COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 3 avril 2024
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 16 heures 32.
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition en qualité de ministre délégué chargé de l'Europe, afin de vous entendre sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 mars 2024.
Ce sommet a permis d'affirmer plusieurs éléments qui me semblent importants. Le premier est le soutien indéfectible de l'Union européenne à l'Ukraine, qui se traduit par l'engagement très fort de fournir toute l'assistance militaire nécessaire, notamment 1 million d'obus d'artillerie, dans l'idée que ce soutien pourrait être – en partie du moins – financé par les recettes provenant d'avoirs russes gelés. Un autre élément, étroitement lié au précédent, est la détermination des États membres à affirmer leur souveraineté en matière de défense, en s'engageant résolument dans la voie d'un renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Le Conseil européen a également repris et avalisé plusieurs orientations en matière agricole, directement issues des idées et positions françaises, en particulier la simplification de la PAC (politique agricole commune) et surtout le renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne agroalimentaire, pour leur assurer un revenu équitable. C'est le fameux Egalim européen évoqué par le Président de la République.
Voilà quelques-uns des thèmes traités lors de ce sommet, qui a également abordé des sujets liés aux négociations d'élargissement. Nous aurons à examiner la semaine prochaine le rapport d'information très attendu de nos collègues Pierre-Henri Dumont et Liliana Tanguy sur les négociations d'adhésion avec les pays des Balkans.
Deux éléments distinguent ce sommet du printemps d'autres sommets du Conseil européen. D'abord, il a principalement porté sur les sujets de sécurité et de défense, ainsi que sur les questions relatives à l'Ukraine, alors que le Conseil du printemps se consacre traditionnellement à des questions économiques. Ensuite, il s'est terminé beaucoup plus rapidement que d'habitude, ce qui témoigne d'une forme de convergence de vue des Européens.
Premièrement, on retrouve, dans les conclusions du Conseil européen, la notion de préférence européenne dans la présentation de la Facilité européenne pour la paix (FEP), qui avait fait l'objet, quelques jours avant le Conseil, d'un nouvel accord et dont le compartiment consacré au remboursement des achats conjoints est désormais réservé à la base industrielle et technologique de défense européenne. Cela n'allait pas de soi, beaucoup de pays étant très attachés à ce que cet instrument de financement soit dédié intégralement au soutien militaire et à l'approvisionnement en munitions de l'Ukraine, quel que soit le lieu de production de ces équipements ou de ces munitions. Il a fallu beaucoup peser pour obtenir ce résultat.
Les Vingt-Sept ont également exprimé un satisfecit à l'égard de la communication du 5 mars de la Commission sur le programme européen pour l'industrie de la défense et sur la stratégie industrielle européenne de défense, qui intègrent de manière organique cette préférence européenne. La France en a fait la promotion, considérant que la crédibilité de notre soutien militaire à l'Ukraine dépend de celle de notre base industrielle et technologique de défense européenne, c'est-à-dire de notre capacité à produire nous-mêmes des armes, des équipements militaires et des munitions.
Deuxième élément de satisfaction : on retrouve, dans les conclusions du Conseil européen, un terme qui consacre l'ambiguïté stratégique à laquelle de nombreux États membres et non-membres de l'Union se sont ralliés, à la suite de la conférence internationale du 26 février. Le soutien « aussi longtemps qu'il le faudra », déjà affirmé dans plusieurs déclarations, est précisé par une nouvelle expression : « aussi intensément que nécessaire ». Cette formule témoigne d'une montée en puissance dans l'expression du soutien de l'Union européenne à l'Ukraine.
Troisième élément de satisfaction : la question du financement. C'est bien beau de vouloir soutenir l'émergence de cette base industrielle et technologique de défense, mais encore faut-il pouvoir financer cet effort, ainsi que le soutien militaire à l'Ukraine. De ce point de vue, nous avons trois satisfactions à tirer des conclusions du Conseil européen. D'abord, on s'aperçoit que la mobilisation des profits d'aubaine tirés des actifs russes gelés est désormais fléchée vers le soutien militaire à l'Ukraine. Ensuite, les Vingt-Sept s'accordent sur une injonction – ou en tout cas sur une invitation très ferme – à la Banque européenne d'investissement (BEI) d'étendre son mandat aux activités militaires, ce qui ne lui était pas permis jusqu'à présent. Enfin, les Vingt-Sept mandatent la Commission européenne pour leur présenter, au Conseil européen du mois de juin, un rapport sur toutes les solutions possibles pour financer le soutien militaire à l'Ukraine et, plus généralement, l'émergence de la base industrielle et technologique de défense européenne.
Quatrième et dernier élément de satisfaction : les Vingt-Sept dénoncent unanimement les élections tenues dans les territoires occupés. L'Union européenne dit qu'elle ne les reconnaît pas et qu'elle ne les reconnaîtra jamais.
