La séance est ouverte à 17 heures 10.
Présidence de Mme Perrine Goulet, présidente de la délégation
La Délégation aux droits des enfants auditionne M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministère de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Nous auditionnons M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Nous savons tous que le numérique, s'il peut être un formidable vecteur de diffusion des connaissances et d'ouverture au monde, peut aussi s'avérer dangereux pour les mineurs, notamment par le biais des atteintes à leur vie privée, du cyberharcèlement ou encore de l'exposition à la pornographie dès leur plus jeune âge.
L'association Génération numérique a mené l'an dernier une enquête auprès de jeunes âgés de 11 à 18 ans, qui a révélé des chiffres inquiétants : 41 % de ces jeunes avaient été victimes de cyberharcèlement, 34 % s'étaient fait voler leurs données personnelles et 31 % déclaraient rester éveillés la nuit pour regarder leur écran. S'agissant de l'accès aux contenus pornographiques, un sondage publié par l'Ifop en 2017 estimait à 14 ans l'âge moyen du premier visionnage ; pour l'association Génération numérique, il tournerait aujourd'hui autour de 11 ans.
La protection des mineurs en ligne demeure donc un défi. La Délégation aux droits des enfants (DDE) a organisé en décembre dernier un colloque sur le numérique et la protection des mineurs, qui a mis en avant le besoin d'éducation au numérique des enfants, mais aussi des parents.
Internet est un moyen utile et amusant, pour les enfants, de s'informer, d'apprendre et de communiquer, mais peut également présenter des dangers. On pense évidemment à la cyber-intimidation : harcèlement, menaces ou humiliations en ligne par d'autres enfants ou adolescents. Il y a également l'exposition à des contenus inappropriés : des images, des vidéos ou du contenu textuel qui peuvent inclure de la pornographie, de la violence ou des discours haineux. Il y a encore le grooming ou pédopiégeage : des enfants sont ciblés par des personnes malveillantes qui cherchent à les exploiter en ligne, comme les pédophiles, ou les séduire pour les inciter à des comportements sexuels en ligne ou en personne. Enfin, il ne faut pas oublier le partage des données personnelles : les enfants peuvent être incités à partager des informations personnelles telles que leur nom, leur adresse ou leur numéro de téléphone, ce qui les rend vulnérables à toutes les formes d'abus et d'exploitation.
Le contrôle est donc un enjeu de l'accompagnement des enfants. La supervision de leur utilisation d'internet en est un autre. Dès lors, la responsabilisation des parents est nécessaire. Pour les aider dans cette tâche, un dispositif de contrôle parental sera prochainement déployé sur les appareils connectés vendus en France. Rappelons que cette initiative est issue des bancs du Parlement puisque c'est notre collègue Bruno Studer qui en était à l'origine. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment ce dispositif sera décliné ?
L'appropriation de ce moyen par les parents est un autre enjeu. Dans ce cadre, quelles mesures sont envisagées pour sensibiliser les parents à la mise en œuvre de ce contrôle et plus généralement aux dangers du Net ? Pouvez-vous indiquer comment le site jeprotegemonenfant.gouv.fr est porté à la connaissance des parents ?
L'autre enjeu que les enfants nous ont engagés à traiter lors de leur venue à l'Assemblée nationale, en novembre dernier, concerne le harcèlement scolaire. Notre collègue Erwan Balanant a porté le texte visant à lutter contre le harcèlement scolaire. Il assigne plusieurs objectifs aux acteurs d'internet, dont la lutte contre le cyberharcèlement, et consacre leur obligation de modérer les contenus de harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux. Qu'en est-il de la mise en œuvre réelle de cette obligation ?
Plus généralement, vous avez annoncé hier que le 3018 serait dorénavant disponible 365 jours par an. Pouvez-vous faire le point sur son utilisation ?
En 2020, nous avons adopté une disposition visant à rendre obligatoire le contrôle strict de l'accès des mineurs à la pornographie. Le 5 février dernier, vous avez annoncé un dispositif de certification de l'âge visant à bloquer l'accès des mineurs aux sites pornographiques. Pouvez-vous détailler les modalités de son calendrier et de sa mise en œuvre ?
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de rappeler ce que fait le Gouvernement, en lien étroit avec les parlementaires et leurs travaux, pour mieux protéger nos enfants en ligne.
