mise en place par le ministère. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires ?

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Béatrice Barbusse, auteure

Non, je n'ai parlé que de la cellule de la fédération.

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Les dispositifs mis en place par le ministère, notamment la cellule de signalement des violences et le contrôle d'honorabilité des encadrants sportifs, fonctionnent-ils bien ? Des mesures complémentaires sont-elles à vos yeux nécessaires ?

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Béatrice Barbusse, auteure

Je pense que cette cellule fonctionne aujourd'hui très bien, ce qui n'était pas forcément le cas initialement. La collaboration entre notre cellule de signalement et celle du ministère est parfaite : elles travaillent en toute transparence.

Je fais partie du comité pour l'éthique et la vie démocratique du sport présidé par Mme Marie-George Buffet et M. Stéphane Diagana. Personnellement, je pense qu'il faut établir une commission indépendante du milieu sportif. Aujourd'hui, dans le milieu sportif, comme dans tous les environnements, il y a trop de proximités affinitaires entre les individus. Un entre-soi masculin ultra dominant empêche la parole de se libérer dans la quasi-majorité de toutes les fédérations, consciemment ou inconsciemment.

À la FFH, il nous semble que la situation s'améliore, parce que nous sommes plus de 33 % de femmes dirigeantes, à des postes stratégiquement importants. Nous n'avons pas notre langue dans notre poche, les gens savent qu'ils peuvent parler et qu'il ne leur arrivera rien. Il est donc bien nécessaire de mettre en place un climat de confiance et je ne pensais pas que cela prendrait si longtemps. Chez nous, cela a pris des années.

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Vous avez évoqué l'entre-soi, qui fragilise la liberté de parole. Je pense que la barrière est mince en réalité entre limiter la libération de la parole et couvrir des agissements quand on en a connaissance. Quel est votre regard à ce sujet ?

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Béatrice Barbusse, auteure

La limite est effectivement mince, le fait de couvrir les agissements va à contre-courant de la libération de la parole. Vous devez aussi tenir compte de l'existence d'un décalage entre ce que l'on exprime et ce que l'on fait. Aujourd'hui, au sein du milieu sportif, tout le monde soutiendra que tout est fait pour lutter les violences sexuelles et les discriminations, de genre, raciales ou homophobes. Mais dans les comportements, ce ne se vérifie pas toujours. Ce décalage est souvent dû à des mécanismes inconscients. Quand nous avons commencé à vouloir traiter des dossiers signalés de violences sexuelles, j'ai été obligée d'être mise au courant. En effet, nous sentions bien que certains présidents ou présidentes de club ou de ligue ne voulaient pas ébruiter les affaires, pour ne pas créer de scandale. Il faut expliquer aux gens qu'au contraire, ce sont les clubs, les ligues, les comités et les fédérations qui ne disent rien qui sont suspects. Il ne faut pas avoir peur.

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Des actions ont-elles été menées, des sanctions ont-elles été prononcées contre ces présidents de ligue qui ne disaient rien ? Ne pensez-vous pas que des mesures devraient sanctionner ces personnes qui n'ont pas agi ?

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Béatrice Barbusse, auteure

Les sanctions, jusqu'aux plus fortes, doivent bien sûr exister.

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Béatrice Barbusse, auteure

Cela dépend des fédérations. Chez nous, des radiations à vie sont intervenues, comme dans d'autres fédérations malgré tout. Parfois, les règlements ne le prévoient pas : par exemple, il me semble me souvenir que la fédération française de judo ne peut pas radier plus de trois ans. En effet, cette fédération avait pris une mesure de ce type contre une personne qui avait finalement été innocentée après procès. Elle avait ensuite porté plainte contre la fédération.

Il faut éclaircir les liens entre les procédures administratives, les procédures judiciaires et les procédures disciplinaires. À la FFH, nous sommes conscients que nous prenons des risques lorsque nous édictons une sanction, en tant que fédération. En notre âme et conscience, nous avons fait le choix de prendre ces risques et nous les assumerons même si un jour quelqu'un se retourne contre nous. En effet, la priorité porte sur la protection des licenciés. Malheureusement, un certain nombre de dirigeants l'ont oublié. Certaines fédérations craignent que les personnes se retournent contre elles, de même que la vox populi, dont la puissance est décuplée par les réseaux sociaux.

