Jeudi 20 juillet 2023
La séance est ouverte à quatorze heures quarante.
(Présidence de M. Guillaume Vuilletet, président de la commission)
Nous achevons cet après-midi les travaux de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
En cinq mois de travaux, nous aurons consacré près de soixante-dix heures à conduire quarante-neuf auditions, qui nous auront permis d'entendre 125 personnes. Deux délégations ont été envoyées en mission, à la Martinique et à Saint-Martin, puis à Mayotte et à La Réunion, où elles ont réalisé trente-trois entretiens et tables rondes.
Je remercie vivement nos collègues qui ont suivi nos travaux. Comme je m'y étais engagé, toutes nos auditions ont été accessibles en visioconférence et retransmises en direct. J'ai aussi veillé à ce que tous les membres de la délégation aux Outre-mer, y compris ceux qui n'étaient pas membres de la commission d'enquête, soient invités à y participer. Enfin, j'ai donné la parole à tous les députés présents pour interroger les personnes auditionnées.
Mes chers collègues, vous avez pu consulter sur place le projet de rapport préparé par notre rapporteur, qui va présenter ses conclusions. Ensuite, je vous ferai part de mes observations et je donnerai la parole aux membres de la commission d'enquête.
Aujourd'hui débute, avec la présentation de ce rapport, une étape importante pour l'avenir de nos peuples et territoires dits d'outre-mer.
Je tiens tout d'abord à remercier tous les collègues députés qui ont activement participé aux auditions et contribué aux travaux de la commission d'enquête, dont le président Guillaume Vuilletet ainsi que les vice-présidentes Maud Petit et Estelle Youssouffa, qui ont chacun et chacune pris leur mission à bras-le-corps. Je tiens également à remercier particulièrement l'équipe du secrétariat de la commission d'enquête, qui a produit un travail conséquent de synthèse, jusqu'à la dernière minute, dont est issu le projet de rapport qui vous est aujourd'hui soumis.
La commission d'enquête, créée par une résolution adoptée à l'unanimité et consacrée au coût de la vie – sujet souvent réduit à la vie chère qui en est une conséquence – s'est intéressée à dix territoires dits d'outre-mer situés du Pacifique à l'océan Indien, en passant par l'Atlantique.
Nous avons mené un travail approfondi pendant cinq mois, avec peu de moyens au regard des enjeux et des défis à relever. Le coût de la vie est au cœur de notre lutte pour la dignité et la justice de nos peuples respectifs, pour l'amélioration de leurs conditions de vie, pour la réduction des inégalités – notamment de niveaux de vie – vis-à-vis des Français résidant dans l'Hexagone, dans le respect de l'égalité des droits et de nos différences.
Les informations recueillies au cours des cinq mois d'enquête m'ont permis de rédiger le rapport de 330 pages que je vous présente aujourd'hui. Il offre un éclairage sur un sujet crucial pour le quotidien des familles, des entreprises, des associations et des collectivités, et constitue un premier pas important sur le chemin vers une espérance en ouvrant des perspectives nouvelles.
Ce rapport, qui était très attendu, n'est pas un aboutissement mais un commencement ; il n'est pas un simple état des lieux ; il propose une nouvelle vision dynamique et pragmatique, un nouveau paradigme ; il n'est pas un objectif mais un moyen pour atteindre le bien-être, l'épanouissement collectif et individuel ainsi que le progrès, en plaçant l'être humain au centre de nos préoccupations.
Nous avons étudié la question, historique dans ces territoires, du coût de la vie de manière très factuelle, en mettant en lumière ses causes structurelles et conjoncturelles.
Nous avons aussi analysé le modèle économique dans de nombreux secteurs d'activité – transport aérien et maritime, télécommunications, logement, santé, etc. –, avec une attention particulière pour l'organisation et le fonctionnement du puissant secteur de la grande distribution.
Bien sûr, nous avons examiné les différents déterminants du coût de la vie que sont le niveau des revenus, le niveau des prix, le sous-financement des collectivités et l'action de l'État.
Enfin, nous nous sommes attachés à faire des propositions concrètes à court, moyen et long terme afin d'offrir des solutions et des perspectives aux peuples dits ultramarins et à leurs territoires pour un avenir meilleur.
Comme vous le savez, le coût de la vie dans les territoires concernés tient à un niveau de revenus dans les territoires ultramarins très inférieur à ceux de l'Hexagone et des inégalités qui se sont accrues ; un niveau des prix beaucoup plus élevé – de 9 % à La Réunion à 16 % en Guadeloupe – et des écarts de prix qui n'ont cessé de se creuser, selon les chiffres pour 2022 publiés la semaine dernière par l'Insee ; une perte sèche de dotations de l'État depuis près d'une quinzaine d'années par les collectivités publiques locales qui n'a pas été intégralement compensée. Par ailleurs, les multiples défaillances continues de l'État ont ajouté aux difficultés ; elles ont accru les inégalités avec l'Hexagone mais aussi à l'intérieur des territoires d'outre-mer, tout en augmentant leur vulnérabilité économique et sociale, donc le coût de la vie. Pourtant, ce problème global, multifactoriel et profond a des conséquences pour tous et dans tous les domaines de la vie économique et sociale de nos territoires.
La combinaison de ces facteurs a produit des conséquences insupportables – mal développement, insécurité, précarité et extrême pauvreté, crises socio-économiques récurrentes – qui peuvent devenir irréversibles et provoquer davantage encore de dégâts humains, voire le chaos social.
Quelles sont donc les causes réelles et précises du problème du coût de la vie ? Les causes structurelles – l'éloignement, l'insularité, l'exiguïté des marchés – sont réelles, mais il n'est pas possible de leur en attribuer la responsabilité exclusive. Surtout, elles ne sont ni fatales ni sans solutions.
En effet, comme le démontre mon rapport, le modèle économique des territoires ultramarins est caractérisé par une concurrence très limitée, une production locale insuffisante voire très faible, des importations historiques et massives depuis la France et l'Europe, des oligopoles et des monopoles ainsi que la présence de très nombreux intermédiaires dans la chaîne d'approvisionnement, chacun réalisant sa marge.
Certains grands groupes sont eux-mêmes composés de très nombreuses petites entreprises. Ils utilisent un schéma organisationnel complexe qui leur permet à la fois de multiplier des marges plus petites, mais plus nombreuses, et de renforcer leur groupe en pratiquant la concentration verticale et horizontale – je pense à GBH et SAFO pour la franchise Carrefour. L'enseigne Leclerc, qui est un distributeur coopératif regroupant des adhérents, est tout aussi importante, mais moins segmentée. Ces deux réseaux forment un duopole puissant, présent dans de très nombreux territoires dits d'outre-mer. Les autres grands groupes, plus modestes, sont très loin derrière.
En outre, il existe des importateurs, fournisseurs, grossistes locaux puissants, ce qui ajoute un intermédiaire supplémentaire à la chaîne d'approvisionnement, donc une marge supplémentaire. Ceux-ci détiennent un monopole de fait de la distribution de certaines marques nationales, à défaut d'un monopole de droit tombant désormais sous le coup de l'interdiction des accords exclusifs d'importation. Ce monopole de fait les place en position de faiseurs de prix.
Les outils mis en place par l'État pour réguler certains prix en outre-mer et pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles se sont révélés inefficaces. Enfin et surtout, l'État reste historiquement défaillant dans ses interventions et sa volonté d'agir est insuffisante.
Je souhaite, avec ce rapport, lancer un message d'alerte sur la situation urgente et critique des territoires ultramarins, mais aussi donner une espérance nouvelle, car les solutions existent et les potentialités de ces territoires sont réelles, reconnues et importantes.
