Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 23 novembre 2022 à 13h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 23 novembre 2022

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission

La séance est ouverte à 13 heures 37.

I. Communication du Président Pieyre-Alexandre ANGLADE sur la réunion de la COSAC à Prague (13 au 15 novembre 2022)

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La COSAC a été largement dominée par l'actualité en Ukraine, avec notamment la présence de Mme Ivanna Klympush-Tsintsadze, Présidente de la Commission sur l'intégration de l'Ukraine à l'Union de la Rada d'Ukraine, qui a rappelé le contexte dans lequel se trouve aujourd'hui l'Ukraine. Elle a souligné que l'objectif de la Russie était de mettre à bas l'économie ukrainienne et de provoquer ainsi une crise humanitaire majeure entraînant des vagues de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du pays. 40 % des infrastructures énergétiques civiles ukrainiennes ont été détruites. Au moment où nous parlons, il y aurait de nouvelles frappes sur Kiev, visant là aussi les infrastructures civiles. Le maire de la ville de Kiev, M. Vitali Klitschko, vient d'en faire état, entraînant de graves conséquences pour l'alimentation énergétique de la population ukrainienne, notamment de graves pannes d'électricité.

Ces dernières ont évidemment des conséquences répétées pour les Ukrainiennes et les Ukrainiens, notamment sur la manière dont ils vont passer l'hiver. J'ai tenu à rappeler que la France se tenait évidemment au côté des Ukrainiennes et des Ukrainiens pour face à ce qu'on peut qualifier de stratégie de terreur menée par la Fédération de Russie. Le 13 décembre se tiendra à Paris une conférence internationale pour la résilience de l'Ukraine, avec pour objectif clair la fourniture de matériel dont l'Ukraine aura besoin pour passer l'hiver. Cette conférence aura également pour volonté de reconstruire les infrastructures énergétiques essentielles et de tout faire pour que le peuple ukrainien ne passe pas l'hiver dans le froid et le noir.

Ces questions ont été au cœur des débats de la COSAC, car la Russie devra évidemment payer pour les destructions humaines et matérielles, c'est ce qu'a dit un vote clair de l'Assemblée générale des Nations Unies la semaine passée et la Présidente de la Commission sur l'intégration de l'Ukraine à l'Union européenne. Elle a indiqué, de même que le gouvernement ukrainien, que l'Union avait créé un fond de redressement rapide qui pourrait notamment être financé par les avoirs russes gelés. Ce point a été repris dans la contribution adoptée par la COSAC qui demande la mise en place d'un mécanisme conforme au droit international pour saisir les actifs gelés à la suite des sanctions et les utiliser pour compenser les dommages causés à l'Ukraine par l'agression russe. Elle a enfin appelé à la création d'un tribunal pénal international spécial pour juger les auteurs de crimes de guerre en Ukraine. Ce point a également été repris dans la contribution adoptée par la COSAC.

Au-delà du débat ukrainien, cette réunion de la COSAC a été rythmée par des débats sur l'avenir de l'Union. Sur ce thème de l'avenir de l'Union, le vice-président du Parlement européen, Othmar Karas (Autriche, PPE), a fait part de sa déception devant le peu de travail accompli pour mettre en œuvre les conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe et notamment devant le refus du Conseil de convoquer une conférence de révision des traités comme le Parlement européen l'y avait engagé. Il a, sur ce point, trouvé un soutien assez large. En ce qui me concerne, je crois qu'il a soulevé un point essentiel, il est évident que le Conseil doit se saisir le plus rapidement possible de ces conclusions et que les options sur la table doivent être étudiées rapidement de sorte à pouvoir avancer. Il y aura le 2 décembre prochain à Bruxelles une réunion sur les suites de cette conférence, cela sera abordé. Mme Věra Jourová, vice – Présidente de la Commission européenne, a lancé un appel trouvant un large écho au sein de la COSAC, quant à une implication des parlements nationaux pour l'organisation de débats en leur sein dans le suivi des résultats de la conférence. Marietta Karamanli et Charles Sitzenstuhl, qui sont intervenus dans ce débat, nous diront ce qu'ils ont pensé des échanges.

