La mission d'information de la conférence des présidents sur l'accès des Français à un logement digne et la réalisation d'un parcours résidentiel durable a présenté son projet de rapport d'information (M. Mickaël Cosson, rapporteur).
Nous arrivons au terme de la mission d'information sur l'accès des Français à un logement digne et à la réalisation d'un parcours résidentiel durable. Notre rapporteur Mickaël Cosson nous présente aujourd'hui son rapport, dont le projet vous a été transmis la semaine dernière.
Avant de lui donner la parole et de le remercier pour le travail de réflexion que nous avons mené conjointement, je rappelle que cette mission s'est inscrite dans un contexte de crise majeure du secteur du logement, avec une demande de logements de qualité et financièrement accessibles à la fois croissante, évolutive et largement insatisfaite, notamment dans le secteur HLM.
Je rappelle par ailleurs qu'en 2023, le nombre de constructions de logements, toutes catégories confondues, n'a jamais été aussi bas dans notre pays depuis 1992. Par ailleurs, les ménages sont déstabilisés par l'inflation, la hausse d'un certain nombre de charges contraintes, comme l'énergie, et des conditions de crédit immobilier qui se sont durcies ces derniers mois.
Les bailleurs HLM sont, quant à eux, confrontés à un « mur » d'investissements à réaliser pour la mise à niveau de leurs parcs de logements. Ils risquent, au regard de leurs moyens disponibles, de privilégier la mise à niveau de ces logements plutôt que la construction neuve, les fonds propres ayant été rognés.
Nous avons été très sensibles, dans le travail de cette mission, aux conclusions du Conseil national de la refondation (CNR), dans son volet relatif au logement. Ce dernier, qui a rendu ses conclusions à l'automne, a réussi la prouesse de dégager un consensus sur un certain nombre de propositions, allant de la Fondation Abbé Pierre au Medef, en passant par le secteur professionnel du logement, que ce soit le logement social ou le logement privé, sans oublier les entreprises du bâtiment, notamment la Fédération du bâtiment.
Nous nous sommes appuyés sur le consensus des propositions formulées par le CNR, qui n'ont malheureusement pas eu de suite législative. La question était donc de savoir si nous étions capables, au sein de l'Assemblée nationale, de dégager, sur des propositions aussi audacieuses que celles du CNR, un consensus pour une politique volontariste dans le domaine du logement.
J'ajoute que notre rapport intervient dans un contexte où beaucoup s'alarment de la situation du logement. Outre les travaux du CNR, il faut mentionner les contributions de la Fédération du bâtiment, de l'Union sociale de l'habitat, des promoteurs immobiliers, etc., ou encore un rapport, lui aussi consensuel, de l'Association des maires de France. Publié récemment, ce rapport présente un ensemble de propositions qui recoupent parfois celles qui figurent dans le rapport de notre rapporteur et qui sont, pour certaines, des propositions consensuelles et, pour d'autres, des propositions de rupture. Je le dis peut-être avec plus de facilité et de liberté que le rapporteur, mais il faut savoir reconnaître que l'essentiel des décisions prises depuis 2017 a contribué à dégrader la production de logements dans notre pays. Peut-être faut-il revenir sur certaines d'entre elles. Je pense notamment à la réduction de loyer de solidarité. Je me félicite d'ailleurs que notre collègue Josiane Corneloup, membre du groupe Les Républicains et spécialisée dans les finances publiques, ait déposé une proposition de loi pour supprimer la réduction du loyer de la solidarité et rendre des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux pour produire des logements.
Le délai de prévenance ne m'a pas permis de modifier mon agenda pour assister à cette réunion jusqu'à son terme, ce que je regrette. Il faudra nous laisser un peu de temps pour étudier le rapport.
L'objectif aujourd'hui est de présenter les conclusions de la mission et de voter sur la publication ou non du rapport. Dans l'affirmative, ce document nous permettra, je l'espère, de tenir d'autres débats en commission des affaires économiques, voire dans l'hémicycle, dans le cadre des semaines du Parlement.
