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Intervention de Béatrice Barbusse

Réunion du jeudi 20 juillet 2023 à 10h25
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Béatrice Barbusse, auteure :

À la Fédération française de handball, j'espère qu'il y a de moins en moins d'omerta sur ces questions. Quelques indicateurs tendent à montrer que l'on arrive à bousculer les choses. L'affaire Martini concerne la Ligue nationale de handball (LNH), même s'il était licencié fédéral. Je rappelle que M. Bruno Martini a l'un des plus beaux palmarès du handball français, au sein duquel il était extrêmement important.

Nous n'avons pas traîné : cette affaire a été traitée en une journée. Nous avons appris la nouvelle à 7 heures du matin à la radio et il nous a fallu une à deux heures pour reprendre nos esprits. C'est toujours compliqué quand vous connaissez quelqu'un très bien, qu'il est devenu pour certaines et certains un ami en lequel vous avez entièrement confiance. Je n'avais jamais entendu quelqu'un dire du mal de M. Bruno Martini au préalable, il m'a même soutenu quand j'étais présidente de l'US Ivry.

Il faut un moment pour digérer ce genre de nouvelles. Tout le monde a été éclaboussé, d'une manière ou d'une autre, du moins sur le plan affectif. Nous avons fait en sorte que les choses soient réglées le plus rapidement possible, sans états d'âme. Avec le président et en lien avec la LNH, nous avons fait en sorte qu'il démissionne dans la journée, ce qu'il a fait d'ailleurs sans poser de problème. Nous avons convoqué immédiatement un bureau directeur pour saisir la commission de discipline, qui, on l'espère, radiera à vie M. Bruno Martini de notre fédération. En effet, nos statuts nous permettent de prononcer des sanctions à vie, ce qui a déjà été le cas pour quatre ou cinq personnes.

Comment sommes-nous parvenus à casser cette omerta qui existait aussi dans notre fédération ? J'ai moi-même vécu cette omerta, que j'ai combattue de l'intérieur avec d'autres femmes et le président actuel. Le livre de Mme Sarah Abitbol nous a aidés, de même que la première convention mise en place par l'ancienne ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu. Quand le contexte social fait pression pour que des affaires de violences sexuelles éclatent au grand jour, nous sommes aidés. Je tiens d'ailleurs à remercier les médias à ce sujet car ils ont contribué à casser l'omerta, notamment au sein de ma fédération.

Nous avons traité une affaire en 2018-2019, différente de celle de M. Bruno Martini, qui dérangeait un certain nombre de personnes. Il s'avère que j'avais joué au handball avec la mère d'un des enfants qui avait été victime de violences sexuelles. Une fois que nous avons été élus avec M. Philippe Bana, nous avons mis en place ce que nous souhaitions. Il s'agit notamment d'une cellule de signalement composée aujourd'hui de quatre personnes, dont deux juristes, une secrétaire et une personne membre de la direction technique nationale, qui avait auparavant traité de dossiers de violences sexuelles au sein d'une délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes). Cette cellule sera d'ailleurs élargie. Ces quatre personnes ont été formées au traitement des violences sexuelles par l'association Colosse aux pieds d'argile.

Par ailleurs, nous avons décidé que toutes les questions de violences sexuelles seraient traitées par la commission nationale, donc fédérale, de discipline et non par les commissions territoriales. En effet, nous ne savons que trop bien que les proximités affinitaires au niveau local empêchent parfois certains de parler. Tous les membres de la commission de discipline fédérale ont également été formés par Colosse aux pieds d'argile. Nous avons en outre mis en place deux grandes campagnes de communication pour lutter contre toutes les formes de violences (violences sexuelles, discriminations raciales, homophobie, cyber harcèlement) en nous appuyant sur les internationaux et les internationales qui ont tout de suite accepté de jouer le jeu.