J'en viens au deuxième chapitre, celui de l'élargissement, qui a aussi fait l'objet d'âpres débats, un certain nombre d'États membres souhaitant que le processus s'accélère, s'agissant notamment de la Bosnie, sur le fondement d'un rapport publié par la Commission européenne quelques jours auparavant, et indiquant que les quatorze points identifiés au mois d'octobre 2023 avaient été traités. L'analyse de la France était moins positive que celle de la Commission. Cela nous a conduits, avec d'autres États membres, à veiller à ce que les conclusions de ce Conseil européen, ouvrant officiellement les négociations d'adhésion avec la Bosnie, spécifient explicitement que la prochaine étape, à savoir l'ouverture effective de ces négociations avec l'adoption à l'unanimité du cadre de négociation, a conditionné à l'atteinte par la Bosnie d'un certain nombre d'objectifs. Nous considérons en effet que ce processus d'adhésion doit rester fondé sur les mérites propres des pays candidats, c'est-à-dire sur un franchissement des étapes qui les rapprochent de nos standards en matière d'État de droit, d'indépendance de la justice, de liberté de la presse ou encore de lutte contre la corruption.
Troisième chapitre : la situation au Proche-Orient. Nous ressortons de ce Conseil européen avec la première expression complète et substantielle des Vingt-Sept sur le conflit à Gaza, qui comporte à la fois l'appel à une trêve humanitaire immédiate entraînant un cessez-le-feu durable, la libération inconditionnelle des otages, l'appel au gouvernement d'Israël à s'abstenir de toute intervention à Rafah ; l'appel à ouvrir tous les canaux d'acheminement de l'aide humanitaire, le traitement de la question du soutien à l'Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), et les sanctions à l'égard des responsables du Hamas ou des colons extrémistes violents. C'est la première fois que les Vingt-Sept s'accordent sur une déclaration commune qui embrasse tous les sujets relatifs à la situation au Proche-Orient. Cela va au-delà de ce que nous espérions au moment d'entrer dans les discussions.
J'en termine avec le quatrième chapitre, celui de l'agriculture, que le président évoquait à l'instant. Les Vingt-Sept expriment leur satisfaction d'avoir vu la Commission présenter ses mesures de simplification en matière de déploiement de la politique agricole commune. Nous sommes satisfaits qu'apparaissent, dans les conclusions du Conseil, la protection et la préservation du revenu des agriculteurs. Il s'agit, si l'on peut dire, du premier pas vers une européanisation du principe de l'Egalim que la France et le Président de la République appelaient de leurs vœux.
L'Europe est l'essence même de notre engagement au sein de la majorité, et cet attachement profond est incarné par le Président de la République, qui assume depuis 2017 une ambition réformatrice sans faille pour notre Europe. Aux côtés de ses vingt-six homologues au Conseil européen, il incarne un leadership déterminant, qui engage des débats cruciaux afin de façonner un avenir prometteur pour nos concitoyens européens.
Les récentes années n'ont pas été simples pour notre continent et le contexte géopolitique actuel présente des défis majeurs. Face à la crise sanitaire que nous avons connue, à l'agression russe contre l'Ukraine, au conflit au Proche-Orient, ou encore au risque d'une réélection de Donald Trump aux États-Unis, il devient vraiment impératif de réformer nos institutions pour répondre aux menaces extérieures et éviter toute paralysie européenne.
Il est évident que le destin de l'Ukraine, de la Moldavie, ainsi que des pays des Balkans occidentaux est européen. Ces nations et leurs dirigeants ont fait preuve d'un courage exemplaire et d'une aspiration profonde à rejoindre notre union. J'en ai été témoin, il y a un an, lorsque j'ai accompagné Laurence Boone à l'occasion d'un déplacement en Bosnie-Herzégovine et en Moldavie. J'ai constaté combien ces peuples ont tous un profond désir d'Europe, et souvent un profond désir de France.
Nous nous accordons sur le fait que, pour accueillir de nouveaux pays en son sein, l'Europe doit se réformer. Bien sûr, une telle entreprise ne pourra pas se réaliser du jour au lendemain, mais il est essentiel de manifester notre soutien politique aux pays qui aspirent à rejoindre l'Union européenne.
Le Conseil européen des 21 et 22 mars a envoyé un signal positif à la Bosnie-Herzégovine, tout en saluant les progrès réalisés par l'Ukraine et par la Moldavie sur la voie de l'adhésion à notre union. Toutefois, l'ouverture effective des négociations demeure conditionnée – et c'est normal – au respect d'exigences. En ce sens, Monsieur le ministre, quelles mesures générales l'Union européenne envisage-t-elle de prendre pour soutenir et pour accompagner les pays candidats dans ce processus de réforme et de préparation à l'adhésion ? Par ailleurs, la France a-t-elle défini des critères clefs en matière de réformes internes et de conformité aux valeurs européennes ?
Lors de la dernière réunion du Conseil européen, qui s'est tenue les 21 et 22 mars 2024, les chefs d'État et de gouvernement ont évoqué « les préparatifs en vue de l'élargissement », ainsi que « les négociations d'adhésion avec la Bosnie-Herzégovine » sur la base de la recommandation de la Commission du 12 mars 2024. Vous soutenez, au Parlement européen, la volonté de la Commission d'élargir l'Union européenne à la région des Balkans ; mais aucun pays ne sera renforcé d'une mise en concurrence avec ces pays où le salaire moyen ne dépasse pas 800 euros par mois – 780 dans le cas de la Bosnie. De nombreux peuples européens font face à des défis économiques majeurs, et l'intégration de ces pays ne pourrait qu'aggraver leurs difficultés. Ces régions continuent de compter parmi les routes d'immigration illégale les plus empruntées, avec plus de 100 000 passages en 2023. Le Rassemblement national continuera à s'opposer, conformément à la volonté des peuples et à celle des Français, à tout élargissement de l'Union européenne – aux Balkans, à l'Ukraine ou encore à la Turquie.