Les groupes politiques pourront toujours abonder ce rapport, qui n'a pas vocation à avoir une conclusion aujourd'hui. L'idée est plutôt de le faire vivre dans les mois à venir, selon les « fenêtres » qui se présenteront. Comme nous l'avons toujours dit, nous pourrons ensuite mettre une boîte à outils à disposition des collectivités et des acteurs du logement qui, selon l'endroit et la situation, n'ont pas toujours la réponse au niveau national. Ce travail de réflexion est par ailleurs largement inspiré des conclusions du CNR, qui avait déjà largement ébauché ce travail.
Le problème du logement n'est pas nouveau. Il ne remonte pas seulement à 2017, mais à plusieurs décennies : pour avoir été au sein du ministère du logement à partir de 1996, nous constations à chaque début d'année que la production avait été insuffisante par rapport aux objectifs. Différents gouvernements se sont succédé depuis 1995, de diverses sensibilités, avec l'efficacité que chacun connaît.
L'objectif ici n'était donc pas de remonter les problèmes, ce qui a déjà largement été fait, mais plutôt d'apporter des solutions consensuelles et qui permettent de tenir compte de toutes les spécificités, que l'on se situe à Dunkerque, dans le sud ou dans l'ouest de la France. Tel est le travail que nous avons réalisé, tout en ayant bien conscience de la crise qui se profilait, accélérée par les taux d'emprunt et le taux d'inflation, mais aussi par la difficulté croissante de pouvoir mener à bien un projet face à tous les recours. Enfin, nous constatons un énorme problème de confiance, car il est aujourd'hui plus facile de boursicoter devant son écran plutôt que d'investir dans le logement. Nous devons aussi travailler à y remédier.
Il me revient donc de vous présenter les principales conclusions de la mission d'information sur l'accès des Français à un logement digne et à la réalisation d'un parcours résidentiel durable, créée sur le fondement de la décision prise par la conférence des présidents à la demande du groupe Démocrate.
Ces travaux ont été conduits dans un contexte propice, marqué par l'urgence forte de renouer avec une véritable politique du logement. Ils font suite à la concertation impulsée par le CNR et aux démarches initiées en 2022 par les ministres Christophe Béchu et Olivier Klein. Ce chantier a permis d'élaborer un diagnostic solide de l'état du logement en France, en distinguant les aspects conjoncturels et structurels, et a débouché sur plusieurs conclusions consensuelles.
Nous nous sommes appuyés sur de nombreux rapports et études publiés récemment, comme les propositions de l'Association des maires de France, le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, ou encore les propositions d'une importante mission d'information de la commission des finances, qui ont été présentées en juillet dernier par nos collègues Daniel Labaronne et Charles de Courson.
Bien que variés dans leurs conclusions, tous partagent un même refus de nier plus longtemps qu'il existe bel et bien une crise du logement en France et qu'il ne faut plus se contenter de demi-mesures.
La première partie du rapport est consacrée à rappeler des chiffres qui attestent de différents blocages, tant du côté de la demande que de l'offre.
On peut citer notamment la hausse continue des coûts d'accès à la propriété, multipliés par 2,5 en vingt ans, ainsi que des coûts des loyers, avec une hausse moyenne de deux points du taux d'effort des ménages. Ce dernier est d'ailleurs nettement plus élevé pour les ménages les plus modestes, ce qui conduit à une pression considérable sur le secteur du logement social, lequel peine à répondre aux demandes urgentes.
Symétriquement, l'offre de logements est structurellement insuffisante, avec un niveau historiquement bas de production de logements neufs, inférieur de cent mille unités au niveau atteint en 2009. Surtout, le parc existant de 38 millions de logements est inadapté aux besoins, trop de logements n'étant plus proposés comme résidence principale, mais comme résidence secondaire ou loués pour de courts séjours, sur fond de hausse continue de la part de logements vacants.
