Le sujet que nous abordons aujourd'hui, bien qu'important, n'attise pas les passions, ce qui est dommage. Le budget européen est trop réduit. À titre de comparaison le budget annuel octroyé à l'État fédéral des États-Unis se situe entre 22 et 25 % des ressources produites. Or, si nous voulons peser dans ces moments de crise géopolitique, économique et énergétique, nous devons nous donner des moyens à la hauteur de nos ambitions. Par ailleurs, 40 % du budget de l'Union est « happé » par la politique agricole commune (PAC), ce qui nous laisse très peu pour tout le reste.
Au sujet des prétendues contreparties financières que la France devrait obtenir au titre de sa contribution au budget de l'Union, il me paraît normal de répartir les richesses, en accord avec la solidarité européenne, comme c'est déjà le cas au niveau national. De plus, la France tire déjà de larges bénéfices, financiers ou non, de sa participation à l'Union européenne.
À l'origine, le budget de l'Union européenne était intégralement financé par le tarif extérieur commun mais les recettes associées à ce tarif ont baissé, notamment avec l'approfondissement du marché intérieur et la multiplication des accords de libre-échange. La perte de recettes est aujourd'hui compensée par des contributions des États. Les États financent à 75 % le budget de l'Union européenne, ce qui leur donne un droit de regard sur ce budget, et les empêche de disposer d'une vision globale européenne.
Du fait de la règle de l'unanimité au Conseil, nécessaire pour créer une ressource propre, nous n'arrivons pas à en instituer de nouvelles. Certains États, notamment ceux constituant des paradis fiscaux, ont intérêt à maintenir les inégalités fiscales à l'échelle européenne. Des Etats comme l'Irlande, les Pays-Bas ou le Luxembourg, s'opposent à toute réflexion sur l'instauration d'une fiscalité minimum des entreprises. La France soutient ce projet mais n'a pas été suffisamment moteur.
Enfin, le volume du budget est insuffisant, notamment au regard du plan de relance européen de 750 milliards : l'augmentation des taux d'intérêt grève le budget ordinaire de l'Union, puisque nous n'avons pas pu obtenir de découpler le remboursement de la dette commune du budget lui-même. Par ailleurs, les recettes dont nous disposons au niveau européen pour rembourser le plan de relance sont insuffisantes. À titre d'exemple, le mécanisme de taxe carbone aux frontières devrait rapporter un ou deux milliards de recettes par an, ce qui est très peu. Le projet d'élargissement de la taxe carbone au logement et aux transports est en cours de discussion. N'oublions pas toutefois qu'un tel projet s'apparente à celui qui avait déclenché la crise des gilets jaunes. Mon inquiétude est donc que s'opère un transfert de la fiscalité carbone des Etats vers l'Union européenne, ce qui pourrait s'avérer dangereux pour l'image de cette dernière auprès des citoyens européens. Enfin, le projet de taxe sur les transactions financières nous rapporterait 50 milliards par an, ce qui est très important par rapport aux bénéfices rapportés par l'ETS, qui plafonneraient à 8 milliards. Nous avions porté ce projet de taxe sur les transactions financières au Parlement européen mais la Commission européenne est désormais silencieuse sur ce sujet alors qu'une telle taxe est un prélèvement juste qui ne pénaliserait pas les citoyens ordinaires et serait rentable. Le principe de cette taxe a été voté par 90 % des membres du Parlement européen, allant du Parti populaire européen à l'ultra gauche, mais ce sont les États Nations qui ont fait obstacle à son adoption. C'est la raison pour laquelle nous comptons sur vous, parlementaires français, pour peser au niveau national et influencer le Conseil européen en ce sens. Si nous n'augmentons pas les ressources propres de l'Union, les bénéfices induits par le lancement d'un plan de relance financé par une dette commune seront fortement réduits.