La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)
La commission examine, en application de l'article 140 alinéa 2 du Règlement, de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre (n° 1743) (M. Quentin Bataillon, rapporteur).
Nous commençons nos travaux par l'examen de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre (TNT).
La présidente du groupe LFI-NUPES (La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale) a fait savoir, à l'occasion de la réunion de la conférence des présidents du 17 octobre dernier, que son groupe souhaitait utiliser son droit de tirage pour la création de cette commission.
En application du second alinéa de l'article 140 du règlement de l'Assemblée nationale, il appartient à notre commission, à laquelle la proposition de résolution a été renvoyée, de vérifier sa recevabilité, sans se prononcer sur son opportunité ni pouvoir amender son dispositif.
Lors de la conférence des présidents du 17 octobre dernier, la présidente du groupe LFI-NUPES a indiqué faire usage, pour la création de la commission d'enquête prévue par cette proposition de résolution, du droit de tirage que le deuxième alinéa de l'article 141 de notre règlement reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire.
En conséquence, conformément au second alinéa de l'article 140 du règlement, il revient à notre commission de vérifier que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies. Je rappelle que c'est sur le plan de la recevabilité, et non de l'opportunité, que nous devons nous placer. En la matière, trois conditions sont requises.
En premier lieu, en application de l'article 137 du règlement, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête « doivent déterminer avec précision […] les faits qui donnent lieu à enquête ».
En l'occurrence, les faits semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, la commission d'enquête serait chargée de « faire toute la lumière sur les procédures d'attribution des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, sur le respect des engagements pris par ces services de télévision et enfin sur les moyens de contrôle du respect de ces engagements mis en œuvre par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [Arcom] ».
L'exposé des motifs précise, par ailleurs, que les travaux de la commission porteraient plus spécifiquement sur la procédure d'attribution de fréquences pour la diffusion de chaînes de la TNT par l'Arcom, sur le respect des engagements pris par les chaînes bénéficiaires des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique, notamment celles dont les contrats arrivent à échéance, et sur les moyens mis à la disposition de l'Arcom pour s'assurer du respect de ces engagements. Le premier critère est donc rempli.
En second lieu, de telles propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d'enquête ayant le même objet. Ce n'est pas le cas en l'espèce, bien que les travaux de notre commission aient pu, à plusieurs occasions, aborder certaines thématiques évoquées par la proposition de résolution. Le deuxième critère de recevabilité est donc satisfait.
Enfin, en application de l'article 139 du règlement, une proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Interrogé par la présidente de l'Assemblée nationale, le garde des Sceaux a fait savoir par un courrier du 7 novembre que le périmètre de la commission d'enquête envisagée « est susceptible de recouvrir pour partie celui d'une information judiciaire en cours, ouverte du chef de trafic d'influence, et suivie par le parquet national financier » et de recouvrir également le périmètre de plusieurs autres procédures en cours, « notamment relatives aux délits de discriminations ainsi qu'aux délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ».
Néanmoins, l'existence de contentieux devant les juridictions ne constitue pas en soi un obstacle dirimant. D'une part, la commission d'enquête n'aura à se prononcer ni sur des litiges susceptibles d'opposer les administrations ou services publics et les justiciables ni sur des demandes de réparation dont ces derniers pourraient saisir les juridictions ; d'autre part, ainsi que l'établit le courrier du garde des Sceaux, il appartient à l'Assemblée nationale de veiller à « l'articulation de l'enquête parlementaire avec les procédures judiciaires ». La commission d'enquête devra ainsi veiller tout au long de ses travaux à ne pas étendre ses investigations à des faits faisant l'objet d'instances devant l'autorité judiciaire. Dès lors et sous cette réserve, l'existence de procédures en cours n'entraîne pas l'irrecevabilité de la présente proposition de résolution au regard de l'article 139 du règlement.
Il résulte de l'analyse qui précède que la proposition de résolution est juridiquement recevable.
Puisqu'il s'agit d'examiner des questions de recevabilité et non d'opportunité, je ne ferai pas de commentaires à ce stade, même si je m'interroge sur la pertinence de la création d'une telle commission d'enquête.
La télévision française est-elle à la hauteur des besoins et des attentes du public ? Certainement pas. Racisme, sexisme, harcèlement, violence, vulgarité et abrutissement font partie, malheureusement, des termes qui caractérisent le mieux la production audiovisuelle – je suis même sûr que des noms vous viennent à l'esprit. Cette impression peu flatteuse mérite néanmoins d'être étayée par une enquête sérieuse.
Les chaînes de télévision qui diffusent sur la TNT ont obtenu ce droit dans le cadre d'obligations contractées à l'égard du public et il est de notre devoir de les faire respecter. Le public a un droit de regard sur l'usage qui est fait de ce bien commun que sont les fréquences attribuées par l'Arcom. Des obligations figurent en toutes lettres dans la loi et les conventions signées par les chaînes, pour une durée déterminée. Quinze d'entre elles arrivant à échéance en 2025, nous avons la possibilité de peser dans le processus d'attribution des fréquences, d'assurer la qualité des programmes et de défendre les exigences de nos concitoyens. Une société démocratique ne peut pas se permettre de limiter l'objectif de la communication audiovisuelle à vendre du « temps de cerveau disponible » à Coca-Cola. Tel est l'objectif de la création de cette commission d'enquête.
