COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 12 octobre 2022
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission
La séance est ouverte à 14 heures 03.
Notre réunion est consacrée à la communication sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Comme chaque année, le président de la commission des affaires européennes et un membre de la commission, faisant office de rapporteur sur le sujet, interviennent lors du débat en séance publique sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE). Il est d'usage que ce débat soit précédé de la présentation d'une communication sur le sujet devant notre commission. Cette communication va nous être présentée par Alexandre Holroyd, co-référent avec Manuel Bompard, sur les questions économiques et budgétaires européennes. Cette présentation se fera en présence de deux de nos collègues députés européens, membres de la commission des budgets, Valérie Hayer et David Cormand. Ils nous apporteront leur éclairage sur les débats qui sont tenus à l'échelle européenne et en particulier au Parlement européen.
Les enjeux relatifs au financement du budget de l'Union sont d'une importance capitale. Il s'agit de dire quelles sont nos priorités politiques au niveau européen, quels moyens notre pays consent afin de faire face aux nombreux défis de ce siècle – des défis climatiques, environnementaux, énergétiques, technologiques, économiques et sociaux, ainsi que la guerre ukrainienne. Toutes ces crises doivent être affrontées ensemble à l'échelle européenne. Cette ambition commande d'adapter nos moyens au moment politique que nous vivons en Europe et aux objectifs que nous nous sommes donnés : faire en sorte que l'Europe protège ses citoyens, qu'elle défende ses intérêts dans le monde et qu'elle continue à opposer un front uni face à la guerre sur notre continent. On ne peut pas avoir des discours extrêmement ambitieux d'un côté et, de l'autre, ne pas avoir des prélèvements sur recettes qui nous donnent les moyens de les réaliser efficacement. Cette ambition doit être concomitante de ce que je qualifie de « solidarité européenne pleine et entière », car derrière notre contribution se cache la cohésion de notre continent. Le budget de l'Union européenne sera à la hauteur des exigences que nous vivons aujourd'hui en Europe le jour où celui-ci bénéficiera de ressources propres. C'est le seul chemin pour renforcer les moyens de l'Union et ses capacités à être moins dépendantes des contributions de ses États membres. Nous pouvons nous réjouir que la France soit un contributeur net au budget de l'Union européenne, et rappelons toujours que cette contribution finit par bénéficier à nos concitoyens.
Il est habituel que le rapporteur s'exprime avant la discussion en séance publique, devant notre commission sur le PSR-UE qui intéresse particulièrement la commission des affaires européennes. Ma prise de parole dépassera toutefois le seul cadre du PSR-UE pour s'intéresser également à ce que contribue à financer ce prélèvement sur recettes, à savoir le budget de l'Union pour 2023, ainsi qu'aux autres ressources propres du budget de l'Union européenne.
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne est évalué pour l'exercice 2023 à 24 586 000 000 euros (la dernière proposition de budget de la Commission publiée il y a quelques jours mentionne, elle, une contribution française de 25 milliards d'euros). Il s'agit d'un montant quasi stable par rapport à l'année précédente. Cette quasi-stabilité ne doit toutefois pas occulter une augmentation significative de la contribution française depuis le début des années 2020 : celle-ci s'élevait, en effet, en 2020, à 21 milliards d'euros. L'augmentation traduit une ambition européenne dont nous ne pouvons que nous réjouir tant les derniers mois et années nous ont montré à tous à quel point l'Europe était, dans certaines situations, notamment de crises, l'échelon adapté pour apporter les réponses les plus efficaces.
Le budget européen pour 2023 est le troisième du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur les années 2020 à 2027. Selon les dernières positions de la Commission et du Conseil, ce budget 2023 devrait disposer d'environ 185 milliards d'euros en crédits d'engagement. Pour rappel, les budgets européens sont d'abord négociés dans un cadre pluriannuel qui constitue la négociation principale.
