La séance est ouverte à quinze heures trente-cinq.
Mes chers collègues, nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui M. Laurent Blanc, dont la renommée est connue de chacun d'entre vous en raison de ses différents succès en tant que footballeur et entraîneur après près de quarante ans de carrière.
Monsieur Blanc, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie vivement de votre disponibilité pour répondre à nos questions.
Nous avons entamé les travaux de notre commission d'enquête sur l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif le 20 juillet 2023.
L'Assemblée nationale a choisi de créer cette commission d'enquête à la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et sportifs et de divers scandales judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations, comme celle du football. Nos travaux se déclinent donc autour de trois axes : l'identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; l'identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; l'identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d'une délégation de service public.
Si le football français fait rêver la France grâce à ses champions du monde dont vous faites partie, l'écosystème du football pose, en revanche, des problèmes.
Il a en effet été traversé à plusieurs reprises par des défaillances parfois majeures concernant les trois problématiques qui nous occupent. On peut notamment citer le scandale « Football Leaks » en 2016 relatif aux pratiques d'évasion fiscale de la part de certains footballeurs étrangers ou, plus récemment, l'éviction du président de la Fédération française de football (FFF), M. Noël Le Graët, liée à ses propos polémiques envers Zinédine Zidane, couplés aux accablantes accusations de harcèlement moral et sexuel de la part de plusieurs femmes travaillant à ses côtés, et le management contesté de sa directrice générale, Mme Florence Hardouin.
Lors de son audition, le journaliste Romain Molina a estimé, à propos de l'éviction de Noël Le Graët à la tête de la FFF, qu'« en France, on s'attaque à une personne, généralement les présidents, mais ce sont les systèmes qui sont déficitaires ». Selon lui, ce serait tout l'écosystème du football, en particulier au sein de la FFF, mais plus largement au niveau de la FIFA, qui favoriserait ce type de défaillances systémiques.
Vous-même, vous avez déclaré en 2020 dans l'émission Téléfoot, que le football était « en train de prendre une direction qui ne [vous] plait pas », en raison notamment de la spéculation que les clubs réalisent sur les joueurs. Je vous cite : « on demande aux entraîneurs de faire prendre de la valeur aux joueurs. On les achète 10 pour les revendre 30 ou 40. »
Quel bilan tirez-vous de vos observations du milieu du football depuis près de quarante ans ? Diriez-vous que la situation a empiré ou s'est au contraire améliorée concernant les situations de violences, de discriminations et l'évolution de la gouvernance des instances nationales et internationales ? Quelles seraient vos recommandations, auprès des politiques que nous sommes, pour faire évoluer positivement les choses ?
Je vous remercie d'avance de la qualité de vos réponses et vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.
Avant de vous laisser la parole et d'entamer nos échanges pendant environ une heure trente, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. », après avoir activé votre micro.
(M. Laurent Blanc prête serment).
Bonjour à toutes et à tous, je vous ai écoutés avec attention et j'espère que notre dialogue sera constitué de questions et de réponses, car les sujets que vous venez d'évoquer sont très larges. Ils suscitent de nombreux avis et j'ai certainement le mien, mais je préfère que nous ayons un dialogue, ce qui sera plus constructif.
Très bien. Nous allons donc vous poser des questions et vous aurez la possibilité de répondre à chacune d'entre elles.
Effectivement, car les sujets évoqués sont tellement nombreux qu'on ne sait pas par où commencer.
Monsieur Blanc, je vous remercie de vous être rendu disponible dans le cadre des travaux de cette commission. Celle-ci travaille donc sur les défaillances, qui peuvent être d'ordres différents, au sein des fédérations. En tant que champion du monde puis sélectionneur de l'équipe de France, vous avez eu à connaître de près le fonctionnement de la FFF. Dès lors, en tant que sélectionneur, pouvez-vous nous relater les relations que vous avez pu avoir avec la fédération ? Quelles sont les relations du sélectionneur avec les équipes de la fédération ? Avec qui travailliez-vous – direction technique nationale (DTN), Clairefontaine, membres du Comex ?
Le sélectionneur n'est pas la personne qui a le plus de contact avec la fédération, ce qui peut paraître paradoxal. Un sélectionneur est certes en contact avec des gens qui travaillent à la fédération ou à la DTN, mais il est en voyage ou en repérage une grande partie de l'année. Pendant les matchs qualificatifs ou amicaux, il se retrouve en contact avec des membres de la DTN, qui est basée à Clairefontaine. Le sélectionneur va participer à quelques réunions à la FFF, les échanges existent, mais ce n'est pas un lieu où le sélectionneur a l'habitude de séjourner. Ce n'est donc pas un sélectionneur qui pourrait vous raconter le mieux la vie de la FFF. Certaines personnes y travaillent, notamment dans des services marketing ou évènementiel, et elles seraient davantage à même de parler de la vie de tous les jours à la FFF.