Dans l'espace numérique, les enfants sont confrontés à des violences, parce qu'ils accèdent, de façon insuffisamment contrôlée, à des contenus qui leur sont interdits dans leur intérêt, pour les protéger, parce qu'ils sont victimes par millions de phénomènes tels que le cyberharcèlement et la prédation sexuelle, et parce que se nouent, dans l'ère numérique, de nouvelles formes de dépendance et d'addiction qui ont vraisemblablement – la littérature scientifique n'en est qu'à ses débuts pour l'établir de façon formelle – des effets délétères sur leur développement affectif.
Face à cela, notre réponse est triple. Elle consiste à prendre des mesures de prévention et de sensibilisation à destination des parents et des enfants, ainsi que des mesures de responsabilisation des acteurs du monde numérique, notamment les plateformes, et à garantir la bonne application de la loi.
En matière de prévention et de sensibilisation, la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, dite loi Studer, généralise le contrôle parental sur les appareils vendus en France, tant les consoles de jeux vidéo, dont la plupart en sont équipées depuis un certain temps, que les smartphones et les tablettes. Le décret d'application de la loi Studer a été signé à l'automne. Il a été notifié à la Commission européenne, qui a donné son feu vert le 16 janvier dernier. Une fois acquise sa validation par le Conseil d'État, les acteurs auront un an pour se mettre en règle. Dès lors, tous les appareils seront dotés du contrôle parental.
Nous mettons cet outil à la disposition des parents. Encore faut-il qu'ils en connaissent l'utilisation et le bon usage. C'est pourquoi Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, et moi-même avons lancé, la semaine dernière, une campagne de communication visant à faire connaître le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, qui est le site de référence en matière d'accompagnement des parents dans leur parentalité numérique.
Il donne des informations sur le contrôle parental et sur les autres outils mis à leur disposition pour accompagner progressivement leurs enfants. C'est par analogie avec l'apprentissage de la nage qu'a été construite cette campagne de communication : quand on accompagne pour la première fois un enfant à la piscine ou à la plage, on ne lui lâche pas la main, on ne le laisse pas explorer seul un milieu qui peut être hostile, même s'il peut sembler ludique au premier abord ; on lui tient la main et on l'accompagne progressivement vers des usages de plus en plus indépendants et autonomes.
Par ailleurs, nous développons le campus de la parentalité numérique, lancé lors du quinquennat précédent grâce à l'action d'associations telles que l'Union nationale des associations familiales (UNAF), e-Enfance et l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (OPEN). Nous avons défini un cahier des charges pour la construction d'un label « campus de la parentalité numérique », qui permettra de labelliser, partout sur le territoire, les initiatives d'accompagnement à la parentalité. Avec Jean-Christophe Combe, qui est chargé de la mise en œuvre de cette politique publique, nous avançons ; la labellisation est en cours.
S'agissant de la sensibilisation des enfants, nous avons fait en sorte que tous les élèves de 6e disposent, à partir de la rentrée prochaine, d'un Passeport pour internet, qui est un module de sensibilisation conçu par Pix (plateforme d'évaluation et de certification des compétences numériques). Il permettra aux enfants, par le biais de quelques apprentissages actifs, d'apprendre ou de découvrir les risques auxquels ils s'exposent en ouvrant un compte sur un réseau social ou en naviguant sur internet, et leur donnera les conseils à suivre et les gestes à adopter s'ils sont témoins ou victimes de cyberharcèlement, ou s'ils rencontrent des difficultés particulières. Ils y découvriront par exemple le 3018, et y apprendront notamment qu'un mot de passe doit être conçu pour être véritablement protecteur.
Le 3018 a fait l'objet d'un renforcement de ses moyens, annoncé la semaine dernière. Cette ligne est désormais ouverte sept jours sur sept, 365 jours par an, de 9 heures à 23 heures, grâce au recrutement de huit écoutants supplémentaires. Lancée en mai 2021, elle a été complétée en février 2022 par une application, qui rencontre un grand succès. Si les enfants ont parfois quelques difficultés à prendre le téléphone pour appeler le 3018, ils sont de plus en plus nombreux à contacter les écoutants par le biais de l'application.
En 2022, 25 000 appels ont été reçus, contre 18 000 en 2021. Cette progression assez nette s'explique par la progression des violences et par la notoriété croissante de l'application, laquelle a fait l'objet de 25 000 téléchargements en un an, ce qui démontre qu'elle bénéficie d'une forme d'appropriation par les jeunes. Ces appels ont eu pour résultat l'écoute qu'offrent les professionnels du 3018, ainsi que la suppression de 10 000 comptes et contenus en 2022, contre 3 000 en 2021.
