Nous pouvons nous réjouir d'avoir travaillé avec ma collègue Sabrina Sebaihi sur ce sujet. À titre liminaire, je souhaite néanmoins pondérer cet enthousiasme par quelques réflexions. Tout d'abord, je veux partager avec vous une remarque de méthode, qui dépasse Campus France et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Elle concerne la méthodologie de l'élaboration des contrats pluriannuels et de leur examen par le Parlement.
En effet, la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat fixe au Parlement un délai maximal de six semaines pour rendre un avis sur des projets de contrat, qui ne sont en général pas amendés une fois l'avis formulé. Nous arrivons en aval de chaque contrat : nos propositions, quelles qu'elles soient, n'y sont pas intégrées. Six semaines représentent un délai trop court pour travailler sur un tel sujet, ce qui a affecté notre capacité d'analyse et d'observation. En l'occurrence, nous n'avons réellement eu que quatre semaines pour réaliser le rapport que nous présentons aujourd'hui. Nous avons fait de notre mieux pour produire des analyses fortes mais je dois vous faire part de ma frustration devant cette situation. Notre rapport est insatisfaisant, dans la mesure où nous n'avons pas pu étudier certains sujets, par manque de temps.
Par ailleurs, Campus France ne rentre pas dans la catégorie des opérateurs pouvant bénéficier d'un COM mais dans celle des bénéficiaires de contrats d'objectifs et de performance (COP). Il n'existe donc pas de moyens dédiés pour les années à venir : chaque année nous devons voter les moyens en loi de finances, ce qui constitue un frein limitant l'opérateur dans l'exécution de sa stratégie. Chaque année, nous devons être extrêmement vigilants sur les fonds alloués, notamment dans le programme 185 de la mission Action extérieure de l'Etat, qui sont consacrés à la diplomatie culturelle et sur lesquels notre commission rend un avis après le rapport de notre collègue Frédéric Petit.
Pour en venir à Campus France, qui est l'opérateur chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français dans le monde et de fournir des prestations aux bénéficiaires de programmes de mobilité internationale développés par la France, nous devons tout d'abord dire quelques mots du contexte dans lequel ce COP s'inscrit. Après le choc provoqué par la pandémie de Covid-19, le paysage des mobilités universitaires internationales a été directement touché par l'invasion russe de l'Ukraine, dans un contexte où la Russie occupait la sixième place du classement des pays attirant le plus d'étudiants. Signalons dès à présent que notre pays et nos universités ont été au rendez-vous de l'accueil des chercheurs et étudiants ukrainiens en exil, en mobilisant des moyens exceptionnels.
La période récente a aussi été marquée par le Brexit, qui n'a pas fait reculer à ce stade l'attractivité britannique mais a eu des conséquences sur la réorientation des flux en Europe, dont notre pays doit savoir tirer parti. Aujourd'hui, 86 % des Européens qui partent étudier à l'étranger restent sur le continent, et cette tendance se voit renforcée par les évolutions récentes – évolutions géopolitiques, crise climatique –, face auxquelles l'Europe apparaît comme un espace de stabilité et de sécurité. Malheureusement, ces étudiants sont moins captés par la France que par d'autres concurrents.
Pour vous donner quelques chiffres, selon les données compilées par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans le système d'enseignement supérieur en France affiche pour l'année 2021-2022 la croissance interannuelle la plus forte depuis 2005 : + 8 %, après une légère baisse en 2020-2021 dans le contexte de la pandémie (- 1 %). En incluant les apprentis du supérieur, le seuil de 400 000 étudiants étrangers accueillis en France a été franchi pour la première fois. Selon les données compilées par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour effectuer les comparaisons internationales, avec deux ans de décalage et selon une méthodologie différente, notre pays se place au septième rang – sixième en tenant compte de l'exclusion de la Russie – alors que nous occupions la quatrième place en 2018.
Le top cinq des pays de provenance demeure le suivant : Maroc, Algérie, Chine, Italie, Sénégal, tandis que les universités demeurent le type d'établissement le plus fréquenté par les étudiants étrangers (65 %), avec une concentration sur les licences et les masters et un recul au niveau du doctorat, ce qui constitue un enjeu en matière de production et d'attractivité scientifiques.
Le présent COP s'inscrit dans ce contexte, et dans la continuité de la présentation par le Gouvernement de la stratégie « Bienvenue en France », en 2018. Cette stratégie dédiée au renforcement de l'attractivité de l'enseignement supérieur français, fixe un objectif chiffré de 500 000 étudiants internationaux accueillis en France en 2027, contre 400 000 à l'heure actuelle. Elle repose sur trois piliers :
– offrir de meilleures conditions d'accueil aux étudiants internationaux ;
– renforcer le rayonnement de l'enseignement supérieur français à l'étranger ;
– augmenter les droits d'inscription pour les étudiants internationaux extra-européens.
Les conditions d'accueil aux étudiants internationaux constituent un point faible de notre offre, notamment parce que cette dernière est faible en termes de logements. La capacité d'accueil en France est ainsi déficiente et cette situation perdurera malheureusement pendant de très nombreuses années. Il s'agit incontestablement de l'un de nos points faibles. En matière de rayonnement, la France n'est que sixième. Proportionnellement à nos concurrents, nous progressons moins vite. Enfin, les droits d'inscription différenciés constituent un échec selon moi, dans la mesure où seuls 6 % des étudiants payent réellement ces frais et où nous pâtissons dans le même temps d'une dégradation de notre image.
Outre la trajectoire de financement, il est nécessaire de regarder le modèle économique de Campus France dans sa globalité et l'évolution de son objet. Une autre réflexion aurait pu faire partie de nos recommandations, dans un cadre dépassant Campus France : la mobilité. Celle-ci constitue en effet l'une des priorités de la loi d'orientation sur l'aide publique au développement. Peut-être faudrait-il voir de manière plus globale, comme les Allemands l'ont fait ? En Allemagne, l'Office allemand d'échanges universitaires – le DAAD –, c'est-à-dire l'équivalent de Campus France, gère les mobilités entrantes et sortantes.