À propos de la première question – « avez-vous vu le football français changer au cours de toutes ces années sur les questions qui nous intéressent aujourd'hui ? », j'ai envie de vous dire qu'il n'a pas changé en lui-même, mais qu'il a évolué comme la société et comme plein d'autres choses. Le football est un sport très populaire et, même si nous discutons des déficiences de gestion ou de gouvernance, je pense que le sport en général, et le football en particulier, est bon pour nos jeunes. Ce dernier permet de prendre conscience que le sport est utile dans la vie et qu'il peut devenir un métier. Beaucoup de jeunes ont envie de faire du sport leur métier. Le football suit l'évolution de la société et ne se situe pas en dehors de celle-ci. Si la société évolue dans une certaine direction, le football ira également dans ce sens : le football résume l'évolution de notre société.
Ce qui m'intéresse n'est pas forcément la vie de la FFF, mais celle du sélectionneur et de ses attributions vis-à-vis de la DTN et de la présidence. Quelles sont ses relations ?
Je n'avais pas forcément compris cela. L'échange avec la DTN est très important et le sélectionneur entretient une relation beaucoup plus étroite avec la DTN qu'avec la fédération en elle-même. Effectivement, on peut avoir des échanges avec son président, le service commercial ou marketing, mais la DTN est très importante et les échanges avec celle-ci sont assez permanents.
J'avais une très bonne relation avec le directeur technique national de l'époque et nous échangions beaucoup sur le mode de détection et de sélection des jeunes. Il n'empêche que, pendant deux ans, je n'ai assisté qu'à une seule réunion de la DTN. Celle-ci avait eu lieu dans les locaux de la FFF et, d'ailleurs, elle s'était très mal passée, car à la suite de cette réunion, il y avait eu cette polémique sur les binationaux qui m'avait plutôt porté préjudice.
Un sélectionneur échange avec son directeur technique national et avec sa direction, mais il est tout de même assez seul. Il compose lui-même sa sélection et fait ses choix. Il m'est toutefois arrivé de discuter avec M. François Blaquart, qui était directeur technique national, et avec M. Le Graët, qui était président de la FFF. Nous discutions de nos choix, mais le sélectionneur a, heureusement, un pouvoir de sélection très individuel. Il y a donc des échanges. Nous pouvons discuter du mode de gouvernance de la FFF, car tout le monde peut avoir son avis.
Un sujet nous préoccupe, notamment dans le football : êtes-vous favorable à l'arrêt des matchs en cas de propos racistes ?
Je reconnais que nous sommes dans une période où l'intérêt pour ces questions est grand et je suis le premier convaincu qu'il faut arrêter cela par tous les moyens. C'est pour cela que je vous réponds, sans aucune hésitation, oui.
Précédemment, nous avions eu, avec Lyon, une réunion sur les sujets tels que le racisme ou l'homophobie. Je m'étais permis d'indiquer que le football n'était pas parfait – loin de là –, mais qu'il évoluait dans le bon sens. Vous allez peut-être être surpris de mes propos, mais je suis allé voir des matchs de football avec mon grand-père et avec mon père lorsque j'étais jeune. Certaines choses m'ont marqué. À cette époque-là – qui n'est pas si lointaine –, il y avait des choses à éliminer lors de tous les matchs. Je pense que, vingt-cinq ou trente ans plus tard, même si tout n'est pas parfait – surtout dans une enceinte telle qu'un stade football, qui est très grand et où l'on dispose d'une liberté d'expression particulièrement large–, on évolue dans la bonne direction. Cela existe encore, mais par rapport à ce qui faisait avant, il y a beaucoup d'améliorations. Cet avis n'engage que moi.
Si des propos racistes sont échangés entre joueurs, il faut arrêter le match directement. Si des propos sont entendus dans l'enceinte du stade, il faudrait faire la même chose et nous avons maintenant des moyens colossaux pour entendre, visualiser et localiser. Ce serait très bien pour le football professionnel. Toutefois, il m'arrive encore d'aller voir des matchs de football amateur et d'entendre des choses ingrates. Il est encore nécessaire de progresser sur l'éducation, mais je pense que des améliorations ont été enregistrées lors des vingt ou vingt-cinq dernières années.
Nous entendons ce que vous dites sur le football qui irait dans le bon sens, mais cela vient à l'encontre des propos tenus par Patrick Vieira sur le racisme : « ce qui me fait réfléchir le plus dernièrement, c'est qu'on est passé des cris venus des tribunes à des agissements de joueurs, voire d'arbitres. C'est en train de se dégrader ». On voit bien qu'il existe des avis et des points de vue très différents.
Je trouve qu'il y a une amélioration : quand vous entendez ces propos parmi les joueurs ou les arbitres, vous pouvez les visualisez et intervenir. Avant, ils étaient issus d'une foule de 20 000, 30 000 ou 40 000 spectateurs. Comment pouvez-vous infliger une punition à 40 000 spectateurs ? Désormais, il peut y avoir une visualisation et une correction. Vingt-cinq ans auparavant dans le football, il y avait des cris, des gestes, des objets et de tout. À mon avis, nous évoluons dans le bon sens, même si tout n'est pas parfait. Aujourd'hui, le stade de football est un lieu avec beaucoup de liberté d'expression, mais il y avait auparavant une liberté d'expression et d'agir qui menait à des choses inacceptables du début à la fin.
