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Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mardi 14 février 2023 à 17h10
Délégation aux droits des enfants

Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications :

Je vous remercie de m'offrir l'occasion de rappeler ce que fait le Gouvernement, en lien étroit avec les parlementaires et leurs travaux, pour mieux protéger nos enfants en ligne.

Dans l'espace numérique, les enfants sont confrontés à des violences, parce qu'ils accèdent, de façon insuffisamment contrôlée, à des contenus qui leur sont interdits dans leur intérêt, pour les protéger, parce qu'ils sont victimes par millions de phénomènes tels que le cyberharcèlement et la prédation sexuelle, et parce que se nouent, dans l'ère numérique, de nouvelles formes de dépendance et d'addiction qui ont vraisemblablement – la littérature scientifique n'en est qu'à ses débuts pour l'établir de façon formelle – des effets délétères sur leur développement affectif.

Face à cela, notre réponse est triple. Elle consiste à prendre des mesures de prévention et de sensibilisation à destination des parents et des enfants, ainsi que des mesures de responsabilisation des acteurs du monde numérique, notamment les plateformes, et à garantir la bonne application de la loi.

En matière de prévention et de sensibilisation, la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, dite loi Studer, généralise le contrôle parental sur les appareils vendus en France, tant les consoles de jeux vidéo, dont la plupart en sont équipées depuis un certain temps, que les smartphones et les tablettes. Le décret d'application de la loi Studer a été signé à l'automne. Il a été notifié à la Commission européenne, qui a donné son feu vert le 16 janvier dernier. Une fois acquise sa validation par le Conseil d'État, les acteurs auront un an pour se mettre en règle. Dès lors, tous les appareils seront dotés du contrôle parental.

Nous mettons cet outil à la disposition des parents. Encore faut-il qu'ils en connaissent l'utilisation et le bon usage. C'est pourquoi Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, et moi-même avons lancé, la semaine dernière, une campagne de communication visant à faire connaître le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, qui est le site de référence en matière d'accompagnement des parents dans leur parentalité numérique.

Il donne des informations sur le contrôle parental et sur les autres outils mis à leur disposition pour accompagner progressivement leurs enfants. C'est par analogie avec l'apprentissage de la nage qu'a été construite cette campagne de communication : quand on accompagne pour la première fois un enfant à la piscine ou à la plage, on ne lui lâche pas la main, on ne le laisse pas explorer seul un milieu qui peut être hostile, même s'il peut sembler ludique au premier abord ; on lui tient la main et on l'accompagne progressivement vers des usages de plus en plus indépendants et autonomes.

Par ailleurs, nous développons le campus de la parentalité numérique, lancé lors du quinquennat précédent grâce à l'action d'associations telles que l'Union nationale des associations familiales (UNAF), e-Enfance et l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (OPEN). Nous avons défini un cahier des charges pour la construction d'un label « campus de la parentalité numérique », qui permettra de labelliser, partout sur le territoire, les initiatives d'accompagnement à la parentalité. Avec Jean-Christophe Combe, qui est chargé de la mise en œuvre de cette politique publique, nous avançons ; la labellisation est en cours.

S'agissant de la sensibilisation des enfants, nous avons fait en sorte que tous les élèves de 6e disposent, à partir de la rentrée prochaine, d'un Passeport pour internet, qui est un module de sensibilisation conçu par Pix (plateforme d'évaluation et de certification des compétences numériques). Il permettra aux enfants, par le biais de quelques apprentissages actifs, d'apprendre ou de découvrir les risques auxquels ils s'exposent en ouvrant un compte sur un réseau social ou en naviguant sur internet, et leur donnera les conseils à suivre et les gestes à adopter s'ils sont témoins ou victimes de cyberharcèlement, ou s'ils rencontrent des difficultés particulières. Ils y découvriront par exemple le 3018, et y apprendront notamment qu'un mot de passe doit être conçu pour être véritablement protecteur.

Le 3018 a fait l'objet d'un renforcement de ses moyens, annoncé la semaine dernière. Cette ligne est désormais ouverte sept jours sur sept, 365 jours par an, de 9 heures à 23 heures, grâce au recrutement de huit écoutants supplémentaires. Lancée en mai 2021, elle a été complétée en février 2022 par une application, qui rencontre un grand succès. Si les enfants ont parfois quelques difficultés à prendre le téléphone pour appeler le 3018, ils sont de plus en plus nombreux à contacter les écoutants par le biais de l'application.