S'agissant de la responsabilisation des acteurs, le règlement européen sur les services numériques (DSA) fera évoluer la façon dont nous traitons par le droit les plateformes, notamment les réseaux sociaux. Jusqu'à présent, elles étaient considérées comme de simples hébergeurs, ne portant aucune responsabilité, ou très peu, s'agissant des contenus, en particulier des messages, dont elles permettent la circulation. Désormais, elles sont assujetties à certaines responsabilités de modération, ainsi que d'analyse des risques qu'elles font peser sur la démocratie et sur leurs utilisateurs.
Certaines dispositions de ce règlement européen, qui entrera en application dans le courant de l'année 2023, concernent directement les enfants : l'obligation de proposer des conditions générales d'utilisation (CGU) facilement compréhensibles par les enfants ; l'obligation de prendre les mesures appropriées et proportionnées pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée et la sécurité des mineurs – interfaces adaptées, paramètres spécifiques et blocage de tout contact direct avec un mineur extérieur au cercle d'amis ; l'interdiction de diffuser de la publicité ciblée sur les mineurs ; l'obligation de proposer des mesures ciblées d'atténuation des risques identifiés pour protéger le droit des enfants –outils de vérification de l'âge et contrôle parental. Si j'énumère ces dispositions, c'est parce qu'elles constituent une petite révolution : l'Europe a fait valoir que, si l'on souhaitait diffuser ou mettre à la disposition des citoyens européens des espaces numériques tels que les plateformes de réseaux sociaux, alors il fallait se conformer à un certain nombre de règles.
S'agissant de l'application de la loi, les articles 22 et 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales précisent les conditions dans lesquelles les sites pornographiques doivent vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Après la publication, le 7 octobre 2021, du décret d'application de cette loi, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a mis en demeure cinq sites pornographiques de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs. À l'issue de la période de quinze jours prévue par la loi, le président de l'Arcom a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l'interruption du service auprès des fournisseurs d'accès à internet (FAI) ou par le biais du déréférencement.
Le tribunal judiciaire de Paris a convoqué une audience, lors de laquelle les sites pornographiques ont présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le juge a décidé de la transmettre à la Cour de cassation et a sollicité une médiation entre l'Arcom et les sites pornographiques.
Le 5 janvier dernier, la Cour de cassation a décidé de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. La médiation touche à sa fin, l'Arcom ayant annoncé mardi dernier sa décision d'en sortir. La voie est désormais ouverte à la poursuite de la procédure, afin que le juge puisse se prononcer sur une interruption du service des sites pornographiques, qui, aux dernières nouvelles, n'ont toujours pas mis en œuvre la vérification de l'âge de leurs utilisateurs.
Nous travaillons à faire émerger une solution de vérification d'âge respectant le principe de double anonymat : celui qui fournit l'attestation de majorité – opérateur télécoms, fournisseur d'identité numérique ou tout autre organisme susceptible d'attester de la majorité d'une personne – ne sait pas à quelle fin elle sera utilisée, et le site sur lequel l'attestation est utilisée pour accéder au service ne connaît pas l'identité de la personne.
De l'avis de l'Arcom comme de celui de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ce système est le plus robuste, non seulement pour résoudre une fois pour toutes la question de la vérification d'âge sur les sites pornographiques, mais éventuellement pour effectuer à l'avenir des vérifications d'âge sur d'autres services dont nous voudrions protéger nos enfants. Il sera expérimenté, à partir de la fin du mois de mars, par un collectif d'entreprises, qui sera prochainement présenté de façon exhaustive et publique. Nous espérons que cette solution aura fait ses preuves dans les mois à venir.
Au demeurant, rien n'empêche les sites pornographiques de mettre en œuvre dès à présent des vérificateurs de l'âge. Ils les connaissent et les ont parfois déjà expérimentés. Certains ont même acheté, par voie d'acquisition externe, des entreprises de vérification de l'âge. Rien ne les empêche, dans le respect des grands principes rappelés par l'Arcom et la Cnil, de vérifier l'âge de leurs utilisateurs.
En tout état de cause, nous préparons un système suffisamment robuste pour être inattaquable chaque fois que nous ferons progresser le droit dans le sens d'un contrôle accru de l'âge à l'entrée des sites internet.
Monsieur le ministre, je suis ravie de vous entendre sur un sujet qui nous concerne tous. À titre personnel, j'ai beaucoup travaillé sur l'exposition excessive des enfants aux écrans, qui fera l'objet d'une proposition de loi portant sur la façon dont la puissance publique prévient les parents, examinée par l'Assemblée nationale à compter du 6 mars prochain. Il y a en effet une inégalité d'information sur les risques de l'exposition excessive aux écrans. Or le temps d'exposition augmente : il est en moyenne de 3 heures pour la tranche 0-2 ans. Par ailleurs, ses effets, notamment sur le langage, le sommeil et l'alimentation, sont de mieux en mieux connus.