Lorsque les preuves sont indéniables, il n'y a pas de problème, mais de fait, dans ce genre d'affaires, c'est souvent « parole contre parole ». Dans ce dernier cas, prendre des sanctions dures comme des radiations à vie peut être difficile pour une fédération qui n'y est pas habituée.

Aujourd'hui, dans le milieu sportif, tout doit être transformé : les fédérations doivent rentrer dans le XXIème siècle. Car il ne s'agit pas uniquement de violences sexuelles, mais aussi de violences morales. Je pense notamment aux jeunes sportifs qui subissent des maltraitances morales, par exemple lors des entraînements. J'ai arrêté ma carrière d'handballeuse de haut niveau à 30 ans, car je n'en pouvais plus de la manière dont on me hurlait dessus, dont on me rabaissait en tant que femme. En effet, il y avait une trop grande différence entre les études que je suivais à Normale Sup et ce que je vivais sur le terrain.

Le milieu sportif doit effectuer une véritable révolution culturelle, sur tous les sujets que vous avez abordés. Je suis très contente que les commissions parlementaires s'occupent de plus en plus du sport. En effet, nous en sommes aussi là parce que, hier comme aujourd'hui, les gouvernants que vous êtes ont oublié de s'intéresser au milieu sportif. Je fréquente ce milieu depuis les années soixante-dix et pendant très longtemps, ce milieu faisait ce qu'il voulait, dans des espaces de non-droit.

Pendant longtemps, il n'y avait pas de convention collective – elle n'a été créée qu'en 2006 – parce qu'un ministre du travail l'a demandée. Pendant longtemps, les sportifs ont été payés en liquide, sans fiche de paie. C'est encore parfois le cas chez les filles. Pendant longtemps, personne ne s'est intéressé à nous, le milieu sportif a fait ce qu'il voulait et les présidents ont pris de très mauvaises habitudes.

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Vous dites que le fonctionnement n'est plus adapté au XXIème siècle et donnez l'exemple de la manière dont on parle aux jeunes athlètes ou plus globalement l'éducation des enfants dans les clubs sportifs. Ne pensez-vous pas qu'il existe aussi une difficulté entre, d'une part, le statut de bénévole des dirigeants et entraîneurs de club et, d'autre part, la montée en compétence qui est exigée d'eux sur un certain nombre de sujets ? Ne faut-il pas justement travailler sur cette montée en compétence, cette capacité à être éclairé sur un certain nombre de sujets qui rencontrent la préoccupation de nos concitoyens ?

Ensuite, ne pensez-vous pas qu'il faille travailler sur la mixité dans les équipes, et notamment les équipes de jeunes, pour lutter contre les discriminations, notamment sexistes ? Je sais que cela se pratique par exemple dans le football, particulièrement parce qu'il manque parfois de filles pour constituer des équipes entières.

Vous avez aussi évoqué la cohabitation entre deux grands principes : celui des règles de droit, comme la présomption d'innocence, mais aussi l'alerte des dénonciations et de la prise en compte de la parole. Comment pourrions-nous organiser la cohabitation entre ces deux grands principes ? Quand une personne est radiée à vie mais fait par la suite l'objet d'un non-lieu ou d'un acquittement, on peut ressentir un sentiment de gâchis, non seulement pour la personne, mais aussi pour la fédération. Ne faut-il pas travailler sur une règle s'imposant à toutes les fédérations et tous les secteurs ? Il s'agit de mettre à l'abri les dirigeants de décisions trop hâtives, en prenant en compte la libération de la parole mais aussi en préservant les droits de la personne pointée du doigt.