Sur le thème de l'autonomie stratégique européenne, Maroš Šefčovič, Vice-président de la Commission européenne, a rappelé que l'Union avait réussi à réduire de 15 % sa consommation de gaz et de faire passer les importations de gaz russe de 40 % à 7,5 %, grâce au doublement des livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) américain et norvégien. Un des enjeux de l'autonomie stratégique européenne est désormais le risque de pénuries de puces électroniques : il a annoncé que la Commission présentera une proposition de législation sur le sujet en février 2023. Václav Bartuška, ambassadeur sur la sécurité énergétique pour la République tchèque, a de son côté rappelé qu'avant le début de la guerre, il y avait 40 % d'importations de matériaux énergétiques d'origine russe et que ces importations sont désormais presque à zéro.

Le dernier thème était celui de l'intégration européenne des pays des Balkans. Mirek Topolánek, ancien Premier ministre tchèque, a regretté que les anciens États membres donnent la priorité à de nouveaux modes de coopération plutôt qu'à l'adhésion et appelé à un changement de paradigme : l'Union doit élargir son espace de liberté, de prospérité et de paix plutôt que de rechercher son approfondissement. Différentes mesures ont été évoquées par les différents intervenants : ouverture rapide des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord ; accélération de celles ouvertes avec la Serbie et le Monténégro ; soutien à la Bosnie-Herzégovine afin qu'elle puisse accéder au statut de pays candidat ; mesures de libéralisation des visas avec le Kosovo.

Le dernier point que je voudrais évoquer est celui des suites des groupes de travail institués au sein de la COSAC sous présidence française sur le rôle des parlements nationaux et l'État de droit dans l'Union. Mon homologue du Sénat Jean-François Rapin et moi-même nous sommes battus pour que le paragraphe 20 de la contribution soit plus ambitieux. Nous avons déposé un amendement afin que :

- la COSAC salue non pas la création des groupes de travail mais leurs conclusions – parmi lesquelles figurent des préconisations intéressantes comme l'octroi aux parlements nationaux d'un droit d'initiative législative indirect (« carton vert »)

- la Commission, le Conseil et le Parlement européen soient officiellement saisis des propositions des groupes de travail et y répondent – et pas seulement prennent note des travaux et y réfléchissent

Cet amendement a été mis aux voix. Il a obtenu le soutien de 22 assemblées et l'opposition de 22 autres. Comme le règlement de la COSAC exige un vote favorable des trois quarts des suffrages exprimés, il n'a pas été adopté. Nos positions se sont heurtées à la vive opposition du Parlement européen qui s'est démultiplié pour s'opposer à toute disposition revenant à augmenter le rôle de la COSAC. Sa position a trouvé un écho assez large auprès de parlements de pays scandinaves et d'Europe centrale et orientale qui ne souhaitent pas développer le rôle collectif des parlements nationaux soit parce qu'ils sont par principe réticents à l'égard de tout approfondissement de la coopération politique européenne, soit parce qu'ils craignent que la COSAC puisse prendre des positions qui engagent leur parlement.

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Merci Monsieur le président. J'ai eu la chance, pour le compte de la majorité, de participer à cette COSAC. J'ai été frappé par l'omniprésence du sujet ukrainien, qui est encore plus prégnant quand on est en Europe centrale. Cela nous rappelle singulièrement que Paris est à l'ouest de l'Europe, et que les perceptions sont parfois un peu éloignées lorsqu'il s'agit de grands sujets à l'est. La sensibilité est accrue chez nos collègues parlementaires en provenance d'état de l'est de l'Europe. C'est effectivement la grande question politique dans ces États, alors qu'en France, depuis quelques semaines, on peut avoir l'impression de ce sujet est en train de passer au second plan de l'actualité. Je retiens également la condamnation très ferme des agissements de la Russie. Cela fait du bien de le vivre et de le sentir avec des collègues parlementaires en provenance d'autres États. On voit bien qu'il n'y a pas ou très peu de voix excusant encore les agissements du pouvoir russe.

J'ai aussi été frappé par le discours du premier vice-président du Parlement européen, Othmar Karas, qui a vraiment eu pour moi une communication alarmante. J'ai eu le sentiment, pour faire simple, qu'il disait que l'Union n'avançait pas beaucoup, alors que nous sommes dans une période de grandes turbulences. Sur les grandes questions, les solutions seront européennes. Toutefois, entre les discours officiels des responsables politiques et la réalité des actes ou des décisions prises par l'Union, il y a un gouffre. Sur la défense, l'énergie, la fiscalité, cela fait des années que nous pataugeons, ou alors que nous faisons des pas minuscules, alors que, sur la défense, au regard de la situation actuelle, il faudrait faire des pas de géant. Nous avançons tout de même un petit peu, il y a des annonces récentes franco-allemandes sur l'avion de combat. Mais je crois que de nombreux collègues favorables à la construction européenne pensent, comme moi, que nous n'avançons pas beaucoup, et qu'il faut peut-être que nous, parlementaires, devions faire pression sur les États membres.