Je souhaiterais savoir comment vous parvenez à travailler avec les plateformes, avec les Gafam. Google héberge ainsi la plateforme YouTube Kids. Pour ma part, je n'ai pas réussi à obtenir d'eux tous les éléments d'information que je réclamais. Je pense notamment aux algorithmes qu'ils utilisent pour capter l'attention des enfants. De nombreux contenus sont conçus en effet pour activer le circuit de la récompense, comme le montrent plusieurs ouvrages, notamment La civilisation du poisson rouge, de Bruno Patino, qui documente bien l'économie du marché de l'attention. Ces données doivent servir aussi pour le contrôle parental.
Vous avez déjà largement répondu à la question que je souhaite vous poser, monsieur le ministre délégué.
Les études montrent que l'exposition des enfants aux écrans, notamment les plus jeunes, peut avoir des conséquences graves sur leur développement psychologique et psychique, sur leur sommeil, sur le développement de leur cerveau, sur leurs capacités d'attention ou encore sur leurs facultés de mémorisation. On sait aussi que cela peut conduire à des phénomènes d'addiction. De nombreux parents, conscients des risques, se demandent donc comment trouver un équilibre raisonnable entre autorisation et interdiction. Notre assemblée s'est saisie de cette question, dont elle va débattre très prochainement.
Vous avez évoqué les dispositifs existants ou en cours de déploiement, mais que pensez-vous de la publication d'un guide annuel des bonnes pratiques s'agissant de l'exposition des enfants aux écrans, en fonction de leur âge ? Un guide de prévention, actualisé chaque année – j'insiste sur ce point, en pensant à des réseaux tels que TikTok –, permettrait aux parents de bénéficier d'informations et de recommandations utiles. Une plateforme agréée par le Gouvernement aiderait les parents qui le souhaitent à limiter et à optimiser le temps d'utilisation des écrans par leurs enfants mais aussi à repérer les signes d'alerte en cas d'utilisation excessive.
Je reviens sur le droit à la vie privée, à l'image et à l'intimité. Avec la numérisation croissante de la vie familiale, aucun de nous ne peut échapper aux vidéos en ligne qui relatent des moments de vie, de partage, d'émotion ou de jeu et dans lesquelles figurent des parents aussi bien que des enfants. La médiatisation de l'enfance s'accompagne de toute une série d'interrogations sur les méfaits liés à cette évolution. Alors que certains en font une source de revenus importante, pouvant aller de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros par mois, grâce à la publicité, le phénomène des parents et des enfants influenceurs inquiète fortement les associations, les médecins et les professeurs, notamment sous l'angle du consentement. En effet, 56 % des parents avouent ne pas avoir obtenu le consentement de leurs enfants avant de publier un moment d'intimité, et quatre adolescents sur dix trouvent que leurs parents les ont trop exposés sur les réseaux. Fait plus alarmant, 39 % des bébés ont une empreinte numérique avant même d'être mis au monde.
Malgré la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne et le décret d'application de ce texte, le respect du droit à l'image des enfants reste insuffisant. Deux cas de figure sont prévus, selon que l'activité en question est considérée comme un travail ou non. Si un ensemble de mesures de protection de l'enfant est prévu dans le cas d'une activité considérée comme un travail, les situations qui ne sont pas considérées comme telles posent un problème. De nombreux parents profitent de cette catégorie, alors que 90 % des situations relèveraient de la relation de travail. Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre délégué, pour encadrer davantage les pratiques et mieux protéger les enfants ?
La Réunion connaît une situation d'urgence : l'illectronisme y touche près d'un quart de la population. En 2017, selon l'INSEE, 23 % des réunionnais ne s'étaient jamais connectés à internet, et en 2021 un quart d'entre eux affirmaient encore avoir des difficultés avec les ordinateurs. Il est pourtant indispensable de maîtriser les compétences informatiques et numériques dès lors que la plupart des démarches administratives s'effectuent en ligne.
La fracture numérique est indiscutable. J'étais enseignante pendant le confinement : nombreux étaient mes élèves qui n'avaient pas internet ou dont la famille n'avait qu'un seul smartphone, ce qui est problématique, vous en conviendrez, lorsqu'on a trois enfants scolarisés. Le coût élevé du matériel et celui de l'abonnement à internet, bien plus cher que dans l'Hexagone, sont les deux principales raisons qui sont évoquées par les réunionnais pour expliquer l'absence d'équipements électroniques chez eux.