Si la PAC et la politique de cohésion continuent à orienter à elles seules 60 % des dépenses, ce budget vise aussi à poursuivre les priorités de long terme fixées par la Commission – renforcer l'autonomie stratégique de l'Europe, stimuler la reprise économique en cours, financer les transitions écologique et numérique, créer des emplois… – mais également à permettre de réagir à l'actualité en soutenant les partenaires de l'Europe et en donnant à l'Europe les moyens de continuer à influer dans le monde, notamment en compensant les effets de la guerre en Ukraine. À titre d'exemple, des fonds sont mobilisés pour renforcer la résilience du secteur agroalimentaire et du secteur de la pêche et mettre en place un instrument de gestion de crise en vue des pénuries alimentaires qui sont attendues au niveau mondial. À ce budget stricto sensu de l'Union européenne s'ajoute une enveloppe de 114 milliards d'euros sous forme de subventions dans le cadre de Next Generation EU. Ces fonds ont vocation à soutenir la reprise et la croissance économiques après la pandémie de coronavirus et à remédier aux problèmes engendrés par la guerre en Ukraine.
J'en viens désormais à la question des ressources propres.
Pour rappel, le budget de l'Union est financé par quatre types de ressources : les ressources propres dites traditionnelles (droits de douane), collectées par les États membres pour le compte de l'Union ; une ressource assise sur une assiette de TVA harmonisée ; une modulation de la ressource propre traditionnelle basée sur la capacité et la performance du recyclage des emballages plastiques non recyclés ; et enfin une ressource, qualifiée d'équilibre, fonction du revenu national brut (RNB) de chaque État membre. Traditionnellement, le budget européen dépendait de façon écrasante de ressources propres, et s'est graduellement déplacé afin que la pondération du prélèvement sur recettes devienne plus importante, notamment avec l'affaiblissement du droit de douane.
Il est prévu que de nouvelles ressources propres viennent s'ajouter à cette liste. La mise en place de nouvelles ressources propres poursuit plusieurs objectifs, dont le principal est d'assurer le remboursement du plan de relance européen Next Generation Eu (financé par un emprunt de l'Union) entre 2028 et 2058 sans recourir à une augmentation des contributions des États membres. Elles doivent également permettre de financer le futur Fonds social pour le climat, pour lequel la France a beaucoup œuvré au cours de sa présidence. Les discussions sur certaines de ces nouvelles ressources propres sont déjà bien avancées. C'est le cas de la ressource fondée sur le marché carbone européen et de celle fondée sur mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACAF) qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023.
À côté de ces trois ressources, la commission prévoit de présenter en 2023 un nouveau paquet de ressources propres. Celui-ci pourrait inclure une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises. Sur ces deux sujets, les négociations promettent d'être difficiles et des coopérations renforcées ne sont pas à exclure. La France soutient pleinement la mise en œuvre de nouvelles ressources propre, qui constitue un enjeu à la fois politique et budgétaire ; c'est la raison pour laquelle tous les États ne sont pas aussi allants sur le sujet.
Je vais concentrer mes propos sur trois éléments : le budget de l'Union européenne, la contribution française, la question des ressources propres et la dépendance de l'Union aux contributions nationales.
En ce qui concerne le budget de l'Union européenne, le vote aura lieu la semaine prochaine au Parlement européen. Ce dernier devrait demander une augmentation du montant des engagements à hauteur d'un milliard d'euros par rapport à la nouvelle proposition de la Commission, alors que les États membres veulent réduire ce montant de plus de deux milliards d'euros.
Le budget européen sert à financer toute une série d'enjeux importants au niveau européen, dont la convergence économique entre les régions européennes, les aides aux agriculteurs de la PAC, la recherche avec des projets transfrontaliers, les échanges étudiants ERASMUS, etc. Parallèlement, les attentes envers l'Union européenne sont de plus en plus importantes, particulièrement en ce qui concerne les défis auxquels le continent est confronté : la guerre en Ukraine, la lutte contre le changement climatique, les réseaux de télécommunications, les achats communs de gaz afin de lutter contre la hausse des prix, les produits industriels critiques, la défense européenne...
Mais les financements octroyés à l'Union européenne sont en décalage avec ces attentes. D'ici la fin du cadre financier pluriannuel, en 2028, il nous reste 10 milliards d'euros, ce qui est très faible compte tenu des défis qui s'imposent à nous. Le budget de l'Union ne représente qu'1 % du PIB européen, soit 185 milliards d'euros pour 27 États membres, alors que le budget français est de 400 milliards d'euros.