Peut-être le voyons-nous plus désormais et je ne sais pas si cela va dans le bon sens. Ce qui est certain, c'est que très peu de sanctions sont prises et que les sportifs sont peu accompagnés lorsqu'ils sont victimes de propos ou de faits racistes. En réalité, même si c'est visible, cela ne veut pas dire qu'on a mis en place des outils ou des solutions pour que ces agissements ne se reproduisent plus. Il s'agit d'une des difficultés et des failles que nous avons pu identifier.
L'an passé, la FFF a reçu de nouvelles accusations, notamment sur des abus à l'Institut national du football (INF) de Clairefontaine. Dans une enquête publiée sur le site Josimar, reprise par le New York Times et intitulée « 40 ans de silence », on apprend que, pendant des années, Noël Le Graët et d'autres hauts responsables de la fédération ont dissimulé de multiples cas d'abus sexuels, y compris des abus sur des joueurs mineurs. Comment avez-vous appris ces faits ? Qu'en avez-vous pensé à l'époque en tant que sélectionneur ? Par exemple, je rappelle qu'un des cas impliquait un responsable pédagogique qui a été démis de son poste à l'INF après avoir envoyé des dizaines de SMS affectueux, voire dérangeants, à un garçon de 13 ans, un comportement inapproprié de l'encadrant qui aurait été suivi d'une invitation à déjeuner pour l'anniversaire du mineur alors que celui-ci était censé se restaurer à la cantine de son collège. La FFF a toléré que cet ancien employé passe tranquillement d'un poste à l'autre et conserve ses diplômes qui lui facilitent l'accès à différents emplois au sein de ce sport. J'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.
Je suis comme vous : je suis horrifié par cela. Mais messieurs les politiques, la fédération est sous ordre politique et il faut agir pour que ces problèmes soient moins fréquents et pour qu'ils soient connus. Les choses commencent à se savoir alors qu'avant, peut-être qu'elles ne se savaient pas ou qu'on ne voulait pas les connaître. Je ne dis pas que les progrès sont spectaculaires, mais il y a tout de même des choses dont nous sommes informés aujourd'hui. Quand vous me demandez ce que j'en pense, j'aimerais plutôt vous demander à vous ce que vous en pensez. Vous êtes certainement horrifiée comme moi.
La FFF est tout de même sous tutelle de l'Etat et il faut essayer de trouver des solutions, qui passent par la gouvernance et les hommes, pour que ce qui a pu se passer il y a quelques années ne se reproduise plus, que ce soit à la FFF ou dans le sport en général. J'ai notamment entendu une jeune fille qui a été auditionnée par votre commission et la réalité correspond à son discours. Ce discours a touché énormément de monde et je ne sais pas si cela aurait pu être le cas quelques années auparavant. Il s'avère qu'à l'heure actuelle, nous sommes au courant des choses et nous devons essayer, vous comme moi, de corriger la situation.
Non. C'est la première fois que j'en entends parler et je devine quelle est sa fonction. C'est une bonne chose. Plus les choses se sauront et plus on aura tendance à les corriger. Je pense que certaines choses se sont passées et se passeront encore, car nous n'arriverons pas à régler tous les problèmes du jour au lendemain. Essayons néanmoins de faire preuve de vigilance et de mettre en place des moyens pour prévenir ces situations.
Oui, c'est une certitude selon moi. Je reconnais que c'est une difficulté, car j'ai vu la personne parler seule devant cette commission et revivre certains évènements était certainement très douloureux pour elle. Cela m'a touché et c'est une épreuve. En même temps, comme elle l'a dit, c'est une délivrance. Il faudrait que des mesures de prévention existent pour éviter ces situations. Il ne faut en outre pas se focaliser uniquement sur le sport, car cela se passe malheureusement partout.
Quand vous entendez une victime, son témoignage est toujours bouleversant, mais je ne sais pas. Ce n'est pas à moi de décider des endroits à risque. Dans le sport, les entraînements des adolescents et adolescentes induisent la présence des entraineurs et des éducateurs qui les entrainent, les éduquent et les amènent au meilleur niveau pour représenter notre pays. Ces échanges existeront toujours, mais il faudrait avoir des avertisseurs. Lorsqu'il y a des relations entre adolescents et adultes, nous savons malheureusement que nous ne sommes pas à l'abri de ce genre de choses.
Je vous remercie de votre participation à cette audition et de vos réponses. J'aimerais revenir sur la réunion qui s'est tenue à la FFF en novembre 2010, qui avait fait grand bruit et qu'on avait appelée la « réunion des quotas ». Lors de cette réunion, des propos ont blessé un certain nombre de personnes, car il y avait une discussion sur la sélection des jeunes joueurs, et sont arrivés au cours de celle-ci des préjugés ou des caractéristiques attribués aux joueurs selon leur couleur de peau. De manière synthétique, il fallait davantage, selon ce qu'avait dit M. Mombaerts, sélectionner des joueurs petits, techniques, intelligents dans le jeu et – il le disait – blancs, au contraire des joueurs noirs à propos desquels il était dit qu'ils étaient athlétiques, mais, de manière sous-entendue, « dénués d'intelligence dans le jeu ». Ces propos qui prêtaient des caractéristiques selon la couleur de peau ont pu être vécus comme racistes ou considérés comme une volonté de mettre en place des quotas discriminatoires. Des joueurs s'en étaient émus autant que des personnalités diverses et variées. Francis Smerecki, qui avait assisté à la réunion, avait alerté sur le fait que de telles pratiques étaient discriminatoires.
