Dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Xavier Albertini, les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne les entreprises.
Chers collègues, nous achevons cet après-midi l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Nous avons étudié neuf avis budgétaires, dont quatre se rattachant à la mission Économie : le commerce extérieur, les communications électroniques et l'économie numérique, l'économie sociale et solidaire et le tourisme. Il nous reste à discuter d'un cinquième et dernier avis relevant de la mission Économie, celui relatif aux entreprises, sur le rapport de M. Xavier Albertini.
Notre rapporteur s'est particulièrement intéressé cette année au soutien public aux industries électro-intensives (EI). Je précise que le vote sur les crédits de la mission Économie aura lieu à l'issue de l'examen de cet avis. Je rappellerai préalablement les avis donnés par les quatre autres rapporteurs ayant eu à se prononcer sur les crédits de cette mission.
L'avis budgétaire que je vous présente cet après-midi porte sur le programme 134 Développement des entreprises et régulation.
La programmation budgétaire pour 2023 propose de porter le montant des crédits de paiement à 2,279 milliards d'euros, soit une augmentation des ressources de 26,95 %.
Le principal déterminant de cette dynamique réside dans le renforcement des crédits d'intervention consacrés à la compensation carbone pour les industries électro-intensives, financée par l'action 23 Industrie et services. En l'occurrence, le dispositif devrait mobiliser 856 millions d'euros. La mesure répond à deux objectifs : d'une part, assurer la compensation des coûts indirects supportés au titre de l'exercice 2022 ; d'autre part, financer le versement d'une avance sur une partie des coûts indirects supportés par les entreprises en 2023. Sur le plan des effectifs, il convient de signaler le relèvement du plafond d'emploi de la direction générale des entreprises (DGE), avec l'apport de dix-neuf équivalents temps plein (ETP).
Le second déterminant de la progression des ressources du programme 134 tient à la revalorisation des dispositifs de soutien à l'export de l'action 07. En l'occurrence, il est prévu une forte hausse de la rémunération de BPIfrance assurance export, au titre des prestations réalisées pour le compte de l'État. On notera aussi le relèvement de la subvention pour charge de service public versée à Business France dans le cadre de la réforme des dispositifs de soutien à l'exportation.
Le niveau des ressources allouées au programme 134 reflète par ailleurs le rythme de croisière atteint par le financement de certaines prestations de La Poste. L'action 04 enregistre le maintien de la dotation budgétaire créée en 2022 au titre de la compensation des charges du service postal universel. L'enveloppe demeure fixée à 520 millions d'euros, conformément aux spécifications de l'avenant au contrat d'entreprises signé entre l'État et La Poste le 16 janvier 2022. La même stabilité prévaut en ce qui concerne les crédits relatifs à la mission d'aménagement du territoire assumée par La Poste. En revanche, la mission de transport et de distribution de la presse fait l'objet d'un abondement notable par rapport à 2022.
En dernier lieu, la programmation pour 2023 assure la préservation de la capacité d'action des organismes de régulation par la consolidation de leurs ressources. Pour ce qui concerne l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l'Autorité de la concurrence, elle propose en effet une augmentation modérée des crédits de fonctionnement, ainsi qu'un maintien des plafonds d'emplois. S'agissant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le PLF pour 2023 accorde des effectifs supplémentaires de l'ordre de quatre-vingt-quatre ETP, dont trente-quatre recrutés à titre temporaire, afin de mener les contrôles nécessaires à l'occasion de l'organisation et du déroulement des Jeux olympiques et paralympiques organisés à Paris en 2024.
De mon point de vue, il s'agit là d'autant de mesures utiles face à une hausse des prix qui bouleverse les repères et pèse sur les ressources des entreprises et des particuliers. J'émettrai donc un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 134.
Pour la partie thématique de mes travaux, j'ai choisi d'examiner l'efficacité du soutien public aux industries électro-intensives. Comme vous le savez, de manière courante, on distingue les électro-intensifs (EI) des hyper électro-intensifs (HEI). Ces deux catégories regroupent au total plus de 500 entreprises et emploient plus de 90 000 personnes. Elles ont ceci en commun de jouer un rôle fondamental dans les chaînes de valeur et d'être fortement exposées à la concurrence internationale. Je pense à des secteurs comme ceux du ciment, des plâtres et de la chaux, des métaux non ferreux, de la sidérurgie, de la chimie, des engrais, du papier carton, de l'aluminium.