La commission d'enquête que cette proposition de résolution tend à créer a pour principale ambition de contrôler la procédure d'attribution par l'Arcom des fréquences de la TNT. Nous devons nous assurer que cela se fait dans le respect du droit positif et que la création d'une telle commission d'enquête n'interfère pas de façon préjudiciable avec les procédures en cours.
L'Arcom lancera en 2024 la procédure d'octroi de quinze fréquences par l'intermédiaire d'un appel à candidatures. Les chaînes existantes devront alors convaincre le régulateur de renouveler leur autorisation de diffusion sur le bouquet TV gratuit et feront face à la concurrence de nouveaux acteurs. Ma question porte sur le cadrage juridique des objectifs de la commission d'enquête. Elle devra analyser avec objectivité et impartialité les précédentes attributions de fréquences ainsi que les critères suivis, mais elle ne saurait avoir pour but d'interférer dans la procédure elle-même. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous confirmer que la commission d'enquête ne pourra porter que sur des faits antérieurs et non sur des évènements connexes à son déroulement ?
Je m'interroge sur la pertinence de cette commission d'enquête. Selon l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, monsieur Saintoul, vous vous posez des questions sur les critères d'attribution des fréquences. Or la loi de 1986 relative à la liberté de communication y répond : huit critères d'attribution, dont l'expérience acquise et le pluralisme des courants d'expression socioculturels, sont prévus. Si le sujet est effectivement important, il a déjà été traité en 2015 par une commission d'enquête qui a conduit à un renforcement des procédures d'attribution et de revente des chaînes de la TNT. Par ailleurs, une commission d'enquête sénatoriale sur la concentration des médias a rendu ses conclusions il y a moins de deux ans. En réalité, la commission que vous souhaitez créer jettera la suspicion sur le travail de grande qualité qui est fait par l'Arcom. Si le monde des médias se caractérise par de nombreuses problématiques, les critères d'attribution des chaînes n'en font pas partie. Je regrette donc que vous ne profitiez pas de votre droit de tirage pour traiter un sujet plus urgent et plus sérieux.
Cette commission d'enquête est envisagée alors que les états généraux de l'information sont en cours, que les procédures de renouvellement des contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public sont déjà bien avancées et qu'une réattribution de canaux de la TNT aura lieu l'année prochaine, là aussi suivant des procédures déjà très bien définies. La question des moyens donnés à l'Arcom pour exercer son contrôle fera-t-elle partie du champ de la commission d'enquête ?
Je serai bref, puisque nous devons nous prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution – j'aurai eu beaucoup de questions à poser, en revanche, s'agissant du fond. Les conditions de création de la commission d'enquête sont visiblement respectées. Ses travaux risquent de faire pschitt, mais les sujets qu'elle vise à aborder sont intéressants. En tout cas, nous y participerons de façon active.
Ce que je peux vous dire, après avoir rappelé que nous devons effectivement nous prononcer sur la recevabilité, c'est que la commission d'enquête n'aura pas, en tant que telle, un rôle prospectif et qu'elle ne devra pas travailler sur des procédures judiciaires en cours. Cela ne l'empêchera pas, pour autant, de se pencher sur les procédures suivies par les administrations, qu'elle pourra auditionner. Enfin, une commission d'enquête n'a pas à faire le travail d'autres instances, notamment au sujet des renouvellements qui ont été évoqués – elle ne pourra émettre qu'un avis.
La commission déclare recevable la proposition de résolution.
La commission entend ensuite une communication sur les travaux du groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (MM. Belkhir Belhaddad et Maxime Minot, co-présidents)
Ces débats n'ont pas fait l'objet d'un compte rendu écrit ; ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante : https://assnat.fr/FBBUE5
La séance est levée à onze heures dix.
Informations relatives à la commission
– La composition de la mission d'information sur le recrutement et la formation des enseignants des collèges et lycées publics : état des lieux et perspectives est complétée par la désignation des membres suivants : Mmes Bénédicte Auzanot Géraldine Bannier, M. Laurent Croizier et Mme Catherine Jaouen.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, Mme Sophie Blanc, M. Idir Boumertit, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Lionel Causse, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, M. Francis Dubois, M. Philippe Emmanuel, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Estelle Folest, Mme Martine Froger, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Pierre Henriet, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Virginie Lanlo, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Julie Lechanteux, M. Jérôme Legavre, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Karl Olive, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, M. Stéphane Peu, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Cécile Rilhac, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Paul Vannier, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Bruno Bilde, Mme Soumya Bourouaha, Mme Béatrice Descamps, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. – M. Aurélien Saintoul