Avec le recul de plus d'une dizaine d'années, quel bilan dressez-vous ? Vous souvenez-vous du contexte de cette réunion ? Comment cette discussion est-elle arrivée ? Regrettez-vous d'être entré dans ce type de considérations ? Comment expliquez-vous qu'on ait pu arriver à avoir ce genre de réflexions qui, si elles ne caractérisent pas du racisme direct et profond, peuvent être perçues comme telles ?
Nous cherchons également à faire la lumière sur ce qui a pu mener à ces réflexions. Il y a quelque mois, une autre affaire de ce type s'est produite dans un autre club de football. Nous voyons donc bien que, depuis 2011, la situation n'a pas vraiment évolué et que ces pratiques ont toujours lieu dans certains clubs. Pourriez-vous nous expliquer le contexte de cette réunion ? Est-il courant que le sélectionneur national s'implique dans les questions de formation des jeunes ? Il m'avait semblé qu'elles ne faisaient pas partie de ses attributions.
Non, pas du tout. Cela ne me fait pas plaisir d'éclaircir cette affaire, mais le fait de n'en reparler que douze ans après me désole. J'ai l'impression qu'il y a eu cette réunion, que des amalgames ont été faits, que certains mots ont été dits et qu'on n'a pas voulu en reparler. Nous l'évoquons douze ans après, mais pendant tout ce temps, il ne s'est pas passé grand-chose. Participer aux réunions de la DTN ne faisait pas partie de mes attributions. On m'avait invité à cette réunion, car je pense que des gens avaient déjà de mauvaises intentions. J'avais répondu présent, car j'estimais que les échanges avec les entraîneurs nationaux pouvaient être intéressants. Je pensais que nous allions vraiment parler de football et de développement. Il s'avère que la réunion a duré une heure et demie et pendant quatre-vingt-cinq minutes, nous avons parlé de sélection.
MM. Smerecki et Mombaerts, lors de la dernière question, ont dit qu'ils avaient effectué quelques recherches et qu'ils étaient assez contents, car ils arrivaient à sortir un pourcentage très élevé d'internationaux sur l'ensemble des joueurs qui provenaient de la DTN. Nous avons poussé plus loin l'analyse en disant qu'il y avait un pourcentage très élevé d'internationaux étrangers. J'étais intervenu pour parler des binationaux. La question est d'ailleurs encore à l'ordre du jour aujourd'hui. Nous en avons débattu et la personne en question a mis son dictaphone en marche pour nous enregistrer. Cette réunion est ainsi devenue le sujet d'information principal pendant quinze jours.
En ce qui me concerne, je suis resté deux ans sélectionneur et j'ai répondu une fois présent à une réunion de la DTN et celle-ci a été très mal vécue sur une question finale. Cette affaire a donné lieu à des accusations et des amalgames et la situation a été assez insupportable après cette réunion. Depuis 2011 et quand je regarde la situation, je me dis que rien n'a été fait. En termes d'actions et de discussions à la suite de cette réunion, qui malheureusement est restée très célèbre, rien n'a été fait au niveau sportif ou politique. Le sujet est toujours présent et aucune réponse n'est apportée. J'ai mon opinion en tant que citoyen, mais je pense qu'il n'y a que la volonté politique qui permettra de trouver des solutions à ces problèmes.
Selon moi, il ne s'agit pas d'une question d'interprétation. Quand on entend parler de joueurs « blacks », on se situe bien au-delà de la question de la binationalité, c'est-à-dire sur des critères de couleur de peau. La commission d'enquête travaille là-dessus et je suis triste d'entendre que rien n'a changé depuis ce moment. L'affaire Galtier, qui est survenue il y a un an, était à peu près similaire : on voit bien que les choses n'ont pas forcément changé. On parle ici d'une réunion évoquant une limitation du nombre de joueurs d'apparence ou d'origine noire ou arabe. J'aimerais savoir si vous comprenez l'émoi suscité par cette affaire, car on ne peut guère avoir de doute sur l'interprétation qu'il faut donner à de tels propos.
Je suis d'accord avec vous, mais le sujet qui m'avait intéressé initialement était celui des binationaux. La question des quotas de joueurs avait été développée par la DTN parce qu'elle avait mené des enquêtes au niveau de la formation, notamment dans la ligue de Paris, et était parvenue à certaines conclusions. Le sélectionneur que j'étais à l'époque était intervenu sur les binationaux et le sujet est d'ailleurs encore très présent aujourd'hui. Je suis entraîneur, je suis dans la rue, dans les vestiaires et je peux vous dire qu'il y a des mots qui y fusent. Parmi ceux-ci, qui proviennent des joueurs eux-mêmes, vous retrouveriez les termes que vous venez d'employer, car on les entend à longueur de journée.