Quel est l'état d'avancement des réformes entreprises par ces pays candidats – par la Bosnie en particulier – au regard, notamment, de la question de la corruption ?
Le sujet de l'agriculture, autre préoccupation majeure de nos compatriotes, était également inscrit à l'ordre du jour de cette réunion du Conseil. Pendant que la Commission continue à vouloir multiplier les accords de libre-échange, au détriment des productions nationales et de la préservation de la souveraineté des États membres, nos agriculteurs ne cessent de subir les nombreuses normes imposées par Bruxelles, avec votre soutien indéfectible. Je regrette le rejet, ce jour, par notre commission, d'un moratoire sur le libre-échange. Une production nationale, passant par le localisme et le patriotisme économique, est possible : il faut la défendre à Bruxelles. Marine Le Pen soutenait déjà de telles mesures lors de la dernière élection présidentielle, et nous les inscrirons dans notre projet pour les élections européennes du 9 juin. La préservation de notre agriculture passera par la lutte contre les atteintes que l'Union européenne veut y porter.
Quelles mesures allez-vous défendre auprès des dirigeants européens pour préserver notre modèle agricole français des décisions déconnectées et de l'écologie punitive de Bruxelles ?
Ces six derniers mois, chaque jour apporte son lot d'horreurs commises par le gouvernement d'extrême droite israélien contre les Palestiniens et les Palestiniennes à Gaza. Aux meurtres de plus de 32 000 personnes dont plus de 13 000 enfants – certains intentionnellement pris pour cible par de prétendus tireurs d'élite –, aux destructions massives d'infrastructures civiles, aux déplacements massifs de population, à la famine organisée menaçant à très court terme plus de 1 million de personnes, se sont ajoutés, ces derniers jours, la destruction de l'hôpital Al-Shifa et l'assassinat ciblé de sept humanitaires internationaux. Il aura fallu attendre le 28 février dernier pour que, à l'initiative notamment de Manon Aubry, le Parlement européen adopte une résolution appelant à un cessez-le-feu, mais sans qu'aucune mesure ne soit prise pour le rendre effectif. Les pays européens en ont pourtant la responsabilité morale, historique et juridique, à la suite notamment du jugement rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) – dont la majorité reconnaît la compétence – déclarant l'existence, à Gaza, d'un risque plausible de génocide à l'encontre du peuple palestinien.
Les pays européens en ont aussi, et surtout, les moyens. L'Union européenne a toujours manifesté son attachement au respect des droits humains, attachement censé se refléter dans les accords qu'elle signe avec les pays tiers. L'accord d'association UE-Israël, entré en vigueur en juin 2000 et permettant de renforcer les échanges commerciaux entre les deux parties, rappelle ainsi que ses dispositions « se fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques ». Selon toutes les organisations internationales et nationales, onusiennes et non gouvernementales, Israël commet à Gaza des violations répétées des droits humains, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité voire, comme l'a indiqué la CIJ, un génocide.
L'UE, qui compte pour 28 % dans ses échanges de marchandises, est le premier partenaire commercial d'Israël : la dénonciation et la suspension de l'accord qui les lie créeraient donc indéniablement un rapport de force, indispensable pour contraindre Israël au respect des injonctions de la CIJ et du Conseil de sécurité de l'ONU. Le 13 mars dernier, 195 organisations de la société civile européenne et internationale ont adressé un courrier à Ursula von der Leyen, ainsi qu'aux principaux responsables des institutions européennes, pour demander la suspension de cet accord. On peut y lire que : « Ce qui se passe actuellement à Gaza est la conséquence d'un échec politique et moral de la communauté internationale. La suspension de l'accord d'association en raison de la violation des clauses de l'accord relatives aux droits humains enverrait un message fort : l'engagement de l'UE en faveur des droits humains n'est pas qu'une simple rhétorique. »
Qu'a donc entrepris la France auprès de ses partenaires, lors de la réunion du Conseil, afin d'obtenir une dénonciation et une suspension de cet accord, si elle l'envisage ? Et si elle ne l'envisage pas, pour quelles raisons ? Le Gouvernement et le Conseil ont-ils conscience qu'en ne prenant pas ces mesures ils affaiblissent irrémédiablement la parole française et européenne auprès des citoyens de ce continent, mais aussi à travers le monde ?
Je voudrais revenir sur le processus d'adhésion des pays des Balkans occidentaux, en particulier sur le cas de la Bosnie-Herzégovine. Faites-vous d'une transformation constitutionnelle – ou plutôt de la création d'une constitution – un préalable à son adhésion ? Son régime constitutionnel n'est aujourd'hui qu'une annexe aux accords de Dayton, ce qui la rend totalement ingouvernable. C'est une fédération coupée en deux parties. L'une comprend dix cantons, dont certains ne comptent que 30 000 habitants, disposant chacun d'un droit de veto : un seul d'entre eux peut donc bloquer toute réforme. L'autre, la Republika Srpska, est sous l'influence de Belgrade, elle-même sous influence russe, et prend de plus en plus de distance avec la Fédération de Bosnie-Herzégovine, comme on a pu le voir avec l'adoption récente d'une loi y instaurant un système électoral spécifique. Il semble donc de plus en plus urgent que la Bosnie-Herzégovine se dote d'une constitution pour y stabiliser la démocratie. La France en fait-elle une condition préalable à toute adhésion ?