En conséquence, l'offre de logements est aujourd'hui mal adaptée aux différentes étapes du cycle de vie, ce qui conduit à bloquer le parcours résidentiel, alors que le besoin en logement diffère pour un étudiant, un jeune actif, un ménage avec enfant ou une personne âgée. Ces différentes étapes sont les différentes barrières rencontrées lorsqu'il s'agit de trouver un logement.
Pour répondre à ces enjeux, nous présentons trente-cinq recommandations déclinées en trois grandes orientations : une approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels, un choc de l'offre et un choc de trésorerie en faveur du logement social et abordable et enfin une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace et qui doit évoluer.
En premier lieu, il faut doter les acteurs locaux du logement de tous les leviers pour favoriser une meilleure adéquation entre les besoins résidentiels réels des habitants et l'offre de logements disponibles. Nous proposons que les besoins réels en logement soient affinés au niveau territorial, ce qui n'est pas assez le cas aujourd'hui, et de confier davantage de responsabilités aux intercommunalités, par le statut d'autorité organisatrice de l'habitat.
En effet, pour améliorer le parcours résidentiel à chaque étape de la vie, il est primordial de définir les objectifs de logement en fonction du territoire, mais également de la typologie et de l'évolution de la démographie de ce territoire. À cette fin, il faut doter les acteurs locaux d'une boîte à outils complète, en favorisant une plus grande différenciation des politiques du logement.
Il faut doter les collectivités des moyens leur permettant de disposer d'une ingénierie adaptée à différents niveaux, en matière d'urbanisme – afin de développer des projets innovants alliant la construction et la sobriété foncière –, en matière économique – car il n'est pas possible de séparer les politiques du logement et les politiques d'attractivité économique –, en matière d'emploi, de réindustrialisation ou encore d'appui à la rénovation énergétique et à l'amélioration du parc existant. Trop longtemps, ces différents domaines ont été « travaillés » en silo, alors qu'il existe entre eux une liaison essentielle qu'il est important de raccourcir, pour éviter des déplacements coûteux.
La question de la décentralisation de la politique du logement va donc très au-delà de la seule question du rôle des collectivités dans les procédures d'attribution des logements sociaux portée par le projet de loi présenté récemment en conseil des ministres. Nous considérons que ce sujet devra trouver sa place dans les débats parlementaires à venir.
En outre, il est crucial de mieux prendre en compte le surcoût de charges occasionnées aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui mènent des politiques actives de logement et de rénovation énergétique. Nous proposons donc de réinstaurer un bonus pour les maires bâtisseurs. Cette proposition figure en bonne place dans les conclusions du CNR Logement, lequel propose d'accorder un bonus aux maires engagés, sous la forme d'une aide forfaitaire d'un montant calculé sur le nombre moyen de logements construits ou transformés au cours des années précédentes. Le montant de l'aide s'accroîtrait avec le caractère social du logement produit.
Nous proposons également d'ajuster le calcul des dotations financières des collectivités territoriales, pour refléter de manière plus juste les investissements significatifs qu'elles réalisent dans les domaines du logement et de l'urbanisme.
Notre deuxième série de propositions vise à mobiliser tous les leviers qui favorisent l'offre de logements abordables, tant dans le parc social que dans le secteur libre. Il est urgent aujourd'hui de rendre au secteur social les moyens financiers de produire du logement abordable. Faute d'un soutien public à la hauteur des enjeux, la capacité d'investissement des organismes HLM sera entièrement absorbée par leurs obligations d'entretenir leur parc existant et d'assurer sa rénovation thermique. En revanche, la production de nouveaux logements ne sera qu'une variable d'ajustement.
Nous proposons donc de revenir sur les effets défavorables de la réduction du loyer de solidarité, afin de restituer aux organismes HLM une capacité d'investissement supplémentaire d'environ 1,3 milliard d'euros (Md€). Cette mesure permettrait de relancer significativement la construction de nouveaux logements sociaux. L'enjeu nous paraît beaucoup plus structurant que les oppositions caricaturales entre logement intermédiaire et logement social.