Compte tenu de leur positionnement stratégique, elles bénéficient depuis plusieurs décennies d'un soutien de la puissance publique. Je crois cependant que nous ne pouvons plus nous en tenir à des dispositifs conçus pour des temps ordinaires. Au terme de mes travaux, je tiens en effet à formuler deux constats.
Le premier constat porte sur l'efficacité désormais très relative des instruments financiers employés face aux dérèglements d'une conjoncture exceptionnelle. Le soutien public aux EI et HEI fait appel, tout d'abord, à des mesures fiscales destinées à atténuer les charges inhérentes à une consommation importante d'électricité. Je fais référence, en premier lieu, à l'application de taux réduits d'accise sur l'électricité dans le cadre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et, en second lieu, à l'abattement sur le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE). D'autre part, le soutien public repose sur la mise en œuvre du dispositif de la compensation carbone. Plus de 300 sites en bénéficient chaque année depuis 2015.
À ces dispositifs qui forment ce que l'on appelle communément la « boîte à outils », s'ajoute depuis juillet 2022 une aide d'urgence destinée à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement en électricité, dans le contexte créé par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sous réserve de critères relatifs aux achats d'électricité et aux pertes engendrées par la hausse des cours de l'énergie, les entreprises peuvent prétendre à la couverture de 30 à 70 % de certains coûts éligibles. Les montants font l'objet de plafonds s'échelonnant de 2 à 50 millions d'euros.
Mon propos n'est pas de minorer l'intérêt de l'ensemble de ces dispositifs. Suivant un constat partagé, ils auront permis aux entreprises françaises de conserver des prix en rapport avec ceux pratiqués par la concurrence. L'ensemble des filières d'électro-intensifs réclament d'ailleurs le maintien de la boîte à outils. Elles plaident aussi pour un renouvellement rapide du dispositif de compensation carbone.
Les éléments que j'ai pu recueillir ne me portent pas à livrer un autre diagnostic. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, sur ces dispositifs, deux de mes recommandations appellent à des éclaircissements et à des simplifications.
Il en va ainsi de l'aide d'urgence mise en place pour remédier aux répercussions de l'invasion de l'Ukraine. À l'évidence, avec 50 millions d'euros accordés à la mi-septembre 2022, le dispositif peine à trouver son public, malgré les moyens dégagés pour l'accompagnement des demandeurs. C'est pourquoi j'appelle le Gouvernement à poursuivre ses efforts de simplification, en concertation avec la Commission européenne.
Dans un même souci d'efficacité, il conviendra de travailler à l'actualisation rapide de la compensation carbone, dans le cadre fixé par les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne pour la période 2022-2030. Leur mise en œuvre a suscité des appréciations divergentes sur des critères essentiels pour le calcul de l'aide versée. L'accord trouvé entre Paris et Bruxelles doit entrer en vigueur mais cela ne nous exonère pas d'une évaluation afin de prévenir toute distorsion de concurrence avec nos partenaires.
En vérité, la protection offerte aux EI et HEI français trouve ses limites face à l'envolée des cours de l'électricité. La conjoncture présente résulte de deux facteurs : d'une part, les répercussions de la forte hausse du prix du gaz sur le marché de l'électricité ; d'autre part, l'indisponibilité d'une partie substantielle du parc nucléaire français. Il en résulte que le prix de l'électricité menace d'atteindre un niveau prohibitif à partir de 2023. D'ores et déjà, des EI et HEI voient la part de l'énergie consommée dans leur chiffre d'affaires atteindre un niveau exorbitant et de nature à grever la marge opérationnelle dans certains secteurs industriels. Suivant la DGE, la part de l'énergie pourrait désormais atteindre 8 à 10 % du chiffre d'affaires. De surcroît, la compétitivité se dégrade et mon rapport fait état de productions en recul, voire d'arrêts d'usine.
De fait, les instruments de la boîte à outils n'exercent plus d'effet modérateur significatif. Pour les EI et les HEI, ce qui pèse désormais, c'est le coût de l'électron et le cours du carbone. D'où mon second constat, sur la nécessité d'un appui au renouvellement des conditions d'approvisionnement et de consommation des industries électro-intensives.