La France a pris beaucoup de retard dans la région, en comparaison notamment de l'Autriche ou de l'Allemagne : les locaux de la représentation de l'Union européenne à Sarajevo se trouvent, par exemple, dans ceux de l'ambassade d'Allemagne. N'avez-vous pas peur que l'adhésion de ces pays des Balkans occidentaux n'affaiblisse la place de la France au sein de l'Union européenne, en particulier au Conseil, ou quand il faudra prendre de grandes décisions – et plus encore si l'on passait à la majorité qualifiée ?
La réunion du Conseil européen des 21 et 22 mars s'est conclue sur des décisions fortes au plan géopolitique : réaffirmation du soutien indéfectible des vingt-sept pays de l'Union européenne à l'Ukraine, accroissement des capacités militaires de l'Union, et appel à une trêve humanitaire immédiate conduisant à un cessez-le-feu à Gaza.
Le groupe Démocrate a toujours été très clair sur son soutien indéfectible au peuple ukrainien, sur le plan politique, économique et humanitaire. Cela passe par une aide militaire renforcée, les systèmes de défense aérienne, les munitions et les missiles permettant de faire face à l'offensive russe. Sur le sol ukrainien, ce sont bien les valeurs de la liberté, du respect de l'État de droit, de la souveraineté nationale qui sont attaquées – nos valeurs.
Je voudrais vous interroger sur le rapport de la France à la défense européenne et plus particulièrement à sa BITD. Il semble que nous assistions enfin, face aux menaces auxquelles l'Europe est confrontée, à un réel changement de paradigme pour l'avenir du projet européen – ce sont les mots du président du Conseil. L'Union européenne ne confie plus sa sécurité et sa défense à la seule Otan et les vingt-sept États membres cherchent désormais à accroître sa capacité militaire globale en contribuant à la BITD mais aussi à la facilité européenne pour la paix. Dans le rapport que j'ai écrit l'an dernier pour cette commission au sujet de la loi de programmation militaire, j'ai recommandé que l'Union finisse par sortir de l'ambiguïté au sujet de son autonomie stratégique et je me réjouis que nous avancions sur ce point. Je voudrais cependant vous demander quel rôle la France pourra jouer dans le développement de cette BITD, et quelle place les coopérations bilatérales, comme celle relative au Scaf (système de combat aérien du futur), seront amenées à y prendre.
Au sujet de Gaza, enfin, l'Union européenne se dit prête à coopérer avec toutes les parties, régionales et internationales, pour relancer un processus de paix. Comment, et à quel horizon, envisagez-vous de soutenir cette initiative ? Pour sauver des vies des affres de la guerre, chaque jour, chaque heure et chaque minute comptent.
Les 21 et 22 mars, le Conseil européen, dans un contexte géopolitique tendu, a adopté de nouvelles conclusions. Alors que la situation au Proche-Orient et en Ukraine continue d'inquiéter, à juste titre, nos compatriotes, les échanges tenus lors de la réunion du Conseil ont permis de réaffirmer l'engagement déterminant de la France sur ces deux conflits. La politique de sécurité sur notre continent a également pu y être évoquée en détail. Face à des conflits prenant des formes diverses, il nous faut travailler davantage à l'intégration du marché européen de la défense. Cela passera par le renforcement des coopérations existantes : je pense notamment au règlement pour l'acquisition commune de matériel de défense et à l'action de soutien à la production de munitions. Cela passera également par des programmes développés entre nos nations, comme la coopération sur le Scaf ou la cyberdéfense. Ces projets demandent de très importants financements. Il faut saluer à ce titre l'invitation à adapter sa politique de prêt à l'industrie de la défense que le Conseil a adressée à la Banque européenne d'investissement.
Grâce à son savoir-faire, la France possède une BITD de renommée internationale. À la lumière des échanges que vous avez eus avec vos homologues, de quelle manière envisage-t-elle la coopération en matière de défense avec les autres États membres ?
Je vous remercie de votre venue très rapide à Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche de France, où vous avez pu rencontrer les patrons pêcheurs, les OP (organisations de producteurs), les armateurs, le président du syndicat général des mareyeurs de Boulogne-sur-Mer ainsi que M. Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches des Hauts-de-France et M. Stéphane Pinto, son adjoint. Vous avez su écouter leurs problèmes et leurs inquiétudes, et être attentif à leur demande de quotas pluriannuels, qui leur donneraient une visibilité. Vous avez évoqué le recours de la France à propos des zones marines protégées que les Britanniques nous imposent, ainsi que les négociations à l'horizon 2026 dans le sillage du Brexit : nous avons à l'heure actuelle perdu 25 % de nos quotas, et ils vont sans doute en demander plus encore. Souvenons-nous qu'il aura fallu plus de deux ans pour que nous puissions obtenir une partie importante des licences. Vous avez aussi su les entendre quand ils évoquaient leurs difficultés avec la technocratie bruxelloise. Il est trop tôt pour vous demander l'issue qu'ont rencontrée vos propositions, mais sachez que vous portez leurs espoirs.