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Béatrice Barbusse, auteure

Vous avez raison : les compétences des dirigeants bénévoles doivent être améliorées et renouvelées. À cet égard, je vous recommande d'auditionner M. Lionel Maltese, maître de conférences en gestion à l'université de Marseille et à la Kage Business School Marseille, et ancien dirigeant de la Fédération française de tennis lors de la précédente mandature. Il travaille précisément sur la question de la compétence des bénévoles et prépare un article.

Comment y parvenir ? Afin de former ces bénévoles et accroître leurs compétences, il faut qu'ils puissent dégager plus de disponibilités calendaires. Il faut arrêter de tergiverser : l'indemnisation des bénévoles dirigeants me semble donc absolument indispensable. À la FFH, les dirigeants ne sont pas indemnisés et l'on voit bien que cela n'est pas tenable. Notre sport a longtemps rejeté l'argent, au même titre que l'athlétisme. L'année dernière, en assemblée générale, nous avons proposé une motion visant à indemniser certains dirigeants de la fédération et des ligues régionales. Une majorité a plus de 70 % en a accepté l'idée.

Aujourd'hui, je pense que le milieu sportif est suffisamment mature pour accepter une indemnisation systématique. Mais encore faudrait-il qu'il existe une grille d'indemnisation commune, en fonction du nombre de licenciés : présider la FFF n'est pas semblable à la présidence d'une fédération qui ne regroupe que 50 000 licenciés. Il s'agit de permettre aux dirigeants, et notamment les nouveaux dirigeants, de suivre certaines formations, afin de disposer de compétences dignes du XXIème siècle, notamment sur ces questions sociétales ou extra-sportives, fortement méconnues.

Ensuite, dans tous les sports collectifs, les équipes sont mixtes en deçà de 12 ans. Mais la réalité est différente : quand on se rend sur le terrain, on constate que bien souvent, les petits garçons ne passent pas la balle aux petites filles. Parfois, les éducateurs finissent par monter des équipes selon les sexes. La mixité est en fait superficielle et les éducateurs ne sont pas formés pour apprendre aux garçons à faire la passe aux filles.

Il y a deux mois, un club de handball m'a écrit pour me dire que depuis qu'il avait créé des équipes non mixtes, les inscriptions de petites filles avaient très nettement augmenté, jusqu'à atteindre un niveau historique. En effet, elles se sentent en sécurité et sont sûres de jouer, entre elles, entre copines. Dans d'autres cas, la mixité se déroule très bien, notamment parce que les éducateurs y ont été suffisamment formés. Il n'y a donc pas de règle, il faut s'adapter en fonction de la situation locale. Je ne prône pas nécessairement la mixité, surtout dans certains sports où les petits garçons n'ont pas été habitués à côtoyer des filles et où les éducateurs n'ont pas été habitués à gérer la mixité.

Je vous suggère d'ailleurs d'auditionner M. Philippe Deu, un professeur d'EPS qui travaillait au sein de l'académie de Créteil et qui a été ambassadeur sur toutes ces questions de mixité. Il vous expliquera par exemple comment il apprend le rugby en mixité aux garçons et filles et comment à la fin du cycle, les uns et les autres ont une autre idée du rugby, mais aussi de l'autre sexe. Ce dispositif fonctionne très bien et cela permet aux enfants d'apprendre à vivre ensemble, de manière harmonieuse. En résumé, la mixité n'est pas toujours la meilleure solution partout. Il faut savoir d'adapter.

Enfin, je ne me sens pas suffisamment qualifiée pour répondre à la troisième question de M. Mazars. Je pense que des juristes seraient plus qualifiés.

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Au-delà des violences sexistes et sexuelles, il convient de parler d'éthique. Vous êtes professionnellement fonctionnaire et relevez de la fonction publique d'État. Vous savez donc que les fonctionnaires sont soumis à des obligations déontologiques en lien avec le statut de fonctionnaire. Vous êtes également membre du conseil national de l'éthique et vice-présidente déléguée de la FFH. Au regard de ces éléments, cette dernière fonction auprès d'un président qui n'a pas suivi les obligations déontologiques attachées à son statut – notamment le respect du délai de viduité de trois ans entre ses fonctions de DTN et la possibilité de pouvoir se présenter à la présidence de la fédération de laquelle il était DTN – vous semble-t-elle conforme à l'éthique ?