Vous avez parlé tout à l'heure du contrôle parental, monsieur le ministre délégué, mais encore faut-il que les parents aient quelques notions d'informatique. Quel est le plan suivi par le Gouvernement pour combler le fossé, réduire la fracture qui handicape fortement nos territoires à l'heure du tout-numérique ?
Ma seconde question concerne l'application AirDrop. Il est possible, avec des smartphones d'une marque bien connue, de s'envoyer des photos ou d'autres contenus qui peuvent être inappropriés et sont susceptibles d'ouvrir la voie à du cyberharcèlement quand deux appareils sont à proximité l'un de l'autre, même en l'absence de partage des numéros de téléphone. J'imagine que vous connaissez ce problème : que prévoyez-vous-en la matière ?
Le 3018 est ouvert de neuf heures à vingt-trois heures. Que pourrait-on faire pour certains territoires d'outre-mer ?
Madame Caroline Janvier, la question des algorithmes est évidemment centrale. Le parti qui a été pris dans le cadre du règlement européen sur les services numériques est, tout d'abord, d'instaurer de la transparence concernant les algorithmes, en les faisant auditer – en tout cas ceux des principales plateformes – par des organismes extérieurs et indépendants, et en ouvrant les données à des chercheurs. Il faudra veiller à la bonne application de cette mesure qui était attendue. Par ailleurs, le règlement impose aux plateformes de proposer des algorithmes non fondés sur l'utilisation des données personnelles. De tels algorithmes existent déjà dans certains cas, mais ils restent très difficiles d'accès : si vous voulez activer, sur un réseau social, un algorithme n'utilisant pas vos données personnelles, c'est-à-dire votre graphe social ou encore la comptabilisation des secondes que vous passez sur les vidéos, dans le cas de TikTok, par exemple, il faut en général chercher longtemps. Il faudra, là aussi, veiller à ce que cette option soit vraiment mise en avant et facile d'accès. Le dernier point est l'interdiction de la publicité ciblée sur les mineurs, qui conduira peut-être les plateformes à être spontanément plus enclines à développer des espaces plus sécurisés, puisque la guerre pour la captation de l'attention des enfants sera désormais moins rentable. Bien que je le souhaite vivement, je ne suis pas certain à 100 % que ces mesures suffiront pour aller jusqu'au bout du chemin. Nous devrons rester très vigilants durant la phase de mise en application du règlement qui s'ouvre.
Une des grandes questions qui se posent, comme l'a notamment souligné Mme Caroline Parmentier, est de savoir jusqu'à quel point il faut renforcer et accompagner l'exercice de l'autorité parentale et, au contraire, à partir de quel moment il faut en déposséder ses détenteurs, en procédant par interdiction. C'est un sujet très délicat. Les données scientifiques s'accumulent, comme Caroline Janvier l'a rappelé, mais nous faisons face à un phénomène relativement nouveau. S'il existe un consensus scientifique total, dans tous les pays, sur l'idée qu'il est sain d'interdire à tout enfant, quand bien même ses parents seraient d'accord, de consommer de l'alcool et du tabac, la question reste posée pour ce qui est des écrans et de l'accès aux réseaux sociaux et à d'autres services numériques. C'est dans le cadre du débat démocratique qu'il convient donc de trancher.
Si vous n'avez pas encore identifié le site jeprotegemonenfant.gouv.fr comme le lieu où on peut trouver un guide concernant le contrôle parental et des outils pour accompagner les enfants en ligne, alors que vous êtes membre de cette délégation, c'est que nous n'avons pas encore suffisamment bien fait connaître cet outil et que notre mission n'est pas encore tout à fait menée à bien. Je vous invite tous à nous faire part de vos critiques, constructives, au sujet de jeprotegemonenfant.gouv.fr. L'idée est de n'avoir qu'un point de référence unique pour les parents.
Je viens d'évoquer, madame Alexandra Martin, la tension entre l'idée qu'il faudrait, dans certains cas, une dépossession de l'autorité parentale et la nécessité, par ailleurs, de renforcer celle-ci afin d'accompagner les parents dans la protection de leurs enfants. La loi dite Studer, que vous avez évoquée, a permis de commencer à encadrer le phénomène des enfants influenceurs. Le Parlement aura à en redébattre puisque Bruno Studer a déposé une nouvelle proposition de loi qui tend à modifier le code civil pour souligner la responsabilité des parents sans les pénaliser excessivement, ce qui nous rappelle une proposition de loi que vous aviez déposée, madame Maud Petit, il y a quelques années à propos des violences éducatives ordinaires. Ce texte avait modifié le code civil, moins dans une logique de sanction à l'égard des parents que de responsabilisation. Le débat qui aura lieu dans quelques semaines au Parlement sera peut-être l'occasion de renforcer la loi Studer sur certains points, en particulier le droit à l'oubli, si la représentation nationale juge que ce droit n'est pas pleinement respecté.