Un partenariat stratégique et global avec l'Égypte, initialement prévu pour le premier trimestre 2024, est en cours d'élaboration. Il comprend de nombreux volets : migrations, investissements, écologie ou questions liées à l'eau. En revanche, le sujet des droits de l'homme dans le pays n'a pas été abordé une seule fois, alors même que le Conseil de l'Union européenne s'en inquiète, à juste titre, en Biélorussie, tout comme de la condition des opposants politiques en Russie. À La France insoumise, nous accueillons d'ailleurs des réfugiés politiques russes depuis deux ans, à Montreuil. Nous nous soucions en effet du sort des prisonniers politiques dans ces deux pays, ainsi qu'en Égypte !
L'Égypte est-elle, pour vous, un partenaire fiable, selon les termes de la déclaration sur le partenariat ? Comment jugez-vous le régime du maréchal Al Sissi, un dictateur ?
Je souhaite revenir sur les avancées significatives faites en matière de sécurité et de défense, ainsi que sur les pistes de financement pour augmenter nos capacités de production et construire une véritable industrie européenne de défense. Le Conseil européen a pris une première orientation très claire, pour que la Banque européenne d'investissement puisse étendre son mandat et financer des activités de défense. Parmi les pistes abordées, comme l'emprunt commun ou les eurobonds, certaines étaient plus innovantes, notamment l'utilisation des intérêts produits par les avoirs russes gelés. De quelle manière faire émerger ces dernières pistes d'ici à l'été ?
Je signale à mon collègue Pierre-Henri Dumont qu'atteindre les sept objectifs fixés par la France reviendrait de fait à une réforme constitutionnelle, en Bosnie-Herzégovine.
Ma question est un peu plus complexe : l'Union européenne envisage-t-elle de ne pas saucissonner ses actions entre les six pays ? Il existe, dans cette région, plusieurs initiatives de terrain, préparatoires à l'adhésion. L'une, par exemple, qui aide beaucoup les pays qui en font partie, s'appelle Open Balkans – la Bosnie n'a pas les moyens d'y être. Le Regional Cooperation Council dispose, quant à lui, d'une assemblée parlementaire, représentative des pays du Sud-Est de l'Europe. Une agence de presse étatique, en Bosnie, couvre l'ensemble des six pays. Ces efforts d'intégration locaux, dont je n'ai cité que trois exemples sur une vingtaine, sont-ils pris en compte au sein de l'Union européenne, pour éviter que l'accompagnement ne se résume à une relation entre Bruxelles et la Bosnie, Bruxelles et la Serbie ou Bruxelles et le Monténégro ?
Je vous remercie pour toutes vos questions.
Monsieur le président, le rapport annuel sur l'élargissement sera présenté la semaine prochaine. Nous lui accorderons toute l'importance qu'il mérite.
Madame Klinkert, le soutien de l'Union européenne aux pays candidats, dans un processus qui peut être très long et décourageant, prend deux formes, aussi importantes l'une que l'autre. La première est celle du soutien en expertise. Le secrétaire général des affaires européennes (SGAE) s'est rendu, il y a quelques mois, en Moldavie pour épauler les autorités locales dans leur effort de réforme. Des représentants du gouvernement et de l'administration moldaves viendront, à leur tour, à Paris et reverront le SGAE.
Le deuxième soutien est financier. L'Union s'est accordée sur un plan d'investissement et de croissance de 6 milliards d'euros, dont 2 milliards d'argent frais et 4 milliards d'emprunt à destination des pays candidats des Balkans occidentaux. Ce plan est en cours de finalisation. Un trilogue aura lieu demain pour en définir les contours. Sur le chemin vers l'adhésion, certains pays s'intègrent déjà à des dispositifs européens – je pense notamment à l'itinérance téléphonique, le roaming, dont les Balkans bénéficient.
Monsieur François, nous considérons qu'il y va de l'intérêt de la France et de l'Europe de réussir cette intégration des Balkans occidentaux, parce que nous préférons exporter dans cette enclave européenne notre modèle de stabilité politique, de liberté et de démocratie, plutôt que d'importer, du fait de notre voisinage, l'instabilité qui surviendrait inévitablement sous l'influence qu'y exerceraient de grandes régions beaucoup moins démocratiques, comme la Chine ou la Russie. Si nous faisons patienter trop longuement – plusieurs décennies – ces pays, nous prenons le risque que, s'appuyant sur la fatigue qui pourrait saisir leurs dirigeants et leurs populations, des partis politiques instrumentalisés par de grandes puissances étrangères viennent souffler sur les braises d'une forme de nationalisme qui ne serait, en réalité, qu'un nationalisme sous influence.
Néanmoins, le principe d'adhésion doit continuer de se fonder sur les mérites propres : chaque étape doit être dûment franchie. On ne peut pas accepter de faire entrer dans l'Union européenne des nations qui n'ont pas, comme nous, fait de l'État de droit leur colonne vertébrale.
Sur l'agriculture et le principe de réciprocité, il reste indéniablement du chemin à faire. Mais il faut se rappeler qu'il y a sept ans le principe même de la réciprocité dans les accords commerciaux était tabou. Il a été abordé par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne, où l'on voit apparaître l'idée du procureur commercial européen, ainsi que celle des clauses miroirs. Les choses ont avancé sous la législature qui vient de s'achever. Nous sommes en train de faire obstacle à l'adoption par l'Union européenne de l'accord avec le Mercosur, parce que nous considérons que les conditions de réciprocité et de soutenabilité ne sont pas remplies.