Le respect et la confiance que nos partenaires témoignent à la France ne sont pas dus au montant de sa contribution au budget communautaire, mais plutôt à sa volonté constante de faire bouger les lignes. Certains dans l'hémicycle fustigent le montant jugé trop élevé de la contribution de la France au budget de l'Union. Le montant net de cette dernière ne s'élève toutefois qu'à une dizaine de milliards d'euros. Il convient par ailleurs de relever que la France tire un bénéfice important de sa participation au marché intérieur, qui peut être évalué à 124 milliards d'euros par an. Enfin, dans une logique européenne de solidarité, il est normal que les pays les riches – dont fait partie la France – contribuent de manière importante au budget de l'Union. Une solution alternative serait que l'Union européenne se finance par le biais de véritables ressources propres : cette option a gagné en pertinence depuis le plan de relance européen, l'emprunt devant être remboursé au moyen de telles ressources et non par recours aux contributions nationales.
Les négociations relatives aux recettes du marché carbone (ETS) sont actuellement en passe d'être finalisées, ainsi que celles sur le pilier 1 de l'accord OCDE, qui est un accord mondial sur l'impôt des multinationales. Cependant, pour que ces textes aboutissent, il faut l'unanimité des 27 États membres au Conseil.
Un travail est par ailleurs mené par la Commission européenne sur de nouvelles ressources propres, afin d'atteindre le montant de 15 à 20 milliards d'euros nécessaires chaque année jusqu'en 2028 pour garantir le remboursement du plan de relance européen. Des projets sont discutés, tels que la taxe sur les transactions financières ou l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés transnationales. Certains en France, et notamment au Rassemblement national, affirment dédaigner la solidarité européenne et préférer agir entre français : ils estiment que la France n'a pas besoin de l'Union européenne et que le plan de relance européen coûte à la France 70 milliards d'euros. En réalité, la France est le troisième bénéficiaire du plan de relance. Ce genre d'affirmation relève au mieux de l'ignorance, au pire de l'hypocrisie.
Enfin, les ressources propres participent à l'effort de justice sociale : le niveau européen constitue le niveau le plus pertinent pour répondre aux externalités négatives et pour éviter l'évasion fiscale hors de nos frontières. Le budget de l'Union européenne doit correspondre à nos ambitions et nous permettre d'assurer la souveraineté européenne.
Le groupe Rassemblement national vient d'être mis directement en cause. Il convient d'éviter ces attaques entre formations politiques si l'on veut élever le débat en commission.
Il n'y a pas eu de mise en cause personnelle. Le propos de Mme Hayer était un propos politique qui ne vous mettait pas en cause personnellement.
Le sujet que nous abordons aujourd'hui, bien qu'important, n'attise pas les passions, ce qui est dommage. Le budget européen est trop réduit. À titre de comparaison le budget annuel octroyé à l'État fédéral des États-Unis se situe entre 22 et 25 % des ressources produites. Or, si nous voulons peser dans ces moments de crise géopolitique, économique et énergétique, nous devons nous donner des moyens à la hauteur de nos ambitions. Par ailleurs, 40 % du budget de l'Union est « happé » par la politique agricole commune (PAC), ce qui nous laisse très peu pour tout le reste.
Au sujet des prétendues contreparties financières que la France devrait obtenir au titre de sa contribution au budget de l'Union, il me paraît normal de répartir les richesses, en accord avec la solidarité européenne, comme c'est déjà le cas au niveau national. De plus, la France tire déjà de larges bénéfices, financiers ou non, de sa participation à l'Union européenne.
À l'origine, le budget de l'Union européenne était intégralement financé par le tarif extérieur commun mais les recettes associées à ce tarif ont baissé, notamment avec l'approfondissement du marché intérieur et la multiplication des accords de libre-échange. La perte de recettes est aujourd'hui compensée par des contributions des États. Les États financent à 75 % le budget de l'Union européenne, ce qui leur donne un droit de regard sur ce budget, et les empêche de disposer d'une vision globale européenne.