Quelle est cette situation critique et urgente ? C'est celle de peuples et de territoires confrontés à l'incapacité de l'État à agir, à résoudre les problèmes inhérents à leurs particularités et à résorber les inégalités issues d'une histoire coloniale qui a laissé ses empreintes prédatrices dans les économies contemporaines. C'est celle de peuples et de territoires enfermés dans un modèle de consommation largement calqué sur celui de l'Hexagone, donc fondé sur l'importation de marchandises, au détriment d'une production locale qui peine à créer la richesse nécessaire pour permettre aux petits producteurs de vivre dignement de leur travail et à tendre vers l'autonomie alimentaire. C'est celle de peuples et de territoires prisonniers de quelques grands groupes de la grande distribution, toujours à la recherche d'une concentration plus importante. Ces derniers maîtrisent la totalité de la chaîne logistique et des méthodes d'approvisionnement, rachètent les entreprises dans une logique d'intégration horizontale et verticale, et sont en situation d'oligopole de fait, notamment pour l'approvisionnement en gros de certains produits. Tout cela, sans réaction des autorités chargées de garantir la concurrence et les droits des consommateurs comme le voudrait la démocratie économique. Les grands groupes finissent par déterminer les prix du marché dans de très nombreux secteurs, prix que leurs concurrents sont contraints d'accepter, faute d'alternative pour s'approvisionner.
Même si le travail d'investigation doit être poursuivi et complété, nous avons découvert des mécanismes extrêmement troublants et contraires à l'éthique économique. Nous avons notamment pu confirmer l'existence des marges arrière. Les grands groupes intégrés accumulent, à chaque étape, les marges tout en maintenant l'opacité du système, ce qui empêche de savoir où vont les bénéfices accumulés. En tout état de cause, les marges arrière exigées par certains distributeurs n'atterrissent jamais dans la poche du consommateur, car les prix ne baissent pas.
Il a fallu les pouvoirs d'une commission d'enquête pour convoquer les dirigeants des grands groupes – GBH, SAFO, CréO, Parfait, Wane – et leur demander de s'expliquer sur leur fonctionnement, notamment sur l'accumulation de marges que leur permet la concentration. Il a fallu aussi ces prérogatives pour obliger à s'exprimer les dirigeants de la compagnie CMA CGM, en position dominante en matière d'approvisionnement des Outre-mer. Ils ne sont pas parvenus à me convaincre de leur générosité et des faibles marges qu'ils réaliseraient alors qu'ils sont manifestement en situation de position dominante. Je rappelle que cette compagnie a réalisé un bénéfice net de 23 milliards d'euros en 2022.
La situation critique et urgente, c'est celle de citoyens ultramarins pour lesquels l'État ne joue pas son rôle de régulateur et ne propose aucune solution adaptée à leurs réalités pour parvenir à une gouvernance plus responsable et respectueuse de l'humain. Or, l'égalité des droits des Ultramarins avec leurs compatriotes vivant en France hexagonale est tout simplement une question de dignité et de justice.
La situation critique et urgente, c'est celle de collectivités territoriales souffrant d'un sous-financement chronique, alors que, selon le rapport « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer » de Georges Patient et Jean-René Cazeneuve, les communes et les intercommunalités ultramarines ont été défavorisées dans l'attribution des dotations de l'État. Les mesures de péréquation n'ont pas compensé intégralement ce déficit ni pris en compte des années de sous-dotation. La capacité des territoires à réaliser des investissements importants et à en récolter les bénéfices dans le temps est donc aujourd'hui fortement amputée.
Voilà la situation critique et urgente que subissent les Outre-mer et leurs habitants. Or, face à une telle situation, le remède doit être fort. Nous n'en sommes plus aux mesures palliatives, mais bien à un plan de déchoquage économique et social en faveur des Outre-mer. Quand le malade fait un arrêt cardiaque, il faut le réanimer rapidement en relançant la circulation sanguine, en mobilisant les forces vives et en lui redonnant, dans un premier temps, oxygène et nourriture avant qu'il ne puisse retrouver son autonomie de fonctionnement.
Ce rapport porte l'espoir de sortir d'une spirale vicieuse pour entrer dans un cercle vertueux. L'État, en partenariat avec les collectivités territoriales et les forces vives locales, doit mettre en place un grand plan d'investissement productif, comportant des moyens financiers exceptionnels. Il s'agit, pendant au moins une décennie, de créer de la confiance, d'inciter les investisseurs privés à investir, de favoriser le développement d'activités, de créer de l'emploi, d'augmenter les revenus afin d'accroître le niveau de vie des peuples des territoires ultramarins et de réduire durablement les inégalités avec l'Hexagone.
Le plan de déchoquage que je propose est courageux et ambitieux ; il prend enfin pleinement en considération les spécificités ultramarines. Aimé Césaire rappelait en citant Hegel qu' « il ne faut pas opposer le singulier à l'universel, que l'universel, ce n'est pas la négation du singulier, mais que c'est par l'approfondissement du singulier que l'on va à l'universel ».
Le plan comporte soixante-huit propositions, non exhaustives. Je souhaite vous présenter brièvement les plus importantes. La commission d'enquête n'étant qu'un premier pas, chacun de nos territoires doit se saisir de la question en organisant, avec toutes ses forces vives, des états généraux du coût de la vie et du pouvoir d'achat Outre-mer afin de créer une dynamique partagée.
Il faut ensuite aboutir à une véritable baisse des prix pour les consommateurs de l'ordre de 10 à 20 %, en négociant avec les grands groupes une diminution des marges de l'ensemble des acteurs de la filière, mais aussi en passant d'une logique de maîtrise volontaire des prix – celle du bouclier qualité-prix – à une logique de blocage des prix des produits de première nécessité.
En ce qui concerne le coût du fret maritime, il faut, d'une part, expérimenter un dispositif de compensation intégrale des coûts d'acheminement pour les produits de première nécessité, et d'autre part, concentrer l'aide de 750 euros de CMA CGM sur les produits de première utilité sociale, comme le proposent le préfet de la Martinique et le président du conseil exécutif de Martinique.
En matière de revenus, il faut permettre aux Ultramarins d'avancer vers l'égalité réelle avec les Hexagonaux. Pour cela, il est nécessaire d'augmenter significativement les salaires ultramarins, de l'ordre de 20 %, en réunissant une conférence sociale ; de créer une prime de vie chère pour les salariés du secteur privé, de 20 % également, financée par une taxe sur les profits des grandes entreprises opérant Outre-mer ; de rétablir les plafonds de la réduction d'impôt sur le revenu des contribuables ultramarins ; d'affecter les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des trois départements d'outre-mer dans lesquels elle existe – Guadeloupe, Martinique et La Réunion – aux ménages modestes sous la forme d'une allocation destinée à acheter des services et des produits issus des circuits courts ; de majorer les prestations sociales légales versées Outre-mer d'un complément égal au différentiel de coût de la vie avec l'Hexagone.
Pour venir en aide aux petits entrepreneurs, acteurs incontournables du développement endémique, il faut mettre fin aux concentrations et aux rachats, qui mettent les grands groupes de distribution en situation d'oligopole et de faiseur de prix ; contrôler plus strictement les grands groupes intégrés, et notamment leurs filiales grossistes importatrices, afin qu'ils ne puissent plus discriminer les petits distributeurs ; simplifier et accélérer les procédures de demande de financement de création d'entreprises pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ; réformer les règles d'attribution du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) pour qu'il finance la diversification agricole au profit de l'autonomie alimentaire et non seulement les filières d'exportation ; accompagner les petits producteurs pour qu'ils sortent de l'emprise des grands groupes et des gros producteurs.
