Publié le 6 avril 2024 par : Mme Roullaud, M. Guitton, M. Schreck.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 1 de la proposition de loi n°2033 « relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise».
Rappelons que la profession de « conseil juridique » a été supprimée en 1992, que lui a été substituée celle « d’avocat » (les conseils juridiques devant dès lors passer l’examen d’avocat), et que seuls subsistent aujourd’hui des juristes d’entreprises, titulaires de diplômes généraux en droit, employés par des sociétés, mais ne représentant pas à eux seuls une profession.
L’article 1 de la présente proposition de loi, crée à la suite de l’article 58 concernant les juristes salariés d’entreprise, un article 58-1 nouveau instaurant la confidentialité des consultations et actes juridiques de ces derniers.
Or en l’état actuel du droit, si les juristes d’entreprises peuvent établir des consultations et des actes juridiques, ce que la loi leur permet sans être avocat, c’est sous l’entière responsabilité des entreprises qui les emploient. Ils sont simplement des salariés de l’entreprise et ne sont pas soumis au secret professionnel.
Accorder le secret professionnel à des consultations ou actes juridiques faits par ces juristes d’entreprise génèrerait 3 types d’inconvénients :
Premièrement : cela aurait pour effet de porter atteinte à la profession règlementée d’avocat soumise à un examen sélectif, des obligations de formation tout au long de la profession, des règles déontologiques strictes et une obligation au secret professionnel.
Ce glissement des caractères de la profession d’avocat vers des personnes salariées qui n’en n’ont pas le diplôme, ni les obligations, aboutirait à une dérèglementation de la profession d’avocat.
Il serait de nature à terme à aboutir à la création d’une nouvelle profession d’avocat : celle d’avocat salarié en entreprise.
Cela abaisserait le niveau de la profession puisque le Master n’est ni aussi sélectif ni aussi exigeant que l’examen d’avocat qui nécessite, non seulement d’avoir un master, mais surtout de réussir l’examen d’entrée et celui de sortie, après un an de formation.
Cela aboutirait aussi à l’affaissement de l’éthique de la profession, puisque l’avocat salarié n’aurait pas reçu de formation déontologique et qu’il ne serait pas non plus, indépendant. Il ne pourrait donc pas décider en toute liberté de conscience de s’abstenir d’accomplir tel ou tel acte étant soumis, par définition, à son employeur.
Deuxièmement, il convient de faire remarquer que le secret professionnel des juristes d’entreprises s’exercerait « in rem » c’est-à-dire sur une consultation, un acte, et non pas sur la personne du salarié (in personam), contrairement à la profession d’avocat où c’est l’avocat qui est soumis au secret professionnel, et non son dossier.
Ce qui s’avèrerait néfaste pour les justiciables car le secret portant sur une consultation ou un acte pourrait entraver l’accès à la preuve, pierre angulaire du procès équitable.
Troisièmement, il est faux de prétendre que l’absence de confidentialité des juristes d’entreprises nuirait à la compétitivité des entreprises françaises, car aucune étude n’a jamais été produite en ce sens. Au contraire la France demeure, en 2022 pour la quatrième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe.
Enfin, il faut rappeler :
- Que la profession d’avocat s’oppose presque toute entière à ce « cheval de Troie » que représente la confidentialité des consultations juridiques accordée aux juristes d’entreprise,
- Que l’assemblée générale du Conseil National des Barreaux s’est prononcée contre ce « legal privilège » (privilège de confidentialité) le 3 juillet 2023 et le 2 février 2024 ;
- Que l’assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers a voté également deux fois contre ce projet, le 23 juin 2023 et le 26 janvier 2024.
En somme, cette proposition de loi n’apporte rien.
Elle génère au contraire beaucoup d’inconvénients et d’opposition pour un prétendu avantage (celui de la compétitivité) qui est loin d’être démontré…
En conséquence, il convient de voter la suppression de cette proposition de loi.
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