En premier lieu, il importe de concevoir des mécanismes de nature à favoriser une certaine régulation sur le marché de l'électricité. Nous mesurons tous les inconvénients que pouvait comporter l'alignement de l'évolution des prix de l'électricité sur celui du gaz. Les mécanismes de formation des prix ne permettent pas de faire bénéficier les consommateurs des coûts moyens les plus avantageux par rapport au prix du gaz. Ils ne contribuent pas à donner les signaux nécessaires à des investissements de long terme. Je réitère donc la proposition d'une réforme de l'organisation du marché de l'électricité, qui aboutirait à limiter la corrélation des prix avec le cours du gaz. Dans cette optique, je recommande d'évaluer la mesure adoptée par l'Espagne et le Portugal. Le dispositif vise à abaisser les coûts des intrants utilisés dans les centrales électriques alimentées par des combustibles fossiles afin de réduire leur coût de production et, en dernier ressort, le cours de l'électricité sur le marché de gros ibérique.
Il faut également veiller à la sécurité et à la constance de l'approvisionnement en énergie de nos EI et HEI. D'ici à ce que les énergies renouvelables (EnR) atteignent un stade de développement suffisant, cette exigence pose la question des conditions d'exploitation de l'énergie du parc nucléaire.
Vous le savez, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) devrait cesser d'exister à compter du 31 décembre 2025. Or il permet aux électro-intensifs de bénéficier d'un prix de l'électricité qui se rapproche du coût moyen de l'électricité en France. Malgré des aléas inhérents aux procédures d'écrêtement mises en œuvre en cas de demande supérieure à l'offre, l'Arenh fait partie des paramètres de l'activité des électro-intensifs. De fait, l'ensemble des représentants des filières auditionnées a plaidé devant le rapporteur pour un accroissement des volumes fournis.
Cette mesure ne va pas de soi. Elle comporte de multiples implications qui touchent à l'organisation de la fourniture d'électricité et au rôle d'EDF. Toutefois, l'incertitude paraît préjudiciable pour les électro-intensifs et les pouvoirs publics devront offrir une certaine visibilité quant aux options qui pourront être retenues.
En second lieu, il nous faut favoriser le développement des contrats à long terme afin de sécuriser la fourniture d'électricité aux EI et HEI. À ce jour en effet, le consortium Exeltium demeure la seule initiative véritablement significative pour la réflexion sur le développement des contrats à long terme. Le consortium lie aujourd'hui vingt-sept actionnaires-clients à EDF en vue de la fourniture d'électricité à tarif préférentiel sur la période 2011-2034. Ainsi que le montre l'avis, Exeltium a pu pâtir de difficultés de financement, ainsi que de clauses contractuelles ne contribuant pas à une convergence des intérêts. Il suscite des appréciations plus que mitigées du point de vue des tarifs obtenus. L'expérience d'Exeltium ne saurait conduire à dénier tout intérêt à l'établissement de consortiums, pas plus qu'à la conclusion de contrats de long terme.
Si l'on dénombre aussi peu de conventions, ce n'est pas du fait des contraintes juridiques, mais du calcul d'opportunité. S'agissant de l'électricité nucléaire, l'Arenh limite l'intérêt de ce type d'instrument, tant pour les entreprises fortement consommatrices que pour EDF. Dans une certaine mesure, le développement des énergies renouvelables modifie quelque peu les termes de l'équation. Des initiatives émergent par le biais de contrats d'achats d'électricité. Or, la question se pose des garanties qui entourent l'exécution des contrats, du point de vue des contreparties que peuvent offrir les développeurs d'énergies renouvelables en termes de capacités de production. Il existe aussi parfois des interrogations sur la solidité financière de certaines entreprises fortement consommatrices d'électricité. Cette incertitude peut contrarier l'investissement d'EDF, mais également des fournisseurs alternatifs et des développeurs d'ENR
Il nous faut remédier à cette difficulté en sécurisant les dispositifs au plan juridique, mais aussi au plan financier. Je propose donc d'examiner la possibilité pour l'État d'apporter une garantie publique destinée à garantir des défaillances structurelles des entreprises consommatrices à des contrats de long terme en matière d'achat d'électricité.