Madame Karine Lebon, l'inclusion numérique passe d'abord par la connectivité, l'accès de toutes et tous aux réseaux de télécommunication. Nous continuons donc de veiller au bon déploiement de deux programmes. Le premier, qui est le plan France très haut débit, lancé il y a dix ans, vise à déployer la fibre sur l'ensemble du territoire national, dans l'Hexagone et en outre-mer. Dans ce domaine qui ne relève pas tout à fait de la délégation aux droits des enfants mais auquel nous sommes très attentifs, nous sommes évidemment à votre écoute. Le New Deal mobile, qui continue à être déployé dans chacune de vos circonscriptions, a par ailleurs vocation à effacer des zones blanches grâce à un accord, intervenu il y a cinq ans, entre les opérateurs et l'État, selon lequel l'accès aux fréquences était prolongé à condition que les opérateurs prennent des engagements concernant l'effacement des zones blanches. Sur les 5 000 concernées, 2 000 ont déjà été effacées, et nous verrons à l'issue du New Deal mobile s'il reste encore des zones à couvrir.
Une fois qu'on est connecté, encore faut-il être à l'aise avec le numérique. Vous avez ainsi fait état des chiffres de l'illectronisme à La Réunion. Afin de combattre ce phénomène dans tous les territoires de France, pour toutes les tranches d'âge – les personnes âgées sont particulièrement concernées, certes, mais la jeunesse, en particulier celle défavorisée, peut savoir se servir de WhatsApp ou de jeux vidéo tout en étant totalement démunie lorsqu'il s'agit de faire un mail ou de remplir un questionnaire en ligne. La politique, très neuve, de l'inclusion numérique repose sur les 4 000 conseillers numériques qui ont été recrutés et déployés en 2021 dans l'ensemble du territoire, auprès des collectivités, des chambres d'agriculture, des centres communaux d'action sociale (CCAS) et des maisons France Services. Nous devons désormais pérenniser cette politique et la structurer au niveau des bassins de vie, pour que chacun puisse identifier dans tous les territoires qui est le chef de file de cette politique, un peu dispersée entre tous les acteurs qui s'en occupent, de la secrétaire de mairie, laquelle participe à l'inclusion numérique, au département, lorsqu'il a créé un syndicat numérique, en passant par Emmaüs Connect.
Le 3018 est également disponible par chat et par mail, selon les horaires français.
Vous avez raison : disons à l'heure de Paris. Il est possible d'envoyer des messages par le biais de l'application ou par mail vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais il est vrai que la réponse peut être décalée dans le temps. Nous pourrons envisager, si nécessaire, un renforcement pour certains territoires d'outre-mer.
Je ne peux pas vous répondre immédiatement au sujet d'AirDrop, mais je vais me renseigner pour vous apporter des éléments précis.
J'apprécie vraiment, monsieur le ministre délégué, que vous preniez le temps de nous répondre de façon détaillée. Il reste néanmoins un problème quand, dans une île dont 37 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, on paie son abonnement à internet jusqu'à trois fois plus cher que dans l'Hexagone.
Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre, d'avoir accepté l'invitation de la délégation et de vous engager avec autant de détermination en faveur des droits de l'enfant. Je voudrais vous interroger sur les moyens de lutter contre la pédocriminalité et de renforcer la protection des mineurs sur les réseaux sociaux. En 2021, j'avais rencontré la Team Moore, ces citoyens qui traquent les pédophiles sur internet. Ce collectif souhaite obtenir un statut légal pour travailler en étroite collaboration avec les forces de l'ordre et les services judiciaires. Je vous remercie, au passage, d'avoir accédé à ma demande de les rencontrer. Pensez-vous que les solutions actuelles, comme la plateforme d'information jeprotegemonenfant.gouv.fr soient suffisantes ?
