La séance est ouverte à 10 heures 08.
Le Comité procède tout d'abord à la nomination de son bureau.
Mes chers collègues, nous allons tenir la réunion constitutive du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il s'agit du principal outil dont dispose l'Assemblée nationale pour accomplir sa mission d'évaluation des politiques publiques. Le CEC travaille de manière transversale, et complète ainsi le travail des commissions permanentes, qui mènent des missions d'information dans leur champ de compétence respectif.
Pour ces évaluations, le CEC peut obtenir l'appui des organismes extérieurs que sont la Cour des comptes et France Stratégie.
Il importera de choisir avec soin les nouveaux sujets d'évaluation dont se saisira le Comité, mais aussi de tirer les enseignements des évaluations déjà effectuées et de suivre l'application des recommandations qui en résultent. Il est beaucoup dit que ces recommandations ne sont pas entendues, alors même que les études qui les sous-tendent sont de grande qualité : le suivi des recommandations anciennes – pourquoi le Gouvernement a choisi, ou non, de les mettre en œuvre – ne devra donc pas être négligé.
Nous allons tout d'abord procéder à la nomination du bureau du Comité, puis nous pourrons échanger sur les travaux à venir.
Le bureau du Comité est présidé par moi-même, en tant que présidente de l'Assemblée nationale ; il comprend quatre vice-présidents, dont un premier vice-président membre d'un groupe d'opposition, et quatre secrétaires.
J'ai reçu autant de candidatures que de postes à pourvoir, aussi bien pour les postes de vice-présidents que pour les postes de secrétaires.
Pour les postes de vice-présidents, les candidatures sont les suivantes : Mme Mathilde Paris, pour le groupe Rassemblement National ; M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains ; M. Ugo Bernalicis, pour le groupe La France insoumise-NUPES ; Mme Annie Vidal, pour le groupe Renaissance. Comme le nombre de candidats correspond au nombre de siège à pourvoir, il n'y a pas lieu de procéder à scrutin. Le poste de premier vice-président revient à Mme Paris.
Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu quatre candidatures : Mme Cécile Untermaier, pour le groupe Socialistes et apparentés ; M. François Jolivet, pour le groupe Horizons et apparentés ; M. Mohamed Laqhila pour le groupe Démocrate ; Mme Sabrina Sebaihi pour le groupe Ecologiste-NUPES. En l'absence d'autres candidatures, il n'y a pas lieu non plus de procéder à scrutin.
En conséquence, le bureau du Comité est ainsi composé :
– présidente : Mme Yaël Braun-Pivet ;
– première vice-présidente : Mme Mathilde Paris ;
– vice-présidents : MM. Ugo Bernalicis, Patrick Hetzel, Mme Annie Vidal ;
– secrétaires : MM. François Jolivet, Mohamed Laqhila, Mmes Sabrina Sebaihi, Cécile Untermaier.
Le Comité procède ensuite à un échange de vues sur ses missions et ses méthodes.
L'initiative du choix d'un thème d'évaluation relève principalement des groupes, à l'issue d'un appel à propositions qui se tient tous les ans en septembre. Notre règlement prévoit un droit de tirage pour chaque groupe. Nous ne pourrons probablement pas faire une application stricte de la règle, qui impliquerait de mener simultanément dix travaux d'évaluation par session ordinaire – ce qui ne serait ni possible, ni efficace. En revanche, tous les groupes politiques verront leurs souhaits examinés par le bureau et par l'ensemble des membres du Comité.
Ainsi, je propose que chaque groupe politique communique début septembre le thème d'évaluation qu'il souhaite inscrire à l'ordre du jour. Les thèmes seront d'abord discutés au sein du bureau, mi-septembre. À la fin du mois de septembre, le Comité dans son ensemble arrêtera le programme de travail pour la session ordinaire 2022-2023.
Pour chaque thème retenu, deux rapporteurs seront nommés, l'un de la majorité et l'autre de l'opposition. Nous pourrons saisir la Cour des comptes et France Stratégie afin d'obtenir un « diagnostic de première phase » dont le Comité autorisera la publication. Ensuite, s'ouvre une deuxième phase visant à présenter un rapport d'information parlementaire contenant des recommandations.
Dans un premier temps, il nous faudra contrôler l'application des recommandations formulées par le CEC sous la précédente législature. Je propose de lancer des rapports de suivi sur deux évaluations déjà publiées : l'accès aux services publics dans les territoires ruraux (octobre 2019), et l'accès à l'enseignement supérieur (juillet 2020). Il s'agira de voir comment les recommandations du CEC ont été mises en œuvre par le Gouvernement.