Je terminerai en disant que la France et le Président de la République sont toujours très attendus sur les questions européennes. C'est plus palpable dans les discussions informelles. Emmanuel Macron est reconnu comme étant le chef d'État qui a bousculé les choses sur les questions européennes. Nous avons un devoir d'exemplarité pour faire avancer cette construction européenne. Tout le monde a bien vu que le couple franco-allemand a encore besoin d'être ajusté – et cela continue d'ailleurs de se faire jour après jour – mais qu'une fois que ce couple est lancé, il y a des attentes très fortes concernant les impulsions provenant de Paris et Berlin. Nous avons donc toujours une place très appréciée dans le concert européen, la France reste aux avant-postes et c'est une fierté collective de l'avoir vécu avec mes collègues.

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Je souhaite remercier le Président Anglade d'avoir convié les deux vice-Présidents de la Commission des Affaires européennes à la réunion de la COSAC à Prague et ainsi permis de partager nos appréciations.

Au regard des divers thèmes abordés lors de cette réunion, à savoir l'avenir de l'Union, sa souveraineté économique, ses relations avec l'Ukraine et les Balkans, il semble impératif que l'Union européenne ne se contente plus d'être un marché unique, certes utile et bénéfique, mais insuffisant eu égard aux enjeux multiples d'aujourd'hui. En effet, nous devons repenser les idées de partenariat, de concurrence et de rivalité systémique. La crise énergétique exacerbant ces défis, nous devons investir au niveau européen avec une triple dimension : économique, environnementale et stratégique. Enfin, une double interrogation concernant les orientations stratégiques de COSAC doit être explicitée.

D'une part, le cas allemand qui prône une Europe des trente ou trente-six et qui fait le choix par ailleurs d'une défense s'appuyant sur un armement non européen. Si cette orientation allemande persiste, les conséquences sur les autres États européennes ne se feront pas attendre. D'autre part, de nombreux débats ont porté sur la voix des parlements nationaux qui s'efface souvent au profit du Parlement européen. Loin de moi l'idée de remettre en cause la légitimité démocratique de cette institution de l'Union européenne : pour autant, sa persistance à ignorer l'apport des parlements nationaux doit être soulignée. L'esprit de concurrence doit laisser place à un esprit de coopération.

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En ce qui concerne les suites de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, je rejoins le constat que dresse ma collègue Marietta Karamanli sur les relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Le fameux carton vert, qui a été difficile à porter lors de la réunion de la COSAC par les parlements nationaux eu égard aux réticences du Parlement européen, en est une illustration.

Compte tenu de l'hiver extrêmement rigoureux qui s'annonce en Ukraine et des coupures d'électricité majeures en raison des bombardements russes, un appel lancé par plusieurs associations ukrainiennes exhorte les mairies volontaires à aider les mairies ukrainiennes en fournissant des générateurs électriques.

II. Espace européen des données de santé : communication (Mme Laurence CRISTOL, référente Europe sociale, Santé, Culture, Audiovisuel, Education)

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La présentation de cette communication s'inscrit dans le cadre du système des référents thématiques de notre commission. Avec mon collègue Philippe Juvin, notre portefeuille comprend la politique européenne de la santé, qui fait l'objet d'une attention croissante de la part de l'Union européenne depuis le déclenchement de la crise sanitaire.

Pour cette première communication, j'ai choisi de me concentrer sur la proposition de règlement, présentée par la Commission européenne le 3 mai 2022, visant à créer un espace européen des données de santé, dénommé « European Health Data Space » ou « EHDS ». Choisir ce sujet en première communication se justifie par le fait que le numérique est un prérequis pour connecter les parcours de soins et avancer vers l'Europe de la santé.

La mise en place d'un espace européen des données de santé a pour objectif de permettre aux personnes de prendre le contrôle de leurs données de santé et de soutenir l'utilisation des données de santé pour améliorer la prestation des soins de santé, la recherche, l'innovation et l'élaboration des politiques.