Je pense qu'on rejoint votre constat sur le fait que cette réunion a eu lieu il y a plus de dix ans et qu'on a la sensation que rien n'a été fait. On peut certes entendre des mots dans des vestiaires, mais nous parlons d'une réunion de la FFF qui réunissait ses principaux représentants ou dirigeants, ce pour quoi elle avait créé de l'émoi. Je ne vais pas rejouer le match de cette réunion, même s'il est regrettable que cette affaire n'ait pas été suivie de conséquences. Au cours de cette réunion, Éric Mombaert a dit que les quotas existaient déjà dans les clubs. Nous avons donc un exemple de la manière dont une politique discriminatoire insidieuse peut être mise en place officiellement ou officieusement. Je voulais savoir si, en tant qu'entraineur, vous aviez eu connaissance ou été témoin de discriminations qui se mettaient en place de manière insidieuse dans le milieu professionnel de très haut niveau.
Sincèrement, non. L'arrêt Bosman a révolutionné le football en termes financiers et, aujourd'hui, les règles sont très claires : vous avez le droit d'avoir autant d'Européens que vous voulez, mais uniquement cinq extracommunautaires. Comment appelez-vous cela ?
Lorsqu'on parle d'extracommunautaires, on ne parle pas de Français alors que les binationaux sont quant à eux Français. Ce n'est donc pas tout à fait la même chose. Quand la FFF décide d'instaurer ce quota, il concerne bien une discrimination vis-à-vis de Français, qui sont binationaux ou non. Selon vous, la question de la fuite des binationaux s'est-elle aggravée depuis ce moment ?
Ce n'est pas à moi de le dire. Un membre de la DTN serait beaucoup plus précis sur le sujet. Nous savons que celui-ci existe et, à un moment donné, il y a des choix à faire, que ce soit pour sa nationalité ou sa nationalité sportive. Il faudrait aider les jeunes, qui ont souvent 18, 19 ou 20 ans, à opérer un choix. Ceux-ci sont en effet souvent soumis à des pressions pour choisir leur nationalité sportive. Je trouve que nous devrions donc plutôt les aider à faire un choix, qui serait leur propre choix. Nous ferions évoluer les choses. Actuellement, nous sommes dans la même configuration qu'il y a quinze, vingt ou vingt-cinq ans et rien n'a changé selon moi.
Quand j'ai dit que les fédérations étaient informées de certains faits de violence, vous avez demandé ce qu'avait fait l'instance supérieure, car il est vrai que les fédérations fonctionnent avec une délégation de service public et des subventions publiques. J'aimerais que vous précisiez de qui vous parlez exactement. Est-ce du ministère des sports, du monde politique, etc. ?
Vous venez de dire qu'une fédération est d'utilité publique et surveillée ou chaperonnée – je ne sais pas si c'est le bon terme – par le ministère des sports puisqu'elle bénéficie d'une délégation de service public. Vous me demandez en outre comment faire pour améliorer les choses. En tant que simple citoyen, je n'ai pas la réponse. J'ai quelques idées, comme tous les citoyens, mais pour essayer de trouver des réponses, il faudrait être conscient du problème et vouloir améliorer la situation.
Vous faites le constat, comme d'autres que depuis 2010 rien n'a changé. Lors de la réunion que nous évoquons, la question des binationaux a été abordée, de même que celles des quotas sur des critères physiques liés à la couleur de peau, à la race.
Je précise que c'était une enquête que la DTN avait réalisée. Avait-elle été missionnée pour le faire ? Je n'en sais rien.
Ce n'est pas le sens de ma question. Des propos ont donc été tenus et, par la suite, documentés. Je voudrais savoir si, en tant que sélectionneur et en tant que citoyen, les propos tenus à l'époque vous ont choqués.
De plus, nous faisons tous le constat que rien n'a changé depuis douze ans. Ne pensez-vous pas justement qu'une des raisons pour lesquelles rien ne change est le fait que, à la suite de ces propos choquants, l'affaire a été plus ou moins étouffée ? N'y a-t-il pas une forme d'institutionnalisation de propos que l'on peut qualifier de racistes ?
Vous disiez que vous n'aviez que peu de solutions à proposer pour que les choses évoluent. Avez-vous pu constater des dysfonctionnements au sein de la fédération qui font que ce genre d'affaires n'entraine aucune conséquence ? Douze ans après, nous reparlons de cette fameuse réunion de 2010, mais nous avons le sentiment que ce n'était pas si grave, que cela pourrait se produire aujourd'hui et que personne n'en a tiré les conséquences. Nous sommes au sein d'une commission d'enquête et je ne fais de procès à personne, mais son but est tout de même de mettre fin à des faits de violence sur les enfants ainsi qu'à des propos discriminants et, souvent, racistes. Si chacun dit que ces faits ont lieu et qu'il n'est possible de rien faire, la situation est totalement désespérante. Le politique peut beaucoup, mais le politique ne peut pas seul. Nous avons besoin de gens qui ont vécu des choses, notamment avec votre carrière et votre notoriété, pour évoquer les solutions possibles. Par ailleurs, je ne pense pas que les propos tenus dans un vestiaire et des propos tenus lors d'une réunion de la FFF avec les plus hautes instances soient à mettre sur un même plan.
Votre discours est tout à fait positif et acceptable, mais vous dites que, sans les hommes de terrain, on n'y arrivera pas. Je dis quant à moi que, sans l'autorité que vous pouvez représenter, on n'y arrivera pas. Les deux parties ont des choses à améliorer, mais permettez-moi de penser qu'en termes de capacité ou d'efficacité, le ministère ou les pouvoirs publics ont le droit et le devoir de vérifier certaines choses dans le fonctionnement d'une fédération, la manière de présider de son président etc. Vous avez un pouvoir que les personnes de terrain n'ont pas.