Nous essayons également de rallier, ce qui n'est pas facile, les États membres à une nouvelle conception des accords commerciaux autour de trois critères : la soutenabilité – le respect des accords de Paris –, la réciprocité – les normes environnementales et sanitaires que nous imposons à nos agriculteurs et à nos industriels s'imposent aussi à ceux qui veulent commercer avec nous –, et l'intérêt géostratégique – on ne commerce pas pour commercer mais on commerce avec des régions avec lesquelles on pense avoir un intérêt stratégique. C'est ce qui motive, par exemple, le soutien d'un accord, qui fait certes un peu polémique, avec la Nouvelle-Zélande ou avec le Chili.
C'est vraiment la France qui défend cette idée. L'Europe, pendant longtemps, par temps de paix, s'est contentée de vivre du commerce et a profité d'être un continent de commerçants, beaucoup plus ouvert que les autres régions. Dans le monde actuel, nous ne pouvons plus être naïfs et nous devons évoluer. Le blocage de l'accord avec le Mercosur ne tient qu'à un fil, celui par lequel le Président a lié les mains de la Commission européenne, si vous me permettez cette image. Sans ce fil, l'accord aurait été adopté. Ce n'est pas que nos idées ne soient pas séduisantes, mais, pour certains pays européens, le Mercosur est un débouché vital de leur production industrielle. Nous essayons d'instaurer une nouvelle conception géostratégique du libre-échange et de nos accords commerciaux, quand d'autres pays, qui vivent des temps difficiles sur le plan industriel, voient dans certains accords leur survie. Nous menons un travail de conviction.
Madame Obono, nous ne pouvons pas accepter l'emploi du terme « génocide » dans cette situation. La question de la suspension de l'accord avec Israël a été abordée dans le cadre du Conseil des affaires étrangères. Sans attendre la fin de cette discussion, nous avons pris des sanctions, au niveau français et au niveau européen. Les sanctions que la France a prises à l'égard des colons extrémistes et violents consistent en une restriction d'accès au territoire français. Les six personnes visées par cette interdiction sont, par répercussion, interdites d'accès à l'intégralité de l'espace Schengen.
Quant aux sanctions en cours de finalisation au niveau européen – un accord politique devrait être trouvé dans les prochains jours –, elles frapperont les personnes concernées, en gelant leurs avoirs. Cela constitue une première vague de sanctions. Nous verrons ensuite ce qu'il adviendra de l'accord de coopération.
Monsieur Dumont, s'agissant de la Bosnie, je reprends volontiers à mon compte les remarques de Frédéric Petit : les étapes qu'il convient de franchir s'assimilent quasiment à une réforme constitutionnelle. À terme, nous examinerons la compatibilité des accords de Dayton avec l'adhésion pleine et entière.
Si la France a pris un certain retard dans les Balkans occidentaux, le discours de Bratislava a impulsé un changement majeur, en nous conduisant à rouvrir les relations avec ces pays – on se souvient de la visite du Président de la République en Albanie. Par ailleurs, la diplomatie française s'y déploie non seulement dans le cadre du processus d'adhésion mais aussi, plus généralement, pour établir et renforcer nos relations bilatérales. Même si je n'ai pas encore beaucoup d'expérience dans mes fonctions, je dois dire que le Président de la République est très attentif, à titre personnel, à l'évolution de la situation dans chacun de ces pays.
Il y a bien un débat sur la majorité qualifiée, parce que nous sommes en fin de législature. Deux documents sont en cours de discussion : l'agenda stratégique, qui sera adopté par le Conseil européen du mois de juin, pour en fixer les priorités, et la feuille de route des réformes de l'Union européenne, issue du sommet de Grenade, dans laquelle chaque pays met ce qu'il souhaite. Nous y mettons, pour notre part : la réforme des politiques, pour que l'Europe soit prête à affronter les grands défis à venir et à accueillir les nouveaux pays ; les moyens budgétaires pour répondre à ces objectifs politiques ; les évolutions de gouvernance éventuelles, car nous nous sommes aperçus, dans cette législature où nous avons connu la Covid et la guerre d'agression russe en Ukraine, que l'on pouvait faire bien des choses à traiter constant.
Sur ces questions de gouvernance, il est donc trop tôt pour se prononcer. Nous avons néanmoins les idées assez claires sur certains points. Pour la France, le processus d'adhésion doit rester du ressort de l'unanimité. Une proposition actuellement débattue consisterait à faire passer l'une des étapes du processus d'adhésion à la majorité qualifiée, ce que nous ne soutenons pas à ce stade pour diverses raisons.
Madame Morel, concernant le processus de paix à Gaza, des efforts sont menés au niveau européen, ainsi qu'au niveau bilatéral. Stéphane Séjourné y consacre une partie de son temps et était notamment en déplacement dans la région voilà quelques semaines. Il a d'ailleurs joué un rôle important dans l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu.