Du fait de la règle de l'unanimité au Conseil, nécessaire pour créer une ressource propre, nous n'arrivons pas à en instituer de nouvelles. Certains États, notamment ceux constituant des paradis fiscaux, ont intérêt à maintenir les inégalités fiscales à l'échelle européenne. Des Etats comme l'Irlande, les Pays-Bas ou le Luxembourg, s'opposent à toute réflexion sur l'instauration d'une fiscalité minimum des entreprises. La France soutient ce projet mais n'a pas été suffisamment moteur.
Enfin, le volume du budget est insuffisant, notamment au regard du plan de relance européen de 750 milliards : l'augmentation des taux d'intérêt grève le budget ordinaire de l'Union, puisque nous n'avons pas pu obtenir de découpler le remboursement de la dette commune du budget lui-même. Par ailleurs, les recettes dont nous disposons au niveau européen pour rembourser le plan de relance sont insuffisantes. À titre d'exemple, le mécanisme de taxe carbone aux frontières devrait rapporter un ou deux milliards de recettes par an, ce qui est très peu. Le projet d'élargissement de la taxe carbone au logement et aux transports est en cours de discussion. N'oublions pas toutefois qu'un tel projet s'apparente à celui qui avait déclenché la crise des gilets jaunes. Mon inquiétude est donc que s'opère un transfert de la fiscalité carbone des Etats vers l'Union européenne, ce qui pourrait s'avérer dangereux pour l'image de cette dernière auprès des citoyens européens. Enfin, le projet de taxe sur les transactions financières nous rapporterait 50 milliards par an, ce qui est très important par rapport aux bénéfices rapportés par l'ETS, qui plafonneraient à 8 milliards. Nous avions porté ce projet de taxe sur les transactions financières au Parlement européen mais la Commission européenne est désormais silencieuse sur ce sujet alors qu'une telle taxe est un prélèvement juste qui ne pénaliserait pas les citoyens ordinaires et serait rentable. Le principe de cette taxe a été voté par 90 % des membres du Parlement européen, allant du Parti populaire européen à l'ultra gauche, mais ce sont les États Nations qui ont fait obstacle à son adoption. C'est la raison pour laquelle nous comptons sur vous, parlementaires français, pour peser au niveau national et influencer le Conseil européen en ce sens. Si nous n'augmentons pas les ressources propres de l'Union, les bénéfices induits par le lancement d'un plan de relance financé par une dette commune seront fortement réduits.
Je voudrais réagir sur deux points. D'une part, la France est l'un des plus importants contributeurs au budget de l'Union, mais elle est aussi l'un des principaux bénéficiaires des dépenses de l'Union, notamment par l'intermédiaire du marché intérieur. D'autre part, les discours qui plaident en faveur d'une diminution de la contribution de la France à l'Union européenne sont irresponsables.
Les budgets de l'Union sont de plus en plus conséquents : la France a augmenté sa contribution brute au budget européen de 10 milliards d'euros en moins de cinq ans, passant de 18 milliards d'euros en 2017 à 28 milliards d'euros en 2021. Cette contribution a temporairement diminué à 26,3 milliards d'euros en 2022, puis à 24,5 milliards d'euros en 2023. Le montant de la contribution nette est de 10 milliards d'euros. Cette baisse n'est toutefois que temporaire, puisque 26 milliards d'euros seraient prévus en 2027. Ces recettes seraient complétées par les ressources propres, qui sont un début de souveraineté européenne. Or la souveraineté nationale ne se partage pas. Les peuples européens ne veulent pas de cette évolution : les États nations se rebellent et reprennent leur liberté.
L'Union européenne est un colosse aux pieds d'argile : il n'y a pas de financements suffisants pour permettre à l'Union d'atteindre ses objectifs. Après avoir décidé des objectifs de l'Union, il est nécessaire de prévoir des moyens suffisants. Il faut une flexibilité, une réactivité en temps de crise, pour pouvoir faire face aux menaces. Il serait intéressant que la commission des affaires européennes entende nos ministres sur leurs positions au Conseil. Il serait utile d'avoir des débats en séance avant les réunions du Conseil susceptibles de prendre des décisions importantes. Le groupe démocrate soutient le projet de prélèvement sur recettes.