Vous me demandez pourquoi il ne s'est rien passé pendant douze ans, mais c'est la première fois en douze ans que je suis appelé à parler devant une commission – et je le fais avec grand plaisir. J'ai seulement été convoqué deux fois par le ministère pour des entretiens privés. Les hommes de terrain n'en font certainement pas assez, mais je pense que les personnes qui ont la capacité de faire changer les choses n'en font pas suffisamment non plus.
Je suis questionnée par le fait que les propos qui ont été tenus lors de cette réunion n'ont pas choqué les personnes qui étaient autour de la table. Il a en effet fallu que ceux-ci sortent dans un média, qu'ils choquent l'opinion publique et qu'une enquête soit mise en place, laquelle n'a donné lieu à aucune sanction. Ne pensez-vous pas que l'absence de sanction favorise le fait que rien ne change depuis douze ans ? Selon vous, la fédération elle-même n'aurait-elle pas pu prononcer des sanctions envers les personnes qui ont tenu ces propos légalement répréhensibles ?
Vous oubliez de dire que cette réunion a été rendue publique parce qu'une personne a placé un dictaphone sous un livre. Lors des réunions privées de tous les secteurs d'activité industriels ou sportifs, je pense qu'il doit se tenir des propos qui nous choqueraient vous et moi. Les échanges ont donc été rendus publics par un geste qui n'est pas à encourager selon moi. Après que le problème a été connu de tous, la FFF, voire le ministère, aurait dû prendre une décision et essayer d'améliorer les choses.
J'entends qu'il faille que l'autorité publique intervienne. Qu'est-ce que l'autorité aurait dû faire à l'issue de cette réunion pour que les choses puissent changer ? Nous avons en effet besoin d'avancer et, au sein du rapport qui sera remis à la fin de l'année, de formuler des propositions très concrètes pour ne plus entendre que beaucoup de réunions donnent lieu à des échanges qui choqueraient tout le monde. Nous avons besoin d'outils efficaces.
C'est vous qui les avez. Qui représente l'autorité dans le fonctionnement de la FFF ?
Je pense que, dans un premier temps, le président de la FFF, constatant un certain nombre de dérives au sein de sa propre fédération, devrait prendre des mesures a minima correctives.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Il existe des dysfonctionnements et tout n'est pas parfait.
Vous avez récemment déclaré que le football prenait une direction qui ne vous plaisait pas, avec notamment beaucoup de spéculation. Je pense que la puissance publique peut aussi avoir son mot à dire à ce sujet. Vous dites – et je le partage totalement – qu'on valorise des joueurs, non par rapport à ce qu'ils font sur le terrain, mais en fonction de ce qu'ils génèrent comme valeur financière. On les achète, par exemple, 10 millions d'euros pour les revendre environ trois à quatre fois plus cher. Nous avons vu que les modèles économiques de certains clubs étaient uniquement basés sur ce principe. Ce modèle pousse au maximum la logique du joueur de football comme produit financier avant de le considérer comme un athlète et comme un humain comme un autre.
Comment avez-vous perçu cette évolution dans le football ? Quand vous jouiez, vous êtes parti en Italie pour aller jouer à Naples, avant de revenir à l'Inter Milan, et ces premiers effets du « foot business », avec Bernard Tapie ou Silvio Berlusconi, se faisaient alors déjà ressentir. Toutefois, la logique consistait plutôt à obtenir les meilleurs joueurs en y mettant le prix nécessaire pour gagner les compétitions. La logique est désormais purement une logique de spéculation sur la revente des joueurs avec également la question de la multipropriété des clubs. Comment avez-vous vu ce tournant s'opérer ? A-t-il été progressif ? A-t-il existé un moment marquant ? Y a-t-il eu des réflexions au sein de la fédération sur la manière dont elle peut mettre le holà ?
J'ai vu et vécu l'évolution du football, car j'ai commencé à y jouer dans les années 1980, lorsqu'il n'y avait pas ou peu d'argent. Le marketing et la télévision ont fait en sorte que l'argent devienne très important dans le milieu du sport, et notamment du football. Je disais très récemment que la direction que prenait le football ne me plaisait pas, car nous nous dirigeons vers le « football business ». Nous y sommes totalement aujourd'hui. Je dois dire que les Français sont encore plus forts que les autres. Étant donné que nous avons une très bonne formation française, nous formons les jeunes, ce pour quoi ils ne nous coûtent presque rien, et nous les revendons de 30 à 80 millions d'euros. Beaucoup de personnes sont intéressées par le trading et la valeur de certains joueurs a décuplé d'une année à l'autre.