Je salue, monsieur le ministre, votre volonté de prendre des mesures rapidement. Je vous poserai trois questions. S'agissant tout d'abord du 3018, combien d'agents sont-ils mobilisés pour répondre aux appels ? D'autre part, le site internet jeprotegemonenfant.gouv.fr ne me semble pas proposer de lien vers des structures qui pourraient accompagner les parents, par exemple des associations ou des acteurs locaux. Avez-vous prévu de les répertorier pour faciliter l'orientation des parents ? Enfin, en novembre dernier a été déployée l'attestation de sensibilisation au numérique Pix dans tout le territoire pour les élèves de 6ème. Quels sont les apports de ce nouvel outil par rapport au permis internet pour les enfants, remis aux élèves de CM2 qui ont suivi un programme de prévention sur les bons usages d'internet ?
Madame Karine Lebon, n'hésitez pas à nous contacter pour que nous réfléchissions à la manière d'améliorer la situation. L'accès au très haut débit est une priorité du ministère.
Madame Maud Petit, le site jeprotegemonenfant.gouv.fr n'a pas vocation à lutter contre la diffusion d'images pédopornographiques. En revanche, les acteurs privés, en particulier les plateformes, ont été incités à développer des outils qui permettent de reconnaître très rapidement les images pédopornographiques pour en accélérer le retrait. La mise en commun de ces bases de données permet d'identifier et de retirer toujours plus rapidement ces images.
Est-il également possible de détecter les conversations privées sur des messageries du type Messenger ?
Nous en discutons au niveau européen. L'impératif de protection des enfants bouscule certains principes ou droits fondamentaux auxquels nous sommes attachés, notamment le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles qui ont conduit des opérateurs de messagerie, notamment WhatsApp, à crypter les messages de bout en bout. Deux personnes peuvent donc communiquer sans que leur conversation ne puisse être interceptée par qui que ce soit, ni même par la plateforme.
Cela étant, vous avez raison, nombre de violences contre les mineurs passent des réseaux sociaux vers des espaces plus fermés comme les services de messagerie. Nous devons adapter nos moyens de contrôle et de recherche des contenus illicites, en particulier pédopornographiques ou terroristes. Faut-il briser l'encryption des messages, ce qui supposerait de tous les scanner, ou une autre solution serait-elle envisageable ? Par exemple, les messages pourraient-ils être filtrés à partir du terminal de l'utilisateur ?
Monsieur Alexandre Portier, vingt personnes se consacrent à l'écoute aux 3018. Elles ont pu répondre à 25 000 appels et traiter les dossiers qui leur ont été transmis par l'application. Le site jeprotègemonenfant renvoie vers le 3018 mais je souhaite qu'il présente également les coordonnées des associations du campus de la parentalité numérique dès lors qu'elles auront été labellisées. Le permis internet, proposé par la gendarmerie nationale, la police nationale et la préfecture de police dans le cadre de leurs interventions habituelles en milieu scolaire, et soutenu par l'association Axa Prévention, est un outil de prévention destiné aux élèves de CM2 pour un bon usage d'internet – quelque 3 millions d'enfants en ont bénéficié. On peut le confondre avec l'attestation de sensibilisation au numérique Pix, déployé en novembre 2022 pour les élèves de 6ème. Il ne s'agit pas de leur faire apprendre des principes très théoriques ou de leur demander de répondre à des questionnaires aux choix multiples (QCM) abstraits dont ils ne comprendraient pas l'intérêt des questions mais de les mettre en situation, en leur demandant par exemple quel numéro il faut composer lorsque l'on est victime ou témoin de cyberharcèlement. Je me suis prêté au test aux côtés d'élèves qui étaient bien en peine de trouver ce numéro. Ils ont dû consulter internet pour répondre à la question. Cette méthode d'apprentissage par l'action est efficace puisque les enfants qui ont suivi ce parcours apprennent et retiennent des informations importantes dont ils ignoraient tout la veille encore. Les deux dispositifs sont complémentaires.
Les filtres prolifèrent sur les réseaux sociaux. Les enfants sont confrontés à des images irréalistes, comme pouvait en diffuser le mouvement pro-ana au début d'internet pour promouvoir la maigreur et l'anorexie. Ils finissent par ne plus supporter l'image de leur propre corps et utilisent à leur tour des filtres, ce qui pourrait avoir des conséquences pour leur santé mentale. Pourriez-vous sensibiliser les plateformes de réseaux sociaux à ce risque afin qu'elles prennent les mesures nécessaires pour prévenir les troubles du comportement chez des jeunes souvent fragiles ?
La double authentification pour accéder aux sites pornographiques est une bonne solution mais comment empêcherez-vous les mineurs d'accéder aux contenus pornographiques qui pullulent sur d'autres réseaux sociaux, comme Twitter ou YouTube ? Le problème se pose dans les mêmes termes pour les images extrêmement violentes. Je pense en particulier aux images de décapitation qui ont pu circuler librement sur internet.