La faiblesse de la participation des ressources propres au budget européen s'incarne dans la diminution des droits douanes et l'absence de consensus sur l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. L'un des problèmes en matière de fiscalité est celui de l'unanimité au Conseil. Concernant les États soupçonnés de corruption, comme la Hongrie, il est important de rappeler que les fonds restent bloqués par la Commission. Il faut également rappeler que la France est le premier contributeur aux rabais des autres États, alors qu'elle ne bénéficie d'aucun. Enfin, certaines mesures de soutien à l'Ukraine ne sont pas budgétées, ni encore prises en compte.
. Ce débat nous permet de constater la grande diversité des propositions budgétaires. La position du Conseil de l'Union a été arrêtée le 12 juillet, avec une baisse significative par rapport au projet de la Commission. Le Parlement européen est en revanche plus ambitieux, en augmentant de 311 millions d'euros le budget du programme Horizon Europe, et de 60 millions d'euros le budget du programme Life. Le calcul du prélèvement sur recettes est finalement assez dépendant de l'évolution du débat budgétaire. Comment assurer une meilleure coordination ?
Concernant l'instrument Next Generation EU, le remboursement des prêts contractés se fera avec différentes propositions de ressources propres : toutefois, les États membres pourraient-ils compléter ces ressources, si elles s'avéraient insuffisantes ?
Le budget européen est réduit, mais pose la question de la souveraineté de chaque État à prélever l'impôt.
En dehors du budget, se pose la question de l'utilisation des fonds. Le premier exemple est celui de la politique agricole commune, avec un verdissement insuffisant pour assurer une transition écologique efficace. Cette politique s'accompagne de plans stratégiques nationaux qui remettent en cause la cohésion des territoires et peuvent déboucher sur des distorsions de concurrence. Enfin, comment obtenir des résultats en matière agricole avec la conclusion d'accords de libre-échange ? On peut s'interroger sur le respect par l'accord avec la Nouvelle-Zélande des clauses miroirs. Un autre exemple est celui du traité sur la Charte de l'énergie promu par l'Union européenne, qui est un danger pour l'écologie, au bénéfice de grands industriels.
David Cormand a rappelé la nécessité d'avoir des ressources propres. Oui, la France doit prendre sa part à cette Europe mais elle doit aussi être en capacité d'avancer par elle-même. La relance, les emplois d'avenir doivent passer par l'impulsion européenne : il a fallu attendre le discours sur l'état de l'Union de Madame von der Leyen pour avoir un « merci aux écologistes d'avoir annoncé, avant tous les autres, les crises à venir » ; on attend toujours la même chose en France.
Le projet de taxe sur les transactions financières est un vieux « serpent de mer ». Les partis écologistes et de la NUPES veulent avancer sur ce dossier. D'autres projets sont à l'étude, comme la taxe sur les superprofits qui permettrait de disposer de ressources nouvelles venant abonder le budget européen. L'Europe aurait ainsi les moyens de s'incarner dans nos régions et nos villes dans un contexte où le taux d'abstention continue à se situer à un niveau élevé lors des élections européennes. Cette Europe est un projet collectif, un projet d'émancipation, un projet de paix et un projet protecteur. L'Europe des États s'oppose à l'Europe des populations, elle est de plus en plus un frein. On voit aussi une fracture politique avec l'extrême droite et une partie de la droite qui refusent ce projet européen.
J'entends parler d'États nations contre l'Europe : mais il ne faut pas opposer l'un à l'autre. Il faut une Europe forte et une France forte. L'un est lié à l'autre. Lors du COVID, sans l'Europe, nous n'aurions pas pu avoir des vaccins ! Le plan de relance a des conséquences concrètes dans nos territoires. Dans ma circonscription, c'est une entreprise de 50 personnes qui reçoit 400 000 euros pour robotiser sa production et lui éviter de perdre des marchés : c'est cela l'Europe ! Il faut mettre fin aux discours sur le ton du « I want my money back ». Il faut sortir de cette logique par laquelle tout ce que l'Europe apporte à nos territoires est oublié. Sortons de ces populismes en carton qui n'ont pas de vision globale ! Le combat n'est pas la France contre l'Allemagne, c'est l'Europe contre les États-Unis ou contre la Chine, pour la défense des intérêts européens.
Valérie Hayer a très bien présenté les sujets et je souscris entièrement à ce qu'elle a dit : l'instauration de ressources propres est un processus long et difficile mais c'est un processus qui avance. Nous allons poursuivre nos efforts.