Des zones franches globales et des ports francs doivent être créés dans les départements et régions d'outre-mer. Les TPE et PME seront exonérées pendant dix ans de cotisations fiscales et sociales, à condition de créer des emplois et de recruter. Les aides à l'embauche seront conditionnées au recrutement de résidents du territoire ultramarin concerné.
Afin de créer des activités économiques endogènes, il faut développer des filières industrielles de transformation de matières premières importées de l'environnement régional – j'ai pris l'exemple du Brésil pour approvisionner la Martinique – et organiser l'exportation de produits locaux – bois pour la construction, matériels mobiliers, plantes médicinales – et des pôles d'exportation de services.
La position géostratégique des territoires ultramarins, leurs potentialités ainsi que leurs expertises locales sont des atouts pour devenir des hubs de recherche et d'innovation dans des domaines comme la santé, le numérique ou l'aérien.
Afin que les Outre-mer bénéficient d'une véritable continuité territoriale, il faut leur appliquer le dispositif en vigueur pour la Corse en y affectant un financement public équivalent. Il faut également encourager le retour des forces vives en instaurant une priorité d'affectation dans leur territoire d'origine des lauréats ultramarins des concours de la fonction publique – les fonctionnaires d'État originaires de Corse demandant une mutation se voient octroyer 1 400 points de bonus pour revenir dans leur île, les Guadeloupéens les Martiniquais et les Réunionnais seulement 1 000.
Enfin, et surtout, dans le respect de la volonté des peuples des territoires ultramarins, et dans le droit fil de l'appel de Fort-de-France, il faut aller plus loin sur le plan institutionnel, autrement dit envisager le transfert aux collectivités ultramarines qui le souhaitent du pouvoir normatif nécessaire au développement économique et social. Cela concerne aussi bien l'aménagement du territoire, les transports, l'énergie, écologie, la régulation économique, les échanges commerciaux, le développement économique, les aides et subventions, la continuité territoriale que la fiscalité.
Il s'agit d'appliquer le principe de subsidiarité. En effet, ceux qui connaissent le mieux les territoires ultramarins sont ceux qui y habitent. Aucun progrès dans leur développement ne pourra être fait sans eux. Aucun progrès ne sera possible sans responsabilité ni responsabilisation locales. Aucun progrès ne sera réaliste sans libérer l'initiative locale publique et privée.
Il s'agit de trouver les outils au service du développement, adaptés aux identités singulières et aux réalités des territoires ultramarins, pour conjuguer le droit à l'égalité et le droit à la différence. Nous sommes naturellement à la fois égaux en droit et différents par nos cultures, nos modes de vies et nos positions géographiques. Il faut en finir avec le principe jacobin qui fait de l'égalité des droits l'ennemi du droit à la différence. Le plan de déchoquage, qui s'étalera sur au moins une décennie, doit être coconstruit avec les Ultramarins.
En conclusion, ce plan de développement endogène, économique, social, politique, démocratique et avant tout humaniste, vise tout simplement, par le prisme du coût de la vie, à apporter enfin aux Français des territoires d'outre-mer l'égalité de niveau de vie corollaire de l'égalité des droits.
Nous n'avons plus le droit d'hésiter, nous n'avons plus le droit de chercher des excuses, nous n'avons plus le droit de remettre les choses à plus tard. Nous devons agir maintenant ensemble, et c'est ce que propose le rapport. Ce rapport prône la solidarité, le partenariat, et l'unité au service de l'intérêt général.
Il ouvre un chemin et des perspectives : il s'agit d'un outil d'aide à la décision et surtout d'une manière de se projeter dignement, collectivement, solidairement et en pleine responsabilité vers un mieux vivre ensemble et un mieux-être ensemble.
Pour conclure, je citerai encore une fois Aimé Césaire, « Ma conception de l'universel est celle d'un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers. »
Je tiens à mon tour à remercier le bureau de la commission, ainsi que les membres du secrétariat de la commission d'enquête qui ont permis son fonctionnement.
Fruit de cinq mois de travaux, le rapport d'enquête est avant tout l'aboutissement d'un travail consensuel.
Le 9 février 2023, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité le principe de la création de notre commission d'enquête. Le choix de recourir à cet organe, ainsi que les circonstances de l'adoption de la résolution qui l'a créée, n'ont rien d'anodin. Mon collègue député de la Martinique, Johnny Hajjar, ainsi que le groupe Socialistes, ont voulu donner à ce travail une double dimension solennelle. Une commission d'enquête a une charge symbolique forte et dote ses membres de prérogatives exceptionnelles. Le recours à un vote en séance publique, au lieu de l'usage du droit de tirage dont disposent les groupes d'opposition, permet de s'assurer que tous les bancs mesurent pleinement l'importance du sujet.
Enfin, cette solennité a également des conséquences pénales : le refus de déposer devant une commission d'enquête ou de lui fournir les documents utiles est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ; le faux témoignage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Je veux saluer le travail considérable, réalisé dans une ambiance constructive et sereine, grâce à la participation active des vingt-huit députés membres issus de tous les groupes politiques.
Les auditions ont été complétées par deux déplacements, à la Martinique et à Saint- Martin puis à la Réunion et à Mayotte. Ces missions ont l'immense avantage de nous permettre d'appréhender les réalités au plus près des territoires mais elles ont aussi le défaut de ne pas astreindre les personnes rencontrées aux mêmes exigences que lors de nos auditions.
Si la commission d'enquête a suscité une telle adhésion et si ses travaux ont été autant suivis, c'est bien parce que la réalité de la vie chère en Outre-mer est indiscutable. La confirmation en est donnée par les chiffres de l'enquête de comparaison spatiale des niveaux de prix entre territoires français, réalisée par l'Insee en 2022 et dont les premiers résultats ont été publiés pendant les travaux de notre commission. Ces chiffres témoignent non seulement que les prix restent plus élevés dans les départements d'outre-mer que dans l'Hexagone – d'un écart de 9 % à La Réunion à 16 % en Guadeloupe –, mais ils montrent également que ces écarts se sont accentués depuis la précédente enquête en 2015.
Si l'on considère les seuls produits alimentaires, le déséquilibre est encore plus fort : les prix payés par les ménages des départements d'outre-mer sont de 30 % à 42 % plus élevés. Cela n'a rien d'anodin dans des territoires où les taux de pauvreté pulvérisent les normes nationales. Pour ces populations en grande fragilité, l'impact de la cherté des produits de première nécessité est d'une grande brutalité, en dépit du bouclier qualité prix qui a vocation à l'atténuer.
Je rejoins le rapporteur, l'appréciation sur le niveau général des prix doit s'inscrire dans une réflexion plus large sur la qualité de vie globale, prenant en considération le niveau des revenus et la qualité des services dont peut disposer la population.
Les territoires ultramarins connaissent des retards structurels importants par rapport à l‘Hexagone, qui s'expliquent, pour certains, par leur situation spécifique. Toutefois, le retard d'équipement est d'abord lié à un sous-investissement de l'État pendant des décennies. Il faut reconnaître au Gouvernement et à la majorité qui le soutient d'avoir enclenché la dynamique de rattrapage grâce aux contrats de convergence et de transformation, prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer. Cependant, il faudra du temps pour que cette démarche se traduise par des progrès concrets et visibles pour les Ultramarins.
Le constat de départ est donc simple et bien documenté : il y a un effet de ciseaux entre le niveau général élevé des prix et la faiblesse des revenus d'une part importante de la population des territoires ultramarins. L'objectif de notre commission a donc d'abord été de tenter de comprendre pourquoi les prix sont si élevés.