Nous avons aussi établi une plateforme, que le ministère a également reprise après nous. Elle servira à signaler, de manière anonyme ou non, toute forme de violence. Nous communiquons beaucoup auprès des ligues et des comités pour que cette information redescende auprès des clubs. Enfin, nous avons mis en place sur tous les territoires une vingtaine de référents intégrité, également formés. Un séminaire est en outre organisé chaque année, le premier ayant eu lieu l'année dernière. Pendant deux jours, en présentiel et avec nos partenaires, nous continuons la formation, partageons les bonnes pratiques et les problématiques. Il faut également soulager les personnes qui gèrent les dossiers et ces séminaires permettent d'échanger.

Telles sont les actions que nous avons mises en œuvre. Le nombre de signalements concernant les violences sexuelles commence à diminuer. À 95 %, les mis en cause sont des hommes, à 80 % les victimes sont des femmes et 50 % des victimes sont mineures, autant de filles que de garçons. La FFH est par ailleurs consciente que son point faible porte sur les bizutages, qui sont encore présents malgré les campagnes menées.

Il nous reste maintenant à établir des modules obligatoires pour tous les cadres techniques, entraîneurs et dirigeants qui suivent une formation. En compagnie de Mme Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue nationale de handball et de Mme Sylvie Pascal-Lagarrigue, directrice technique nationale adjointe, nous nous sommes particulièrement impliquées dans ces questions. Nous nous sommes aperçues que le contenu de la formation était très insuffisant. J'en ai d'ailleurs informé la ministre : la formation en soi ne suffit pas, tout dépend du contenu de la formation et des formateurs. Ce dossier m'occupera tout particulièrement à la rentrée.

Nous avons préparé la « demande politique » de ce que l'on souhaiterait voir figurer dans ces formations. Celles-ci doivent par exemple comporter un volet spécifique sur la physiologie féminine pour tous les entraîneurs : on n'entraîne pas de la même manière les femmes que les hommes. Par exemple, on ne leur fait pas faire les mêmes exercices abdominaux si on ne veut pas qu'elles aient des problèmes à la quarantaine ou à la cinquantaine.

Ensuite, le deuxième volet concerne la lutte contre le sexisme. En la matière, je me suis appuyée sur une thèse qui a été réalisée il y a peu par une sociologue. Celle-ci comporte notamment des verbatims sur le handball. Quand je lis les propos de certains présidents, joueurs et joueuses, entraîneurs et entraîneuses, je me dis que le handball doit encore beaucoup progresser pour lutter contre le sexisme de manière qualitative. À la rentrée, je vais chercher à mettre en place un partenariat pour ces formations courtes, afin que le contenu corresponde à la demande.

Des indicateurs nous permettent de dire que la parole est en train de se libérer à la FFH et la LNH. Désormais, l'écoute doit être libérée chez nous : nous sensibilisons les présidents de ligues et de comités (90 % d'hommes). Il y a à peu près un mois, un président de ligue m'a appelé, paniqué, un lundi matin car un de ses formateurs envoyait des messages à connotation sexuelle à une jeune qu'il était en train de former. Pourtant, nous répétons depuis trois ans ce qu'il faut faire, nous envoyons des communications écrites et le site de la fédération traite également de ce sujet.

Les dossiers de signalement sont tous traités de manière anonyme : seules les personnes de la cellule connaissent les noms, les prénoms, les régions où ont lieu ces affaires. Moi-même, je ne suis pas au courant, sauf cas exceptionnel. Il m'est arrivé par exemple de recevoir ou de converser avec des femmes qui ont été victimes de violences sexuelles. En tant que sociologue, je sais mener ce type d'entretiens. Il m'arrive de recevoir leur parole, parce que cela importe. Nous devons d'ailleurs progresser en la matière, dans notre plan de RSE. Nous avons érigé en priorité le suivi des victimes. De fait, les fédérations sont complètement nulles sur cet aspect-là. Nous nous sommes dit que nous devions rappeler les victimes après le signalement des faits, pour prendre de leurs nouvelles, ce qui n'était pas fait chez nous.

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