Sur le projet de taxation minimale des bénéfices des sociétés, je ne partage pas l'analyse de David Cormand. J'ai accompagné le Président de la République quand il est allé en Irlande négocier avec ce pays son soutien à l'accord de l'OCDE, puisqu'il était l'un des derniers qui résistait. L'accord obtenu à l'OCDE, qui a été entériné par la Commission et par le Conseil européen, est le symbole d'un engagement permanent de la France sur ce sujet. L'instauration de cette imposition minimum entraînerait une recette supplémentaire pour le budget de l'Union. On est dans un monde où les assiettes de certains impôts peuvent s'évanouir : l'échelle européenne est la bonne pour empêcher de tels phénomènes. Le taux minimum répond à ces deux enjeux : lever de l'argent pour conduire des politiques ambitieuses et, en même temps, rééquilibrer la justice fiscale pour que les grands acteurs et les petits acteurs soient soumis à des conditions équivalentes. C'est la même chose pour l'ETS et le MACAF : la raison pour laquelle ces mécanismes ont initialement été envisagés était de créer une incitation à la réduction des émissions carbone. En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, c'est un peu plus délicat car l'assiette, selon les modalités retenues, peut varier de manière considérable. La France soutient depuis le début l'instauration d'un mécanisme européen car, au niveau national, cela ne fonctionne pas bien. Mais il faut veiller à ce que la taxe sur les transactions financières ne soit pas supportée par le consommateur.
L'adoption du plan de relance a, dans une certaine mesure, constitué un moment « hamiltonien ». Le lancement d'une dette commune peut en effet s'apparenter, en partie, à la mutualisation de la dette des treize États américains qui a conduit à l'unification du pays. Le remboursement du grand emprunt européen jusqu'à 2058 engage pendant trente ans collectivement les États-membres. Le plan de relance comprenant un volet prêts, un volet subventions et la modulation des achats de la Banque centrale européenne selon les besoins des pays en matière de financement constitue un pas immense vers plus d'intégration économique européenne. Tout cela me fait donc dire que le moment hamiltonien a eu lieu mais n'est pas terminé.
L'argument mis en avant par Mme Mélin sur le montant de la contribution nette de la France me semble absurde. J'inscris ma fille qui apprend à nager dans une piscine. Je paie une contribution mais en retour ma fille a accès à la piscine. Toutes les contributions de la France à une organisation internationale (ONU, OCDE, OSCE…) sont des contributions nettes négatives. Mais c'est parce que le bénéfice que l'on retire de la participation à une telle organisation est plus important que le coût de la contribution. Concernant l'Union européenne, les bénéfices de notre participation au marché unique surpassent les coûts de fonctionnement de ce marché. Il serait absurde de contribuer à un budget si l'on considérait ne pas en tirer profit.
Il a été décidé de lancer un emprunt européen parce que cela permet d'emprunter à des taux d'intérêt plus faibles. Ce différentiel est particulièrement important pour des pays dont les finances publiques sont dégradées et, malheureusement, c'est le cas de la France.
Le budget européen était à l'origine financé par les droits de douane aux frontières communes. Il l'est aujourd'hui par des contributions des États comme le PSR-UE et cela constitue une anomalie. Je remarque toutefois qu'aucun État, parmi les gouvernements dirigés par l'extrême droite, en Italie, en Hongrie, ne veut sortir de l'Union. Visiblement, l'idéologie a ses limites quand elle recouvre des réalités économiques et financières.
Le contrôle démocratique des affaires européennes comporte dans un pays comme la France une déficience claire liée à la constitution de la Ve République. Dans les autres pays de l'Union, le Parlement contrôle ce que l'exécutif négocie et les positions qu'il défend à Bruxelles. Un tel contrôle est beaucoup plus faible en France. L'Assemblée nationale est moins informée que ses homologues allemands, italien, espagnol, portugais, estonien ou suédois sur ce que le Gouvernement s'engage à négocier à Bruxelles. Le Parlement français est informé des résultats de ces négociations mais beaucoup plus tard, à la suite des trilogues et éventuellement au moment de leur introduction dans le droit national.