Nous proposons d'étendre le taux réduit de TVA à l'ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés, alors qu'il est aujourd'hui réservé à certains logements très sociaux et aux opérations menées dans le cadre de plans de rénovation urbaine. On pourra nous opposer l'incidence budgétaire de ces mesures. Mais il faut rappeler qu'un logement est un bien de première nécessité. Il faut aussi prendre en considération que les pertes de recettes qui résultent de l'insuffisance actuelle de la production de logements sont très importantes et qu'il vaut mieux une production élevée de logements à laquelle est appliquée une TVA réduite, qu'une production faible supportant une TVA plus élevée.
Par ailleurs et comme l'ensemble des acteurs, nous préconisons le maintien dans la durée des financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires, en veillant à préserver une part substantielle de ces fonds pour la rénovation thermique des logements. Nous ne pouvons pas continuer à entendre que l'effort consenti en faveur de la rénovation thermique impacte la production de logements, alors qu'on peut organiser des mécanismes qui permettent que cette part devienne moindre – dès lors qu'on sait qu'une rénovation thermique n'est pas réalisée pour dix ans, mais bien pour trente ans ou quarante ans, sur les bâtiments qui sont amenés à être rénovés.
Enfin, le logement abordable doit permettre de lever des freins à la mobilité professionnelle, par une meilleure adéquation entre les lieux de travail et la résidence. Nous invitons donc à améliorer l'offre de services d'Action logement, pour renforcer l'appariement offre-demande sur le marché de travail et le lien entre l'emploi et le logement. Il faut rappeler que le « 1 % logement » a été fragilisé ces dernières années par la réduction de son assiette et par des prélèvements budgétaires de l'État. Alors qu'Action logement s'est largement réformée, nous proposons, à rebours des tendances passées, de renforcer son offre de services envers les salariés des PME. Cela nécessitera d'assujettir l'ensemble des entreprises de plus de dix salariés à la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), comme cela a pu être le cas dans un passé encore récent. Beaucoup d'entreprises déclarent aujourd'hui être confrontées à un problème de recrutement au regard de l'enjeu du logement : il faut rassembler tous les acteurs autour de la table pour apporter des solutions plutôt que de remonter des problèmes.
De même, il est essentiel de développer, pour les agents publics, une offre de services comparable à celle d'Action logement. Nous proposons la mise en place d'un fonds permettant d'investir dans le logement social pour les agents publics et de nouer des partenariats avec les bailleurs sociaux ainsi qu'avec Action logement.
En parallèle, nous proposons d'assortir la hausse du financement des logements sociaux de nouvelles garanties tenant à l'organisation de parcours résidentiels, à la mobilité des locataires et à la gestion du parc existant.
Ces dernières semaines, les débats se sont focalisés abusivement sur la question de locataires HLM « trop riches », ce qui est une façon réductrice d'aborder la question de la mobilité dans le parc social : on ne peut pas, d'un côté, soutenir la mixité sociale et, de l'autre, rompre dès lors qu'elle existe. L'enjeu principal porte sur les occupants vieillissants qui, une fois les enfants partis, se trouvent dans des logements trop grands, mais auxquels il est aujourd'hui difficile d'offrir un logement plus petit dans des conditions financières satisfaisantes. Nous proposons donc d'inciter les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit, mais avec des contreparties financières comme la garantie d'une absence de hausse de loyer et la prise en charge de certains frais de déménagement, sous conditions de ressources. Je crois que le président Stéphane Peu a porté cette idée et qu'il l'a appliquée dans sa propre commune, il y a déjà quelques années.
La question du logement abordable ne se limite pas à celle du secteur social. Il faut lever les freins qui peuvent dissuader les particuliers propriétaires de mettre en location un logement, notamment au regard des risques d'impayés. Deux chiffres illustrent parfaitement cette situation : 56 % des Français sont propriétaires et deux tiers d'entre eux n'ont plus recours à un emprunt. Il y a là une épargne mobilisable, mais à laquelle il faut offrir des garanties en contrepartie. Nous proposons de conforter les acteurs territoriaux de l'information sur le logement, de promouvoir les mécanismes d'intermédiation et de garantie locatives, comme le dispositif Visale, et d'engager une réflexion visant à mettre en place une garantie universelle des loyers.