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Béatrice Barbusse, auteure

Je ne suis pas membre de la commission d'éthique de la fédération. J'ai accepté de faire partie de la commission nationale de l'éthique après m'être assurée que j'en avais le droit, en tant que fonctionnaire. Je suis très précautionneuse en la matière. Ma faculté pourrait vous dire que je les sollicite très souvent pour obtenir des autorisations.

Quand nous nous sommes présentés sur la liste de M. Philippe Bana, un autre candidat, M. Olivier Girault, a porté cette affaire, d'abord devant la commission d'éthique de l'époque, mise en place par l'ancien président. Elle était présidée par l'ancienne ministre des sports, Mme Valérie Fourneyron. Cette commission avait montré qu'il n'y avait pas d'entorse à la règle. Dans un deuxième temps, l'affaire a été soulevée devant le CNOSF puis la commission d'éthique de la fonction publique, qui l'ont instruite pour conclure de la même manière. J'avais attendu les conclusions de ces commissions avant de m'engager dans la campagne fédérale. J'aurais pu envisager de conduire cette liste à sa place, mais M. Philippe Bana me semblait être le plus à même de le faire, compte tenu de sa connaissance du milieu du handball aux niveau national, européen et international.

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Si je peux me permettre, cette règle existe bien pourtant. Soit on estime qu'elle n'a pas de raison d'être et on l'efface ; soit il faut la respecter. Il me semble difficile d'outrepasser la règle.

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Béatrice Barbusse, auteure

Je n'ai pas outrepassé la règle : trois commissions légitimes successives ont décidé qu'il n'y avait pas d'entorse à la règle. Je pense donc que la règle doit effectivement être réécrite.

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Béatrice Barbusse, auteure

En effet, mais en l'espèce, personne n'a indiqué qu'il existait un problème d'ordre éthique. À partir du moment où la personne n'est plus fonctionnaire et postule à un poste de président de fédération, je ne vois pas pourquoi cette règle devrait le concerner. Il n'était plus DTN au moment où il s'est présenté. En revanche, il y a un problème lorsqu'un DTN est également directeur général, comme c'est le cas dans certaines fédérations.

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Vous avez dit précédemment que vous deviez souvent traiter de cas où la parole de l'un s'oppose à la parole de l'autre. Il y a là une ligne de crête qui me semble effectivement très difficile à gérer. Vous avez ajouté que vous preniez vos responsabilités. Concrètement, dans les travaux des cellules de signalement ou des commissions de la FFH, comment gérez-vous cette ligne de crête très étroite ?

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Béatrice Barbusse, auteure

Je vous propose d'auditionner la responsable de notre cellule de signalement, qui est également juriste, Mme Gwenhaël Samper. Elle vous expliquera bien mieux que moi comment nous gérons cette ligne de crête effectivement étroite. Comme je vous l'ai déjà indiqué, je ne suis pas au courant du détail des dossiers car je n'ai pas à l'être : je veux rester en dehors.

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Madame Barbusse, je vous remercie pour l'ensemble des informations que vous nous avez apportées. Nous ne manquerons pas de vous solliciter si nous avons des questions complémentaires au cours de nos futurs travaux.

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Béatrice Barbusse, auteure

Veillez à ne pas généraliser à partir des fédérations de football et de rugby : toutes les fédérations n'ont pas nécessairement les moyens de mettre en place des cellules de signalement. Les défaillances existent, mais des actions sont mises en œuvre, notamment grâce aux nouvelles générations.

La séance s'achève à onze heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Béatrice Bellamy, M. Stéphane Buchou, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, M. Hadrien Ghomi, M. Jérôme Guedj, M. Stéphane Mazars, Mme Sophie Mette, M. François Piquemal, Mme Sabrina Sebaihi, M. Bertrand Sorre, M. Michaël Taverne.

Excusés. – Mme Soumya Bourouaha, M. Stéphane Lenormand