Ce projet de règlement s'inscrit dans un cadre plus général d'action au niveau européen qui vise à la fois une meilleure protection des données à caractère personnel des citoyens européens et une meilleure utilisation de la donnée, notamment dans un objectif d'innovation en santé. Dans cette perspective, l'espace européen des données repose sur deux piliers, l'utilisation primaire et l'utilisation secondaire des données de santé.

L'utilisation primaire des données vise à offrir aux personnes la possibilité d'accéder gratuitement à leurs données personnelles de santé par voie électronique (dossiers de patients, images médicales, résultats de laboratoire…), de les corriger, de les partager avec les praticiens de leur choix et de visualiser les opérateurs qui ont accès à ces données. À ce titre, la proposition de règlement rend la participation obligatoire à l'infrastructure commune centralisée « MaSanté@UE », pour la fourniture et la réception de données de santé dans le cadre du parcours de soins. La France, qui a adhéré en juillet 2021 au réseau MyHealth@EU en lançant le service Sesali (proposé par l'Agence du numérique en santé), devra étendre ce service pour permettre l'échange de données de santé dans le cadre de prestations de soins.

Des éléments normatifs seraient introduits pour permettre ces échanges dans un espace sûr et sécurisé et améliorer l'interopérabilité des données. Ce pilier se traduirait, en termes de gouvernance, par une obligation pour les États membres de mettre en place une autorité de santé numérique afin d'assurer le respect des droits des individus.

L'utilisation secondaire des données de santé est un accès pour les chercheurs et l'industrie afin de promouvoir l'innovation et la recherche.

Dans un contexte d'absence de valorisation d'un volume important et croissant de données, qui auraient des bénéfices économiques et sociaux importants, la proposition de règlement prévoit également l'utilisation secondaire des données de santé afin de permettre aux chercheurs et à l'industrie d'accéder aux données électroniques relatives à la santé et de promouvoir ainsi l'innovation et la recherche dans le domaine de la santé. Les données devront être anonymisées et les chercheurs et les industriels devront obtenir une autorisation d'accès à ces données établies dans un environnement sécurisé.

En juillet 2022, un projet pilote de l'espace européen des données de santé a été lancé et confié à un consortium mené par le « Health Data Hub » français. Ce consortium de seize membres réunit l'Agence européenne des Médicaments (« EMA ») ainsi que des infrastructures nationales de santé publique, des infrastructures de recherche, des associations œuvrant dans le domaine de la santé ou encore des plateformes nationales.

Le calendrier est ambitieux : les négociations en cours sur cette proposition de règlement devraient s'achever au plus tôt fin 2023. Le texte prévoyant son application en principe 12 mois après son entrée en vigueur, l'espace européen des données de santé ne serait pas effectif avant 2025 ou 2026. Ce temps d'application pourrait être plus long, compte tenu de sa complexité et des différences de vitesse de déploiement des feuilles de routes nationales plus ou moins complètes des États membres.

Le règlement implique un équilibre nécessaire entre protection et besoins. En effet, afin de conforter la confiance des patients qui est sans aucun doute l'un des aspects clés de la réussite de la mise en place de l'espace européen des données de santé, la proposition de règlement pose des exigences élevées en matière de protection des données. Il est d'abord suffisamment explicite sur les finalités autorisées et celles interdites. En fixant des délais d'autorisation pour l'utilisation secondaire des données, le texte va permettre de faciliter l'accès aux données des chercheurs et industriels, aujourd'hui contraint par des délais de procédure excessifs qui peuvent mettre en échec des projets de recherche.

Toutefois, des incertitudes subsistent en ce qui concerne le traitement des réclamations des usagers, le pouvoir de sanction des organismes responsables de l'accès, l'harmonisation de ces sanctions au niveau européen ou le régime d'autorisation préalable pour la réutilisation des données de santé numériques. En outre, certaines propositions d'améliorations de cette protection ont été suggérées par les autorités européennes dans leur avis conjoint de 2022. Celles-ci portent notamment sur l'utilisation secondaire des données issues des applications de bien-être, l'interaction cohérente avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), l'uniformisation des sanctions au niveau européen, ou encore la nécessité de stockage de ces données électroniques personnelles relatives à la santé.

Une coordination au niveau européen semble essentielle pour mettre en œuvre l'interopérabilité des données, mais également pour favoriser le déploiement d'instrument d'analyses et de formations du personnel spécialisé.