Enfin, notre dernière série de propositions vise à une grande réforme fiscale, afin d'accroître la mise à disposition de résidences principales et de faciliter ainsi le parcours résidentiel.
Un travail récent et important du conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a établi que les prélèvements fiscaux sur le logement représentent près de 92 Md€, intervenant à différentes étapes du cycle de vie du logement : la construction, l'acquisition, la rénovation, la détention, la location et enfin la cession. À recettes publiques globales inchangées, il est possible de redéployer une partie significative des prélèvements, afin de rendre cette fiscalité plus juste et moins pénalisante pour la construction et l'utilisation des logements.
Nous proposons d'abord d'alléger massivement la fiscalité sur les primo-accédants. Dans le neuf, il convient d'étendre à l'ensemble du territoire le taux préférentiel de TVA (5,5 %) pour les primo-acquéreurs sous condition de ressources, qui est aujourd'hui réservé aux quartiers de la politique de la ville. Dans l'ancien, nous proposons une mesure similaire en réduisant les taux des frais de notaire et des droits de mutation à titre onéreux, sous condition de ressources des acquéreurs et dans la limite de certains montants de transactions – avec compensation par l'État de la perte de recettes pour les départements.
Dans le neuf comme dans l'ancien, nous proposons le dézonage généralisé à l'ensemble du territoire national du prêt à taux zéro, attribué également sous condition de ressources. À titre personnel, je propose aussi d'examiner la piste d'une réduction du taux de TVA pour les travaux de rénovation engagés par les primo-accédants dans l'ancien, le cas échéant sous condition d'amélioration de la performance énergétique. Cela favoriserait ainsi l'optimisation et la rénovation du parc existant. Cette mesure nationale engendrerait un effet d'entraînement sur les initiatives des collectivités territoriales en appui à la rénovation énergétique du parc privé, sous la forme de conseils et d'aides à l'ingénierie.
De façon générale, nous considérons que la fiscalité doit frapper plus lourdement les comportements qui détournent les logements d'une occupation en tant que résidence principale et, inversement, récompenser les bailleurs vertueux qui facilitent la mise en location de longue durée de biens rénovés. La mise en location d'un logement n'est pas une rente, mais elle correspond à une activité productive, utile à la société, avec souvent plus de risques et des rendements moindres que certains placements financiers.
Nous proposons donc d'établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique. Nous reprenons également une proposition présentée par notre collègue Jean-Paul Mattei et visant à créer un statut de l'investisseur immobilier, avec application du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus fonciers bruts, en contrepartie d'un engagement de plus d'un an de location du bien immobilier, d'un encadrement des loyers et d'un bon niveau de performance énergétique. Une telle mesure simple et visible constituerait une alternative avantageuse aux différentes incitations fiscales qui se sont succédé dans le temps sous forme d'un amortissement fiscal ou d'une réduction d'impôts spécifique en faveur de l'investissement locatif dans le logement neuf, parfois avec des effets pervers.
Parallèlement, nous invitons à mettre fin, sans tarder, aux avantages fiscaux dont bénéficient les locations meublées touristiques de courte durée, dont nous connaissons les effets d'éviction sur les résidents et les salariés dans les centres des métropoles et les zones marquées par le « sur-tourisme ». La proposition de loi de nos collègues Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz est une première étape en ce sens et il faut que son examen parlementaire aille à son terme. Il faudra aussi aller plus loin, en supprimant progressivement les distinctions entre locations meublées et non meublées, et entre locations meublées professionnelles et locations meublées non-professionnelles, comme l'a récemment proposé le conseil des prélèvements obligatoires.
Pour inciter les propriétaires à remettre sur le marché des logements inutilisés (ou sous-utilisés), nous proposons également de continuer à moderniser la fiscalité des logements vacants et des résidences secondaires.