En dernier lieu, il nous faut appuyer les efforts de sobriété énergétique des industries électro-intensives. Je rappelle que, d'après un scénario de référence élaboré par Réseau de transport d'électricité (RTE), la consommation électrique des EI et des HEI devrait croître de 66 % entre 2019 et 2050. Cette perspective impose deux choses. La première est d'accompagner la modernisation des outils de production, afin de favoriser la décarbonation. L'avenir est à l'électrification de la production et cet investissement a un coût. Je recommande donc de soutenir les investissements contribuant à la décarbonation et à la modernisation des outils de production des industries électro-intensives. La seconde est de mieux rémunérer la participation aux procédures destinées à assurer la pérennité du réseau électrique.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 134.
Déjà déstabilisées par une crise sanitaire sans précédent, nos entreprises souffrent désormais d'une augmentation du prix des matières premières, notamment de l'énergie, à la suite de l'agression russe contre l'Ukraine. Les ménages en souffrent aussi.
Certains de nos collègues exigent une augmentation générale des salaires et 30 000 personnes ont manifesté en ce sens à Paris ce week-end. Pourtant, nous savons bien qu'une hausse générale des salaires ne se décrète pas. Nos entreprises, en effet, ne sont pas toutes dans la même situation. Certaines réalisent des profits et peuvent les partager avec leurs employés sous la forme de primes ou d'augmentations de salaires. D'autres doivent être aidées par l'État : c'est le cas des entreprises électro-intensives, avec la compensation carbone. L'État ne peut pas imposer une augmentation salariale à toutes les entreprises ; il risquerait de porter atteinte à la compétitivité de notre économie et au dialogue social.
Ma question sera double. D'abord, estimez-vous que les aides apportées par l'État à nos entreprises constituent une réponse adaptée aux défis actuels et à la nécessité indirecte de protéger le pouvoir d'achat des Français ? Ensuite, puisque vous suggérez d'appliquer la recette espagnole de plafonnement des prix du gaz, je rappellerai qu'en Espagne et au Portugal, s'il est vrai que ce plafonnement a eu un impact direct sur le prix de gros du gaz, en revanche, pour les particuliers, ce mécanisme n'a pas pu empêcher une très forte augmentation des factures de gaz et d'électricité. Avez-vous pris en compte toutes ces données pour aboutir à cette recommandation ?
Même si les mesures d'accompagnement – la « boîte à outils » – ont porté leurs fruits pendant un certain temps, il me paraît important d'adapter les dispositifs à l'évolution de la situation énergétique. Vous m'interrogez sur la situation des ménages, mais ce n'est pas l'objet de ce rapport.
Les entreprises espagnoles et portugaises ont tiré profit des mesures prises : leur compétitivité s'est accrue et, surtout, elles ont gagné des parts de marché, au détriment des entreprises françaises, ce qui peut avoir des effets à long terme sur le marché international.
Le programme 134 doit permettre d'instaurer les conditions idéales pour, d'une part, favoriser la compétitivité des entreprises, et, d'autre part, garantir l'établissement d'un environnement propice à la croissance et à l'emploi.
L'industrie est un secteur clé pour notre pays et nous devrions tout mettre en œuvre pour la sauver. Les quelques mesures prévues dans ce PLF paraissent insuffisantes, compte tenu des menaces qui pèsent sur l'industrie française. Ce PLF semble reléguer au second plan la question industrielle, alors que cette dernière devrait être au cœur des débats.
Le coût de l'énergie était, jusqu'à présent, l'un de nos rares avantages compétitifs, mais nous l'avons perdu en quelques années. Le manque d'investissements dans le parc nucléaire français, auquel s'ajoutent les conséquences ravageuses du marché de l'électricité interconnecté au niveau européen, a porté un coup terrible à nos acteurs industriels français. Nous sommes déjà l'un des pays les plus désindustrialisés d'Europe, ce qui n'empêche pourtant pas les délocalisations de se multiplier. Les gouvernements qui se succèdent depuis une trentaine d'années font preuve d'un criant manque de lucidité et j'ai bien peur que ce budget soit dans le prolongement de cette dynamique négative.
En face, nos concurrents font preuve de beaucoup plus de pragmatisme. L'Allemagne est sur le point d'enclencher un plan de 200 milliards d'euros pour sauver ses usines. La Chine et les États-Unis, qui sont bien moins touchés par la montée des prix des énergies, vont devenir encore plus attractifs pour les industriels présents en France qui souhaitent se délocaliser. L'industrie doit avoir une place centrale dans un pays comme le nôtre. Elle est essentielle pour redynamiser nos territoires, pour créer de l'emploi et pour ajuster notre balance commerciale.
