Publié le 5 avril 2024 par : M. Coulomme, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Couturier, M. Davi, M. Delogu, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leboucher, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier, M. Walter.
Supprimer cet article.
"Par cet amendement, les député.es du groupe LFI-NUPES souhaitent supprimer l'article unique de cette proposition de loi.
La proposition de loi vise à créer un "legal privilege" à la française pour les juristes d'entreprise. Une nouvelle fois la représentation nationale se retrouve à discuter d'une proposition issue des lobbys, notamment des banques et des grandes entreprises.
Les motifs justifiant le recours à ce dispositifs sont fallacieux. Sous couvert d'une compétition légale en défaveur de la France et au profit des modèles anglo-saxons qui engendrerait un manque de compétitivité des entreprises française, la présente proposition cache la volonté de protéger le secret des affaires.
La renonciation des entreprises à localiser leur direction juridique en France est un motif qui se fonde sur une position fausse. L'existence d'une direction juridique par entité nationale reste nécessaire. Il est difficile de croire qu'une entreprise chargera des juristes étrangers de gérer les consultations juridiques qui concernent l'application du droit français, un droit qui, a priori, peu de juriste étrangers connaissent ou maîtrisent. De plus, comme le précise l'AMF, elle ne connaît aucune entreprise française qui aurait délocalisé son siège pour le seul motif de profiter de la confidentialité des consultations juridiques.
Enfin, l'étude de Pascal Durand-Barthez et François Lenglart « Choisir son droit - Conséquences économiques du choix du droit applicable dans les contrats internationaux » démontre que le choix du droit applicable dans les échanges économiques et commerciaux résulte principalement de raisons économiques et de gains. L’étude remet en question l’idée d’une compétitivité entre les droits applicables en tant que tel, le choix ne tient qu’aux gains économiques et donc aux rapports de force entre les contractants.
En ce qui concerne la protection des entreprises contre l'extraterritorialité du droit américain, argument avancé notamment par le rapport de M. Raphaël Gauvain, cette idée s'inscrit dans une vision étriquée de la souveraineté industrielle et commerciale. Le legal privilege n'a jamais empêché à des entreprises basées dans des États qui disposent de ce dispositif de subir l'application du droit américain. À titre d'exemple, en décembre 2012, HSBC avait accepté de payer un montant record de 1,9 milliard de dollars pour solder une série d'enquêtes du ministère américain de la Justice et du Trésor pour complicité de blanchiment d'argent appartenant à des cartels mexicains de la drogue et pour des transactions avec l'Iran, le Soudan, Cuba et la Libye, tous sous embargo américain. Or, le droit anglais dispose du legal privilege.
La question de l'extraterritorialité et de la protection des entreprises est un leurre et cache une nouvelle fois la véritable volonté du texte : assurer le secret des affaires. Nous pensons que cette extraterritorialité se questionne sur le plan diplomatique et politique, par la protection de nos industries et de notre économie.
Enfin, l'actuel président de la République avait lui-même, à l'occasion du vote de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques alors qu'il était ministre de l'économie, qualifié ce ""legal privilege"" de ""coffre fort juridique"" et s'y était opposé !
Nous nous opposons frontalement à ce texte qui remet en cause à la fois le fondement de la confidentialité juridique attaché à l'avocat et empêche toute autorité de régulation d'agir.
La confidentialité des consultations avec l'avocat tient de son indépendance vis à de vis de toute contrainte. Cette confidentialité est la garantie de son indépendance, elle poursuit dans notre système juridictionnel un but d'intérêt général pour le bon fonctionnement du service public de la justice. La confidentialité proposée aux juristes d'entreprise ne peut être justifiée en raison du lien de subordination avec l'employeur. Ainsi, offrir aux juristes d'entreprises ce ""privilège"" n'a pour objectif que de garantir des intérêt privé. Rien ne justifie le recours à cette confidentialité.
En ce qui concerne les autorités de régulations - notamment et en premier lieu L’Autorité de la concurrence (ADLC), l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) - ces dernières s'inquiètent de cette proposition. Pourquoi opposer la confidentialité à leurs procédures d'enquêtes administratives ? Cette proposition ne saurait être présentée comme un facteur de compétitivité, sauf à considérer que l’intégrité des marchés nuirait à leur attractivité. Tout au contraire, le signal ainsi donné serait contreproductif et critiquable.
Ainsi, nous considérons que cette proposition de loi cache en réalité un volonté de permettre aux grandes entreprises et notamment aux banques de "délinquer en rond et surtout à l'insu de tous". C'est pourquoi nous proposons cet amendement de suppression."
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