Évidemment, l'argent a attiré beaucoup de personnes intéressées et je pense que la fédération n'a aucun pouvoir sur le sujet. Elle subit, selon moi, cette situation. Elle peut avoir son avis, mais elle n'a pas de pouvoir d'intervention ou de capacité à changer de direction. De plus, certains pays et certaines régions s'intéressent de plus en plus au football parce que ce sport est universel. Dès lors, l'argent est roi et les joueurs de football en profitent. La FFF n'y peut rien. La Fédération internationale de football (FIFA) peut essayer, grâce à son grand pouvoir, de tempérer ce phénomène, mais il est très difficile de freiner le pouvoir financier. Mais actuellement je pense que personne ne freine personne…
Je suis très surprise de vous entendre dire que les fédérations n'ont pas de pouvoir, car nous menons des auditions depuis plusieurs semaines et nous entendons l'exact inverse, c'est-à-dire qu'elles sont toutes puissantes et qu'elles font la pluie et le beau temps sur plein de sujets. Si les conseils d'administration de fédérations ne peuvent rien faire, à qui revient-il de changer les personnels de direction dans les postes ? Dans tous les témoignages que nous avons reçus, la FFF est apparue comme l'une des fédérations les plus puissantes de notre pays.
Elle gère le football français, mais pas le football mondial.
Le football mondial est en train de prendre une direction et, si la FFF n'est pas d'accord avec celle-ci, il lui sera très difficile, voire impossible, de changer quoi que ce soit.
Plusieurs affaires ont eu lieu et la FFF en a été informée. On a cependant laissé des entraineurs changer de clubs malgré leurs agissements auprès de jeunes mineurs – je parle notamment de violences sexuelles. Que pensez-vous, en tant qu'ancien joueur, sélectionneur et coach, des mécanismes pour protéger les jeunes à Clairefontaine et dans les clubs ? Ce sujet revenait-il régulièrement au sein des fédérations ? Les témoignages disent que de nombreux adultes étaient au courant de ces violences, mais n'ont rien dit. En aviez-vous entendu parler ?
Honnêtement, ce sujet n'est jamais venu dans une conversation pendant les deux années au cours desquelles j'ai été sélectionneur. Nous ne l'avons donc jamais évoqué et ce sujet était certainement tabou. Pendant les deux ans que j'ai passés à la DTN, comme sélectionneur national, je n'ai jamais entendu parler de quoi que ce soit qui pouvait laisser penser que de telles choses se passaient. Je ne peux pas vous répondre sur ce problème. Le fonctionnement d'une fédération, peu importe la discipline, induit l'encadrement de jeunes sportifs par des adultes – qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Il faut donc mettre en place des avertisseurs, car les entraînements se dérouleront toujours entre des jeunes et un éducateur ou un entraîneur. Certaines choses se sont produites et on aimerait les éliminer. Dès lors, le mode de fonctionnement des fédérations devrait peut-être se modifier, car celui qui est en place depuis des dizaines d'années trouve ses limites.
Vous avez réalisé une partie de votre carrière à l'étranger. Avez-vous connaissance de bonnes pratiques à partager dont nous pourrions nous inspirer en France ?
On peut toujours regarder comment les autres fonctionnent, mais j'ai joué en Italie, en Espagne et en Angleterre et ces pays rencontrent également ce type de problèmes. Plus précisément, j'ai joué dans le sud de l'Italie et nous étions confrontés au racisme. Le football anglais a quant à lui été victime de hooliganisme et les Anglais sont parvenus à réduire ce phénomène, même s'il y a toujours quelques petits problèmes. S'il faut faire évoluer le mode de gouvernance ou les responsabilités, il est d'abord nécessaire de prendre la mesure du problème. On sait ce qu'il se passe et on ne peut pas changer radicalement le mode de fonctionnement, car un athlète aura toujours besoin d'un entraîneur et de conseils. Il faut d'abord être attentif et je crois que les gens commencent à parler, ce qui est une bonne chose. Il faudrait échanger avec beaucoup de personnes pour trouver des solutions et régler ce problème ou, du moins, le corriger.
Je trouve qu'il y a eu des améliorations, notamment en termes d'éducation et de comportement du public dans un stade, même si ce dernier n'est pas encore irréprochable. Je ne sais pas si vous aimez le sport, mais on entendait beaucoup plus de choses dans les stades dix, vingt ou trente ans auparavant.
Non seulement j'adore le sport, mais également le football, et je suis particulièrement honoré d'échanger avec vous aujourd'hui. Laurent Blanc m'a fait rêver comme tous les joueurs de l'équipe de France en 1998. Il n'en demeure pas moins que nous parlons de sujets sérieux et je crois vraiment que les fédérations ont un véritable rôle à jouer, et en particulier la FFF. Si demain Laurent Blanc était élu à la présidence de la FFF, que ferait-il très concrètement ?
Il ne peut pas être élu. C'est aussi ça le problème !
Faisons un peu de science-fiction et imaginons-le. Que feriez-vous pour diminuer drastiquement les violences faites aux enfants et les propos discriminatoires ? Peut-être s'agit-il d'avoir de meilleures relations avec le ministère de tutelle ?
Forcément, mais il m'est impossible d'être élu à la présidence de la FFF, car le système électoral ne permet pas à une personne qui a de bonnes intentions d'être élue. Il y a des choses à dire sur le mode d'élection à cette présidence.
Mais que feriez-vous, avec votre expérience, votre carrière et votre notoriété pour faire changer les choses ?