Comparativement à d'autres pays, comme l'Allemagne, notre Gouvernement a-t-il bien fait le maximum pour sauver notre industrie ? La santé économique de notre pays ne s'améliorera pas sans réindustrialisation. Or j'ai malheureusement le sentiment que jamais le made in France n'a été autant en danger.
J'ai posé une question au Gouvernement relative à la désindustrialisation aujourd'hui même. Le ministre chargé de l'économie a rappelé les mesures prises en faveur de la réindustrialisation depuis cinq ans : la baisse des impôts de production, la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le plan de relance et, surtout, le plan France 2030.
S'agissant des aides, j'ai rappelé qu'une enveloppe de 50 millions d'euros a bénéficié à 500 entreprises, environ. On m'a fait part, au cours des auditions, de difficultés d'accès ou d'éligibilité à un certain nombre d'aides. Une nouvelle enveloppe, avec des conditions d'éligibilité différentes, sera disponible au dernier trimestre 2022.
Ce Gouvernement est au service des grandes entreprises, il prend des milliards dans la caisse publique pour servir les intérêts privés des actionnaires et de quelques dirigeants qui bénéficient de subventions publiques directes et de réductions fiscales massives. D'après une étude du centre lillois d'études et de recherches sociologiques, les grandes entreprises reçoivent 157 milliards d'euros de la part de l'État chaque année. L'éducation et la santé auraient besoin que leurs crédits augmentent autant que ceux de la mission Économie – à hauteur de 27 %.
Du reste, contrairement au discours officiel, l'augmentation des crédits de la mission Économie ne permettra ni de créer des emplois, ni de faire progresser nos entreprises dans la voie de la bifurcation écologique, ni même de les rendre plus compétitives. Les organismes en charge des contrôles et de l'application des lois bénéficient à peine de quelques augmentations : entre 1,4 % pour l'Arcep et 3 % pour la DGCCRF. Une part massive des crédits supplémentaires alloués à la mission Économie va servir à la « compensation carbone des sites très électro-intensifs », c'est-à-dire aux EI et aux HEI. Au total, 856 millions d'euros financeront 300 sites.
Cela pose deux problèmes majeurs. D'abord, nous ne sommes pas d'accord pour que l'État compense la taxe carbone due par des entreprises qui ont un impact écologique négatif. Cette prise en charge est contraire au principe de responsabilité environnementale. Ensuite, nous n'acceptons pas que cette aide de l'État suive le cours de la tonne carbone, qui s'élève désormais à près de 90 euros : c'est la seule hausse de prix qui est entièrement compensée par l'État. Comment est-il possible que l'on prévoie encore de telles sommes, dans le PLF pour 2023, pour garantir l'irresponsabilité environnementale des entreprises les plus polluantes ?
On est à la fois dans l'indécence et le double discours, et surtout dans l'absence totale de volonté politique d'agir pour la planification écologique. Le système, la « boîte à outils », comme vous l'appelez, est absurde. Il est coûteux en argent public et met en péril les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Vos recommandations vont dans le bon sens : il importe effectivement de repenser tout le système, dans la durée. Or ce n'est pas ce que fait ce PLF, où l'austérité s'applique à tout le monde, sauf à ceux qui peuvent continuer de polluer en toute impunité.
Vous dites que les aides de l'État bénéficient à l'actionnariat privé mais, en réalité, ce sont 500 entreprises qu'elles soutiennent, et 90 000 salariés. Si ces entreprises ne bénéficiaient pas de cet accompagnement, cela aurait des conséquences non négligeables en matière de salaire. Il semble donc nécessaire, dans des limites acceptables, de soutenir la compétitivité de ces entreprises.
Vous évoquez des difficultés dans ces secteurs, mais ces activités, qui créent de l'emploi, ont contribué à faire baisser significativement le chômage, qui a été ramené à 5,5 % et elles connaissent une croissance globale de 7 %, en rattrapage de 2021 sur 2020. Enfin, nous avons vraiment la volonté de moderniser ces EI et ces HEI, et de les décarboner, mais cela ne se fait pas en un jour, dans la mesure où c'est relativement complexe et coûteux. Voilà pourquoi il m'apparaît nécessaire de les soutenir.
Vous dites qu'il importe de maintenir la compensation carbone au maximum. Pourtant, l'envolée du prix du CO2 n'est pas sans poser des problèmes. Cette compensation carbone est votée chaque année en PLF et son montant s'accroît, alors qu'on est dans un contexte de rigueur budgétaire. Elle est régulièrement contestée, au titre des aides aux énergies fossiles. Enfin, son versement n'étant pas anticipé, elle fait peser une lourde contrainte sur la trésorerie des entreprises bénéficiaires. La mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne vise sa diminution progressive jusqu'à sa suppression en 2030. Si la politique énergétique avait été différente sous le précédent quinquennat, la compensation carbone serait moins lourde.
J'en viens aux moyens attribués à l'accompagnement des entreprises. Le plafond des ressources affectées aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) a été amputé de 350 millions d'euros en 2017. Alors qu'en 2012 le réseau connaissait une baisse significative et régulière de ses ressources fiscales, ce plafond était alors de 1,38 milliard. Il a été réduit à 575 millions en 2020 et à 400 millions en 2022. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour renouer le dialogue avec les CCI ? Comment leur donner une visibilité sur leurs moyens budgétaires à long terme ?
Enfin, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), qui permettait d'accompagner les artisans et les commerçants de proximité, a été supprimé sous le précédent quinquennat, alors qu'il était extrêmement utile. L'été 2022 a été ravageur et a vu un grand nombre de fermetures d'entreprises. Ne considérez-vous pas que supprimer le Fisac a été une erreur et qu'il serait intéressant de créer un outil similaire ?
Les CCI ne relèvent pas du programme 134, au sens strict, pas plus que le plan Action Cœur de ville, qui a le même objet que le Fisac.
Au cours de l'été 2022, les tribunaux de commerce ont plutôt constaté une forte diminution des dépôts de bilan.
Enfin, je préconise dans mon rapport d'améliorer le versement de certains dispositifs d'aides : nous nous retrouvons sur ce point.
L'hiver à venir suscite des inquiétudes, relatives à nos capacités de production d'énergie et au coût de celle-ci. Si toutes les entreprises sont touchées par cette crise énergétique et inflationniste, les entreprises électro-intensives le sont particulièrement.
La France en compte plus de 500, dans des secteurs stratégiques : la sidérurgie, la fonte, le papier carton, mais aussi la chimie, les matières plastiques, les panneaux de bois ou encore les fibres textiles. Elles fournissent elles-mêmes des secteurs sensibles, comme la défense ou la santé.
Or, malgré les aides déjà introduites par l'État, de nombreux industriels s'interrogent sur l'hiver à venir : vaut-il mieux continuer à produire ou s'arrêter ? Et s'il faut s'arrêter pour économiser de l'énergie, pour combien de temps ? On ne redémarre pas aussi facilement des fours de fusion que des voitures. Toutes ces inquiétudes soulèvent, par ricochet, de nombreuses autres interrogations sur la possibilité de recruter, de maintenir des équipes, de réaliser des investissements.
Ma question concerne les entreprises qui n'ont pas encore signé de contrat pour l'année 2023. De quel soutien bénéficieront-elles ? Que faire pour aider nos entreprises exposées à la concurrence internationale, notamment américaine et chinoise, alors que ces pays ne connaissent pas la même explosion des coûts de l'énergie ?
Notre groupe votera les crédits de cette mission essentielle pour l'avenir de notre souveraineté et de notre indépendance industrielle.
Nous sommes dans une période de transition. L'arrêt de certaines productions peut conduire, je l'ai dit, à des pertes de marges, voire à un arrêt de l'activité. Vos interrogations sont légitimes.
Plusieurs dispositifs sont encore en vigueur : la « boîte à outils », l'Arenh et l'accélération de la compensation carbone dans les meilleures conditions pour l'ensemble des entreprises. Mais nous sommes dans une phase de transition. Il importe de sécuriser notre approvisionnement électrique sur le long terme.
Depuis 2020 et la pandémie, nos entreprises vont de crise en crise. Nombre d'entre elles sont très affaiblies, au moment où il faut faire face à une augmentation du coût de l'énergie. Les EI et les HEI sont les plus exposées. Vous avez rappelé les dispositifs d'aide existants, notamment la compensation carbone et le dispositif conjoncturel mis en œuvre par le Gouvernement pour celles dont l'excédent brut d'exploitation (EBE) est particulièrement impacté. Mais force est de constater que cela ne suffit pas, comme mon groupe a pu l'évoquer à propos de la société Arc International, par exemple. Il nous faut donc aller plus loin, notamment pour les secteurs les moins aidés.