Pour stimuler la mise sur le marché des biens immobiliers, nous proposons de réformer la fiscalité sur les plus-values immobilières, en supprimant le système d'abattement pour durée de détention. Nous proposons de le remplacer par une actualisation de la valeur d'acquisition du bien selon l'inflation ou le coût de la construction. Cela permettrait de déterminer l'impôt sur la plus-value de manière plus équitable et de décourager les comportements de rétention immobilière.
Enfin, il est impératif de ne pas manquer l'occasion majeure qui se présente pour les finances publiques locales et pour le financement des politiques du logement en raison des effets du « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui accroîtra mécaniquement la valeur des terrains constructibles et donc la rente dont bénéficient leurs propriétaires. Nous proposons de faire bénéficier les collectivités d'un « choc de trésorerie » en taxant beaucoup plus fortement les plus-values foncières résultant du ZAN et en attribuant le rendement principal au bloc communal, fléché vers des dépenses d'aménagement et d'aide à la construction de logements. Nous appelons à ce que le projet de loi de finances pour 2025 comprenne un « paquet fiscal » complet dans le domaine du logement et que le Parlement puisse s'en saisir, sans que le débat soit prématurément interrompu.
Une réforme d'ensemble de la fiscalité du logement offrirait une occasion majeure d'être à la hauteur de la crise du logement, tout en procurant des ressources publiques et en taxant plus lourdement les comportements de rétention foncière et de spéculation.
Les travaux de cette mission d'information témoignent, après bien d'autres, du fait que le secteur du logement est confronté à des défis nombreux et complexes, mais ils permettent également d'acquérir la conviction que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Avec un engagement ferme des parties prenantes, une volonté d'innover et de réformer et un suivi des progrès réalisés, nous pouvons transformer notre système de logement pour mieux servir les Français.
Lorsque nous avons commencé notre mission, le ministre chargé du logement était M. Patrice Vergriete. Nous nous sommes entretenus avec lui, puisqu'il y avait à l'époque l'idée d'une loi-cadre, qui devait intervenir à la fin du premier semestre 2024. Il y avait donc concomitamment trois projets ou propositions de loi : un projet sur l'habitat insalubre, qui a été adopté ; une proposition sur les meublés touristiques de nos collègues Le Meur et Echaniz, qui poursuit son chemin et dont nous espérons qu'elle aboutira dans les meilleurs délais ; et un projet de loi d'orientation, qui n'est finalement plus à l'ordre du jour. Nos propositions restent d'autant plus d'actualité et elles devront, comme l'a dit notre rapporteur, trouver des débouchés, les plus consensuels possible, dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2025.
Je vous remercie pour ce rapport, à la fois extrêmement intéressant et très documenté. Je regrette néanmoins que nous soyons assez peu nombreux à être présents aujourd'hui, alors que le sujet est extrêmement important et que nous sommes de plus en plus à nous mobiliser dessus. Effectivement, certains textes aboutissent et nous sommes tous déçus que les annonces de M. Patrice Vergriete n'aient pas été reprises depuis la prise de fonction de M. Guillaume Kasbarian.
Je me réjouis néanmoins de ce rapport, qui reprend un certain nombre de sujets et propositions que nous portions avec mon groupe et l'ensemble de la gauche. Je me réjouis que le Modem se mette à les porter avec nous : je parle de l'aide aux maires bâtisseurs, du soutien au logement social, de l'encadrement des plus-values et de l'accès au foncier dans le cadre de l'accession à la propriété. J'espère donc que nous pourrons compter sur vous, monsieur le rapporteur, au moment de l'examen du prochain projet de loi de finances – qui risque d'être la seule « fenêtre de tir » que nous aurons pour débattre de ces sujets-là – pour avoir le soutien du Modem sur nos amendements ; ce n'était pas forcément le cas lors des examens précédents.