En 2022, 25 000 appels ont été reçus, contre 18 000 en 2021. Cette progression assez nette s'explique par la progression des violences et par la notoriété croissante de l'application, laquelle a fait l'objet de 25 000 téléchargements en un an, ce qui démontre qu'elle bénéficie d'une forme d'appropriation par les jeunes. Ces appels ont eu pour résultat l'écoute qu'offrent les professionnels du 3018, ainsi que la suppression de 10 000 comptes et contenus en 2022, contre 3 000 en 2021.

S'agissant de la responsabilisation des acteurs, le règlement européen sur les services numériques (DSA) fera évoluer la façon dont nous traitons par le droit les plateformes, notamment les réseaux sociaux. Jusqu'à présent, elles étaient considérées comme de simples hébergeurs, ne portant aucune responsabilité, ou très peu, s'agissant des contenus, en particulier des messages, dont elles permettent la circulation. Désormais, elles sont assujetties à certaines responsabilités de modération, ainsi que d'analyse des risques qu'elles font peser sur la démocratie et sur leurs utilisateurs.

Certaines dispositions de ce règlement européen, qui entrera en application dans le courant de l'année 2023, concernent directement les enfants : l'obligation de proposer des conditions générales d'utilisation (CGU) facilement compréhensibles par les enfants ; l'obligation de prendre les mesures appropriées et proportionnées pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée et la sécurité des mineurs – interfaces adaptées, paramètres spécifiques et blocage de tout contact direct avec un mineur extérieur au cercle d'amis ; l'interdiction de diffuser de la publicité ciblée sur les mineurs ; l'obligation de proposer des mesures ciblées d'atténuation des risques identifiés pour protéger le droit des enfants –outils de vérification de l'âge et contrôle parental. Si j'énumère ces dispositions, c'est parce qu'elles constituent une petite révolution : l'Europe a fait valoir que, si l'on souhaitait diffuser ou mettre à la disposition des citoyens européens des espaces numériques tels que les plateformes de réseaux sociaux, alors il fallait se conformer à un certain nombre de règles.

S'agissant de l'application de la loi, les articles 22 et 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales précisent les conditions dans lesquelles les sites pornographiques doivent vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Après la publication, le 7 octobre 2021, du décret d'application de cette loi, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a mis en demeure cinq sites pornographiques de vérifier sérieusement l'âge de leurs utilisateurs. À l'issue de la période de quinze jours prévue par la loi, le président de l'Arcom a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l'interruption du service auprès des fournisseurs d'accès à internet (FAI) ou par le biais du déréférencement.

Le tribunal judiciaire de Paris a convoqué une audience, lors de laquelle les sites pornographiques ont présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le juge a décidé de la transmettre à la Cour de cassation et a sollicité une médiation entre l'Arcom et les sites pornographiques.

Le 5 janvier dernier, la Cour de cassation a décidé de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. La médiation touche à sa fin, l'Arcom ayant annoncé mardi dernier sa décision d'en sortir. La voie est désormais ouverte à la poursuite de la procédure, afin que le juge puisse se prononcer sur une interruption du service des sites pornographiques, qui, aux dernières nouvelles, n'ont toujours pas mis en œuvre la vérification de l'âge de leurs utilisateurs.

Nous travaillons à faire émerger une solution de vérification d'âge respectant le principe de double anonymat : celui qui fournit l'attestation de majorité – opérateur télécoms, fournisseur d'identité numérique ou tout autre organisme susceptible d'attester de la majorité d'une personne – ne sait pas à quelle fin elle sera utilisée, et le site sur lequel l'attestation est utilisée pour accéder au service ne connaît pas l'identité de la personne.

De l'avis de l'Arcom comme de celui de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), ce système est le plus robuste, non seulement pour résoudre une fois pour toutes la question de la vérification d'âge sur les sites pornographiques, mais éventuellement pour effectuer à l'avenir des vérifications d'âge sur d'autres services dont nous voudrions protéger nos enfants. Il sera expérimenté, à partir de la fin du mois de mars, par un collectif d'entreprises, qui sera prochainement présenté de façon exhaustive et publique. Nous espérons que cette solution aura fait ses preuves dans les mois à venir.

Au demeurant, rien n'empêche les sites pornographiques de mettre en œuvre dès à présent des vérificateurs de l'âge. Ils les connaissent et les ont parfois déjà expérimentés. Certains ont même acheté, par voie d'acquisition externe, des entreprises de vérification de l'âge. Rien ne les empêche, dans le respect des grands principes rappelés par l'Arcom et la Cnil, de vérifier l'âge de leurs utilisateurs.

En tout état de cause, nous préparons un système suffisamment robuste pour être inattaquable chaque fois que nous ferons progresser le droit dans le sens d'un contrôle accru de l'âge à l'entrée des sites internet.

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