D'autre part, les conseillers numériques, qui se déplacent jusque dans les territoires les plus reculés, où les associations ne se rendent pas, ne pourraient-ils pas sensibiliser les personnes qui les consultent ?
Enfin, les enseignants sont-ils formés pour accompagner les enfants dans leur apprentissage du numérique ? Pourriez-vous nous expliquer où en est le Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne, lancé par le Président de la République ?
Après avoir dénoncé les ravages des écrans sur la santé mentale des enfants, les études scientifiques commencent à établir un lien de causalité entre les réseaux sociaux et le mal-être des jeunes. Il a longtemps été considéré que la relation relevait de la corrélation et non de la causalité : on pensait que les enfants les plus fragiles trouvaient une forme de réconfort dans les réseaux sociaux. Selon des études menées à l'étranger, il semblerait que l'usage des réseaux sociaux perturbe la santé mentale des jeunes, même s'ils ne présentent pas de signe particulier de fragilité à l'origine. C'est pourquoi le règlement européen sur les services numériques consacre un chapitre aux enfants. Ces considérations peuvent vous sembler nébuleuses et je tiens à vous rassurer : les plateformes auront l'obligation d'évaluer les risques systémiques qu'elles font peser sur la santé mentale de leurs utilisateurs, en particulier les enfants. Nous devrons veiller à la bonne application de ce règlement. En cas de non-respect, la plateforme devra verser une amende équivalente à 6 % de son chiffre d'affaires. En cas de récidive, elle n'aura plus le droit de diffuser sur le territoire de l'Union européenne. Il n'y a pas de réponse plus spécifique s'agissant des filtres.
Madame la présidente, si Twitter diffuse du contenu pornographique, il tombe sous le coup des articles 22 et 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Il doit dès lors s'assurer que ses utilisateurs ont plus de 18 ans.
Votre proposition de confier aux conseillers numériques le rôle de sensibiliser les parents aux risques des écrans est une bonne idée. D'un premier abord, on pourrait penser que le public qu'ils sont chargés d'aider est, précisément, peu familier du numérique mais ce serait sous-estimer le nombre de jeunes qui poussent la porte d'une maison France Services ou d'un CCAS (centre communal d'action sociale) pour chercher de l'aide.
Le sujet de la formation des enseignants sera sans doute abordé lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Caroline Janvier relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.
Enfin, le laboratoire a été lancé le 10 novembre dernier par le Président de la République, la veille du Forum de Paris sur la paix. Cette initiative multipartite associe des États, des ONG et de grands groupes du numérique pour répondre aux défis de notre époque, en particulier celui de la protection des enfants en ligne. Il héberge cinq expérimentations. La première, qui démarrera au printemps, consiste à vérifier l'âge des utilisateurs. La deuxième, menée par la plateforme Point de Contact, vise à lutter contre le partage non consenti d'images intimes. La troisième est un projet de l'association Respect Zone pour favoriser la lutte contre le cyber harcèlement grâce à des référents médiateurs. Lorsque la violence monte sur un réseau social, des médiateurs s'interposent entre les parties pour tenter d'apaiser le conflit. La quatrième, portée par le groupe Meta qui s'est associé à l'entreprise britannique Yoti, tend à vérifier l'âge des utilisateurs à partir de la reconnaissance des traits du visage. Enfin, le cinquième projet, à l'initiative du président de l'Estonie, permettra de créer un numéro d'urgence et de publier sur les réseaux sociaux les coordonnées de référents à destination d'enfants victimes de harcèlement.
Nous avons réuni ces acteurs le 30 janvier pour leur demander un bilan d'étape. À l'issue de la réunion, j'ai souhaité que nous ayons un nouveau bilan d'étape avant la fin de l'hiver pour que les projets avancent. J'ai sollicité de la part des entreprises privées du laboratoire une participation plus active pour que tous les projets aboutissent et pas uniquement ceux déjà bien avancés.
La Délégation aux droits des enfants a nommé Mme Christine Loir rapporteure de la mission flash relative aux jeunes et le numérique à l'aune des propositions de loi n° 739 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, n° 758 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants et n° 757 relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.
La séance est levée à 18 heures 10.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 14 février 2023 à 17 h 10
Présents. – Mme Perrine Goulet, Mme Caroline Janvier, Mme Karine Lebon, Mme Christine Loir, Mme Alexandra Martin, Mme Caroline Parmentier, Mme Maud Petit, M. Alexandre Portier.
Excusée. – Mme Isabelle Santiago.