C'est un rapport extrêmement intéressant pour nous. Vous parlez de sujets qui concernent directement mon territoire, notamment celui du bail mobilité. Je suis donc agréablement surpris par ce rapport, qui va aider, je l'espère, à nous faire avancer collectivement sur ce sujet. En tout cas, vous pourrez toujours compter sur nous si les mesures que j'ai citées sont reprises dans des textes. Vous pourrez porter cette voix-là auprès du nouveau ministre chargé du logement, afin d'infléchir – ou de créer – une ligne qui permette de donner des réponses à cette crise du logement.
Je pensais à un autre aspect du logement, à savoir les gens qui choisissent de se loger en mobile-home, dont la résidence principale est un mobile-home.
Ce ne sont pas forcément des gens sans ressources. Ce sont, au départ, des personnes qui n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété parce que, comme vous l'avez souligné, elle est de plus en plus chère et les loyers aussi. En faisant leurs calculs, elles voient qu'elles ont assez d'argent pour acheter un mobile-home, l'aménager, acheter le terrain et payer les charges du camping. Elles s'en trouvent très bien.
Il ne faut pas oublier non plus cette situation. Il s'agit parfois d'un non-choix, parce que ces ménages n'ont pas assez d'argent ; mais ce peut également être un choix, parce que le lieu leur convient.
Faire croire qu'un projet de loi pourrait répondre à tous les enjeux cités serait un leurre. En revanche, il existe beaucoup d'opportunités de pouvoir répondre concrètement à ces enjeux. Tel est l'esprit dans lequel je pense que ce rapport doit vivre : il s'agit de saisir les opportunités qui se présenteront à nous, qu'il s'agisse d'un projet de loi transpartisan sur une thématique bien précise, d'un projet de loi fiscale ou d'un autre texte.
L'objectif est que tous les freins que nous avons identifiés depuis déjà de nombreuses années, voire des décennies, soient remplacés par des accélérateurs, et que tous les moyens soient mis en œuvre pour débloquer cette situation. Il n'y a rien de plus frustrant que de constater que le problème du mal-logement, identifié depuis déjà longtemps, n'a jamais été résolu par la quantité ou la quotité. Il nous faut aujourd'hui réfléchir à la qualité. Nous ne l'avons peut-être pas suffisamment dit, mais le logement « senior », par exemple, n'est traité que de manière marginale – les projets proviennent de porteurs ou d'initiatives privés – et les réponses qui sont apportées ne correspondent pas aux attentes. Le constat est le même pour d'autres thématiques, comme le logement des jeunes actifs ou le logement des saisonniers en zone littorale ou montagnarde.
Nous parlons de « boîte à outils », car il existe tellement de spécificités, suivant l'endroit où l'on se trouve en France, qu'une loi ne résoudra pas tout. En revanche, il faut laisser suffisamment d'agilité et de souplesse dans nos propositions, de sorte que les territoires ou les acteurs du bâtiment puissent s'en saisir, plutôt qu'ils ne se retrouvent avec un marteau alors qu'on leur demande de peindre sur un petit coin de table… Tel est le problème : les outils qui ont été proposés jusqu'à présent ne sont pas en adéquation avec les besoins. Comment faire, cette fois-ci, pour mettre une palette à disposition et apporter des solutions plutôt que de créer de nouveaux problèmes ?
Je salue le travail qui a été réalisé. Parmi les éléments que vous avez présentés, figure cette idée de l'établissement de parcours résidentiels. On peut avoir des avis différents sur la façon de le faire, mais, de fait, aujourd'hui, les logements deviennent des logements pour toujours, non par choix, mais de manière subie par d'un certain nombre d'habitants. Des solutions alternatives ne leur sont pas proposées. Je sais que le projet de loi qui doit arriver d'ici la fin de cette session devant le Sénat contiendra des propositions sur la mobilité.