De plus, les fonds prévus par l'Union européenne pour accompagner la mise en place de l'espace européen des données de santé, estimé à plus d'un milliard d'euros sont insuffisants. Afin de les compléter, il pourrait être envisagé d'utiliser une partie des fonds de la facilité pour la reconstruction et la résilience, ainsi que favoriser la participation des acteurs privés.

D'autre part, les difficultés des acteurs scientifiques et industriels à évaluer correctement la valeur des données qu'ils échangent constituent un frein indéniable à toute collaboration. Ces aspects ne doivent pas être négligés dans la mise en place de l'espace européen des données de santé. Ils sont pris en compte par la proposition de règlement qui prévoit de les approfondir dans le cadre d'un groupe d'experts.

L'espace européen des données de santé est bien une première étape essentielle à la construction de l'Europe de la santé, qui devra pour réussir, dépasser un certain nombre d'obstacles, dont les freins culturels et financiers, ainsi que susciter la confiance des citoyens et des professionnels dans la protection des données.

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En janvier dernier dans le cadre de la présidence française du Conseil européen, le gouvernement français a affiché la volonté d'accélérer la mise en œuvre du programme « EU4health » et l'espace européen des données de santé. Cet espace de données ouvre la voie à une vague d'innovation au profit de la recherche et des patients, en leur donnant le pouvoir de contrôler ces données et de bénéficier de la meilleure prise en charge possible, dans leur pays d'origine comme dans les autres États membres. Aussi, ce dispositif n'est pas sans rappeler le « dossier médical partagé » déployé en France, qui possède des finalités proches. Ainsi, les auditions que vous avez menées vous ont-elles permis d'obtenir des éclaircissements sur l'articulation entre ces deux dispositifs ? Se pose également la question du déploiement d'un format européen pour l'émission des documents et le défi de l'interopérabilité des systèmes d'information. Par ailleurs, l'objectif étant d'avoir un système opérationnel pour 2025, tous les États membres seront-ils en mesure de tenir ce calendrier ?

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La Commission a affiché l'ambition de renforcer le contrôle des citoyens sur leurs données de santé en Europe. C'est pourtant en réalité une fois de plus notre souveraineté qui est menacée, puisque les citoyens seront dépossédés de leurs données, qui seront centralisées et exploitées par une entité supranationale afin de créer un marché de la donnée à l'échelle européenne. Pourriez-vous ainsi nous indiquer quelles sont les garanties prévues par la Commission européenne pour protéger la souveraineté des États membres et des citoyens en matière de données de santé ?

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Chaque chercheur, entreprise ou institution, devra demander l'accès aux données contenues dans cet espace européen des données de santé auprès d'une institution dédiée dans chaque État membre. Pourriez-vous ainsi nous préciser quelle sera cette institution dans le cadre de la France, et quelles garanties de sécurité pourrait-elle présenter aux patients européens ? D'autre part, comment les autorités européennes rassureront-elles nos concitoyens pour qu'un tel système technologique ne placent pas leurs données entre de mauvaises mains ? Dans une telle hypothèse, l'utilisation abusive de ces données sera-t-elle punie par des sanctions qui seraient prévues dans ce règlement ?

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Il y a ici un enjeu économique, qu'il convient de penser et d'anticiper, mais il y a aussi d'autres enjeux pour l'Union européenne et ses États membres. Par exemple, la constitution d'une grande base de données est une opportunité de formation de profils professionnels à la fois portés sur le numérique et sur la santé. De même, cette initiative permettra de développer l'innovation dans un contexte juridique et politique sécurisé. L'Union européenne doit être la garante d'une utilisation raisonnée et sécurisée de ces données, ce qui doit permettre de rassurer nos concitoyens quant à la prégnance du numérique dans le domaine de la santé. Concernant cette initiative, il serait ainsi intéressant d'obtenir certaines précisions, notamment sur la question de la transparence, de la proportionnalité et de l'association des citoyens.

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Sur la première question concernant l'articulation entre l'espace européen des données de santé et le « dossier santé partagé », la France a été citée comme exemple et comme précurseur en matière de données de santé durant les auditions menées.

En ce qui concerne l'utilisation primaire des données, le projet de règlement prévoit un renforcement de l'interopérabilité avec les standards définis. Mais le point principal porte sur la mise en place de l'échange de ces données entre les États, la France étant à cet effet déjà membre du réseau depuis juillet 2021.