Concernant la manière de coopérer avec les autres États membres – question qui rejoint aussi celle de Mme Gérard –, je voudrais commencer par saluer les annonces récentes du ministre des armées en Allemagne, pays avec lequel nous avons deux projets phares : l'avion de combat et le char du futur. Les annonces, qui vont se concrétiser par une signature ces prochains jours, témoignent de l'avancée de ces deux projets industriels majeurs. C'est vraiment la France qui a imposé l'idée de faire respecter la notion de préférence européenne dans les dispositifs de financement européens. Nous avons en Europe – on oublie souvent, par exemple, que la Belgique est le premier producteur au monde de munitions de petit calibre –, une expertise qui doit nous permettre d'aspirer à une autonomie stratégique en matière de défense.
Ce qui est très prometteur, dans le programme présenté par la Commission européenne, c'est qu'il reprend certaines de nos idées : la montée en puissance, la plus grande élasticité de notre base industrielle et technologique de défense, afin d'être capables de monter ou de baisser en charge rapidement, et l'interopérabilité des équipements. Avant même d'aborder des questions de commandement ou d'harmonisation des lignes de commandement en Europe, une première étape est indispensable : avoir des équipements qui fonctionnent entre eux. Il y a actuellement dix-sept types d'hélicoptères dans les armées européennes, parce que l'on a pris l'habitude d'acheter sur l'étagère des équipements et des armements, à droite et à gauche, sans même qu'ils puissent fonctionner ensemble.
Monsieur Pont, s'agissant de la pêche, le Président de la République a rencontré Ursula von der Leyen, le 22 mars, en marge du Conseil, pour lui demander que la Commission européenne autorise, après six ans d'attente, le financement par l'État du renouvellement de segments très vétustes de flottes de pêche dans les outre-mer, qui posaient des problèmes de sécurité et de concurrence inéquitable avec les pêcheurs du voisinage. Pour la Guyane, les Antilles et l'océan Indien, c'est une nouvelle qui était très attendue. Cela a été obtenu de haute lutte.
Les décisions prises par le Royaume-Uni, avec lequel nous entretenons une entente cordiale, de fermer les aires marines protégées la semaine dernière, officiellement pour des motifs, tout à fait légitimes, de préservation de la biodiversité et de la ressource halieutique, ont, quand on y regarde de plus près, carte à l'appui – comme nous l'avons fait à propos de Boulogne, premier port de pêche français –, un caractère très probablement discriminatoire, ce qui n'est pas acceptable. On sait bien que le Royaume-Uni se prépare à un épisode un peu douloureux en 2026, avec la renégociation de l'accord de commerce et de coopération. Ce que j'ai dit avec vous, Monsieur Pont, aux pêcheurs, c'est que nous allions, de notre côté, du vôtre et du leur, nous coaliser avec les États membres qui subissent les conséquences de ces fermetures arbitraires, de manière à peser sur la décision de la Commission d'activer les clauses de rétorsion prévues à l'accord de commerce et de coopération, qui peuvent aller jusqu'à l'application de tarifs douaniers sur les importations britanniques.
Madame Chikirou, il va de soi que le renforcement des liens de coopération entre l'Union européenne et l'Égypte est souhaitable, notamment parce que l'on ne peut pas régler les questions migratoires sans échanger avec les pays de départ. La contrepartie, si l'on peut dire, du pacte sur la migration et l'asile, notamment du point de vue des pays de première entrée que sont l'Italie, l'Espagne ou la Grèce, ce sont bien évidemment les accords de coopération avec les pays de départ, afin que leur développement économique limite la nécessité pour certains de leurs ressortissants de chercher l'asile en Europe, mais aussi pour les accompagner dans l'établissement des systèmes d'information nécessaires à la maîtrise de l'état civil, qui est parfois insuffisante et ne leur permet pas de disposer d'une politique migratoire propre. Ces accords sont indispensables. Un bémol : ils sont négociés avec la Commission européenne. J'ai eu l'occasion de lui dire que les États membres souhaitaient que des comptes leur soient rendus sur les négociations relatives à ces accords de coopération et sur leurs effets.
L'Égypte est un partenaire fiable et central en Méditerranée. Les droits de l'homme sont régulièrement évoqués par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, donc par la France, avec les autorités égyptiennes. C'est le cas aussi de l'Union européenne. Les Égyptiens le savent bien.
Madame Le Grip, la question du financement n'est pas facile, mais les Européens vont être obligés de se la poser. Il faut financer la transition verte, l'autonomie stratégique en matière de défense, ainsi que d'autres domaines, qui avaient été identifiés lors du sommet de Versailles, pendant la présidence française de l'Union européenne, où des dépendances critiques s'étaient accumulées et pourraient continuer de le faire. L'élargissement sera sans doute coûteux. Il n'en reste pas moins que tout le monde veut investir pour la transition verte, que de plus en plus d'États membres veulent investir pour l'autonomie stratégique et qu'une immense majorité convient qu'il faut se préparer à l'élargissement. Mais tout cela coûte de l'argent et les contraintes budgétaires s'appliquent partout, y compris en Allemagne, après le frein constitutionnel imposé par la Cour de Karlsruhe.