Ce point est important. Il mérite d'être complété et amendé : la situation où une personne veuve vit dans un cinq pièces alors que ses enfants sont partis existe bien, dans le logement social comme dans le logement privé. L'ingénierie est actuellement insuffisante pour pouvoir lui proposer une solution alternative. De même, pour les personnes qui sont en début de formation ou de vie active, décider de quitter un logement aidé pour profiter d'une opportunité est une prise de risque qui peut être rédhibitoire, de sorte que les uns et les autres n'effectuent pas cette mobilité et préfèrent rester là où ils sont. Cette dimension est à prendre en compte et j'ai cru comprendre qu'elle était très largement présente dans ce rapport.
Il est important de rétablir une histoire et de reproposer un narratif autour du logement. En effet, beaucoup de nos concitoyens ont une réticence à accueillir de nouveaux logements autour d'eux. Dans une partie des communes, lors de l'élection de 2020, qui était très particulière à bien des titres, l'idée a pu localement prospérer du « Pas un voisin de plus ! ». Peut-être était-ce du fait de la crise de la covid que nous préférions avoir cette forme de grégarité, parce qu'on avait eu peur ? Peut-être était-ce un phénomène plus profond ? Je crois que, même s'il a été accentué par la crise sanitaire, il existait bien un mouvement assez profond à ce sujet, qu'il faudra déconstruire pour restaurer l'idée que la ville, la collectivité, se bâtit avec une histoire qui est belle. Il faut rappeler qu'au travers du logement social, des personnes arrivent pour satisfaire nos besoins les plus urgents. Le logement social peut concerner des personnes qui peuvent être nos enfants, qui décohabitent, ou nos anciens, y compris des personnes qui étaient en cinq pièces auparavant et qui sont accueillies différemment. Le parcours résidentiel est bâti autour de ces histoires-là.
Notre rapport contient beaucoup de propositions. Certaines marquent des ruptures claires ou des virages pour relancer la production de logements, avec deux axes : les primo-accédants et les logements abordable et social.
Il faut revenir aussi sur des mécanismes qui ont fait le socle de la politique du logement, notamment social, dans notre pays, par exemple le « 1 % logement ». La crise du logement vécue par les Français a des impacts sur l'économie de notre pays : beaucoup d'entreprises ont témoigné ici des problèmes pour la performance économique, l'emploi, l'industrialisation ou la réindustrialisation du pays qu'entraînent les difficultés de logement.
Dans l'esprit du CNR et des différents travaux réalisés, nous pouvons essayer de converger et de dégager des consensus pour une politique de rupture, qui, pour une large part, est un impensé du gouvernement depuis 2017. Il n'y a pas eu véritablement de stratégie, hormis la réduction ou la suppression d'éléments qui n'ont pas été remplacés ou qui se sont traduits par un affaiblissement de certains secteurs de la production de logements.
Aujourd'hui, la Fédération française du bâtiment chiffre à cent cinquante mille le nombre d'emplois qui risquent d'être supprimés au cours de l'année 2024, en raison principalement de la baisse de la production de logements. Derrière la crise sociale liée à la crise du logement, une crise économique se profile. Par définition, le bâtiment s'appuie sur des métiers pas ou peu délocalisables et qui représentent des emplois précieux.
La matière existe donc pour des propositions de loi qui rassemblent sur les différents bancs de l'hémicycle ou pour une loi-cadre, en lieu et place du projet de loi annoncé le précédent ministre chargé du logement. La matière existe pour être collectivement actifs lors du débat sur le prochain projet de loi de finances, qui devra opérer des choix de rupture – sauf à s'enfoncer un peu plus dans la crise du logement : je pense à ce qui a été dit sur la TVA sur les primo-accessions ; je pense à la réduction de loyer de solidarité dans les HLM, qui doit être supprimée ; je pense aussi à l'abaissement à dix salariés, comme par le passé, du seuil de la participation des employeurs à l'effort de construction… toutes propositions portées dans le présent rapport.
Puis la mission d'information a approuvé la publication du rapport d'information.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 17 h 00
Présents. – M. Mickaël Cosson, M. Dominique Da Silva, M. Inaki Echaniz, Mme Martine Etienne, M. Stéphane Peu, M. Guillaume Vuilletet.