J'ai en outre un désaccord avec vous sur le constat d'une situation qui s'améliore. Vous dites qu'on entendait auparavant des cris et des propos dans les tribunes et que ceux-ci proviennent maintenant des arbitres et des joueurs. Je fréquente régulièrement un stade et je trouve assez inquiétant qu'on n'ait pas suffisamment su faire œuvre de pédagogie pour que les arbitres et les joueurs ne tiennent pas ce type de propos.
Lorsque ces agissements concernent des arbitres et des joueurs, nous en avons connaissance. Toutefois, un stade de football ne comporte pas qu'un terrain et le public est difficile à éduquer sur cette question. Il me semble toutefois qu'une amélioration a marqué le comportement du public au cours de ces trente dernières années.
L'amélioration tient donc à une capacité renforcée à identifier ces agissements et à les sanctionner.
Lorsqu'un joueur ou un arbitre tient des propos racistes, on le sait systématiquement maintenant. Il faut d'ailleurs arrêter immédiatement le match dans un tel cas, qu'il s'agisse d'un arbitre, d'un joueur ou du public.
Quand vous me demandez de m'imaginer président de la fédération, je vous réponds que c'est impossible, car le système électoral est très particulier. Il doit cependant être très difficile d'être président d'une fédération sportive, car il porte de très lourdes responsabilités. Toutefois, il me semble que, dans beaucoup de fédérations, le président est omnipotent. Que devrais-je faire en tant que président de la FFF ? Je n'ose l'imaginer, car c'est impossible et c'est une grande responsabilité.
Vous soulevez un problème important : les critiques sont très nombreuses sur la gouvernance et le mode de désignation des dirigeants de la FFF. Auriez-vous des suggestions pour définir un mode de désignation plus valorisant, notamment pour les clubs amateurs, ce qui permettrait d'éviter les systèmes sclérosés que vous décrivez ?
À nouveau, on peut toujours discuter et avoir des avis qui divergent. Je trouve que le poste de président de la fédération est très complexe, car il doit concilier les exigences du football amateur, sous la tutelle du ministère, du football professionnel, de l'équipe de France.
En termes de gouvernance, les mandats en politique ou ailleurs sont généralement limités. Cependant, je pense que les mandats des présidents de fédération ne sont pas limités. Un président peut donc enchaîner les mandats et occuper son poste pendant vingt ou trente ans, ce qui le rend omnipotent. Est-ce le meilleur système ? Je ne sais pas, mais il faut en discuter en étant conscient de ces problèmes et introduire des mécanismes d'alerte et d'avertissement dans l'éducation des jeunes.
Je regrette d'avoir, à travers vos réponses, le sentiment que nous sommes passés à côté du vrai sujet : sous couvert de la question des binationaux, on a tenté d'écarter de jeunes Français du fait de leur origine supposée ou réelle. Ce ne sont pas des propos de vestiaires, mais ceux de responsables sportifs de la plus grande fédération.
Vous soulevez le problème des binationaux et il faut l'attaquer.
Les binationaux sont Français. Lors de l'audition des journalistes de Mediapart ce matin, ceux-ci nous ont indiqué que, si cette sélection et ces quotas avaient été mis en place, Kylian Mbappé ne jouerait peut-être pas dans l'équipe de France aujourd'hui. Ce n'est donc pas anodin.
Par ailleurs, quand j'entends dire que personne n'aurait su ce qui avait été dit lors de cette réunion si personne ne l'avait enregistrée, ou pire encore, quand je constate que la seule personne qui a été sanctionnée a été celle qui a dénoncé les faits, effectivement en enregistrant, je me pose la question de la responsabilité collective. La publication de l'enregistrement a choqué, mais on se dit que d'autres réunions ont dû accueillir d'autres propos racistes ou discriminatoires. Cependant, nous ne l'avons jamais su et il n'y a pas eu de sanctions. Il ne fallait pas attendre que ces propos soient rendus publics pour les condamner : tout propos raciste ou discriminant se doit d'être condamné.
Je vous ai tout dit par rapport aux questions qui ont été posées. J'aurais aimé avoir un peu plus d'échanges sur les problèmes qui existent encore aujourd'hui et que cette fameuse réunion avait soulevés il y a dix ans. Mme la rapporteure vient de me parler des binationaux. Je ne suis pas obsédé par ce sujet mais nous devons régler cette question de choix, car il y aura toujours des binationaux. À mon époque, le choix de la nationalité sportive devait être opéré à 21 ans et la situation n'a pas changé.
Dix ans après cette réunion, en dehors votre invitation à venir échanger aujourd'hui, personne n'a souhaité discuter avec moi de ce sujet. Pendant dix ans, on a mis ces dossiers à l'écart et ce n'est pas le meilleur moyen de faire évoluer les choses.
Vous avez les questions entre les mains et vous pouvez compléter vos propos, comme vous pouvez formuler vos propositions et vos réflexions par écrit. Nous comptons sur vous pour compléter ces informations si vous avez oublié certains éléments.
Une question portait sur le football féminin, ce qui est également intéressant.
Nous n'avons pas voulu omettre la question, mais une autre audition débute à dix-sept heures.
Ce fut très intéressant et je vous remercie de m'avoir convoqué.
La séance s'achève à dix-sept heures cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Béatrice Bellamy, M. Stéphane Buchou, Mme Pascale Martin, Mme Sophie Mette, M. François Piquemal, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi