La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, du rapport d'information valant l'avis sur le projet de contrat d'objectifs et de performance entre l'État et Campus France pour les années 2023 à 2025.
Présidence de Mme Eléonore Caroit, vice-présidente
La séance est ouverte à 12 h 05
Nous examinons le rapport de nos collègues Sabrina Sebaihi et Bruno Fuchs sur le contrat d'objectifs et de performance de l'établissement Campus France, portant sur la période 2023-2025.
Ce document a été déposé sur le Bureau de notre Assemblée le 12 juin dernier et nous devons nous réjouir d'en être saisis car le contrat pluriannuel précédent, sur lequel notre commission s'était prononcée, portait sur la période 2018-2020. Compte tenu de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, le précédent contrat d'objectifs et de moyens (COM) avait été prorogé jusqu'en 2021.
Sans me substituer à nos rapporteurs, je me bornerai à rappeler que l'établissement public Campus France, créé en 2010, est l'opérateur unique chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français dans le monde et de fournir des prestations aux bénéficiaires de programmes de mobilité internationale développés par la France. C'est dire que le travail de contrôle réalisé par nos deux collègues revêt une dimension essentielle.
Nous pouvons nous réjouir d'avoir travaillé avec ma collègue Sabrina Sebaihi sur ce sujet. À titre liminaire, je souhaite néanmoins pondérer cet enthousiasme par quelques réflexions. Tout d'abord, je veux partager avec vous une remarque de méthode, qui dépasse Campus France et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Elle concerne la méthodologie de l'élaboration des contrats pluriannuels et de leur examen par le Parlement.
En effet, la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat fixe au Parlement un délai maximal de six semaines pour rendre un avis sur des projets de contrat, qui ne sont en général pas amendés une fois l'avis formulé. Nous arrivons en aval de chaque contrat : nos propositions, quelles qu'elles soient, n'y sont pas intégrées. Six semaines représentent un délai trop court pour travailler sur un tel sujet, ce qui a affecté notre capacité d'analyse et d'observation. En l'occurrence, nous n'avons réellement eu que quatre semaines pour réaliser le rapport que nous présentons aujourd'hui. Nous avons fait de notre mieux pour produire des analyses fortes mais je dois vous faire part de ma frustration devant cette situation. Notre rapport est insatisfaisant, dans la mesure où nous n'avons pas pu étudier certains sujets, par manque de temps.
Par ailleurs, Campus France ne rentre pas dans la catégorie des opérateurs pouvant bénéficier d'un COM mais dans celle des bénéficiaires de contrats d'objectifs et de performance (COP). Il n'existe donc pas de moyens dédiés pour les années à venir : chaque année nous devons voter les moyens en loi de finances, ce qui constitue un frein limitant l'opérateur dans l'exécution de sa stratégie. Chaque année, nous devons être extrêmement vigilants sur les fonds alloués, notamment dans le programme 185 de la mission Action extérieure de l'Etat, qui sont consacrés à la diplomatie culturelle et sur lesquels notre commission rend un avis après le rapport de notre collègue Frédéric Petit.
Pour en venir à Campus France, qui est l'opérateur chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français dans le monde et de fournir des prestations aux bénéficiaires de programmes de mobilité internationale développés par la France, nous devons tout d'abord dire quelques mots du contexte dans lequel ce COP s'inscrit. Après le choc provoqué par la pandémie de Covid-19, le paysage des mobilités universitaires internationales a été directement touché par l'invasion russe de l'Ukraine, dans un contexte où la Russie occupait la sixième place du classement des pays attirant le plus d'étudiants. Signalons dès à présent que notre pays et nos universités ont été au rendez-vous de l'accueil des chercheurs et étudiants ukrainiens en exil, en mobilisant des moyens exceptionnels.
La période récente a aussi été marquée par le Brexit, qui n'a pas fait reculer à ce stade l'attractivité britannique mais a eu des conséquences sur la réorientation des flux en Europe, dont notre pays doit savoir tirer parti. Aujourd'hui, 86 % des Européens qui partent étudier à l'étranger restent sur le continent, et cette tendance se voit renforcée par les évolutions récentes – évolutions géopolitiques, crise climatique –, face auxquelles l'Europe apparaît comme un espace de stabilité et de sécurité. Malheureusement, ces étudiants sont moins captés par la France que par d'autres concurrents.
Pour vous donner quelques chiffres, selon les données compilées par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans le système d'enseignement supérieur en France affiche pour l'année 2021-2022 la croissance interannuelle la plus forte depuis 2005 : + 8 %, après une légère baisse en 2020-2021 dans le contexte de la pandémie (- 1 %). En incluant les apprentis du supérieur, le seuil de 400 000 étudiants étrangers accueillis en France a été franchi pour la première fois. Selon les données compilées par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour effectuer les comparaisons internationales, avec deux ans de décalage et selon une méthodologie différente, notre pays se place au septième rang – sixième en tenant compte de l'exclusion de la Russie – alors que nous occupions la quatrième place en 2018.
Le top cinq des pays de provenance demeure le suivant : Maroc, Algérie, Chine, Italie, Sénégal, tandis que les universités demeurent le type d'établissement le plus fréquenté par les étudiants étrangers (65 %), avec une concentration sur les licences et les masters et un recul au niveau du doctorat, ce qui constitue un enjeu en matière de production et d'attractivité scientifiques.
Le présent COP s'inscrit dans ce contexte, et dans la continuité de la présentation par le Gouvernement de la stratégie « Bienvenue en France », en 2018. Cette stratégie dédiée au renforcement de l'attractivité de l'enseignement supérieur français, fixe un objectif chiffré de 500 000 étudiants internationaux accueillis en France en 2027, contre 400 000 à l'heure actuelle. Elle repose sur trois piliers :
– offrir de meilleures conditions d'accueil aux étudiants internationaux ;
– renforcer le rayonnement de l'enseignement supérieur français à l'étranger ;
– augmenter les droits d'inscription pour les étudiants internationaux extra-européens.
Les conditions d'accueil aux étudiants internationaux constituent un point faible de notre offre, notamment parce que cette dernière est faible en termes de logements. La capacité d'accueil en France est ainsi déficiente et cette situation perdurera malheureusement pendant de très nombreuses années. Il s'agit incontestablement de l'un de nos points faibles. En matière de rayonnement, la France n'est que sixième. Proportionnellement à nos concurrents, nous progressons moins vite. Enfin, les droits d'inscription différenciés constituent un échec selon moi, dans la mesure où seuls 6 % des étudiants payent réellement ces frais et où nous pâtissons dans le même temps d'une dégradation de notre image.
Outre la trajectoire de financement, il est nécessaire de regarder le modèle économique de Campus France dans sa globalité et l'évolution de son objet. Une autre réflexion aurait pu faire partie de nos recommandations, dans un cadre dépassant Campus France : la mobilité. Celle-ci constitue en effet l'une des priorités de la loi d'orientation sur l'aide publique au développement. Peut-être faudrait-il voir de manière plus globale, comme les Allemands l'ont fait ? En Allemagne, l'Office allemand d'échanges universitaires – le DAAD –, c'est-à-dire l'équivalent de Campus France, gère les mobilités entrantes et sortantes.
Je vais rapidement présenter le contenu du COP, avant de revenir sur les points qui nous paraissent les plus problématiques. Le contrat d'objectifs et de performance 2023-2025 comporte quatre grands axes. Le premier concerne l'adaptation des stratégies de promotion de l'enseignement supérieur français, dans un contexte concurrentiel. La priorité est accordée à l'attractivité auprès des étudiants et chercheurs excellents et des publics provenant de trois zones stratégiques : l'Indopacifique, dans une volonté de diversification des flux et d'élargissement de notre influence, l'Afrique et l'Europe.
Le COP porte également une attention particulière sur l'Europe, avec un renforcement des synergies entre Campus France et l'Agence Erasmus+, agence nationale liée au programme européen de référence pour la jeunesse et responsable des mobilités sortantes. Enfin, il soutient la projection de nos établissements d'enseignement supérieur à l'étranger, notamment sous la forme des « campus franco-X », qui se sont développés dans le monde, le dernier en date étant le campus franco-indien, qui doit se consacrer aux enjeux liés à la santé.
Le deuxième axe du COP met l'accent sur l'enjeu majeur de l'accueil des étudiants étrangers, où nous connaissons nos plus importantes marges de progression. Les difficultés rencontrées commencent en pratique avant l'arrivée en France, avec des délais parfois très longs pour l'obtention d'un visa, qui peuvent se traduire par des arrivées en France en décalage vis-à-vis de la rentrée universitaire. Les consulats ne peuvent pas toujours faire face à l'afflux de dossiers. De leur côté, certaines universités répondent par ailleurs très tardivement. Un problème similaire est constaté pour le renouvellement des titres de séjour, dont les délais d'attente sont parfois tels que des étudiants se retrouvent en situation d'irrégularité.
Sur le territoire national, c'est le logement qui constitue le principal problème des étudiants étrangers, qui n'échappent pas en cela à une problématique nationale que nous peinons à régler. Pour rappel, selon les données de l'Observatoire de la vie étudiante, pour un nombre total de 2,9 millions d'inscriptions étudiantes dans l'enseignement supérieur en France métropolitaine et dans les outre-mer – Français et étrangers confondus –, la France dispose d'environ 380 000 logements dédiés aux étudiants (résidences CROUS, résidences d'habitation à loyer modéré ou résidences privées), dont seuls 12 % des étudiants peuvent bénéficier. Pour les étudiants internationaux, la quête d'un logement peut être particulièrement difficile lorsque tout doit être opéré à distance, sans maîtrise de l'environnement local. Enfin, de nombreux étudiants internationaux sont confrontés à une situation de précarité, à laquelle peut s'ajouter un isolement social et psychologique. Cela s'est particulièrement vérifié pendant le confinement.
En complément, le deuxième axe du COP porte également sur la visibilité et la lisibilité de notre offre d'enseignement supérieur, en identifiant des vecteurs de progression comme la mobilisation des anciens élèves, les alumni, qui doivent faire l'objet d'une stratégie dédiée qui sera présentée prochainement. La communication ciblée auprès des étudiantes constitue aussi un enjeu, notamment dans une zone comme l'Afrique subsaharienne, qui représente un contingent majeur d'étudiants étrangers en France mais dont seuls 43 % sont des étudiantes.
Le troisième axe porte sur un outil majeur d'attractivité et d'influence : les bourses, et notamment les bourses du gouvernement français, qui vont être rebaptisées « France Excellence » afin d'être plus lisibles à l'étranger. Les bourses, qui dépendent de l'attribution des postes diplomatiques ou de programmes centraux, sont aujourd'hui massivement utilisées par certains pays qui montent en puissance sur la scène universitaire internationale, tels que la Turquie ou l'Arabie saoudite, ainsi que par des pays comme l'Allemagne ou l'Australie qui sont également des partenaires.
La diminution du nombre de bourses attribuées par la France ces dernières années a été la conséquence de la stagnation des crédits disponibles, à laquelle la loi de finances initiale pour 2022 a mis un terme avec une enveloppe totale de 64 millions d'euros, en hausse de 6 millions d'euros par rapport à 2021, avec plus de 55 millions d'euros gérés par Campus France, somme reconduite dans la loi de finances pour 2023. À titre de comparaison, le programme britannique Turing consacre 72 millions d'euros annuels aux bourses et l'Allemagne 120 millions d'euros.
Enfin, le quatrième et dernier axe porte sur la gestion et l'exemplarité de l'opérateur et décline différents objectifs allant de la mise en place d'une comptabilité analytique à l'instauration d'une démarche de responsabilité sociétale, autour notamment de l'égalité entre les femmes et les hommes et du handicap, en passant par l'adoption d'un plan de développement durable prévu pour 2024. Cet axe porte également sur la consolidation et la modernisation des systèmes informatiques, l'opérateur ayant déjà initié, sous l'impulsion de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), la mise en place d'une démarche cybersécurité. Cela nécessite des dépenses d'investissement importantes, sur lesquelles il serait dangereux de transiger.
En résumé, le COP de Campus France s'inscrit dans un contexte qui voit notre pays disposer d'atouts mais aussi de marges de progression importantes en matière d'attractivité universitaire. Parmi les atouts, il faut mentionner la qualité des formations, un bon positionnement dans les classements scientifiques internationaux, des relations historiques avec des pays pourvoyeurs d'étudiants en mobilité, ainsi que la francophonie, qui ne doit pas empêcher le développement des formations en anglais pour les personnels et les étudiants mais doit rester un atout majeur, que nous devons valoriser, notamment dans nos relations avec l'Afrique.
Concernant les marges de progression, qui portent en priorité sur l'accueil, nous avons identifié des pistes d'amélioration : ouverture des aides financières d'urgence aux étudiants étrangers, délivrance de titres de séjour pluriannuels indexés sur la durée prévue des études ou encore systématisation des guichets uniques et du mentorat. Cela dépasse le strict champ de ce COP et mériterait une réflexion approfondie de notre commission ainsi qu'un prolongement législatif, qui trouvera un terrain lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 à l'automne mais aussi lorsque nous serons saisis pour avis du projet de loi portant sur l'immigration, qui doit intégrer une réflexion sur les mobilités que nous souhaitons promouvoir et favoriser.
Enfin, l'élaboration d'une loi de programmation de l'influence, sur le modèle de la loi de programmation de l'aide publique au développement, pourrait accompagner la mise en œuvre de la feuille de route de l'influence présentée en décembre 2021 et donner une visibilité accrue au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi qu'aux opérateurs que sont l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), l'Institut français et Campus France, notamment sur la gestion pluriannuelle des bourses pour ce dernier. Il s'agit d'une réflexion à laquelle notre commission doit être associée.
Je vous remercie pour la qualité de votre rapport et de cette présentation. L'accueil des étudiants étrangers en France constitue un enjeu majeur. En tant que députée des Français de l'étranger, je mesure pleinement l'importance de ce sujet.
Campus France investit un champ essentiel de l'influence et de l'attractivité en assurant la gestion de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs, et en mettant en avant l'excellence de notre enseignement supérieur.
Notre pays dispose d'atouts considérables, au premier rang desquels figure l'attrait de la francophilie et la francophonie, que nous devons promouvoir auprès de la jeunesse. Néanmoins, la concurrence pour attirer les étudiants et chercheurs internationaux, appelle à définir une stratégie solide, de nouveaux COP, en orientant notre action vers des zones prioritaires, dont l'Indopacifique, pour diversifier notre attractivité tout en consolidant les dynamiques existantes. Une des voies pour accroître notre présence consiste à assurer la projection de nos établissements français à l'étranger. Cette stratégie d'attractivité doit cependant composer, notamment, avec une présence russe en Afrique qui alimente une hostilité anti-française dans l'espace public, en particulier sur les réseaux sociaux et auprès des jeunes.
La stratégie « Bienvenue en France » fixe l'objectif de doubler le nombre de formations françaises implantées à l'étranger, la France étant le premier exportateur de campus offshore devant les États-Unis. Pouvez-vous revenir sur les objectifs et les efforts déployés spécifiquement dans la zone indopacifique ? Elle doit en effet être priorisée pour l'élargissement de notre influence.
La langue française représente un élément d'attractivité très puissant. Malheureusement, la francophonie n'est citée que dans l'introduction du COP, qui insiste beaucoup plus sur la nécessité de proposer des enseignements de langue anglaise. L'insuffisance des formations proposées en anglais en France est ainsi mise en avant. Il me semble erroné de ne procéder que de la sorte. En effet, l'attractivité de la langue française est élevée. Il faut donc insister sur l'attractivité de l'espace francophone et de la langue, tout en complétant notre offre en propositions de programmes anglophones. Mais je souscris à votre première approche sur l'attractivité de la francophonie. En Géorgie par exemple, nous avons doublé le nombre de locuteurs et d'étudiants en français, qui veulent se rapprocher de l'espace francophone.
En Indopacifique, il existe des projets de campus franco-australiens, franco-japonais, il existe aussi un projet en Asie avec l'Ouzbékistan. Le premier campus que nous avons créé est à Dakar, et il se porte très bien. De nombreux universitaires français sont d'ailleurs impliqués sur ces questions. Je suis allé au Cameroun récemment et me suis rendu compte sur place que nos formations étaient en inadéquation avec les réels besoins du pays. Nous devons aborder de manière plus pratique les besoins des pays et développer une offre de formation professionnelle à destination des publics de ces pays, pas uniquement des formations universitaires. Parfois, nous avons tendance à plaquer nos propres solutions sur des réalités qui ne sont pas les nôtres.
Dans une période où les luttes d'influence entre blocs sont intenses, la place du français comme langue universitaire de référence représente une question géopolitique de haute importance. Alors que la langue anglaise s'impose comme une nouvelle lingua franca dans le monde de l'enseignement supérieur, le maintien d'un pôle francophone fort est une question de pluralisme de la pensée. Or aujourd'hui, des facteurs d'optimisme sur la place de la francophonie dans le monde coexistent avec des inquiétudes bien réelles.
Parmi les facteurs d'optimisme pour la francophonie, la vitalité démographique de l'Afrique peut donner matière à un scénario prévisionnel de 800 millions de personnes pouvant parler français à l'horizon 2050. Cependant, les facteurs d'inquiétude prédominent. Le constat est celui d'une diminution de la pratique du français chez les jeunes générations, dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche et dans celui des publications scientifiques
L'anglais est quant à lui devenu la langue de référence dans le domaine des sciences dures et tend à le devenir dans celui des sciences humaines. Le paradigme est le suivant : si nous ne donnons pas aux jeunes générations de bonnes raisons de rester ou de devenir francophones, il y a peu de chances que les prochaines générations parlent toujours le français.
Il est donc essentiel d'apporter un soin particulier à ce que nous pouvons offrir dans nos établissements, aux perspectives d'avenir qu'ils peuvent ouvrir à leurs diplômés, pour leur permettre de jouer leur rôle dans leurs sociétés d'origine. Nous souhaitons que ce COP ne soit pas l'occasion d'organiser une filière d'immigration dans laquelle la France ne trouverait pas d'intérêt réel. L'esprit de ce COP doit permettre à la France de maintenir son influence dans les pays étrangers et surtout francophones, afin de contrecarrer l'influence grandissante des autres grandes puissances extra-européennes, dont les volontés de leadership viennent nous faire concurrence.
En l'état, nous nous abstiendrons sur ce projet de COP.
Il ne faut pas confondre mobilité et immigration. Le choix de la francophonie n'est pas clairement établi dans la stratégie : voulons-nous attirer des étudiants en France par tous les moyens ou voulons-nous renforcer notre influence, c'est-à-dire essayer le plus possible de nous appuyer sur la pratique du français dans l'enseignement supérieur ? La stratégie de la langue française pour l'attractivité et l'influence dans le monde ainsi que dans l'espace universitaire n'est pas suffisamment développée dans le COP. Nous devons donc nous interroger car le contrat ne prend pas clairement position dans ce domaine.
Ce manque a été identifié, même si l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et Campus France travaillent sur le dossier de la scolarité francophone. Cependant, le projet de COP ne met pas suffisamment l'accent sur ce domaine.
Dans deux mois, plusieurs dizaines – voire plusieurs centaines – d'étudiants seront désemparés. Ils ne seront pas sur les bancs des universités à Paris XIII, à Marseille ou à Nanterre, à cause des blocages institutionnels dans la délivrance de visas aux étudiants.
Comme chaque année, des visas seront refusés. C'est une issue terrible pour les étudiants, après une attente anxieuse et un parcours du combattant qui se trouve coupé net, malgré parfois l'accord d'une université ou d'une grande école. Ces cas existent depuis trop longtemps et se multiplient, alors que les procédures de délivrance des visas deviennent de plus en plus complexes. Les taux de refus dépassent allègrement 30 % en Afrique, quand ce n'est pas un seuil arbitraire de 50 % qui est fixé dans certains pays.
Plus cynique encore, ces futurs ex-étudiants ont tous engagé des frais pour accéder aux services de Campus France et pour l'établissement des visas. Ces montants sont non remboursables, ce qui constitue une pratique profondément inégalitaire et injuste quand l'issue est un refus, qui devient systématique pour certains pays d'origine alors que les consulats sont les bénéficiaires de ce que l'on peut considérer comme une manne financière.
Les dégâts en termes d'attractivité et d'image pour la France sont immenses : nous nous demandons donc quel est l'impact pour la politique d'influence de la France sur un continent largement francophone. La proposition des rapporteurs de rembourser les frais en cas de visa étudiant refusé nous paraît donc une nécessité, que nous soutenons.
Un autre problème concerne le renouvellement des visas. Mme Sebaihi l'a rappelé : les étudiants doivent repartir dans des procédures, parfois humiliantes car ils pourront être perçus comme des potentiels résidents illégaux. Nous sommes favorables à l'attribution d'un visa pluriannuel qui correspondrait à la durée de la scolarité. Un étudiant doit pouvoir étudier de façon sereine. Il est temps que les contrats d'objectifs et de performance de Campus France s'accompagnent d'actes forts. Pour le moment, nous n'y sommes pas. Un autre problème concerne le montant exorbitant des frais d'inscription.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de COP.
Dès que nous avons commencé à travailler sur ce rapport, nous nous sommes aperçus des problèmes en matière de visas, pour diverses raisons. Le visa est de fait bloqué si le dossier n'est pas accepté par l'université. Les dépenses engendrées ne sont pas négligeables. En outre, les consulats doivent faire face à un grand nombre de candidats. Par exemple, au Sénégal, 30 000 étudiants déposent des dossiers à cette période de l'année mais les demandes sont traitées par seulement deux personnes au consulat.
Nous recommandons donc le remboursement en cas de refus mais aussi une pérennité dans les durées des visas, lorsqu'ils sont accordés, sur la durée de la scolarité. Si nous voulons améliorer notre attractivité, la partie administrative doit être facilitée.
Nous sommes ici au cœur du sujet de l'attractivité. Quand 30 000 étudiants sénégalais effectuent une demande, moins de 4 000 sont acceptés. La frustration est grande chez les 26 000 autres qui ont tous dépensé environ 250 euros, ce qui contribue à dégrader l'image de la France. Qui plus est, ils n'auront eu en tout et pour tout que dix minutes d'entretien avec le conseiller de Campus France, qui est lui-même débordé. Initialement, Campus France devait faire du conseil à l'orientation mais aujourd'hui son travail en est réduit au traitement d'un dossier administratif. Il faut revoir complètement l'ensemble de la chaîne, en termes d'efficacité et d'attractivité.
L'avis de Campus France est très important mais les étudiants ne le connaissent pas quand ils déposent leur demande de visa, tandis que le consulat, lui, est au courant.
Les étudiants étrangers ont besoin de solutions pratiques. Je rappelle que les moyens des consulats et concernant la délivrance de visas pourront être évoqués lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Mme Abomangoli, puisque vous acquiescez à nos propositions et aux contributions que nous apportons, je m'étonnerais d'un vote négatif à notre rapport.
Je parle pour mon groupe mais aussi en tant que rapporteur du programme 185. Campus France a un COP car il ne maîtrise pas son budget. Il ne peut donc pas tout faire : les 64 millions d'euros affectés aux bourses qui passent par lui partent ensuite dans les ambassades, qui gèrent ensuite elles-mêmes ces montants. De même, les visas ne relèvent pas de Campus France, mais des programmes 105 et 151. Notre administration ne sait pas organiser les services dans les consulats. Campus France n'est pas non plus responsable du logement, ni du paiement des droits. En outre, je rappelle que son personnel est recruté par les ambassades et non par Campus France lui-même.
Au-delà, dans cette commission, nous devons prendre en main la feuille de route de l'influence et harmoniser les cinq ou six COM dont nous nous occupons, sur la même période. Nous devons prolonger les COM actuels et les traiter globalement en début de mandat mais également retravailler et favoriser une programmation de la feuille de route de l'influence. Il faut imposer au Gouvernement de la reprendre de manière logique.
Je partage l'essentiel de vos propos. Il faut repenser beaucoup plus globalement et, par conséquent, changer la loi, améliorer la visibilité pour offrir une vision à moyen terme et réorganiser les mobilités internationales autour d'un grand pôle. Malheureusement, nous demeurons encore dans une organisation en silos. Il convient donc de repenser l'architecture générale des mobilités.
J'ajoute que Campus France a un projet de partenariat, modeste pour le moment, avec le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris pour la construction de logements.
Comme Mme la rapporteure et les membres du groupe socialiste et apparentés, je continue à me montrer circonspect sur le sujet des frais de scolarité différenciés, qui restent très contestés par les associations d'étudiants et la communauté universitaire. Je souhaiterais néanmoins vous interroger sur les conséquences inattendues du Brexit sur l'attractivité des universités britanniques, alors que leur retrait du programme Erasmus et des programmes européens aurait dû se faire sentir sensiblement. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
S'agissant des frais de scolarité, nous nous sommes mobilisés dès l'annonce du projet en décrivant exactement ce qu'il allait se passer, en termes de revenus mais aussi en impact négatif concernant notre image. Je suis favorable à l'augmentation des frais de scolarité mais il aurait fallu le faire de manière différente. Il aurait d'abord fallu augmenter les capacités d'accueil, les bourses. Malheureusement, cela a été fait dans l'autre sens.
Il est encore un peu tôt pour tirer les conséquences du Brexit mais, malgré tout, nous n'avons pas réussi à capter les publics européens qui ne vont plus étudier en Angleterre. Nous avons même perdu des parts de marché en Europe malgré le Brexit.
Le groupe Horizons vous remercie pour votre travail et ce rapport. Sa portée est considérable pour l'adaptation de la politique d'attractivité universitaire et scientifique française aux enjeux actuels, notamment la reprise des échanges universitaires après la pandémie et le contexte des changements géopolitiques récents.
Les grandes puissances de la scène internationale sont particulièrement attractives pour les étudiants étrangers. Il s'agit donc de renforcer la qualité de l'accueil, de la communication et des formations des universités françaises, afin d'atteindre l'objectif des 500 000 étudiants internationaux en 2027. Ces derniers constitueront autant de talents francophones à l'issue de leur formation.
Il convient donc d'approfondir les efforts de la France à travers des objectifs ambitieux pour Campus France. Cela passe d'abord par le développement d'actions et de promotions ciblées dans les zones géographiques prioritaires définies par l'Agence française de développement (AFD), particulièrement en Afrique. Ce continent concentre en effet 50 % de l'activité de l'AFD et constitue une zone prioritaire d'intervention pour l'accès à l'éducation. Cependant, les efforts de Campus France pour la période 2023-2005 doivent également comporter une dimension européenne. La réussite du programme Erasmus est ainsi emblématique des apports du projet européen. Depuis 1987, il a permis à 10 millions d'étudiants de bénéficier d'une bourse, afin d'étudier dans un autre État membre.
Le groupe Horizons salue donc l'inscription du renforcement de l'articulation avec l'agence Erasmus + comme l'une des priorités de Campus France pour les deux années à venir. Nous accueillons donc favorablement ce COP.
Je tiens à préciser que, si je suis favorable aux lois de programmation, je ne voudrais pas qu'elles conduisent à un saucissonnage. Elles doivent à l'inverse s'accorder à la feuille de route de l'influence. Je parle en connaissance de cause : lors de l'examen de la loi de programmation sur la recherche, notre commission n'a pu apporter qu'une contribution, que j'ai rédigée, pour demander une loi de programmation sur la recherche française dans le monde. Il aurait fallu y intégrer Campus France mais aussi les unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger.
En conclusion de ces échanges, je souhaiterais plaider pour que le président de la commission des affaires étrangères saisisse les deux ministres de tutelle de Campus France, afin de leur dire tout d'abord que nos conditions de travail ne permettent pas d'aborder les sujets traités avec la qualité et le temps nécessaires pour élaborer un rapport digne de ce nom. Ensuite, il faut également renouveler une proposition, qui avait déjà été formulée en 2018, c'est-à-dire que le Parlement ne soit plus situé en aval du processus, ce qui encore le cas actuellement. Même s'il est important d'avoir un COP, celui-ci devrait encore être grandement amélioré. Nous demandons donc d'être associés au préalable, au stade de son élaboration.
Je voterai favorablement ce COP mais il faudrait signifier clairement et fermement que notre commission aspire à un mode de travail beaucoup plus collaboratif, pour contribuer à l'amélioration de ce dispositif.
La manière dont nous avons dû travailler ce COP ne me semble pas avoir été optimale. Nous verrons comment poursuivre ce travail au sein de notre commission, au-delà des quatre semaines que nous avons pu y consacrer.
Pour ma part, je m'abstiendrai, dans la mesure où nous sommes très loin de ce qu'il faudrait faire pour avancer, sur le fond comme sur la forme.
Je remercie nos rapporteurs pour leur travail. Nous avons conscience que leur travail a dû se réaliser dans des délais extrêmement contraints.
Je mets aux voix le rapport qui vient d'être présenté. Ce vote vaudra avis de notre commission sur le contrat d'objectifs et de performance de Campus France pour les années 2023-2025.
La commission adopte le rapport d'information sur le COP de Campus France pour les années 2023 à 2025 et autorise sa publication.
La séance est levée à 13 h 00
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Véronique Besse, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, M. Philippe Guillemard, Mme Marine Hamelet, M. Alexis Jolly, Mme Brigitte Klinkert, M. Arnaud Le Gall, M. Kévin Pfeffer, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, Mme Liliana Tanguy, M. Patrick Vignal, M. Lionel Vuibert, M. Éric Woerth, Mme Caroline Yadan, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - M. Louis Boyard, M. Sébastien Chenu, Mme Julie Delpech, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, Mme Laurence Vichnievsky, M. Christopher Weissberg, Mme Estelle Youssouffa