La présidence de commission d'enquête a ceci de paradoxal qu'il lui revient d'introduire un rapport dont l'auteur appartient au camp politique opposé au sien. Cela n'empêche pas la qualité du travail commun et des relations personnelles. Je veux, à ce titre, remercier tout particulièrement le rapporteur Johnny Hajjar. Nous n'avons jamais caché nos divergences mais l'honnêteté et l'estime réciproques nous ont permis de nous écouter et d'établir des constats communs.
Il n'en reste pas moins que nos visions divergent sur de nombreux points, soit que nous accordions une importance différente à tel ou tel phénomène, soit que nous considérions telle ou telle donnée comme faisant partie – ou pas – du problème.
Ainsi, je regrette une appréhension de la situation parfois trop globale de la part du rapporteur, ce qui donne le sentiment que le rapport vise simplement à justifier l'exposé des motifs de la proposition de résolution visant à créer cette commission d'enquête. Je ne suis pas certain que le lecteur, à l'issue de sa lecture, ait une réponse claire à la question posée.
Enfin, certaines conclusions que le rapporteur tire des auditions me semblent problématiques.
Pour une part l'explication de la vie chère est évidente : les territoires ultra-marins sont lointains, insulaires ou quasi insulaires, les marchés sont de taille limitée et la contrainte foncière y est très grande. Un marché limité et lointain, dont les seules voies d'approvisionnement nécessitent de longs trajets en mer, coûte cher, ce qui emporte des conséquences considérables sur les prix.
Toutefois, d'autres causes, tenant aux comportements des acteurs de la chaîne d'approvisionnement en particulier, ne contribuent-elles pas également à accroître ce phénomène ? Je rejoins le rapporteur lorsqu'il juge que la multiplication des intermédiaires pour l'approvisionnement est sans doute l'occasion d'une multiplication des marges que chacun d'entre eux s'octroie. La question que pose la chaîne d'approvisionnement est double.
D'une part, le rôle de certains acteurs est-il superfétatoire et leur marge injustifiée, au point que les détaillants ultramarins pourraient s'en passer facilement ? Les travaux de notre commission d'enquête ne le montrent pas. Même les grossistes importateurs, dont le pouvoir de marché peut être important selon les marques et les produits, ont été jugés nécessaires au fonctionnement des marchés : s'ils sont en perte de vitesse face au développement de l'approvisionnement direct depuis les centrales d'achat hexagonales – c'est la principale évolution qu'a connue le commerce de détail ultramarin ces dernières années – ils fournissent des services indispensables, même s'ils sont chers, en raison de leurs facultés d'importation, de stockage et de placement en magasin des produits des grandes marques qui constituent le modèle de consommation commun à l'Hexagone et aux Outre-mer.
D'autre part, l'un ou l'autre de ces acteurs peut-il bénéficier d'un pouvoir de marché lui permettant de peser significativement et à son profit sur les prix d'un produit ? Il existe en effet des monopoles ou des oligopoles de fait mais il est difficile de déterminer s'ils constituent des barrières à l'entrée d'autres acteurs ou si ces situations ne résultent pas de la taille et des contraintes de fonctionnement des différents marchés en tant que tels.
À cet égard, pour prendre la situation du fret, qui est fondamentale dans des économies insulaires, il ne me semble pas ressortir de nos auditions et des documents obtenus que l'opérateur n° 1 dans la desserte des Outre-mer cherche à augmenter indûment ces marges : il essaie plutôt de favoriser un parcours de livraison permettant un approvisionnement régulier des territoires. Les incidents de livraison soulèvent bien plutôt des difficultés quant à l'approvisionnement en produits frais, lesquels supposent des capacités de stockage très élevées.
Par ailleurs, le rapporteur est convaincu que l'intégration verticale des différents éléments de la chaîne de constitution des prix donne en tant que tel un pouvoir de marché exorbitant et qu'une telle situation existe notamment au sein du groupe GBH. En cela, il adhère aux témoignages à charge d'un certain nombre d'acteurs. Je ne peux passer sous silence que le groupe GBH nous a adressé un courrier contredisant formellement ces conclusions et apportant un certain nombre d'éléments en ce sens. C'est là une conséquence directe de la transparence de nos débats.
Que cette concentration verticale existe, qu'elle permette une technicité, une connaissance des contraintes spécifiques de l'approvisionnement Outre-mer et qu'elle soit sans nul doute source de profit est une chose ; que ces profits soient excessifs et à l'origine de la cherté de la vie en est une autre. Mon avis est à cet égard plus nuancé que celui du rapporteur.
En revanche, nous serons entièrement d'accord quant à la faiblesse des moyens déployés par l'État pour caractériser et combattre d'éventuelles pratiques anti-concurrentielles. Que ce soient les services chargés de la protection des consommateurs et de la répression des fraudes, les organes de contrôle comme les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et, sans doute, les douanes, l'appareil public, qui doit garantir un fonctionnement concurrentiel du marché, n'est pas à la hauteur, ce qui participe d'ailleurs d'une forme d'opacité du fonctionnement de ces marchés, laquelle fait le lit d'une large suspicion.
De même, ces services ne sont pas en mesure de faire respecter l'intégralité des lois de la République. C'est visiblement le cas avec la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer dite « loi Lurel » et les lois portant sur ce que l'on appelle les marges arrière, où la réalité de la contractualisation commerciale n'est pas toujours vérifiable et où la pratique proscrite de vente forcée de services de mise en rayon paraît pourtant subsister.
Par ailleurs, l'obligation de dépôt des comptes doit être respectée et suppose l'instauration de sanctions incomparablement plus sévères que celles qui existent. Il est également nécessaire, comme dans l'Hexagone, de généraliser la transmission des tickets de caisse aux services fiscaux.
La meilleure garantie d'une pression vertueuse sur les prix – cela se vérifie sur les fournisseurs d'accès internet par exemple –, c'est une concurrence qui permette à tous les acteurs solvables d'entrer sur les marchés où les prix sont manifestement maintenus à un prix excessif par accord tacite de quelques acteurs.
Un mot sur le bouclier qualité-prix. Personne ne nie que ce dispositif ait un impact sur la capacité d'achat des habitants, mais la question de son périmètre se pose car de nombreux points de vente de proximité choisissent de ne pas l'appliquer, ce qui limite son effet. En outre, il faut répondre à la remarque selon laquelle, dans ce dispositif, l'effort est réalisé par les distributeurs à travers leurs marges ainsi que par les collectivités – qui limitent le taux de l'octroi de mer – mais absolument pas par l'État.
D'autres freins, parfois absurdes, pèsent sur les prix. Je pense en particulier à la problématique des normes, qui explique notamment les surcoûts de construction. C'est également le cas s'agissant de la consommation courante, puisque 95 % des importations sur ces territoires viennent d'Europe et de l'Hexagone en particulier. Je pourrais citer aussi la situation ubuesque de l'eau à Saint-Martin, où les différences de normes ont interdit l'interconnexion des réseaux entre les deux parties de l'île, et à la situation dramatique de la distribution d'eau à Mayotte, où la gouvernance se montre incapable de réaliser les investissements nécessaires pour faire face à une sécheresse exceptionnelle. Il faut agir pour que les préfets puissent intervenir rapidement et de manière continue.
Les Outre-mer doivent pouvoir sereinement élargir leurs échanges commerciaux avec leurs voisins lorsqu'ils y voient un avantage. Sur ce point, je suis d'accord avec le rapporteur. Ce n'est en revanche pas le cas sur d'autres points.
Le rapport ne mentionne pas le terme de sur-rémunération, ce qui montre que le caractère explosif de ce sujet et de ses conséquences sur les inégalités de revenus et le niveau des prix a été largement éludé. Il est évidemment impossible de remettre en cause la sur-rémunération des fonctionnaires d'État et des fonctionnaires territoriaux, qui soutient à hauteur de plus d'1,5 milliard la consommation locale, mais il serait absurde de ne pas reconnaître un effet inflationniste sur les prix des produits de consommation – qui trouvent ainsi une clientèle solvable de plus de 40 % des ménages – et sur les coûts de production, suite à une contagion de la sur-rémunération dans le secteur privé.
Une telle situation laisse sur le bord du chemin les populations les plus fragiles, les personnes âgées, les chômeurs et les travailleurs pauvres. Je ne crois pas que la proposition du rapporteur visant à étendre la sur-rémunération avec une prise en charge de l'État, fût-elle limitée à 20 %, soit de bonne politique. Sans création de valeur équivalente, cette mesure au coût prohibitif aurait un simple effet inflationniste. En revanche, il convient de renforcer l'accès aux droits, en particulier pour les personnes âgées, de même que la formation grâce notamment à un essor supplémentaire du régiment du service militaire adapté (RSMA), de favoriser la régularisation des activités relevant aujourd'hui de l'économie informelle et d'aider les porteurs de projets, en particulier les jeunes ultramarins qui ont été formés dans l'Hexagone.
Je pense aussi à la question de la fiscalité. Les récentes et prudentes préconisations du comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 18 juillet en vue d'une réforme de l'octroi de mer doivent être retenues. La défense et illustration de l'octroi de mer, décrite par le rapporteur comme ayant un impact « raisonnable », me paraît cependant trop rapide. L'octroi de mer représente une ressource indispensable à la stabilité des recettes des collectivités locales mais il doit être réformé pour en gommer les aspérités les plus choquantes et renforcer son second objectif : le soutien à la production locale.
S'agissant du premier point, je souligne l'opacité du dispositif puisqu'il n'apparaît pas sur le ticket de caisse. Sa perception à l'arrivée, avant toute vente, aboutit non seulement à grever la trésorerie des entreprises mais à une obligation de paiement d'une taxe sur des frais de transport. S'agissant du second, une meilleure prise en compte de l'artisanat dans la production locale, la stabilisation et une plus grande prévisibilité de la détermination des taux et la recherche d'une cohérence des taux à l'échelle des territoires français de la même zone géographique me paraissent autant de pistes utiles. Quant à la question de son application aux activités de service, aujourd'hui non taxées, nous n'avons pas réuni assez d'éléments pour nous forger une conviction. En définitive, il est injuste de faire porter un poids trop excessif sur cette taxe dans la hausse des prix – son remplacement par une TVA à taux normal aurait des effets sensiblement similaires – mais cela ne doit pas faire oublier les autres points.
Il convient d'aborder aussi la question des finances et des responsabilités des collectivités territoriales.
Je rappelle que c'est la majorité actuelle qui a porté le budget des Outre-mer à près de 3 milliards de budget direct et 22 milliards de dépenses fiscales, donc indirectes, contre respectivement 2 et 17 milliards à la fin du quinquennat de François Hollande.
Il faut également mentionner les contrats de redressement en Outre-mer (Corom), démarche d'accompagnement contractualisé dont le budget a été renforcé et dont l'efficacité est visible dans de nombreuses communes, avec un rétablissement de l'équilibre et une reprise de l'investissement.
J'entends l'argument du rapporteur, reprenant les chiffres du rapport de mission parlementaire Soutenir les communes des départements et régions d'Outre-mer établi en 2019 par Jean-René Cazeneuve et Georges Patient dit « rapport Patient-Cazeneuve », soulignant que les gouvernements précédents n'auraient pas dû avoir les mêmes exigences de soutien à l'effort de redressement des finances publiques à l'égard des communes des départements d'outre-mer comparativement à celles de l'Hexagone : moins 14 % de dotation globale de fonctionnement (DGF) forfaitaire en Martinique pour la période 2014-2017 contre moins 42 % pour les communes de l'Hexagone. Il est néanmoins trop simple de faire porter sur l'État l'entière responsabilité de la situation financière d'un certain nombre de collectivités locales. Les politiques de recrutement, de sélection des compétences peuvent parfois être interrogées. De même, les retards de paiement ne sont pas neutres vis-à-vis du coût des prestations des entreprises concernées. La façon d'éponger le non-paiement de la commande publique est souvent d'augmenter le prix de la commande privée. Je ne crois pas que ce rapport ait la vocation, en creux, de justifier le bilan de la gestion budgétaire de telle ou telle collectivité. En revanche, il faut amplifier la démarche des Corom et, sans doute, établir un système d'affacturage qui permette un paiement rapide de la commande publique sans bloquer l'investissement des collectivités.
Le but de cette introduction n'était pas de dresser une liste exhaustive des remarques, qui sera plus à-propos dans la contribution que je livrerai avant la publication du rapport. Je reconnais le travail commun qui a été accompli et je salue sa qualité. En tant qu'élus de la nation et en responsabilité, nous devons assumer nos positions et nos divergences pour faire avancer un débat qui ne s'achèvera pas avec la publication de ce rapport et nous devons aussi réfléchir à différentes solutions. Compte tenu de ces divergences, je ne peux approuver une part significative des conclusions du rapport mais il n'est pas question d'en bloquer la publication. Je m'abstiendrai donc.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes
Nous partageons largement les diagnostics posés sur les causes de la vie chère dans nos territoires ultramarins. M. le rapporteur souligne notamment les raisons structurelles du fort coût de la vie, en particulier l'éloignement, avec les problèmes induits par le coût des transports aériens ou maritimes, ce qui renchérit le coût des importations alors que les Outre-mer dépendent de nombre d'entre elles, dont celles de la viande et des céréales.
La faible concurrence des acteurs de la grande distribution, un petit nombre d'acteurs qui concentrent les parts de marché, de grands groupes comme le groupe Bernard Hayot (GBH), qui contrôlent plusieurs secteurs – alimentation, automobile, bricolage – et le rachat du groupe Vindémia par ce dernier contribuent également à la hausse des prix.
Je partage votre appel à l'achèvement de la convergence entre les tarifs bancaires de l'Hexagone et ceux de l'Outre-mer, la tarification des établissements bancaires y étant anormalement supérieure et, surtout, injustifiée.
Les problèmes d'accès au foncier et au logement en général, le chômage – qui en 2018 dépassait 24 % à La Réunion et atteignait 38 % à Mayotte –, les prix, les écarts avec la métropole, qui varient de 12 % aux Antilles, de 11,7 % en Guyane et de 7 % à La Réunion comme à Mayotte sont autant de problèmes.
Même si je regrette qu'il n'aille pas plus loin dans sa remise en cause, je partage également certaines réserves du rapporteur en ce qui concerne l'octroi de mer, taxe ancienne sur les marchandises qui frappe à la fois les importations de marchandises et les activités de production en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, et qui constitue une ressource financière essentielle des communes.
L'octroi de mer est paradoxal et comporte des effets contre-productifs au point que l'intérêt d'une collectivité puisse résider davantage dans la hausse des importations que dans le développement de l'activité locale, sauf à l'aider plus encore. De surcroît, il nuit à la collectivité ultramarine puisqu'il s'exerce d'un territoire ultramarin à un autre.
Enfin, il est ambitieux de prévoir, dans les douze mois, l'organisation dans chaque territoire ultramarin d'états généraux du coût de la vie chère.
Notre rapporteur a accompli un travail considérable en cinq mois – cinquante auditions, plus de cent vingt-cinq personnes entendues – et nous ne pouvons que l'en féliciter. Toutefois, nous émettons certaines réserves quant aux propositions formulées, dont nombre d'entre elles ne sont pas réalistes.
Ainsi, nous ne pouvons pas valider la proposition de bloquer les prix sur les produits de première nécessité ce qui, dans les faits, augmenterait les pénuries et contribuerait au développement d'une économie parallèle déjà trop importante, comme tel est d'ailleurs le cas dans la Hongrie de Viktor Orbán.
Je m'interroge à propos du conditionnement des aides à l'embauche au recrutement de résidents ultramarins, alors que nous sommes revenus sur les emplois francs et leur dimension territoriale trop fermée.
Certaines propositions, en outre, ne sont ni financées ni finançables. Je songe à l'expérimentation d'un dispositif de compensation intégrale des coûts d'acheminement pour les produits de première nécessité ou au financement systématique de 80 % du coût des travaux de réhabilitation du bâti en lieu et place des propriétaires.
Nous regrettons que le rapport n'aborde pas la question de la sur-rémunération des fonctionnaires en Outre-mer, de même que l'absence de mention concernant la hausse du budget des Outre-mer sous l'actuelle majorité, avec 3 milliards de budget direct et 22 milliards de dépenses fiscales, donc indirectes, contre respectivement 2 et 17 milliards à la fin du quinquennat de François Hollande.
À regret, notre groupe s'abstiendra. Nous apporterons bien entendu une contribution afin d'expliquer notre position d'une manière plus étayée dans les jours à venir.
Nous saluons le choix d'une telle thématique pour une commission d'enquête parlementaire. Si la question du coût de la vie dans la France des Outre-mer a déjà fait l'objet d'un rapport à l'Assemblée nationale, en 2020, de la part de la Délégation aux Outre-mer, elle n'a jamais été traitée d'une façon aussi approfondie.
Le rapport dresse un constat lucide sur les causes et les conséquences du coût de la vie dans la France d'Outre-mer : le marché ultramarin est fermé ; une trop grande concentration des distributeurs locaux nuit à la concurrence ; l'absence de concurrence, notamment entre les compagnies maritimes, renchérit considérablement le coût de la vie.
Les observatoires des prix, des marges et des revenus doivent être sérieusement renforcés tant ils ne sont pas en mesure de remplir leurs missions.
Les entreprises doivent respecter l'obligation de dépôt des comptes et les pouvoirs publics doivent le faire respecter ou sanctionner son absence.
La question de la sur-rémunération des « expatriés » doit être examinée de plus près. Notre position à ce propos n'est pas encore arrêtée mais, incontestablement, celle-ci fausse le marché intérieur au détriment des « autochtones ». Il s'agit là d'un problème de fond.
Nous regrettons un angle mort quant aux effets dévastateurs de l'immigration incontrôlée à Mayotte et en Guyane, qui déstabilisent la société et l'économie de ces deux départements.
Plusieurs points sont sujets à caution.
Vous insistez sur une sorte de souveraineté fiscale des départements et régions d'outre-mer (Drom), or, la souveraineté ne relève que de l'État central et ne saurait être déléguée. De même, vos considérations sur les articles 73 et 74 de la Constitution suscitent de notre part une certaine circonspection – nous considérons même que cette question est hors-sujet.
Nos préconisations sur le coût de la vie Outre-mer figurent dans le programme présidentiel de Marine Le Pen de 2020. La constitution d'un ministère d'État de la France d'Outre-mer et de la politique maritime doté des moyens permettant d'engager une véritable politique nous paraît indispensable. La situation actuelle est presque indigne de la République et ne permet pas de régler les problèmes des Drom et des communautés d'outre-mer.
La réforme de l'octroi de mer a suscité entre nous quelques petites crispations. Nous souhaitons non pas qu'il disparaisse mais qu'il soit réformé et que la perte de recette qu'entraînerait probablement une telle réforme soit compensée à l'euro près par une augmentation des dotations globales de fonctionnement des Drom.
Enfin, nous souhaitons que la France des Outre-mer devienne un espace recherché pour les investisseurs internationaux, y compris ceux des territoires proches de nos Drom. Nous devons créer un choc de confiance au lieu de considérer l'économie comme une sorte d'adversaire alors qu'elle est un allié objectif et indispensable du développement en particulier.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.
Ce rapport, très dense, constitue une base de travail et une mine d'informations.
Nous soutenons la très grande majorité de ses préconisations qui, pour la plupart, reprennent les propositions politiques que nous avons défendues lors de diverses élections mais aussi celles d'un certain nombre d'experts, dont M. Christophe Girardier.
Ce rapport se consacre largement à la question de la formation des prix, qui est essentielle, mais un peu moins à celle des revenus et des salaires. En dépit de plusieurs propositions, le déséquilibre est patent.
Enfin, la question des frais bancaires, quoique je n'aie pas encore lu l'ensemble du rapport, ne fait l'objet d'aucune proposition alors que les abus sont réels et qu'ils ont des conséquences sur le coût de la vie, tant pour les particuliers que pour les entreprises privées.
Nous voterons en faveur de l'adoption de ce rapport et nous proposerons vraisemblablement une contribution écrite sur certains points qui pourraient être améliorés.
Même si j'ai eu peu de temps pour consulter le rapport, je partage les constats qu'il dresse. Je suis en revanche plus perplexe sur un certain nombre de points. Sur un plan sémantique, par exemple, nous ne parlons pas quant à nous des « peuples » d'outre-mer mais des populations. Il y a un peuple français, formé de plusieurs populations.
Des propositions sont intéressantes s'agissant des zones franches ou de l'application de mécanismes en vigueur aux Açores ou ailleurs concernant la mobilisation des fonds européens afin de créer des emplois locaux.
Outre la question des frais bancaires, votre réflexion devrait également tenir compte de celle des tarifs de communication puisque les mêmes opérateurs, à Mayotte et à La Réunion, pratiquent des tarifs différents dans ces deux territoires.
Tel que défini, le modèle économique me laisse également un peu perplexe. Je prendrai la liberté de vous envoyer une contribution car nous considérons que les Outre-mer n'ont pas besoin d'une plus grande autonomie mais d'une plus grande présence de l'État qui, dans certains domaines, est défaillant. Le problème des ultramarins, ce n'est pas tant la connaissance des problèmes qui se posent que le retard des solutions attendues. Oui, il faut agir vite ! Ainsi, nous ne découvrons pas les problèmes d'immigration à Mayotte mais nous avons mis dix ou vingt ans avant de chercher à les résoudre ! Du coup, tout le monde s'est ému des initiatives qui ont été prises alors qu'elles allaient dans le bon sens. Nous devons donc réfléchir au modèle économique que nous voulons.
J'insiste également sur les aspects institutionnels. Aux Antilles, la volonté d'autonomie est palpable. Telle n'est pas l'orientation politique des Mahorais. Nous, nous avons connu l'autonomie. Avec les Comores, Mayotte a été une collectivité d'outre-mer autonome au point de pouvoir contrôler la nomination d'un recteur, d'un colonel de gendarmerie, d'un procureur. Nous avons vu les résultats… Une telle autonomisation conduit à l'indépendance et ce n'est pas la direction que Mayotte veut prendre, laquelle est fière d'être un département français et entend le rester. Dans ce rapport sur le thème de la vie chère, la question institutionnelle revient comme un cheveu sur la soupe à travers des revendications certes légitimes aux yeux de ceux qui les expriment mais auxquelles je ne peux adhérer.
Je ne voterai pas en faveur de l'adoption de ce rapport mais, comme un certain nombre de mes collègues, je m'abstiendrai afin qu'il soit publié car, avec d'autres, nous nous sommes battus pour que cette commission d'enquête soit constituée.
Je m'exprimerai en mon nom personnel. Je salue le travail effectué par le rapporteur, le président et nos collègues pour comprendre les mécanismes du coût de la vie Outre-mer. Dans l'ensemble, vos propositions me paraissent intéressantes, mais je crains qu'elles ne puissent pas être appliquées très rapidement. Voilà pourtant des années que les populations ultramarines attendent que l'on s'empare du sujet du coût de la vie. Des réponses immédiates auraient été les bienvenues, même si un travail de fond est indispensable. J'émettrai quelques réserves, notamment sur la demande d'autonomie, qui correspond aux aspirations des territoires antillais mais pas du tout à celles de Mayotte, par exemple. L'État doit être présent, même s'il faut peut-être renforcer la déconcentration. Par ailleurs, je ne pense pas que la création de compagnies aériennes par zone océanique constitue une solution. En revanche, je suis très favorable au développement de filières industrielles de transformation et d'exportation de produits manufacturés localement, notamment vers l'Hexagone. À titre personnel, je voterai en faveur du rapport.
Je salue la justesse de votre diagnostic, Monsieur le rapporteur, et la qualité du travail accompli. J'espère que votre opiniâtreté ne s'arrêtera pas au stade du rapport. Nous avons voulu cette commission d'enquête à l'unanimité car la cherté de la vie dans nos territoires est insupportable et est perçue comme une injustice. Le rapport montre que les monopoles, les conglomérats ont une responsabilité dans ce phénomène. Nos populations ont compris que, depuis des décennies, des opérateurs économiques profitent de notre insularité, de notre éloignement, pour s'enrichir. Les prix des produits alimentaires sont supérieurs de 37 % à La Réunion par rapport à ceux pratiqués dans l'Hexagone, et 37 % de la population réunionnaise se trouve en dessous du seuil de pauvreté. Nous devons corriger cela. Par ailleurs, nous ne devons plus accepter qu'au motif du secret des affaires, les comptes, à l'instar des marges arrière, ne soient pas transparents. Ne nous laissons pas distraire par un débat sur la fiscalité. On peut réfléchir aux corrections à apporter à l'octroi de mer, mais je rappelle qu'à La Réunion, il n'y aurait pas eu développement de filières sans cette taxe. Les collectivités locales sont en première ligne. Or, 30 % du financement des communes proviennent de l'octroi de mer.
Je terminerai en citant un proverbe peul : « si tu avances, on te lancera des sagaies, si tu recules, on te lancera des sagaies, alors à quoi sert de reculer » ?
Je salue moi aussi le travail du rapporteur et le sérieux des auditions, qui ont permis de poser un diagnostic et de comprendre les mécanismes en cause. On lit dans le rapport que les prix sont supérieurs de 30 à 40 % dans nos territoires. La population ressent une forme de brutalité. J'aurais apprécié que le rapport propose plus de mesures normatives destinées à inverser le rapport Sud-Nord, notamment en favorisant une logique de commercialisation entre les pays du Sud. À titre d'exemple, le fer sud-africain coûte entre quatre et cinq fois moins cher que celui venant d'Europe. Il faut aussi prendre en compte la dimension écologique. Des normes « RUP » pour les régions ultrapériphériques pourraient remplacer les normes européennes. Il manque également des propositions sur les salaires et le foncier : rappelons que les Réunionnais ne peuvent plus acheter de foncier sur leur territoire. Nous devons à présent nous mettre au travail. Nous allons amender nombre de propositions afin que les gens obtiennent, plus que du pouvoir d'achat, du pouvoir de vivre.
Tout en saluant ce travail dense et important, je voudrais exprimer un certain nombre de regrets. Tout d'abord, contrairement à l'orientation prise lors de votre déplacement à Mayotte, le rapport n'accorde que peu de place à la question de l'eau, qui est pourtant l'un des facteurs essentiels de la cherté de la vie sur le territoire mahorais. Qu'elle vienne du robinet ou qu'elle soit vendue au supermarché, l'eau y est la plus chère de France. J'évoquerai ce point dans ma contribution.
L'accent mis sur les questions institutionnelles me parait hors sujet, pour ne pas dire militant et en décalage avec le positionnement d'autres départements ultramarins, même si je respecte la démarche que certains peuvent avoir.
Le choix qui a été fait de privilégier l'indicateur de Fisher pour mesurer le coût de la vie ne me satisfait pas. Je vous renvoie au rapport d'information sur l'autonomie alimentaire des Outre-mer que mon collègue Marc Le Fur et moi-même avons rédigé. Une étude de la préfecture de Mayotte montre que, pour un même panier alimentaire, la différence de prix entre Mayotte et l'Hexagone est de 161 %, ce que ne reflète pas le présent rapport. Par cohérence avec le travail de la délégation aux Outre-mer, je souhaite que l'on utilise les mêmes données.
En matière de téléphonie, le rapport est lacunaire concernant Mayotte. La quasi-totalité des forfaits proposés pour les communications de l'Hexagone vers les départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM) ne concernent pas Mayotte.
Je regrette que le rapport ne fasse aucune mention de la situation d'Air Austral, si ce n'est à propos des aides dont la compagnie réunionnaise a bénéficié. Cette dernière est perçue par les Mahorais comme une société prédatrice. Elle connaît des conflits d'intérêts majeurs avec la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et a réussi à exclure Corsair des liaisons avec Mayotte, ainsi qu'à restreindre les créneaux de Kenya Airways. La question du transport aérien est essentielle pour Mayotte. Or, le rapport a porté la focale sur les Antilles, comme si la situation monopolistique qui prévaut dans l'océan Indien était jugée normale. Cela me déçoit beaucoup car, pour le consommateur mahorais, c'est une requête ancienne et très légitime. Je ne sais pas comment on peut dire que les prix de l'aérien à Mayotte ont baissé alors qu'ils ont explosé du fait de la disparition de la concurrence au profit d'Air Austral.
Le rapport n'évoque pas non plus les dépenses des foyers pour les études de leurs enfants dans l'Hexagone, qui pèsent lourd sur leur pouvoir d'achat.
Le centre hospitalier de Mayotte indique que les évacuations sanitaires concernent principalement les étrangers. Pour se faire soigner, les Mahorais se cotisent. J'aurais souhaité que vous citiez la Défenseure des droits, qui décrit le territoire mahorais comme un désert médical.
Je regrette que le rapport survole un certain nombre de points car la cherté de la vie est un sujet essentiel du débat politique mahorais depuis une quinzaine d'années.
S'agissant de l'octroi de mer, tout le monde ne partage pas la position de M. Serge Letchimy. Il faut faire preuve de nuance. J'invite la délégation aux Outre-mer à entendre toutes les positions et pas seulement celles des conseillers départementaux et régionaux. Les principaux concernés sont tout de même les maires, qui sont engagés, à Mayotte, dans un face-à-face très tendu avec la préfecture. La disparition de l'octroi de mer les placerait dans une position encore plus difficile vis-à-vis de l'État. Les collectivités mahoraises sont très pauvres ; le produit des impôts locaux est extrêmement faible.
Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT s'abstiendra, ce qui ne nous empêchera pas d'apporter notre contribution écrite aux travaux.
Nous avons travaillé sur un périmètre constitué par dix territoires, du Pacifique à l'océan Indien. Il est impossible de faire une étude individualisée pour chacun d'eux. Il faut piocher dans le rapport les mesures qui vous intéressent et mettre de côté les autres. Comme nous l'avons écrit, l'évolution institutionnelle est suggérée à ceux qui le veulent. Chacun est libre, en fonction de sa situation, de la volonté populaire, de s'engager vers plus ou moins d'autonomie. Nous avons essayé de couvrir le spectre le plus large possible, mais le rapport n'est ni figé ni exhaustif. Avec le président, nous avons travaillé de manière constructive pour trouver des solutions au problème de la vie chère. Nous souhaitons tous des actions immédiates, mais ce type de mesures réclame du temps.
