Lors de la conférence des présidents du 17 octobre dernier, la présidente du groupe LFI-NUPES a indiqué faire usage, pour la création de la commission d'enquête prévue par cette proposition de résolution, du droit de tirage que le deuxième alinéa de l'article 141 de notre règlement reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire.
En conséquence, conformément au second alinéa de l'article 140 du règlement, il revient à notre commission de vérifier que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies. Je rappelle que c'est sur le plan de la recevabilité, et non de l'opportunité, que nous devons nous placer. En la matière, trois conditions sont requises.
En premier lieu, en application de l'article 137 du règlement, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête « doivent déterminer avec précision […] les faits qui donnent lieu à enquête ».
En l'occurrence, les faits semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, la commission d'enquête serait chargée de « faire toute la lumière sur les procédures d'attribution des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, sur le respect des engagements pris par ces services de télévision et enfin sur les moyens de contrôle du respect de ces engagements mis en œuvre par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [Arcom] ».
L'exposé des motifs précise, par ailleurs, que les travaux de la commission porteraient plus spécifiquement sur la procédure d'attribution de fréquences pour la diffusion de chaînes de la TNT par l'Arcom, sur le respect des engagements pris par les chaînes bénéficiaires des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique, notamment celles dont les contrats arrivent à échéance, et sur les moyens mis à la disposition de l'Arcom pour s'assurer du respect de ces engagements. Le premier critère est donc rempli.
En second lieu, de telles propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d'enquête ayant le même objet. Ce n'est pas le cas en l'espèce, bien que les travaux de notre commission aient pu, à plusieurs occasions, aborder certaines thématiques évoquées par la proposition de résolution. Le deuxième critère de recevabilité est donc satisfait.
Enfin, en application de l'article 139 du règlement, une proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Interrogé par la présidente de l'Assemblée nationale, le garde des Sceaux a fait savoir par un courrier du 7 novembre que le périmètre de la commission d'enquête envisagée « est susceptible de recouvrir pour partie celui d'une information judiciaire en cours, ouverte du chef de trafic d'influence, et suivie par le parquet national financier » et de recouvrir également le périmètre de plusieurs autres procédures en cours, « notamment relatives aux délits de discriminations ainsi qu'aux délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ».
Néanmoins, l'existence de contentieux devant les juridictions ne constitue pas en soi un obstacle dirimant. D'une part, la commission d'enquête n'aura à se prononcer ni sur des litiges susceptibles d'opposer les administrations ou services publics et les justiciables ni sur des demandes de réparation dont ces derniers pourraient saisir les juridictions ; d'autre part, ainsi que l'établit le courrier du garde des Sceaux, il appartient à l'Assemblée nationale de veiller à « l'articulation de l'enquête parlementaire avec les procédures judiciaires ». La commission d'enquête devra ainsi veiller tout au long de ses travaux à ne pas étendre ses investigations à des faits faisant l'objet d'instances devant l'autorité judiciaire. Dès lors et sous cette réserve, l'existence de procédures en cours n'entraîne pas l'irrecevabilité de la présente proposition de résolution au regard de l'article 139 du règlement.
Il résulte de l'analyse qui précède que la proposition de résolution est juridiquement recevable.