Pour le calendrier et le niveau de préparation des États membres, il était prévu que le règlement soit adopté entre fin 2023 et début 2024, pour une entrée en vigueur moins d'un an après son adoption. Il a toutefois été souligné durant les auditions qu'il sera difficile de parvenir à une application uniforme du règlement par chaque État membre au même rythme. Un comité de l'espace européen avec des groupes de travail présidés par les États membres devra travailler à l'application des règles dans l'ensemble de l'Union. Il faudra aussi que les moyens financiers soient à la hauteur de l'ambition affichée, bien au-delà des 800 millions évoqués par la Commission.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la protection des données et je les rejoins sur l'importance de ce sujet. Il faut résoudre la tension entre l'exigence de protection des données et le besoin de fluidité pour leur utilisation dans le cadre de la recherche et de l'innovation.

L'espace européen des données de santé s'inscrit dans le cadre juridique défini par le RGPD, les finalités autorisées et interdites pour l'utilisation des données de santé sont ainsi explicitement mentionnées dans le projet de règlement. Je comprends les réticences liées à l'utilisation des données de santé, réticences que j'ai pu partager dans un premier temps, toutefois le règlement fournit un réel encadrement à cette utilisation.

Il faut également noter, premièrement, que la collecte des données de santé au niveau européen peut permettre d'améliorer la connaissance en matière de maladies rares et orphelines en agrégeant les données issues de l'ensemble des pays européens ce qui favorisera la conduite d'études pour trouver des traitements et des prises en charge à ces maladies.

Deuxièmement, il existe déjà aujourd'hui un partage de données de santé entre des pays de l'espace européen et des pays extra-européen, partage qui n'est pas réglementé. Ce règlement est donc une avancée dans la protection des données.

Ensuite, le sujet du stockage des données, qui est lié à la souveraineté, a été souvent évoqué lors des auditions. L'avis du comité européen de protection, avis partagé par la CNIL, est qu'il faut héberger les données au sein de l'Union européenne. Les auditions ont toutefois montré que cela était complexe. Il y a également d'autres enjeux autour du transfert des données et de la volonté de clouders français et européens d'être présents sur ce marché. Il est important de rester vigilant à ce sujet.

Les sanctions restent un point faible du texte. L'article 69 du règlement précise seulement que les États membres sont libres de déterminer les sanctions applicables aux violations constatées. Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de densifier le règlement sur ce point et notamment de définir des sanctions harmonisées au niveau européen pour ne pas créer de distorsions de marché.

S'agissant de la gouvernance, le projet de règlement prévoit la création d'un comité présidé par la Commission européenne accompagné de groupes de travail, lesquels seraient présidés par les États membres. Le Comité pourra publier des contributions écrites et fournir des bonnes pratiques sur les usages primaires et secondaires des données de santé. Au niveau national, le projet de règlement prévoit un traitement des réclamations des usagers, dont les modalités restent à éclaircir.

En conclusion, je pense qu'aujourd'hui ce règlement est indispensable et permettra d'avancer dans la sécurisation de nos données de santé et l'amélioration de notre santé au sein de l'Union. Les prochains mois vont nous permettre d'éclaircir les points que vous avez soulevés ce jour.

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Je voulais revenir sur les éléments que vous avez soulevés dans votre réponse. Un point qui pose question est la répartition des compétences entre l'Union et les États membres sur ce sujet dans la mesure où l'Union européenne n'a qu'une compétence d'appui et de coordination dans le domaine de la santé. Le règlement ne risque-t-il pas, au regard de sa portée, de méconnaître le principe de subsidiarité et de proportionnalité ? Ce point a-t-il été soulevé par les personnes entendues en audition ?

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Nous avons auditionné un certain nombre de parties prenantes et ce n'est pas un point qui a été soulevé. Il faudra effectivement le regarder de près.

III. Informations relatives à la commission

La Commission a nommé sur proposition du Président Pieyre-Alexandre Anglade :

– M. Alexandre Holroyd et Mme Marietta Karamanli, rapporteurs d'information sur la révision des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance ;

– Mme Lysiane Métayer et M. Thomas Ménagé, rapporteurs d'information sur le bilan des accords de libre-échange.

La séance est levée à 14 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Stéphane Buchou, Mme Annick Cousin, Mme Laurence Cristol, Mme Marietta Karamanli, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Thomas Ménagé, Mme Louise Morel, M. Charles Sitzenstuhl

Excusés. - M. Pierrick Berteloot, Mme Anne-Laure Blin, Mme Sophia Chikirou, Mme Lysiane Métayer, M. Frédéric Petit