J'ai eu l'impression que vous dénonciez, comme nous, l'absurdité de la formation des prix sur le marché de l'électricité. Ce sujet est d'abord européen, mais est urgent que le Gouvernement prenne cette question à bras-le-corps.
Concernant les mécanismes de maîtrise des prix, qu'il semble nécessaire de privilégier, comment envisagez-vous la fin de l'Arenh ? L'Arenh ne mériterait-il pas d'être fléché différemment ? Ne faudrait-il pas en faire sortir les entreprises qui n'ont absolument pas besoin d'être aidées et venir davantage en aide aux petites entreprises et aux collectivités ? Dans l'immédiat quels sont les outils qui vous semblent les plus adaptés pour soutenir les entreprises qui ne sont ni EI, ni HEI ?
Je n'ai pas évoqué « l'absurdité de la formation des prix », j'ai simplement noté que l'évolution de la structuration du prix ne répondait plus à la situation exceptionnelle que nous connaissons. Des changements s'imposent. S'agissant de la fin de l'Arenh, j'ai évoqué l'expérience d'Exeltium, qui peut être une piste. En tout cas, toutes les options sont sur la table. Avec notre parc nucléaire, nous pouvons aboutir à un mix énergétique qui garantisse la stabilité, la visibilité et la sécurisation de notre approvisionnement en électricité. La composition du prix se fera en conséquence.
Il n'a pas été question de La Poste, qui joue pourtant un rôle essentiel dans la structuration de l'aménagement du territoire dans de nombreuses régions de France.
Le marché de l'énergie ne fonctionne pas comme il faut. Il favorise les situations oligopolistiques et la spéculation. Si nous voulons mettre un peu d'ordre, nous devrons le faire au niveau européen, mais il ne faut pas tarder. J'ai l'impression que l'État français essaie de faire au mieux pour boucher les voies d'eau dans le navire, mais il prend encore l'eau.
La politique que nous menons consiste à soutenir nos entreprises, parce que nous n'avons pas le choix. Nous n'allons pas les laisser disparaître, ni laisser nos concurrents étrangers prendre les marchés. Toutefois, cette politique ne me semble pas durable à moyen terme pour nos finances publiques, avec un budget en déficit de 150 milliards d'euros. Il va falloir, à un moment donné, faire autrement. Vous avez parlé de la production d'électricité, des EnR, mais quelle est la porte de sortie ?
S'agissant du marché de l'énergie, l'équation est complexe. M. Bruno Le Maire a évoqué en septembre une rencontre avec ses homologues européens ; il faudra un peu de temps pour parvenir à un consensus, puisque nous devons suivre des règles européennes. S'agissant du mix énergétique, je me garderai de toute préconisation, ce sujet étant éminemment complexe.
Pour prolonger le débat qui a eu lieu dans l'hémicycle, que pensez-vous de l'idée qui circule de plafonner les revenus des producteurs d'électricité à 180 euros par mégawattheure ? Ce dispositif pourrait aider à la fois les particuliers et les entreprises. Mais sans doute cette question est-elle extérieure au champ de votre rapport.
En effet. Pour revenir à la question que vous m'avez posée au sujet des aides dont peuvent bénéficier les entreprises qui ne sont ni EI, ni HEI, les dispositifs d'aides exceptionnelles que j'ai évoquées les concernent aussi. La vraie question est la capacité d'accès à ces aides et leurs conditions d'éligibilité.
Nous allons procéder au vote sur les crédits de la mission Économie. Je rappelle les avis émis par les quatre autres rapporteurs pour avis : Mme Virginie Duby-Muller (Tourisme) a émis un avis de sagesse ; Mme Sophia Chikirou (Économie sociale et solidaire), un avis défavorable, MM. Hervé de Lépinau (Commerce extérieur) et Aurélien Lopez-Liguori (Communications électroniques et économie numérique), un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Économie modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17 h 15
Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, Mme Maud Bregeon, Mme Françoise Buffet, Mme Sophia Chikirou, M. Dino Cinieri, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Johnny Hajjar, M. Guillaume Kasbarian, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Molac, Mme Louise Morel, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, M. Stéphane Travert, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta
Excusés. – M. Perceval Gaillard, Mme Mathilde Hignet, M. Sébastien Jumel, M. Paul Midy