Il y a l'argent public. C'est vrai que l'on a fait franchir à l'Europe un pas considérable, avec l'emprunt commun, en juillet 2020. Rappelons qu'il a permis à la France de payer 40 des 100 milliards de France relance. Rappelons aussi, puisqu'une communication a été faite par le ministre de l'économie et des finances tout à l'heure en Conseil des ministres, que nous sommes le pays d'Europe qui a le plus tiré sur ces crédits, ce qui est plutôt une bonne chose, puisqu'il nous est déjà arrivé d'être moins diligents pour nous saisir des fonds européens.
Toutefois, l'histoire de cet emprunt commun n'est pas terminée et ne le sera que lorsque nous aurons trouvé des ressources propres. En effet, lorsque les parlements ont été invités – si l'on peut dire – à voter cet emprunt commun ou ce plan national de relance et de résilience (PNRR), il était prévu qu'à partir de 2028 ou de 2029, des ressources propres commencent à le rembourser. Si nous parlons d'un nouvel emprunt commun, il faudra inévitablement nous mettre autour de la table pour discuter de ce qu'elles peuvent être.
Voilà pour l'argent public. Peut-être existe-t-il d'autres pistes de financement que l'emprunt commun – et nous nous employons d'ailleurs à contribuer au travail que la Commission européenne a engagé en ce sens en vue du Conseil européen du mois de juin.
Il y a aussi l'argent privé. Nous sentons bien que les chefs d'État et de gouvernement européens sont de plus en plus déterminés à sortir de l'ornière le projet d'union du financement ou d'union de l'épargne, que nous appelons depuis une dizaine d'années « union des marchés de capitaux ». Cela supposera d'accepter une supervision européenne et un accroissement de la titrisation, c'est-à-dire de la possibilité dont disposent les banques de se défaire d'une partie de leur portefeuille de prêts pour élargir leur capacité d'investissement. Ce mécanisme fonctionne aux États-Unis, même s'il a complètement dysfonctionné au moment de la crise des subprimes. Depuis lors, en effet, des garanties ont été instaurées pour accompagner cette titrisation, à laquelle nous devons réfléchir.
La réunion de l'Eurogroupe qui suivait le Conseil européen a évoqué l'harmonisation du droit des faillites. De fait, les différences significatives en la matière entre pays européens rendent la tâche difficile pour les créanciers, qui préfèrent se spécialiser à l'échelle d'un seul pays. Se pose ensuite la question des produits d'épargne communs.
Je suis assez optimiste et je pense que nous avancerons, car nous n'avons, en fait, guère le choix si nous voulons atteindre les objectifs politiques que je viens d'évoquer.
Monsieur Petit, il existe, au niveau communautaire, un club des amis des Balkans occidentaux, qui réunit les pays les plus engagés en faveur de l'adhésion la plus rapide possible de ces États. Il s'agit de pays voisins ou qui, comme la Hongrie ou l'Autriche, ont avec ces États des Balkans occidentaux une histoire très ancienne et s'impliquent particulièrement pour les épauler. Cela ne signifie pas pour autant que la France ne fait rien car, depuis le discours de Bratislava, la diplomatie française et les plus hautes autorités de l'État ont véritablement engagé un nouvel investissement au profit de cette région.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses, qui n'ont cependant été que partielles, à ma question portant sur l'élargissement de l'Union européenne dans les Balkans et sur la convergence économique avec ces pays, où le niveau de vie et le salaire minimum sont très inférieurs à ceux des Français – le parallèle est possible avec les anciens pays de l'Est, dont l'adhésion a engendré une concurrence déloyale directement appliquée par la France.
Je suis surpris par la pirouette par laquelle vous m'avez répondu que ces pays pourraient tomber sous l'influence de pays comme la Chine ou la Russie, alors que M. Séjourné, votre ministre de tutelle, qui s'est rendu en Chine pour célébrer les soixante ans des relations diplomatiques entre la France et la Chine, n'a pas eu un seul mot sur son régime dictatorial communiste, sur son agressivité territoriale, ni sur le respect de l'État de droit.
Une convergence économique et sociale est évidemment un préalable à l'adhésion. Dans certains des pays que nous avons cités, ce processus prendra dix ans ou plus.
Par ailleurs, le dumping social, comme vous l'appelez dans votre question, n'est pas une fatalité. Je m'étonne à mon tour que, lorsque nous avons régulé le travail détaché pour régler le cas si souvent évoqué du plombier polonais, comme le Président de la République s'était engagé à le faire en 2017 à la Sorbonne, votre formation politique n'ait pas soutenu cette démarche. Or, aujourd'hui, on ne parle plus de ce célèbre plombier, précisément parce qu'entre la régulation du travail détaché et la directive relative au salaire minimum, que la France a promues et soutenues, nous parvenons à élever nos partenaires vers les standards démocratiques, économiques et sociaux auxquels nous nous tenons – et c'est là le projet européen. Le processus sera long, laissant à ces pays le temps de la convergence.
La Commission a nommé, sur proposition de M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Aurélie Trouvé, rapporteure d'information portant observations sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436).
La séance est levée à 17 heures 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre-Henri Dumont, M. Thibaut François, Mme Félicie Gérard, M. Benjamin Haddad, Mme Brigitte Klinkert, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, Mme Lysiane Métayer, Mme Louise Morel, Mme Danièle Obono, M. Frédéric Petit, M. Jean-Pierre Pont, Mme Sandra Regol, Mme Sabine Thillaye
Excusé. - M. Charles Sitzenstuhl