Le CEC est une singularité de l'Assemblée nationale ; il n'a pas son équivalent au Sénat. Nos travaux sont attentivement suivis par tous les décideurs publics, aussi bien au niveau des ministères que des administrations déconcentrées. Le suivi des recommandations précédemment formulées est le « maillon faible » de nos travaux. Comme vous l'avez suggéré, Madame la présidente, il faudra regarder attentivement ce qu'il est advenu de nos recommandations relatives aux services publics ruraux et à l'équité de l'accès à l'enseignement supérieur, puisque le rapport montrait que la procédure était peu transparente. Le fait de travailler de manière transpartisane, comme nous en avons l'habitude, montre aussi aux observateurs extérieurs que nous œuvrons bien pour l'intérêt général.
Nous pourrons procéder à l'audition des ministres chargés de ces politiques publiques, comme nous le faisons en commission permanente.
Il est vrai que n'avons pas suffisamment auditionné les ministres lors de la précédente législature. Les rapports du CEC étaient souvent débattus pendant la semaine d'évaluation et de contrôle, mais cela prend aussi la place d'autres sujets. Il serait sans doute possible d'améliorer l'articulation entre les travaux du CEC et les sujets discutés durant la semaine de contrôle. Enfin, je plaide pour un renforcement du nombre d'administrateurs travaillant au CEC.
Il y a neuf fonctionnaires dont six administrateurs et adjoints au CEC. En plus de ce qui vient d'être dit, j'ajoute que nous pourrions effectuer des déplacements de terrain.
Le contrôle que doit effectuer l'Assemblée nationale sur la politique conduite par le Gouvernement est une exigence constitutionnelle qui suscite parfois certaines déceptions. N'ignorons pas ce qui a été fait par nos prédécesseurs ; je pense à la mission d'information créée en 2019 par la conférence des présidents sur la « concrétisation des lois », qui visait à évaluer comment la loi est appliquée concrètement dans les territoires. Je soutiens que les députés doivent aussi assurer le « service après-vente » de la loi : le Comité devrait pouvoir amorcer une évolution en ce sens et travailler davantage avec les collectivités territoriales.
Lors de la précédente législature, j'étais co-présidente de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). J'ai constaté l'intérêt des évaluations transpartisanes, mais aussi, et je le regrette, que les recommandations ne sont pas toujours appliquées « jusqu'au bout ». Seules 30 % des recommandations de la MECSS sont prises en compte.
Je ne partage hélas pas l'optimisme de notre collègue M. Hetzel sur l'incidence de nos travaux au sein des administrations. Nous avons aussi le devoir de faire connaître les conclusions du Comité au grand public et de convaincre. Pour ce faire, il est important que nous mettions les travaux sociologiques et les données quantitatives dont nous disposons au service d'évaluations contrefactuelles, qui consistent à comparer la situation constatée à la situation que l'on aurait connue si l'on n'avait pas mis en œuvre la mesure évaluée. France Stratégie a développé une véritable expertise en ce domaine ; nous pourrions donc leur demander de recourir plus systématiquement à cette méthodologie trop peu utilisée.
Le CEC est un outil formidable, mais insuffisamment connu. Il y a plusieurs moyens d'intervenir pour formuler des recommandations de manière efficace : d'abord, à l'occasion d'un projet de loi à venir (par exemple, le rapport du 8 février 2017 sur l'évaluation de la régulation des jeux d'argent et de hasard, deux ans avant la privatisation de la Française des jeux) ; ensuite, en formulant une proposition de loi : nous tirons alors profit du caractère transpartisan de nos travaux, qui permet de garantir un certain consensus au moment du vote ; enfin, le règlement prévoit la possibilité d'un débat dans l'hémicycle, sans vote – nous l'avions fait, justement, pour le rapport sur la régulation des jeux d'argent et de hasard : cela peut également donner à nos travaux un écho significatif.
Pour ma part j'ai été associé– sans en être membre, à l'époque – au rapport du CEC sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis. Ce rapport a donné lieu à un débat dans l'hémicycle avec les trois ministres concernés (Intérieur, Justice, Éducation nationale). Il a aussi donné lieu à des visites du Premier ministre et à un plan quinquennal interministériel. L'Institut Montaigne s'est également saisi du sujet. C'est la preuve que nos travaux peuvent susciter l'intérêt et avoir de véritables effets.
J'en profite pour annoncer que mon groupe candidatera pour assurer le rapport de suivi, et qu'il souhaiterait l'élargir aux questions relatives à la santé.
Le lancement du rapport de suivi de l'évaluation relative à la Seine-Saint-Denis pourra être décidé fin septembre lors de notre prochaine réunion.
J'insiste pour que nos travaux se fassent au plus proche du terrain, au niveau des citoyens, pour gagner en pertinence et en représentativité.
La séance est levée à 10 heures 36.