Il est important d'étendre le champ du vote à la majorité qualifiée mais cela ne peut se faire qu'à l'unanimité du Conseil. Bien que cela soit difficile à obtenir, il faut soutenir une telle réforme. La réflexion sur ce sujet évolue de crise en crise et gagne du terrain.
En ce qui concerne la Hongrie et l'État de droit, l'Europe est avant tout une communauté de valeurs. C'est la raison pour laquelle il est important de développer et protéger un modèle basé sur la solidarité, le respect de l'individu et l'État de droit. Il est primordial que les outils existent pour s'assurer que les États respectent ces principes.
Certaines universités britanniques regrettent amèrement la sortie de leur pays de l'Union qui les prive de toute participation au programme Horizon Europe.
Le déploiement de nouvelles ressources propres est important pour permettre le remboursement de la dette commune. En cas d'absence de nouvelles ressources propres, les contributions nationales augmenteront de manière très importante.
Il y a une certaine contradiction, dans l'intervention d'André Chassaigne, entre la nécessité d'augmenter les dépenses de la PAC et sa mise en cause du système de ressources propres. Si l'on veut renforcer la PAC, il faut plus de solidarité européenne, il est donc nécessaire d'accepter que les États membres contribuent de manière significative au budget.
L'échelon européen est le plus pertinent pour mettre en place la taxe sur les transactions financières. C'est la position du gouvernement français. La mettre en place au niveau national serait une erreur.
Le groupe socialiste du Parlement européen a présenté un amendement au cours du débat sur le budget 2023 pour s'opposer à l'achat par le Parlement européen d'un bâtiment à Strasbourg qui lui est pourtant nécessaire pour pouvoir assurer son travail. Ce sujet doit faire appel à la vigilance de la France.
Il est important de surveiller la manière dont l'argent est dépensé. Un rapport de la Cour européenne des comptes a mentionné le non-respect des pourcentages de dépenses dédiés au climat et à la biodiversité pendant le cadre financier pluriannuel précédent. Les dépenses devaient s'élever à 20 % du total mais elles n'ont atteint que 13 %, notamment à cause des dépenses de la politique agricole commune qui ont été insuffisamment orientées vers les objectifs écologiques.
Dans les projections budgétaires, l'Union devrait atteindre une proportion de 19,67 % des dépenses consacrées à la protection du climat, assurant pour la première fois de manière effective un tel objectif.
Les recettes de la taxe sur les transitions financières sont estimées entre 50 et 70 milliards. Cela dit, les discussions sont embourbées et dix États membres ne parviennent pas à se mettre d'accord. Les négociations doivent être poursuivies afin d'arriver à un consensus général même s'il est question de réfléchir à d'autres ressources propres pour rembourser l'emprunt.
Contrairement à ce qu'a dit Mme Mélin, les Français sont favorables à ce que les entreprises chinoises polluantes payent des impôts. Mais cela ne pourra se faire de manière efficace qu'à l'échelle européenne. Malgré la règle de l'unanimité, ce projet politique sera mené à bout. Les parlements nationaux ont un rôle essentiel dans cette démarche pour inciter leurs gouvernements à conduire ce projet à terme.
Plus on avancera dans la voie de la souveraineté européenne, plus on protégera les souverainetés nationales, et inversement. Les différentes crises traversées démontrent la situation de dépendance industrielle, énergétique et militaire dans laquelle se trouve l'Union. Il faut renforcer l'autonomie stratégique européenne : le groupe Renew travaille à ce projet et réfléchit aux nouvelles sources de financement dont a besoin le budget de l'Union.
La séance est levée à 15 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Pierrick Berteloot, M. André Chassaigne, Mme Laurence Cristol, M. Benjamin Haddad, M. Alexandre Holroyd, Mme Marietta Karamanli, Mme Brigitte Klinkert, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, Mme Joëlle Mélin, Mme Lysiane Métayer, M. Christophe Plassard, M. Jean-Pierre Pont, M. Richard Ramos, Mme Sandra Regol, Mme Sabine Thillaye
Excusés. - M. Rodrigo Arenas, Mme Anne-Laure Blin, M. Manuel Bompard, M. Thibaut François, Mme Louise Morel, M. Charles Sitzenstuhl