Monsieur Kamardine, vous ne donnez pas le même sens que moi au mot « peuple ». J'emploie ce terme au sens sociologique et non étatique. À mes yeux, il ne doit pas être associé à l'indépendance, même si les deux concepts ont été liés historiquement. Il faut faire évoluer notre cadre de pensée. Le peuple renvoie à un territoire, une géographie, une culture. En ce sens, on peut parfaitement être français et martiniquais, par exemple. Il ne faut voir dans le terme de peuple aucune connotation négative mais au contraire une démarche d'ouverture. Cela va de pair avec la volonté d'assurer l'égalité des droits et le droit à la différence. L'une n'est pas l'ennemie de l'autre.
Si l'on relève de l'article 74 de la Constitution, on perd les acquis de l'article 73 ; et si l'on relève de l'article 73, on « perd » des leviers institutionnels. Pardonnez-moi, mais je suis choqué que nous n'ayons que deux habits pour vivre toute une vie. Pour vous habiller, vous n'avez pas que deux vêtements ! Et si votre taille ne correspond pas aux tenues que l'on vous propose, vous vous faites faire un tailleur sur mesure. Tout ce que nous demandons, c'est que chacun puisse avoir un vêtement sur mesure, et que l'égalité des droits soit respectée. Certains veulent ressembler davantage à la France, prendre Paris pour modèle : c'est leur droit. Moi, je veux être français, tout en étant martiniquais. Géographiquement, je ne serai jamais à Paris : je vis à 8 000 kilomètres, ma culture n'est pas exactement la même et je ne mange pas nécessairement la même chose que les parisiens, mais je suis français. L'un n'est pas l'ennemi de l'autre : nous ne sommes pas opposés. C'est vraiment une nouvelle conception des choses que je souhaite proposer aux députés de la nation – car je n'ai aucune difficulté à parler de la nation française.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les frais bancaires : ils font bien l'objet de l'une de mes propositions.
Nous proposons de réformer et de simplifier l'octroi de mer. Toute la question est de savoir où mettre le curseur. J'ai entendu que le Gouvernement souhaite le réformer en profondeur et qu'un rapport préconise de le transformer en TVA, mais ce n'est pas le même type de taxe, ni le même type d'outil : le produit de la TVA est versé à l'État central, alors que le produit de l'octroi de mer reste localisé Outre-mer. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut simplifier l'octroi de mer et en corriger certaines anomalies : il reste à préciser comment.
J'aimerais revenir sur le mot « sur-rémunération », que j'ai effectivement choisi de ne pas utiliser, parce que l'expression « prime de vie chère » me paraît plus explicite. On a tendance à oublier que, historiquement, la surrémunération avait un lien avec le coût de la vie. Quand on a accordé aux fonctionnaires travaillant Outre-mer une surrémunération de 40 %, dans les années 1950, c'était pour lutter contre la vie chère. Il me paraît plus judicieux de parler, désormais, de « prime de vie chère ». Et je propose d'en accorder une aux salariés du privé.
Il me paraît nécessaire d'augmenter le niveau des revenus, qui est apparu, au terme de notre travail de fond, comme l'un des déterminants du coût de la vie. On me dit qu'une augmentation des revenus va entraîner une hausse du niveau des prix. Il faudrait donc renoncer à augmenter les revenus ? Ce n'est pas possible ! Augmenter les revenus, c'est augmenter la consommation et, par là, la création de richesse et de valeur ajoutée sur le territoire. Pour que l'économie fonctionne, il faut que l'argent circule. Lorsque je gagne 1 000 euros, je peux dépenser davantage que lorsque je touche 400 euros.
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut augmenter la production locale, mais il faut des consommateurs qui aient les moyens de l'acheter. On peut débattre de son niveau, mais il faut une augmentation des revenus. Par ailleurs, je vous invite à bien lire le rapport : je ne demande pas que l'État finance une augmentation des revenus de 20 %, je propose de créer une taxe sur les grands groupes qui font des profits dans nos territoires. Surtout, je pense qu'il faut organiser une conférence sociale, au sein de laquelle tous les acteurs concernés pourront discuter du niveau de cette augmentation et de ses modalités de financement. Il faut prendre en compte les petites entreprises, qui ne peuvent pas assumer ces hausses, et beaucoup d'autres paramètres, mais ce n'était pas au rapport de trancher ces questions.
Monsieur Chudeau, je sais que, pour vous, tous nos maux viennent de l'immigration, mais j'avoue ne pas voir le rapport entre celle-ci et le coût de la vie. Je veux par ailleurs rappeler que l'immigration ne se vit pas de la même manière, selon le territoire ultramarin où l'on se trouve, ce qui nous ramène à la grande diversité des situations locales. À cet égard, je regrette que Mme Estelle Youssouffa soit partie : je lui aurais dit que je ne pouvais pas entrer dans les particularités de chacun des territoires ultramarins. Si je l'avais fait pour Mayotte, j'aurais dû le faire pour tous. Or c'était impossible. C'est d'ailleurs pour cela que je vous invite à déposer des contributions individuelles, décrivant les particularités de chaque territoire, et j'invite Mme Youssouffa à le faire pour Mayotte.
Nous ne pouvions pas tenir compte de son rapport d'information sur l'autonomie alimentaire des Outre-mer, puisqu'il n'a paru que très récemment. Nous avons fait le choix d'utiliser des indicateurs différents mais récemment établis par l'Insee, afin d'être au plus près de la réalité des territoires. Par ailleurs, quand nous avons rencontré les représentants des compagnies aériennes, nous n'étions pas allés à Mayotte et n'avions pas encore analysé la situation d'Air Austral. Mais l'une de nos propositions vise à créer une nouvelle compagnie aérienne par zone océanique, pour développer la concurrence.
S'agissant de l'évolution institutionnelle, je répète que chaque territoire ira où il veut. J'ai proposé un panel de solutions et chacun y puisera ce qui l'intéresse.
J'aimerais, pour finir, vous lire quelques mots de Confucius, qui feront écho au proverbe peul : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu as contre toi ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire et l'immense majorité de ceux qui ne veulent rien faire. » J'ai formulé soixante-huit propositions et je rappelle que ce rapport est un commencement : j'invite tous les groupes à s'en saisir. Ce qui est certain, c'est que l'inaction et le statu quo ne sont pas une option. La situation est dramatique et il faut trouver des solutions au plus vite. J'en ai proposé plusieurs : engager une négociation devant aboutir, dans un délai de douze mois, à une baisse des prix de 10 à 20 % ; organiser une conférence sociale et des états généraux ; rétablir les plafonds de la réduction d'impôt sur le revenu des contribuables ultramarins ; introduire plusieurs mesures d'ordre économique.
La commission adopte le rapport.
Le rapport est donc adopté : il sera publié dans un délai de cinq jours à compter de l'annonce de cette adoption, soit le jeudi 27 juillet.
Je vous rappelle que vous avez jusqu'au mardi 25 juillet à midi pour envoyer, à titre individuel ou collectif, une contribution qui sera annexée au rapport.
La réunion s'achève à seize heures vingt.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Roger Chudeau, M. Perceval Gaillard, Mme Florence Goulet, M. Johnny Hajjar, M. Mansour Kamardine, M. Frédéric Maillot, M. Philippe Naillet, Mme Maud Petit, Mme Claire Pitollat, M. Stéphane Rambaud, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Cécile Rilhac, M. Freddy Sertin, Mme Aurélie Trouvé, M. Guillaume Vuilletet, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. – M. Philippe Gosselin, M. Frantz Gumbs, M. Nicolas Metzdorf, M. Jean-Philippe Nilor, M. Mikaele Seo